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04/01/2023 | FRANCE | N°18/18321

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 04 janvier 2023, 18/18321


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 04 JANVIER 2023



(n° /2023, 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/18321 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6DXA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/10127





APPELANTS



Monsieur [M] [A]

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représenté par Me C

hristofer CLAUDE de la SELAS REALYZE, avocat au barreau de PARIS, toque : R175



Mutuelle LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS prise en la personne de ses représentants légaux, docimiciliés ès-qualités audit...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 04 JANVIER 2023

(n° /2023, 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/18321 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6DXA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/10127

APPELANTS

Monsieur [M] [A]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Christofer CLAUDE de la SELAS REALYZE, avocat au barreau de PARIS, toque : R175

Mutuelle LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS prise en la personne de ses représentants légaux, docimiciliés ès-qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Christofer CLAUDE de la SELAS REALYZE, avocat au barreau de PARIS, toque : R175 et Me Axelle REALYZE

INTIMES

Madame [F] [W]

[Adresse 5]

[Localité 2])

Monsieur [E] [Z]

[Adresse 5]

[Localité 2])

Représentés par Me Stéphane SAINTON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0949

SA ALLIANZ ès qualités d'assureur de la société CBE, agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général y domicilié

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Ayant pour avocat plaidant Me Catherine MAULER, avocate au barreau de Paris

Société CBE

[Adresse 9]

[Localité 11]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Alexandra Pélier-Tétreau, conseillère chargée du rapport et Madame Elise Thevenin-Scott, conseillère faisant fonction de présidente.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Elise Thévenin-Scott, conseillère faisant fonction de présidente

Valérie Guillaudier, conseillère

Alexandra Pélier-Tétreau, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRET :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère faisant fonction de présidente et par Céline RICHARD, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Courant 2010, M. [E] [Z] et Mme [F] [W] ont fait procéder, en qualité de maîtres de l'ouvrage, à des travaux de rénovation de l'appartement dont ils sont propriétaires [Adresse 6].

La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à M. [M] [A], assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (la Maf), et la société CBE, assurée auprès de la SA Allianz Iard, a été chargée de la réalisation des travaux.

La date d'achèvement du chantier était fixée au 10 septembre 2010.

Invoquant un retard important d'exécution et l'existence de malfaçons graves, les consorts [Z]-[W] ont fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier le 1er octobre 2010, puis sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris une mesure d'expertise.

Par ordonnance du 18 novembre 2010, M. [S] a été désigné en qualité d'expert. Il a été remplacé par M. [L] par décision du 27 mai 2014.

L'expert a déposé son rapport le 30 avril 2015.

Par actes d'huissier des 18, 21 avril et 10 juin 2016, les consorts [Z] [W] ont fait assigner M. [A], la Maf, la société CBE et la SA Allianz Iard devant le tribunal de grande instance de Paris, afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par décision du 22 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

Condamné in solidum la société CBE et M. [M] [A] à payer à M. [E] [Z] et Mme [F] [W] les sommes suivantes :

- 48 076,30 euros au titre du préjudice matériel,

- 13 074 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 3 000 euros au titre du préjudice moral,

- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les intérêts au taux légal courront sur ces sommes à compter du présent jugement,

Fixé le partage de responsabilité comme suit :

- M. [A], garanti par la Maf : 30 %,

- La société CBE : 70 %,

Condamné la société CBE à garantir M. [A] et la Maf dans ces proportions,

Condamné la société CBE, M. [M] [A] et la Maf aux dépens, comprenant les frais d'expertise et du constat d'huissier de Me [P] [T] (615,14 euros),

Déclaré la Maf bien fondée à opposer ses limites de garantie que sont ses plafonds et franchises,

Accordé le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre,

Prononcé l'exécution provisoire.

Par déclaration du 20 juillet 2019, M; [M] [A] et la Mutuelle des Architectes Français ont interjeté appel de la décision, intimant M. [E] [Z] et Mme [F] [W], et l'assureur de la société CBE, la société Allianz Iard, devant la cour d'appel de Paris.

Faisant suite au moyen soulevé en cause d'appel par les consorts [W]-[Z], tiré de l'autorité de la chose jugée des chefs du jugement du 22 mai 2018 visant la société CBE, laquelle n'avait pas été appelée dans la cause en qualité d'intimée, M. [A] et la Maf ont, par acte du 4 novembre 2019, à nouveau interjeté appel de ce jugement intimant la société CBE devant la cour.

Les deux dossiers ont été joints, selon ordonnance du 12 mai 2020.

Sur saisine des consorts [W]-[Z], le conseiller de la mise en état a, suivant ordonnance du 29 septembre 2020, jugé recevable l'appel interjeté contre la société CBE, nonobstant sa dissolution en décembre 2011 et sa radiation administrative du Régistre du Commerce et des Sociétés de [Localité 12].

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 décembre 2020, M. [M] [A] et la Maf demandent au tribunal, au visa des articles 1792 du code civil, 1134, 1147 (anciens) et 1382 du code civil, et de l'article L. 124-3 du code des assurances, de :

- Les déclareer recevables en leur appel total du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 22 mai 2018 sur l'ensemble des chefs de jugement critiqués ;

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 22 mai 2018,

Statuant à nouveau, à titre principal,

- Dire et juger que les travaux n'ont pas été réceptionnés,

Par conséquent,

- Débouter les consorts [W]-[Z] de leurs demandes fondées sur l'article 1792 du code civil,

- Dire et juger que la réalité des désordres, non façons et non-conformités allégués n'a pas été constatée par l'expert judiciaire,

- Dire et juger qu'aucun manquement contractuel de M. [A] n'est valablement démontré,

Par conséquent,

- Débouter les consorts [W]-[Z] de leurs demandes fondées sur l'article 1147 du code civil,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que la responsabilité de M. [A] ne saurait excéder 20% des sommes qui seront retenues par le tribunal,

- Dire et juger n'y avoir lieu à condamnation in solidum avec l'entreprise CBE,

- Dire et juger que les montants retenus par l'expert judiciaire ne sont pas justifiés,

- Limiter l'indemnisation des consorts [W]-[Z] à 5 084 euros HT, seul montant validé par le premier expert ;

- Dire et juger que la société Allianz Iard devra les garantir de toute condamnation au titre de la présente instance,

A titre encore plus subsidiaire,

- Limiter l'indemnisation des consorts [W]-[Z] à 12 234 euros, correspondant au devis de l'entreprise Batisur pour les travaux réparatoires ;

Dans tous les cas,

- Dire et juger que la Maf sera bien fondée à opposer les conditions et limites de sa police, ainsi que le montant de sa franchise,

- Dire et juger que la société Allianz Iard devra les garantir de toute condamnation au titre de la présente instance,

- Condamner tout succombant à leur payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner tout succombant aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 janvier 2021, M. [E] [Z] et Mme [F] [W] demandent au tribunal de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Débouter M. [M] [A] et La Mutuelle des Architectes Français de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions ;

- Condamner solidairement M. [M] [A] et La Mutuelle des Architectes Français à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [M] [A] et La Mutuelle des Architectes Français aux dépens de la présente instance, dont distraction au profit de l'avocat postulant aux offres de droit.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 mai 2020, la société Allianz Iard, en qualité d'assureur de la société CBE et au visa des articles 1792 et suivants du code civil, les articles 1240 et subsidiairement 1231-1 du code civil, l'article L. 124-3 du code des assurances, demande au tribunal de :

Sur l'absence de mobilisation de la police souscrite auprès d'elle,

- Constater qu'aucune partie ne conteste le jugement en ce qu'il a écarté les prétentions des consorts [W] - [Z] en tant que fondées sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil et retenu l'absence de réception,

- Dire et juger la décision définitive en ce qu'elle a écarté toute mobilisation de la garantie décennale,

- Dire et juger que ses garanties D et E sont inapplicables en l'absence de réception et de vice survenu postérieurement à la réception,

- Dire et juger que les différends survenus entre le maître d'ouvrage, la maîtrise d''uvre et l'entreprise trouvent leur origine dans la constatation de diverses anomalies ayant conduit à l'arrêt des travaux et à la résiliation unilatérale des marchés par le maître d'ouvrage.

- Dire et juger que les désordres constatés par l'expert judiciaire ne revêtent pas la qualité de « dommages matériels » au sens de la police souscrite auprès d'elle par la société CBE, dont la mobilisation s'avère dès lors impossible,

- Dire et juger que les conditions d'application de la garantie A ne sont pas, en l'espèce, réunies dans la mesure où les dommages constatés ne présentent pas un caractère fortuit et soudain,

- Dire et juger que la police n'est pas davantage mobilisable s'agissant des préjudices immatériels allégués par les demandeurs dans la mesure où ils ne sont pas consécutifs à un dommage matériel garanti au titre du contrat,

- Dire et juger qu'aucune condamnation ne saurait être ordonnée à son encontre au titre des préjudices matériels dans la mesure où sont expressément exclus de la police les dommages aux ouvrages exécutés par l'assuré ou les dommages dépourvus de caractère aléatoire ou résultant de tout arrêt de travaux,

En conséquence,

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que sa garantie n'est pas mobilisable,

- Débouter purement et simplement M. [A] et la Maf, et toute autre partie, de l'ensemble de leurs prétentions en tant que dirigées à son encontre,

Subsidiairement, et dans l'hypothèse où la cour estimerait, par extraordinaire, que la police souscrite auprès d'elle serait mobilisable :

- Dire et juger que les activités déclarées par la société CBE auprès d'elle sont particulièrement limitées, les travaux relatifs aux démolitions, aux revêtements de sol, à l'électricité, aux installations aérauliques et à la peinture ne faisant pas partie des activités garanties,

- Dire et juger que s'agissant des travaux relatifs à la plomberie sanitaire, les désordres allégués par les requérants n'ont pu être contradictoirement constatés dans la mesure où les travaux de reprise ont été réalisés antérieurement à la mesure d'instruction,

- Dire et juger que s'agissant des installations thermiques, le remplacement de la chaudière validé par l'expert judiciaire à hauteur de 5 084 euros n'était pas contractuellement prévu à l'origine et correspond par conséquent à une amélioration de l'ouvrage qui ne pourra que demeurer à la charge exclusive des requérants,

Par conséquent,

- Dire et juger qu'au regard des activités assurées (maçonnerie / béton armé ' plomberie ' couverture) la police souscrite auprès d'elle n'a nullement vocation à trouver application en l'espèce,

- Dire et juger que les préjudices immatériels sollicités ne pourront qu'être purement et simplement écartés faute pour les demandeurs de justifier de leur réalité par la production du moindre document,

Au surplus,

- Dire et juger que la police souscrite par la société CBE auprès d'elle a été résiliée le 17 octobre 2011, de sorte que les garanties facultatives n'ont plus vocation à trouver application,

- Dire et juger que le préjudice moral allégué ne répond nullement à la définition des « dommages immatériels » figurant aux conditions générales de la police, s'agissant d'un préjudice extrapatrimonial,

Dans ces conditions,

- Débouter M. [A] et la Maf de l'intégralité de leurs prétentions en tant que dirigées à son encontre, laquelle ne pourra qu'être mise hors de cause,

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire une condamnation serait prononcée à l'encontre de la concluante,

- Condamner M. [A] et son assureur la Maf à la relever et la garantir de toute condamnation éventuelle, en application des articles 1240 du code civil et L. 124-3 du code des assurances, et ce en principal, intérêts, frais et tous autres accessoires,

En tout état de cause,

- La dire et juger recevable et bien fondée à opposer les limites de ses obligations contractuelles (franchise) tant à son assuré qu'aux tiers s'agissant de garanties facultatives en application de l'article L. 112-6 du code des assurances,

- Condamner M. [A] et la Maf ou à défaut tout succombant à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [A] et la Maf ou à défaut tout succombant aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire dont distraction opérée conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées à la société CBE par acte d'huissier le 31 janvier 2020 selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, toutefois, la société CBE n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2022 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 20 septembre 2022.

MOTIFS

Sur l'indemnisation des préjudices consécutifs aux désordres

Exposé des moyens de parties

M. [A] et la Maf, poursuivant l'infirmation du jugement, soutiennent que la matérialité des désordres n'est pas établie en ce qu'ils n'ont fait l'objet d'aucun constat contradictoire, à l'exception des travaux d'urgence, que les conclusions de l'expert judiciaire ne sauraient donc constituer un élément destiné à éclairer la cour, puisqu'elles ne reposent sur aucun constat réel des désordres et que les consorts [W]-[Z] ont fait réaliser les travaux réparatoires hors la vue de l'expert judiciaire et des parties, sans aucune autorisation préalable, alors que le premier expert (M. [S]) était dans l'attente d'une liste exhaustive et actualisée des désordres et malfaçons affectant l'appartement. Ils ajoutent que l'architecte a rempli sa mission jusqu'à résiliation de son contrat, sans qu'aucune faute soit démontrée par les maîtres d'ouvrage. Ils demandent en conséquence que seuls les travaux de remplacement de la chaudière (tels qu'autorisés par M. [S], pour un coût de 5 084 euros HT), soient compris dans l'évaluation du préjudice matériel indemnisable. Subsidiairement, ils sollicitent la prise en charge du devis qu'ils produisent établi par la société Batisur à hauteur de 12 234 euros.

Les consorts [W]-[Z], sollicitant la confirmation du jugement tant sur les responsabilités retenues que sur le quantum du préjudice, prétend que la société CBE n'a pas rempli ses obligations contractuelles en ce qu'elle n'a pas terminé les travaux commandés, a exécuté des travaux hors des règles de l'art, et a exécuté des travaux d'électricité sans qualification professionnelle, au mépris des normes applicables, sans calcul de puissance et de foisonnement, donnant lieu à une installation qui s'est avérée dangereuse et qui doit être entièrement déposée pour réfection totale. S'agissant de M. [A], ils soutiennent qu'il a violé son devoir de conseil et son obligation d'assistance du maître d'ouvrage et de suivi de chantier, en ce qu'il n'a pas conseillé son client en termes de durée des travaux, par rapport à la période estivale, ni par rapport à la période de préparation nécessaire, qu'il n'a pas rempli de planning ni de véritable CCTP des lots de travaux, qu'il a recommandé l'entreprise CBE à ses clients, qu'il n'a pas vérifié l'adéquation de l'assurance professionnelle de l'entreprise au regard du type de travaux à effectuer, ni les qualifications précises de la société CBE, et qu'il n'a pas dirigé suffisamment les travaux pendant les mois de juillet et août 2010.

Réponse de la cour

Sur les désordres, leur origine et leur qualification

Il apparaît que M. [L], second expert, a mené ses opérations d'expertise à partir du procès-verbal de constat d'huissier du 1er octobre 2010 établi avant sa désignation judiciaire et dressé au contradictoire de M. [A] et de M. [U], gérant de la société CBE.

Au surplus, dans le paragraphe consacré à la méthodologie figurant en page 9 de son rapport, M. [L] a pris soin de préciser qu'à la suite de la désignation de M. [S] : 'Les parties ont approuvé le fait de prendre en compte la description des désordres faite par Me [P] [T], huissier de justice à [Localité 12], le 1er octobre 2010 qui a effectué ses constatations contradictoirement en présence des défendeurs qui n'ont formulé aucune observation ou désaccord.'

M. [S] et M. [L] ont ensuite organisé respectivement trois et deux réunions d'expertise dans l'appartement des demandeurs.

Dans ces conditions, étant rappelé que l'huissier de justice est un officier ministériel assermenté dont les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire, c'est par une exacte appréciation des faits et du droit que le tribunal a retenu les désordres, inexécutions, malfaçons et non-conformités qui y sont décrits, nonobstant la circonstance invoquée par les appelants selon laquelle les deux experts judiciaires successifs seraient intervenus postérieurement aux travaux de reprise, ne pouvant ainsi eux-mêmes constater les désordres allégués.

Ainsi, il ressort du procès-verbal de constat dressé par Me [P] [T] qu'au 1er octobre 2010 les éléments suivants :

'BUREAU

Cette pièce est encombrée de cartons entassés.

Sol

Le sol est constitué d'une chape avec ragréage béton. Le revêtement de sol est manquant.

Murs

L'enduit est réalisé. Les finitions ne sont pas réalisées.

Il manque les deux couches de peinture.

La grille de ventilation à gauche de la fenêtre n'est pas remise en état (scotch barbouillé de peinture).

A droite de la fenêtre, un morceau de baguette verticale bois est cassé et manquant (sur environ 10 cm).

Plafond

La peinture est terminée.

Placard mural :

Les portes du placard ne sont pas peintes.

Les portes ne sont pas de la bonne dimension : les vantaux frottent contre les murs : un démontage et découpage est nécessaire

Les poignées sont manquantes.

La peinture intérieure est réalisée.

Coffrage des canalisations

La peinture du coffrage en médium n'est pas réalisée.

Radiateur

Il n'existe aucun radiateur dans cette pièce.

Electricité

Les appareillages sont manquants (prises électriques, prise de terre et interrupteurs).

Il est impossible de tester le fonctionnement des prises électriques du fait de leur inaccessibilité due à l'encombrement de la pièce.

Fenêtres

Il existe deux fenêtres avec boiseries anciennes : je constate qu'aucun nettoyage ni reprise en peinture n'ont été réalisés.

Dans la cloison avec la salle de bains, il existe une verrière en trois parties avec cornières métalliques et vitrage dépoli.

Les vitrages ont été livrés mais ne sont pas posés : ils sont maintenus en place par des scotchs.

Les pare closes et joints d'étanchéité sont manquantes.

CIRCULATION

Les finitions sur enduit et peintures ne sont pas réalisées.

Les portes du placard mural ne sont pas peintes et sont dépourvues d'huisserie ;

Les penderies intérieures sont manquantes.

SALLE DE BAINS COTE ENFANTS

Sol

Le dallage au sol est posé.

Les plinthes assorties au carrelage sont posées à l'exception de la zone située sur le coffrage des canalisations en plinthe à gauche du plan vasque.

La barre de seuil est manquante.

Murs

L'enduit est réalisé. Les finitions ne sont pas réalisées.

Il manque les deux couches de peinture.

Les finitions ne sont pas réalisées en bordure de la faïence murale (retours de chaque coté des deux panneaux).

Plafond

L'enduit est réalisé. Les finitions ne sont pas réalisées.

Il manque les deux couches de peinture.

Electricité

La machine lavante /séchante est installée en allège de la verrière donnant sur le bureau.

Il faut démonter le plan supérieur de la machine pour qu'elle s'encastre sous la tablette.

Il est impossible d'encastrer complètement la machine car les tuyaux d'évacuation sont installés contre le mur du fond et empêchent de pousser la machine au fond de cet espace réservé.

Il existe aucun habillage, aucune menuiserie à l'emplacement des machines à encastrer en allège.

La ventilation mécanique fonctionne mais est anormalement bruyante.

M. [G] [U] démonte le cache de la VMC sise dans le plafond de la douche.

Sur ce boitier, le courant indiqué est en 220 -240 V.

Lavabo

Le plan vasque réalisé en aggloméré hydrofuge est à l'état brut sans finition ni revêtement.

La vasque est posée sur ce plan et non fixée.

L'évacuation du lavabo, lorsque que celui-ci est rempli, provoque une remontée d'eau par le siphon de la douche.

La robinetterie de ce lavabo est posée et en état de fonctionnement.

WC COTE ENFANTS

L'enduit est réalisé. Les finitions ne sont pas réalisées.

Il manque les deux couches de peinture.

Une pompe de relevage est installée et dissimulée par un coffrage : la partie supérieure du coffrage en bois est mal ajustée.

La VMC est bruyante et de même facture que celle constatée dans la salle de bains ci-dessus.

La cuvette de WC est installée contre le mur situé face à la porte palière.

Sur le plan d'architecte, que la cuvette WC est dessinée au droit du lave-mains adossée au mur de gauche en entrant.

L'huisserie de la porte palière est manquante.

CHAMBRE ENFANTS 1 et 2

Cloison séparative

Une cloison a été montée pour séparer cette pièce en deux chambres.

La cloison est enduite et peinte.

Les débordements de peintures sur les murs adjacents à cette cloison n'ont pas été repris.

Aucune protection préalable n'a été mise en 'uvre sur les murs adjacents et le plafond : les débordements de peinture sur les murs et plafond sont importants et grossiers et n'ont pas été repris.

La peinture des deux pièces toutes entières est à reprendre.

Electricité

Des prises électriques supplémentaires ont été créées : deux dans chaque chambre : ces prises fonctionnent.

Les câblages électriques alimentant ces prises ont été encastrés dans les murs : je constate que les finitions sur le rebouchage à l'enduit ne sont pas faites et que les reprises de peinture ne sont pas réalisées.

Les rebouchages à l'enduit sont grossiers.

Il existe dans ces deux pièces des prises électriques anciennes (deux dans chaque pièce) ; je teste ces prises anciennes au moyen d'une lampe et constate qu'elles sont hors d'usage.

Il n'existe aucun radiateur.

Portes

Chambre 1 : le gond central, la gâche, les poignées et la serrure sont manquants.

Chambre 2 : l'huisserie est manquante.

Mobilier

Des marques de brûlures indélébiles sur le dessus d'une commode en bois clair.

ENTREE

Une porte coulissante encastrée dans la cloison donnant sur le couloir coté enfants.

Le panneau en bois brut coulisse sur des rails haut et bas ;

La peinture n'est pas réalisée et l'huisserie est manquante.

Le panneau ne se ferme pas complètement : la plinthe le long du mur doit être ajustée pour permettre la fermeture complète du panneau.

Au droit de la porte palière, des câblages pendants sectionnés et non raccordés provenant du plafond.

Il s'agit des câbles téléphone et TV hors d'usage.

La peinture du coffrage électrique n'est pas réalisée.

La peinture des murs et plafond n'a pas été réalisée.

En plafond, à gauche de la porte palière, je constate qu'une grille de ventilation a été vissée. Je constate qu'aucune finition ni mise en peinture n'ont été réalisées à cet endroit.

La sonnette située sur l'encadrement extérieur de la porte palière a été déposée ; les fils électriques sont à nus.

Dans cette entrée, il existe un radiateur de chauffage central.

Il ne fonctionne pas.

PIECE PRINCIPALE

Murs et plafond

Des modifications ont été réalisées au niveau de l'agencement : élargissement des ouvertures sur l'entrée et la cuisine.

L'encadrement sur l'entrée a été enduit.

Les débordements d'enduit sur les murs adjacents et en plafond n'ont pas été repris.

Aucune protection préalable n'a été mise en 'uvre sur les murs adjacents et le plafond : la peinture de la pièce est souillée et hors d'usage en pourtour des encadrements des ouvertures donnant sur l'entrée et la cuisine.

La peinture de la pièce principale toute entière est à reprendre.

Electricité

Des prises électriques supplémentaires ont été créées : Les câblages électriques alimentant ces prises ont été encastrés dans les murs : je constate que les finitions sur le rebouchage à l'enduit ne sont pas faites et que les reprises de peinture ne sont pas réalisées.

Les rebouchages à l'enduit sont grossiers.

Porte

Il existe une porte coulissante encastrée dans la cloison donnant sur le couloir coté chambre des parents.

Le panneau en bois brut coulisse mal : le rail bas est manquant ; la peinture n'est pas réalisée et l'huisserie est manquante.

Le panneau ne se ferme pas complètement : la plinthe le long du mur doit être ajustée pour permettre la fermeture complète du panneau.

CUISINE

Sol

La jonction entre le parquet de la circulation et le dallage de la cuisine n'est pas réalisée : il subsiste un espace vide entre les deux revêtements qui n'est pas comblé.

Un écart de hauteur entre les deux revêtements.

Equipements

Un plan de travail a été posé en trois parties.

Je constate que sous ce plan de travail, les meubles sont en vrac.

Les portes des meubles et façade de tiroirs ne peuvent être posées car les meubles ne sont pas ajustés aux dimensions de la cuisine.

La pose des éléments de cuisine est anarchique et désordonnée.

L'ensemble des équipements posés est à déposer et que l'agencement est entièrement à reprendre.

Les portes des placards muraux ne sont pas ajustées et ne fonctionnent pas correctement.

Les charnières des portes ne sont pas adaptées : il s'agit de charnières fixes et non oscillo-battantes.

Aucune peinture n'a été faite sur ces placards.

L'intérieur des placards n'est pas aménagé : les équipements achetés par les requérants y sont stockés en vrac.

WC

Sol

Le dallage au sol est réalisé.

Il n'existe pas de barre de seulet aucune jonction n'a été finalisée entre le dallage et le parquet adjacent.

Murs

La peinture n'a pas été réalisée.

Je constate que les coffrages en BA 13 sont à l'état brut.

En partie haute, il existe un panneau BA vissé en pourtour de la chaudière.

Il n'existe pas de trappe de visite pour accéder à la tuyauterie mais qu'il faut démonter complément ce pan de mur pour y accéder.

La chaudière ne fonctionne pas.

Les boiseries de la petite fenêtre haute sont barbouillées de peinture.

Equipements

Il existe une cuvette WC posée contre le mur sis à gauche de la porte palière.

Cette cuvette est posée très près du mur sis au fond de la pièce et que l'utilisation en est ainsi mal aisée du fait du manque d'espace entre celle-ci et le mur.

SALLE DE BAINS

De la faïence murale (mosaïque) a été posée sur les murs et sur le tablier de baignoire

La pose est inesthétique et inappropriée sur le tablier de baignoire : la mosaïque forme des vagues et des surépaisseurs

Une trappe de visite a été réalisée au milieu du tablier de baignoire et que la pose de faïence sur cette trappe est inesthétique et défectueuse.

Le contour de cette trappe est recouvert par les joints de carrelage qui ont été fait sur l'ensemble,

La porte de la trappe n'a pas été mise en faïence distinctement mais dans la masse du tablier de baignoire

Les finitions en pourtour de la faïence murale ne sont pas réalisées notamment en allège de fenêtre.

Les joints en silicone en pourtour de baignoire sont grossiers et très mal réalisés. Je constate des surépaisseurs, des masses inégales, des parties s'effritent.

Il existe un coffrage bois au mur au-dessus du lavabo.

Des trous ont été réalisés à la perceuse sur ce coffrage formant des motifs géométriques.

La peinture des murs, placards et coffrages n'est pas réalisée.

La robinetterie neuve de la baignoire est fuyarde : les joints de robinet sont manquants.

Le plan vasque est à l'état brut.

CHAMBRE

Des prises électriques supplémentaires ont été créées et que le radiateur a été déplacé.

Les câblages électriques alimentant ces prises ont été encastrés dans les murs : je constate que les finitions sur le rebouchage à l'enduit ne sont pas faites et que les reprises de peinture ne sont pas réalisées.

Les rebouchages à l'enduit sont grossiers.'

La mesure d'investigation a également permis d'établir que l'installation électrique n'était pas conforme aux normes en vigueur et qu'elle était même dangereuse.

Ainsi, selon ce qui a été retenu par les premiers juges, la matérialité des désordres est établie.

Les consorts [Z]-[W] renoncent désormais à se prévaloir du caractère décennal des désordres. En tout état de cause, tous les désordres précités ont fait l'objet d'un procès-verbal de constat d'huissier avant que les demandeurs résilient les contrats du maître d'oeuvre et de l'entreprise.

Ils relèvent par conséquent de la responsabilité contractuelle de droit commun issue de l'article 1147 applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 qui dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Sur la responsabilité de l'entreprise et la garantie des assureurs

Sur la responsabilité des locateurs d'ouvrage

- Sur la responsabilité de M. [A]

L'architecte a une obligation générale, permanente et continue, qui naît avec le contrat qui se décompose en une obligation de renseignement et de conseil, et un devoir d'assistance du maître d'ouvrage, dans les limites de sa mission. Cette obligation ne s'étend pas aux faits qui sont de la connaissance de tous.

Le maître d'oeuvre doit notamment coordonner les travaux, vérifier le respect des règles de sécurité, l'évolution des coûts, établir des situations de travaux. Il doit également apprécier la nécessité de procéder à certains travaux supplémentaires.

L'architecte est responsable, dans le cadre d'une obligation de moyens, du retard et de la surveillance des travaux, et doit à ce titre faire procéder à la reprise des malfaçons et à la rectification le cas échéant des erreurs. Il n'est toutefois pas le gardien du chantier.

En l'espèce, concernant la responsabilité de M. [A], chargé du suivi de la bonne exécution des travaux, la cour relève qu'il ne verse à la procédure que trois comptes rendus de réunion de chantier. Le premier est daté du 13 juillet 2010 et prévoit une réunion de chantier tous les lundis matin. Or, le second compte rendu est daté du 22 septembre 2010, soit au-delà de la date estimative d'achèvement et le troisième du 25 septembre suivant.

Dans ces conditions, M. [A] ne justifie pas avoir rempli correctement sa mission de suivi de l'exécution du chantier, l'état dans lequel il a été décrit par l'huissier de justice au terme de son constat du 1er octobre 2010 le confirme amplement.

De surcroît, M. [A], qui a recommandé la société CBE aux maîtres d'ouvrage, ne s'est pas assuré que l'entreprise était régulièrement assurée pour l'ensemble des prestations à exécuter, puisqu'il ressort des conditions particulières de la police à laquelle la société CBE a souscrit auprès de la SA Allianz Iard qu'elle n'avait déclaré que les activités de maçonnerie-béton armé, plomberie, installations sanitaires, chauffage à eau chaude ou vapeur et couverture. Il ne s'est pas non plus assuré des compétences et qualifications de l'entreprise pour la réalisation de l'entier chantier.

Enfin, l'architecte n'a pas conseillé les maîtres d'ouvrage sur la durée des travaux, notamment au regard de la période estivale, n'a pas établi de planning par tâche sur les différentes phases du chantier.

Tous ces manquements justifient la décision des maîtres de l'ouvrage de résilier le contrat de l'architecte le 20 octobre 2010 et engagent la responsabilité contractuelle de M. [A].

Toutefois, la cour relève que le délai indiqué au contrat de maîtrise d'oeuvre n'était qu'estimatif et relevait d'un planning prévisionnel de travaux, ne liant pas les parties de manière ferme et définitive. Il s'ensuit qu'en aucun cas, le maître d'oeuvre ne s'est engagé sur un délai d'achèvement fixe, à la différence de la société CBE.

Par conséquent, la circonstance que les travaux n'aient pas été terminés dans les trois mois suivant la signature du contrat ne peut être assimilée à un retard de chantier imputable à M. [A], les maîtres d'ouvrage n'ayant pas inséré la durée des travaux dans un délai déterminé au-delà duquel le non-respect du contrat serait caractérisé.

Ainsi, si au 1er octobre 2010 l'appartement était toujours inhabitable, en l'absence d'eau chaude et de chauffage, et si des inexécutions étaient constatées, cette situation ne peut valablement être reprochée au maître d'oeuvre, dès lors qu'en l'absence de date d'achèvement fixe, elles pouvaient encore être corrigées par la société CBE sous le contrôle du maître d'oeuvre.

S'agissant en revanche des malfaçons et non-conformités affectant les travaux, qui concernent le branchement défectueux de la chaudière et l'installation électrique défaillante, il y a lieu de considérer qu'elles sont imputables au maître d'oeuvre.

- Sur la responsabilité de l'entreprise

L'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat, sur la base de l'article 1147 du code civil, qui entraîne présomption de responsabilité contre lui, sauf preuve d'une cause étrangère. Avant réception, il est responsable des non-conformités, de "tout désordre" et des délais d'exécution convenus avec le maître de l'ouvrage.

L'obligation principale de l'entrepreneur est ainsi d'exécuter le travail commandé et livrer l'ouvrage dans le délai convenu. En l'absence de délais contractuels, l'exécution doit être faite dans un délai raisonnable.

L'entrepreneur a en outre une obligation de moyens au titre de son devoir de conseil à l'égard du maître d'ouvrage, du maître d'oeuvre et des autres entrepreneurs.

En l'espèce, l'annexe - clauses particulières - du marché, contresignée par la société CBE, entreprise chargée par M. [A] d'exécuter les travaux, stipule que : « L'entrepreneur s'engage formellement sur la durée du chantier, hors intempéries, indiquée dans le présent article. Les travaux sont prévus en une phase : Délai d'exécution : du mardi 6/07/2010 au vendredi 11/09/2010 » (Article 6 "DELAIS").

Le même jour, les consorts [W]-[Z] ont signé avec la société CBE une lettre d'engagement, aux termes de laquelle l'entrepreneur s'est engagé à exécuter les travaux conformément à son devis du 5 juillet 2010, moyennant une somme forfaitaire non révisable de 69 700,80 euros TTC.

Il s'ensuit que la société CBE devait exécuter son marché avant le 11 septembre 2010. Dès lors, les inexécutions constatées à cette date sont entièrement imputables à l'entreprise.

En outre, les malfaçons et désordres relevés par Me [P] et rappelés supra caractérisent le manquement de la société CBE à l'obligation de résultat à laquelle elle était tenue vis-à-vis des consorts [Z]-[W], engageant sa responsabilité contractuelle à leur égard. Il doit être souligné que l'expert a qualifié l'installation électrique réalisée par l'entreprise de dangereuse, conformément aux conclusions du rapport de l'organisme Consuel du 2 mai 2011.

La cour retient par conséquent que la société CBE sera tenue responsable tant des inexécutions constatées à la date d'achèvement contractuel du marché, que des malfaçons et des non-conformités soulignées par l'huissier de justice.

Sur la garantie des assureurs

La Maf ne conteste pas sa garantie, sous réserve de l'application de ses limites qui sont effectivement opposables aux tiers en matière d'assurance facultative.

S'agissant de la société Allianz Iard, il ressort des conditions générales n°COM09238, auxquelles les conditions particulières signées par la société CBE renvoient que sur le volet responsabilité civile de la police, les travaux réalisés par l'assuré ne sont pas garantis.

Il est en effet indiqué en page 17, à l'article 3.5 :

« 3.5 ' Ce que nous ne garantissons pas :

Outre les cas d'exclusions prévus au paragraphe 3.4, 9.2 et 9.3, nous ne garantissons pas :

3.5.1 ' Pour l'ensemble des dommages :

1 ' Les dommages (ou les indemnités compensant ces dommages) aux ouvrages ou travaux que vous avez exécutés ou donnés en sous-traitance, ainsi que les dommages immatériels qui leur sont consécutifs ;

[']

6 ' Les dommages résultant de tout arrêt de travaux et survenant après l'expiration d'un délai de 30 jours ayant pour point de départ la date de cessation d'activité du chantier ».

Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la garantie de la société Allianz Iard n'était pas mobilisable.

Sur l'indemnisation des dommages

Sur le dommage matériel

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, et notamment du rapport d'expertise au terme duquel M. [L] a procédé à un examen exhaustif et minutieux des factures fournies par les maîtres de l'ouvrage, que le coût des travaux nécessaires à la reprise des désordres, inachèvements et non-conformités s'élève à la somme de 59 446,30 euros TTC (5 084 euros + 640,27 euros + 652,47 euros + 22 euros + 53,96 euros + 52 993,60 euros), dont à déduire le solde restant dû à la société CBE soit 11 370 euros.

Comme il a été vu ci-dessus, M. [A], garanti par la Maf, n'est pas responsables des inexécutions, mais seulement des malfaçons et non-conformités affectant les travaux, qui concernent le branchement défectueux de la chaudière (5 084 euros HT) et l'installation électrique défaillante (14 720 euros HT), soit une somme totale de 19'804 euros HT, à laquelle s'ajoutera la TVA au taux de 10%.

Quant à la société CBE, elle sera tenue pour responsable de l'entièreté du préjudice matériel, soit la somme de 48 076,30 euros.

Aussi, convient-il d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [A] et la société CBE au paiement de la somme de 48 076,30 euros.

Statuant à nouveau, la cour condamnera :

- in solidum M. [A] et la société CBE au paiement de la somme de 21'784,40 euros qui produira intérêts au taux légal à compter du jugement, dès lors que chacune des fautes respectives des co-auteurs a concouru à causer l'entier dommage s'agissant des malfaçons et non-conformités,

- la société CBE au paiement de la somme de 26'291,90 euros qui produira intérêts au taux légal à compter du jugement, s'agissant des inexécutions.

Il est enfin rappelé que les demandeurs ne sollicitent pas la condamnation au paiement des assureurs, mais leur condamnation à garantir leur assuré, ce qui est irrecevable, dès lors que nul ne plaide par procureur.

Sur le préjudice immatériel

- Sur le préjudice de jouissance

Le principe du préjudice de jouissance n'est pas contestable pour les maîtres d'ouvrage, mais seulement à compter du 11 septembre 2010, date d'achèvement des travaux à laquelle s'était engagée la seule société CBE.

Par conséquent, les frais de relogement exposés et dûment justifiés par les consorts [Z]-[W] du 12 au 28 septembre 2010, d'un montant de 3 074 euros, tels qu'acceptés par le tribunal au vu des factures, seront également retenus par la cour.

En revanche, s'agissant du préjudice de jouissance sollicité postérieurement à ces dates, et alors que les maîtres d'ouvrage ne versent aucun élément de nature à apprécier la privation - partielle ou totale - de jouissance, en justifiant notamment de la date de fin des travaux de reprise et de la valeur locative de leur appartement, leur demande à ce titre doit être rejetée, contrairement à ce que le tribunal a retenu de manière forfaitaire et non fondée.

Aussi, convient-il d'infirmer le jugement de ce chef, mais seulement sur le montant du préjudice de jouissance qui sera dès lors limité à la somme de 3 074 euros.

- Sur le préjudice moral

Les tracas générés par les nombreuses malfaçons, inexécutions et non conformités, par l'impossibilité d'occuper normalement l'appartement en raison de l'absence d'eau chaude et de chauffage et de la dangerosité de l'installation électrique, par la nécessité de devoir recourir à la justice et de trouver de nouvelles entreprises pour reprendre et terminer les travaux, justifient l'allocation d'une indemnité de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi par consorts [Z]-[W].

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les appels en garantie

Exposé des moyens de parties

M. [A] et la Maf, poursuivant l'infirmation du jugement de ce chef, soutiennent à titre subsidiaire qu'ils ne pourraient se voir condamnés au-delà du pourcentage retenu par l'expert, soit 20% de contribution à la dette.

Les consorts [W]-[Z] demandent la confirmation du jugement sur la répartition des responsabilités, imposant 30% de contribution à la dette au maître d'ouvrage au regard de ses manquements.

Réponse de la cour

Dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu'à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 ancien du code civil s'agissant des locateurs d'ouvrage non liés contractuellement entre eux.

Un codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut donc répéter contre les autres débiteurs que les parts et portions de chacun d'eux.

En l'espèce et au regard des éléments qui précèdent, notamment des manquements imputables aux parties condamnées, des recours en garantie exercés entre elles et de l'appréciation de l'expert qui a considéré que les auteurs du dommage s'étaient chacun rendus responsables selon une répartition de 20% à charge du maître d'oeuvre et 80% à charge de l'entreprise, la cour retient le partage de responsabilités suivant :

- M. [A], assuré auprès de la Maf : 20%,

- la CBE : 80%.

Aussi, dans leurs recours entre elles, les parties sont garanties des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement tant sur les montants d'indemnisation des préjudices, que de l'obligation et la contribution à la dette.

Le recours contre la SA Allianz Iard ne peut prospérer, dès lors que les garanties de l'assureur ne sont pas mobilisables pour les motifs précités.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, il convient de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

Condamné in solidum la société CBE et M. [M] [A] à payer à M. [E] [Z] et Mme [F] [W] les sommes suivantes :

- 48 076,30 euros au titre du préjudice matériel,

- 13 074 euros au titre du préjudice de jouissance,

Fixé le partage de responsabilité comme suit :

- M. [A], garanti par la Maf : 30 %

- La société CBE : 70 %,

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne in solidum la société CBE et M. [M] [A] à payer à M. [E] [Z] et Mme [F] [W] les sommes suivantes :

21'784,40 euros au titre du préjudice matériel, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

3 074 euros au titre du préjudice de jouissance, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Fixe le partage de responsabilité comme suit :

M. [A], garanti par la Maf : 20 %

La société CBE : 80 %,

Condamne la société CBE à payer à M. [E] [Z] et Mme [F] [W] la somme de 26'291,90 euros qui produira intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens en cause d'appel ;

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/18321
Date de la décision : 04/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-04;18.18321 ?
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