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15/12/2022 | FRANCE | N°21/20603

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 15 décembre 2022, 21/20603


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 15 Décembre 2022

(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20603 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXEY



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Octobre 2021 par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/00027





APPELANTE



SOCIÉTÉ DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS (SOREQA)

[Adresse 12]

[Localité 11]


r>représentée par Me Geneviève CARALP DELION, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141





INTIMÉS



Monsieur [V], [I] [U]

[Adresse 1]

[Localité 9]



représenté par Me Alain NIZOU LES...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 15 Décembre 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20603 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXEY

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Octobre 2021 par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/00027

APPELANTE

SOCIÉTÉ DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS (SOREQA)

[Adresse 12]

[Localité 11]

représentée par Me Geneviève CARALP DELION, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

INTIMÉS

Monsieur [V], [I] [U]

[Adresse 1]

[Localité 9]

représenté par Me Alain NIZOU LESAFFRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0183 substitué par Me David AMANOU de l'AARPI LDDA AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 108

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE [Localité 15]

Service local du domaine de [Localité 14]

[Adresse 2]

[Localité 10]

comparant en personne représenté par M. [F] [N] muni d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Marie MONGIN, Conseillère

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffière présente lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Le 13 décembre 2016, la Société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) a conclu avec la ville de [Localité 14] un traité de concession d'aménagement portant sur le traitement de divers lots afin de lutter contre l'habitat indigne et de créer des logements sociaux, concernant notamment les lots n°25 à 37 et parties communes du septième étage des bâtiments A et B de l'ensemble immobilier sis [Adresse 7] dans le [Localité 4].

Par arrêté préfectoral du 8 mars 2018, une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et une enquête parcellaire, en vue d'un projet de réalisation de deux logements sociaux au septième étage des bâtiments A et B de l'ensemble immobilier sis [Adresse 7], ont été ouvertes.

Par arrêté préfectoral du 24 septembre 2018, le projet de réalisation de deux logements sociaux au septième étage des bâtiments A et B de l'ensemble immobilier précité a été déclaré d'utilité publique. Le même arrêté a déclaré cessibles immédiatement au profit de la SOREQA les lots n°30, 31, 33, 35, 36, 37 et les parties communes du septième étage des bâtiments concernés par le projet. Cet arrêté a été complété par un autre arrêté concernant le lot n°32 pris le 23 octobre 2018.

L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 5 mars 2019.

Les bâtiments concernés par le projet sont situés sur la parcelle cadastrée DM n°[Cadastre 3], laquelle est implantée en zone UG du plan local d'urbanisme, zone couvrant la majeure partie du territoire parisien. Elle est située dans le [Localité 4], en bordure du [Localité 6], dans le quartier [Localité 13], à équidistance des stations de métro Brochant et Guy Môquet de la ligne 13. Le quartier est à proximité de l'ancien village olympique, lequel est sur le point de devenir le plus grand écoquartier de [Localité 14].

L'ensemble immobilier, de type haussmannien, a été édifié en 1890 et sa façade est bien entretenue. Il est composé de trois bâtiments A, B et C, respectivement élevés sur caves en R+7, R+7 et R+6.

Est notamment concerné par l'opération, M. [V] [I] [U], en qualité de propriétaire du lot n°36 du bâtiment B de l'ensemble immobilier situé [Adresse 7], implanté sur la parcelle cadastrée DM n°[Cadastre 3]. Ce lot, situé au septième étage du bâtiment A, a une surface 7,88 m².

Faute d'accord sur l'indemnisation, la SOREQA a saisi le juge de l'expropriation de Paris par un mémoire du 11 juin 2020 visé au greffe le 12 juin 2020.

Par un jugement du 7 octobre 2021, après transport sur les lieux le 12 mai 2021, le juge de l'expropriation de Paris a :

Retenu un abattement de 10% pour tenir compte du fait que le logement doit être mis aux normes d'habitabilité et rafraîchi ;

Fixé le prix unitaire à 7.715 euros/m² (8.572 euros/m² x 0,90)

Fixé à la somme de 67.874 euros l'indemnité à revenir à M. [V] [I] [U] pour la dépossession du local désigné ci-dessous :

Lot n°36 de 7,88 m² situé dans l'ensemble immobilier [Adresse 7], sur la parcelle cadastrée section DM n°[Cadastre 3] ;

Condamné la SOREQA à payer à M. [V] [I] [U] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

La SOREQA a interjeté appel du jugement le 22 novembre 2021 pour une infirmation totale, listant le dispositif du jugement.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ adressées au greffe par la SOREQA, le 15 février 2022, notifiées le 17 février 2022 (AR intimé le 18 février 2022 et AR CG le 21 février 2022), aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Confirmer le jugement du 7 octobre 2021 en ce qu'il a fixé la date de référence au 27 août 2016, appliqué la méthode d'évaluation dite comparative et retenu une superficie de 7,88 m² pour le lot n°36 ;

Infirmer le jugement du 7 octobre 2021 en ce qu'il a fixé à la somme de 67.874 euros l'indemnité à revenir à M. [V] [I] [U] pour la dépossession du local désigné ci-dessous :

Lot n°36 de 7,88 m² situé dans l'ensemble immobilier [Adresse 7], sur la parcelle cadastrée DM n°[Cadastre 3] ;

En conséquence,

Fixer l'indemnité à revenir à la M. [V] [I] [U] au titre de la dépossession du lot n°36 dont il est propriétaire dans l'ensemble immobilier du [Adresse 7] comme suit :

Valeur « libre » : 25.000 euros, outre une indemnité de remploi de 5.000 euros soit une indemnité totale remploi compris de 30.000 euros ;

En tout état de cause,

Débouter M. [U] de toutes ses demandes, fins et prétentions.

2/ adressée au greffe par M. [V] [I] [U], intimé, formant appel incident, le 5 mai 2022, notifiées le 9 mai 2022 (AR appelant le 10 mai 2022 et AR CG le 11 mai 2022), aux termes desquelles il demande à la cour de :

Rejeter l'appel principal de la SOREQA ;

Statuant sur l'appel incident relevé par M. [V] [U] :

Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la date de référence au 27 août 2016, appliqué la méthode d'évaluation dite comparative et retenu une superficie de 7,88 m² pour le lot n°36 ;

L'infirmer en ce qu'il a fixé à la somme de 67.874 euros l'indemnité à revenir à l'exposant ;

Fixer l'indemnité principale d'expropriation due à M. [V] [U] à 78.800 euros, sauf à parfaire ;

Fixer l'indemnité de remploi à 7.880 euros, sauf à parfaire ;

En toute hypothèse,

Condamner la société SOREQA à verser à M. [V] [U] la somme de 6.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civil et rappeler que la SOREQA devra supporter les dépens.

3/ adressées au greffe par le commissaire du gouvernement , intimé, le 7 avril 2022, notifiées le 8 avril 2022 (AR appelant le 11 avril 2022 et AR intimé le 11 avril 2022), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Fixer à la somme de 51.846 euros l'indemnité d'expropriation due à M. [V] [I]

[U] pour la dépossession du lot n°36 de 7,88 m² situé dans l'ensemble immobilier

[Adresse 7], sur la parcelle

cadastrée DM n°[Cadastre 3], décomposée comme suit :

46.224 euros au titre de l'indemnité principale (7,88 m² x (6.903 x 0,85) euros/m²),

5.622 euros au titre de l'indemnité de remploi.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

La SOREQA fait valoir que :

Concernant la consistance et l'état du bien, de nombreuses fuites et infiltrations en divers endroits de l'ensemble immobilier doivent être soulignées. Contrairement à ce que retient l'arrêté d'insalubrité, lequel est manifestement entaché d'irrégularité (Pièce 10A), la superficie du lot n°36 n'est pas de 5,8 m² mais de 7,88 m², pour un volume de 20,01m3 (Pièce 9A). Le jugement devra être confirmé sur ce point. Cela étant, le local est en l'état inhabitable, notamment en raison de l'absence de point d'eau.

Concernant la date de référence, la date du 27 août 2016 doit être confirmée.

Concernant la situation locative, l'appartement est libre d'occupation.

Concernant la méthode d'évaluation, le recours à la méthode comparative sera confirmé.

Deux termes de référence ont été retenus par le premier juge pour de mauvaises raisons, à savoir un terme de comparaison qui n'a été proposé par aucune des parties, et un terme de comparaison utilisé deux fois dans le calcul de la moyenne.

Concernant la valeur retenue par le premier juge, abstraction faite des deux termes irrégulièrement retenus, l'abattement de 10% est insuffisant eu égard à l'état du bien, lequel a été frappé par un arrêté d'insalubrité et ne correspond pas aux caractéristiques du logement décent telles que rappelées par un arrêt de la Cour de cassation du 17 décembre 2015 (14-22.754). De plus, il ne ressort pas du procès-verbal de transport que M. [V] [I] [U] a procédé à des travaux de réfection, lesquels seraient de toute façon sans conséquence sur la valorisation du bien qui doit intervenir à la date de l'ordonnance d'expropriation.

Concernant la valeur vénale du bien, la moyenne des 6 termes de comparaison proposés s'établit à 4.532 euros/m².

Concernant l'indemnité principale, celle-ci doit être fixée à la somme convenue entre les parties au moment de la procédure de préemption du bien, à savoir 25.000 euros. Malgré l'absence de régularisation de l'accord, la consignation du prix de vente valait règlement du prix de vente en vertu de l'article L.213-15 du code de l'urbanisme et d'un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 10 décembre 2003 (02-12.894), de sorte qu'il existait un accord ferme et définitif sur le prix de 25.000 euros. (Pièces 13A, 14A, 15A).

Concernant l'indemnité de remploi, celle-ci doit être fixée à 5.000 euros.

M. [V] [I] [U] rétorque que :

Le bien a été acquis le 16 février 2006 pour un prix de vente de 55.000 euros. Il a été rénové et était vacant lorsque le premier juge a statué.

La date de référence et le recours à la méthode comparative devront être confirmés.

Concernant la surface du bien, il a été rappelé par l'appelant qu'elle était de 7,88 m² pour

un volume de 20,01 m3. (Pièces 9A) Une attestation de superficie et de volume habitable dressée par un géomètre-expert indique une surface de 7,80 m² pour un volume de 20,70 m3 (Pièce 1I).

Le bien a été acquis en 2006, au prix de 55.000 euros, soit environ 7.000 euros/m², de sorte que le prix unitaire proposé par l'expropriant quatorze ans plus tard n'est pas sérieux.

Concernant l'arrêté d'insalubrité, celui-ci a été pris au regard de considérations de fait erronées, puisque l'arrêté mentionne que le bien est un local situé dans le bâtiment B, première porte à gauche, alors que le bien objet de la présente évaluation est un appartement situé dans le bâtiment A, deuxième porte à gauche. L'arrêté d'insalubrité concerne donc en réalité un autre lot, de sorte que l'argumentation de l'appelant selon laquelle l'arrêté, bien qu'entaché d'irrégularité, diminue la valeur du bien, ne peut pas être suivie.

Concernant l'état du bien, des travaux ont bien été effectués (Pièce 2I, 3I, 4I). Il n'y a donc pas lieu d'appliquer un coefficient de minoration au regard de l'état du logement tel que constaté lors du procès-verbal de transport sur les lieux, d'autant plus que, compte tenu de la faible surface à rénover, les travaux susceptibles de devoir être réalisés pour le rendre habitable sont d'un montant très réduit.

Concernant la valeur vénale du bien, il convient de retenir un prix unitaire de 10.000 euros/m², soit une indemnité principale de 78.800 euros (7,88 m² x 10.000 euros/m²).

Concernant l'indemnité de remploi, celle-ci doit être fixée à 10% du montant de l'indemnité principale, soit en l'espèce 7.880 euros.

L'indemnité totale due à l'exproprié sera fixée à 86.680 euros.

Concernant les frais irrépétibles, il serait inéquitable que l'exproprié conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'il a dû engager dans le cadre de la présente instance, la SOREQA sera condamnée à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens seront par ailleurs mis à la charge de la SOREQA.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la description du lot, celui-ci est situé au septième étage du bâtiment B, première porte à gauche accessible à partir d'un escalier en l'absence d'ascenseur. Il dispose d'une seule pièce en état d'usage à rafraîchir et à mettre aux normes électriques. Il bénéficie d'un droit d'usage aux WC communs et d'un poste d'eau avec les autres lots de l'étage.

Concernant la date de référence, il convient de fixer celle-ci à la date du plan local d'urbanisme en vigueur, à savoir le 27 août 2016.

Concernant la nature du bien objet de la présente évaluation indemnitaire, il découle de l'article 4 du décret n° 25002-120 du 30 janvier 2002 qu'un logement ne peut être qualifié d'habitable que s'il dispose d' au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 m² et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 m, soit un volume habitable au moins égale à 20 m3. En l'espèce, le bien a une surface de 7,88 m² pour un volume minimal de 20,01 m3. L'estimation du lot n°36 sera donc effectuée comme celle d'un local d'habitation, au m² unitaire et non forfaitairement.

Concernant la valeur du bien, la moyenne des 3 termes de comparaison proposés s'établit à 6.903 euros/m². Compte tenu de la surface de 7,88 m² particulièrement exiguë inférieure au 9 m² de l'habitat décent, de l'absence de point d'eau, de coin cuisine et de toilettes, de l'absence de mise aux normes de l'installation électrique, de l'accessibilité difficile puisque situé au septième étage sans ascenseur, et de l'état d'usage à rafraîchir au niveau des embellissements, il est proposé de retenir une valeur de 5.866 euros/m² en application d'un abattement de 15%.

Concernant l'indemnité principale, la méthode d'évaluation globale par comparaison aboutit à un montant de 46.224 euros (7,88 m² x 5.866 euros/m²).

Concernant l'indemnité de remploi, celle-ci doit être fixée à 5.622 euros en application de la formule suivante : 20% du montant de l'indemnité principale jusqu'à 5.000 euros, 15% entre 5.000 et 15.000 euros, et 10% au-delà de 10.000 euros.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 22 novembre 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de la SOREQA du 15 février 2022, de M. [V] [U] du 5 mai 2022 et du commissaire du gouvernement du 7 avril 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SOREQA porte sur toutes les dispositions du jugement, celui de M. [U] et du commissaire du gouvernement sur le montant de l'indemnité d'expropriation.

S'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer comme le premier juge au 27 août 2016 en application de l'article L 213-6 du code de l'urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 7 octobre 2021.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur les surfaces

Comme en première instance, les parties s'accordent pour fixer la superficie du lot N°36 à 7,88m² et considérer que son volume est de 20,01 ou 20,70 m²; l'acte d'acquisition du 16 février 2006 mentionne une surface de 7, 88 m² loi Carrez et l'attestation de superficie dressé par M. [M] [R], géomètre expert, fait apparaître une surface totale du lot de 7,80 m² et un volume habitable est égal à 20,70m² (pièce N°10).

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

2° Sur la situation locative

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

L'évaluation par le premier juge en valeur libre n'est pas contestée par les parties.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

3° Sur la consistance du bien

L'immeuble du [Adresse 7] se trouve au nord ouest de [Localité 14], dans le [Localité 4] dans le quartier [Localité 13], situé dans la partie nord-est de l'arrondissement et limitrophe avec le [Localité 6].

Les stations de métro les plus proches sont celles de Brochant et Guy Môquet de la ligne 13.

Cet immeuble, sur la parcelle cadastrée DM-[Cadastre 3], a été édifié en 1890 et est composé de 7 étages sur cave, comprenant 29 logements, un local commercial et 5 chambres de service.

Il présente une façade en pierre bien entretenue, sans élément de dépréciation apparent par rapport aux autres bâtiments du secteur. Il est composé de 3 bâtiments avec présence d'une cour et de deux courettes.

Le lot 36 est situé au 7ème étage du bâtiment A , 2° porte à gauche, comme l'indique le titre de propriété et est accessible à partir d'un escalier en l'absence d'ascenseur ; il dispose d'une seule pièce en état d'usage à rafraîchir et à mettre aux normes électriques ; il bénéficie d'un droit d'usage aux WC communs et d'un poste d'eau avec les autres lots de l'étage. Il dispose d'une fenêtre apportant de la lumière avec une vue sur les toits de [Localité 14]. Il ne dispose d'aucun point d'eau, ni de cuisine ou de toilettes.

Lors du transport sur les lieux, le premier juge a constaté que le bien n'était pas occupé et était dépourvu de tout mobilier.

Conformément aux dispositions de l'article 4 du décret numéro 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi numéro 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, le logement dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égal à 9 m² et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 m, soit un volume habitable au moins égal à 20 m³.

L'habitabilité du logement est acquise dès lors que celui-ci respecte l'une ou l'autre des conditions alternatives soit une superficie de 9 m² ou bien un volume de 20 m².

Dès lors que le volume du lot exproprié est de 20,01 ou 20,70 m³, il est considéré comme un logement habitable au sens de ces dispositions ; un bien d'une superficie inférieure à 9 m² peut tout de même être considéré comme un logement dès lors que le propriétaire peut l'habiter.

Cependant, comme l'indique le commissaire du gouvernement si l'estimation du lot 36 doit être effectuée comme celle d'un local d'habitation, son utilisation en demeure restreinte au vu des règlements en matière de mise en location des très petites surfaces et des locaux ne disposant pas d'un équipement minimal ; en effet, ce lot présente des différences substantielles avec des locaux d'habitation de petite taille en raison de sa surface de 7,88 m² et de son équipement minimal (pas de WC ni de point d'eau).

Le premier juge indique que par arrêté d'insalubrité du 18 juin 2014, le préfet de la région Île-de-France a mis en demeure Monsieur [V] [U] d'en faire cesser définitivement l'occupation aux fins d'habitation au motif que le local en cause mis à disposition au sein d'habitation est une pièce sous comble d' une surface habitable de 5,8 m², équipée d'installations sanitaires vétustes, d'un ballon d'eau chaude fuyard, des canalisations d'arrivée d'eau fuyardes, sans dispositif de renouvellement de l'air, d'une installation électrique non sécurisée ; il a considéré qu'il résulte de cette situation une exiguïté des lieux, des infiltrations d'eau au niveau du plafond du logement du 6e étage, une insuffisance d'équipement satisfaisant pour la salubrité des lieux et une absence de ventilation.

Cependant, Monsieur [U] indique que cet arrêté préfectoral (pièce numéro 10) vise un local situé première porte à gauche du bâtiment B , alors que le bien dont il est propriétaire est situé dans bâtiment 3, 2e porte à gauche, comme l'indique expressément son titre de propriété.

La SOREQA reconnaît que contrairement à ce qu'évoque l'arrêté préfectoral manifestement entaché d'illégalité, le logement de Monsieur [U] remplit les critères de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain uniquement

concernant le volume habitable, puisque cet arrêté préfectoral d'interdiction d'habitation du numéro [Adresse 8] retient une superficie habitable de 5,8 m², cette superficie ne permettant pas de caractériser le bien comme un logement (pièce numéro 10).

Si Monsieur [U] démontre avoir effectué des travaux dans l'appartement, en novembre 2010, avec le remplacement du WC Sani broyeur, en novembre 2013, la remise en état de la salle de bains et en janvier 2014, le remplacement du chauffe-eau par un nouveau (pièce numéro 2,3 et 4), il ressort du procès-verbal de transport sur les lieux du 12 mai 2021, soit à une date proche de l'ordonnance d'expropriation du 5 mars 2019, que le lot numéro 36 ne dispose d'aucun équipement et que ces équipements sanitaires d'origine ont été déposés ainsi que les carrelages suite à des dégâts des eaux.

4° Sur la méthode

Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

La méthode par comparaison retenue par le premier juge n'est pas contestée par les parties.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

5° Sur les références des parties

Le premier juge a retenu quatre références :

Cession du 23 novembre 2018, logement de 8, 25 m² situé [Adresse 7] au prix de 90000 euros, soit 9939 euros/m² ;

- cession du [Adresse 7], vente du 30 janvier 2018, ref 2018P00998, bâtiment B, 7° étage, 1 pièce, 17000 euros pour une surface de 5, 38m², soit 3160 euros/m² ;

- cession [Adresse 7], vente du 23/11/2018, réf 2018P05973, lots N°30 et 31, 7° étage du bâtiment B, 8, 25 m², prix de vente de 82000 euros, soit un prix de 9939 euros/m² ;

- cession du 19 novembre 2020, logement de 8m², au prix de 90000 euros soit 11250 euros/m².

Le premier juge a retenu un prix au m² de : 9939+3160+9939+11250/4=8572 euros.

Pour tenir compte du fait que le logement doit être mis aux normes d'habitabilité et rafraîchi, il a appliqué un abattement de 10%, soit un prix de 7715 euros/m² arrondis et fixé la valeur du bien à la somme de : 7715 X 7, 88 m²= 60794 euros ;

LA SOREQA indique que le premier juge a retenu un terme de comparaison qui n'a été proposé par aucune des parties et qu'il a utilisé deux fois un terme de comparaison dans la moyenne.

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

a) Les références de la SOREQA

Elle indique qu'elle avait fait part par décision du 11 juillet 2017 de son intention de faire valoir son droit de préemption au prix sollicité par M. [U]( pièce N°13), qu'elle avait procédé à la consignation du prix le 6 novembre 2017( pièce N°14) et que par la suite M. [U] ne s'est pas présenté pour la régularisation de l'acte de transfert de propriété (pièce N°15).

Cependant, cet élément ne constitue pas un terme de comparaison et sera donc écarté.

Elle propose deux termes de comparaison également retenus par le commissaire du gouvernement :

-Cession du 23 novembre 2018, [Adresse 7], référence 2018 P05 973, lots numéro 30 et 31, 7e étage du bâtiment B, 8,25 m², prix de 82 000 euros, soit 9 939 euros/m²

-Cession du 30 janvier 2018,[Adresse 7], référence 2018 P00 998, lots numéro 27, bâtiment B 7e étage, une pièce, 5,38 m², prix de 17 000 euros soit 9 160 euros/m².

Ces deux termes de comparaison comparables en localisation et en consistance seront retenus.

b) Les références de M. [U]

Monsieur [U] ne propose pas de termes de comparaison et fait état uniquement du prix d'acquisition en 2006 au prix de 55 000 euros, soit environ 7000 euros/m² et des travaux réalisés.

Ces éléments ne constituent pas un terme de comparaison et doivent être écartés.

c) Les références du commissaire du gouvernement

Outre les deux termes retenus, le gouvernement propose une autre cession très récente portant sur un lot de petite surface situé au dernier étage et désigné comme une chambre dans l'extrait d'acte , à proximité du [Adresse 7] : [Adresse 5], vente du 28 mai 2021, références de publication 2021 P06 253, immeuble de 1880, au 6e étage, surface de 8,54 m² Carrez, prix de vente de 65 000 euros, soit 7 600 euros/m².

Ce terme comparable en localisation et en consistance, et en outre plus récent, sera retenu.

La moyenne des 3 ventes retenues correspond à une valeur unitaire de :

3160+ 9939+ 7611= 20 710 / 3= 6903 euros/m².

Il convient cependant de tenir compte des éléments de moins-value suivants :

-la surface de 7,88 m² clairement exiguë (inférieure aux 9 m² de l'habitat décent) ;

-absence de coin d'eau , de coin cuisine et de toilette

-absence de mise aux normes de l'installation électrique

-accessibilité difficile puisque situé au 7e étage sans ascenseur

-état d'usage à rafraichir au niveau des embellissements.

Au regard de ces éléments de moins-value, qui sont plus importants que l' élément de plus-value tenant à la bonne luminosité, il convient d'appliquer un abattement de 15 % comme proposé par le commissaire du gouvernement et de retenir une valeur unitaire de : 6903 X 0,85= 5867,55 euros/m² arrondi à 5 868 euros.

L'indemnité principale est donc de : 7,88 m² X 5868 = 46 239,84 euros arrondi à 46 240 euros en valeur libre.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros

15% entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros

10% sur le surplus soit : ( 46 240 - 15 000 ) x 10% = 3 124 euros

soit un total de 5 624 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

L'indemnité totale de dépossession est donc de :

46 240 euros (indemnité principale) + 5 624 euros = 51 864 euros en valeur libre.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SOREQA

à payer à M. [U] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter Monsieur [U] de sa demande

au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

Au regard de la solution du litige, chaque partie supportera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 51 864 euros en valeur libre l'indemnité à revenir à Monsieur [V], [I] [U] pour la dépossession du lot numéro 36 de 7,88 m² situé dans l'ensemble immobilier [Adresse 7], sur la parcelle cadastrée section DM numéro [Cadastre 3], se décomposant comme suit :

- indemnité principale : 46 240 euros

- indemnité de remploi : 5 624 euros

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute Monsieur [V] [I] [U] de sa demande au titre l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/20603
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.20603 ?
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