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15/12/2022 | FRANCE | N°21/09995

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 15 décembre 2022, 21/09995


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09995

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYBB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -TJ de PARIS - RG n° 18/01849



APPELANT



Monsieur [I] [Z]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque

: D0945

Assisté par Me Gilles FAURISCOT, avocat au barreau de PARIS



INTIMES



Société AREAS DOMMAGES

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée et assistée par Me Patricia FABBRO, avocat ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09995

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYBB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -TJ de PARIS - RG n° 18/01849

APPELANT

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Assisté par Me Gilles FAURISCOT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Société AREAS DOMMAGES

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée et assistée par Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, toque : P82

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'OISE

[Adresse 1]

[Adresse 9]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat

Société FILHET ALLARD & CIE

[Adresse 10]

[Localité 3]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 13 septembre 2011, M. [I] [Z], qui circulait au guidon de sa motocyclette, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule conduit par M. [K], assuré auprès de la société Areas dommages (la société Areas).

M. [Z] a été gravement blessé dans l'accident et a dû subir une amputation trans-fémorale gauche.

Par ordonnance rendue le 27 mai 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise médicale de M. [Z] confiée au Docteur [N] et condamné la société Areas à verser à M. [Z] une provision de 15 000 euros.

Par jugement du 8 juillet 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que le véhicule conduit par M. [K] et assuré par la société Areas est impliqué dans la survenance de l'accident du 13 septembre 2011,

- dit que la faute commise par M. [Z] réduit d'un tiers son droit à indemnisation,

- condamné la société Areas à payer à M. [Z] la somme de 30 000 euros à titre de provision complémentaire.

Le Docteur [N] a établi son rapport définitif le 3 janvier 2018.

Par actes d'huissier en date des 6, 7 et 14 février 2018, M. [Z] a fait assigner la société Areas, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (la CPAM) et la société Filhet Allard & Cie, courtier en assurances, (la société Filhet) afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 5 mars 2019, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Areas à payer à M. [Z] diverses sommes en réparation de son préjudice corporel et a «sursis à statuer sur le chef de préjudice des dépenses de santé futures en ce qui concerne les frais de prothèse jusqu'à production par M. [Z] d'un certificat médical établissant l'adaptation ou non de la prothèse de type Genium».

Par jugement rendu le 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit que les prothèses Genium et de sport (course) sont utiles à M. [Z],

- condamné la société Areas à payer, en derniers ou quittances, provisions non déduites, à M. [Z], après partage de responsabilité, la somme de 96 852,56 euros à titre de réparation de son préjudice corporel et plus précisément du chef des dépenses de santé futures,

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- dit «que sur le surplus de demande formé du chef des dépenses de santé futures, et notamment quant à la capitalisation des frais, cette demande est écartée et qu'il est dit que les frais de renouvellement de la prothèse Genium et de la prothèse de sport (course) seront remboursés, sans délai, sur présentation de l'ordonnance médicale d'un médecin spécialisé les prescrivant et sur factures de ces prothèses tous les six ans à compter du premier achat»,

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM,

- condamné la société Areas aux dépens et à payer à M. [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 27 mai 2021, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a dit que le surplus de la demande formée du chef des dépenses de santé futures, notamment quant à la capitalisation des frais, était écarté et débouté, en conséquence, M. [Z] de ses demandes relatives aux dépenses de santé futures portant sur les frais des deux prothèses et à la capitalisation de ces frais.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [Z], notifiées le 5 octobre 2021, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil,

- débouter la société Areas de son appel incident,

- infirmer le jugement qui a alloué la somme de 96 852,56 euros au titre des dépenses de santé futures, écartant la capitalisation des dépenses de santé futures en imposant un remboursement sur factures acquittées,

ce faisant,

- confirmer la prise en charge de la prothèse de sport,

- condamner la société Areas à verser à M. [Z] :

- 1 361 539,06 euros, soit après partage de responsabilité une somme de 907 392,70 euros au titre des dépenses de santé futures,

- subsidiairement 1 201 490,48 euros, soit 800 993,65 euros après partage de responsabilité,

- condamner la société Areas à verser à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Areas aux entiers dépens,

- déclarer la décision à intervenir commun aux organismes sociaux régulièrement appelés en la cause.

Vu les conclusions de la société Areas, notifiées le 14 septembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 1353 du code civil,

- juger recevable et bien fondé la société Areas en son appel incident,

y faisant droit,

- réformer le jugement entrepris sur la disposition dont appel incident,

statuant à nouveau,

- débouter M. [Z] de sa demande visant à être indemnisé au titre de l'acquisition d'une prothèse de sport,

pour le surplus,

- confirmer le jugement du 7 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses autres dispositions.

La société Filhet et la CPAM, qui ont reçu signification de la déclaration d'appel par actes séparés en date des 8 juillet 2021 et 3 août 2021, délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le tribunal de grande instance de Paris a dans son jugement du 8 juillet 2014 dit que le droit à indemnisation de M. [Z] était réduit d'un tiers, cette disposition étant devenue irrévocable en l'absence d'appel.

M. [Z] n'a ainsi droit qu'à l'indemnisation de ses préjudices qu'à proportion des deux tiers.

Par ailleurs, seule reste en discussion devant la cour l'indemnisation du poste du préjudice corporel de M. [Z] lié aux dépenses de santé futures relatives aux frais de prothèses.

Aux termes du jugement déféré, le tribunal a indemnisé le coût de la première acquisition d'une prothèse équipée d'un genou de type Genium X3 et d'une prothèse de sport dont il a évalué le coût à la somme de 96 852,56 euros, après réduction du droit à indemnisation.

Il a en revanche jugé que «les frais de renouvellement de la prothèse Genium et de la prothèse de sport (course) seront remboursés sur présentation de l'ordonnance médicale d'un médecin spécialisé les prescrivant et sur factures de ces prothèses, tous les six ans à compter du premier achat».

M. [Z] qui critique le jugement sur ce point fait valoir que l'indemnisation des dépenses de santé futures ne peut être subordonnée à la production de factures et que, selon une jurisprudence établie, le principe de la réparation intégrale n'implique pas de contrôle sur l'utilisation des fonds alloués à la victime qui en conserve la libre utilisation.

Il soutient que l'usage d'une prothèse dotée d'un genou Genium X3 est médicalement justifiée ainsi qu'il résulte des tests comparatifs réalisés sur un tapis de course podo-barométrique équipé de capteurs, de l'avis du Docteur [F], qui le suit au sein de l'institut Robert Merle d'Aubigné, et de la lettre rédigée le 30 juin 2020 par un praticien de l'hôpital d'instruction des armées Laveran.

M. [Z] ajoute qu'il convient de prendre en compte, en sus des frais liés à l'acquisition et au renouvellement tous les six ans d'une prothèse avec genou Genium X3, les frais de renouvellement tous les six mois du manchon conformément aux préconisations faites par M. [D] dans sa note technique annexée au rapport d'expertise du Docteur [N].

Il soutient qu'étant un jeune homme sportif, âgé de seulement 34 ans en 2021, il doit pouvoir bénéficier d'une prothèse de sport lui permettant de courir à une vitesse dépassant 7 km/h, ce que ne permet pas, selon lui, la prothèse principale équipée d'un genou Genium X3.

Il ajoute que les forums de discussion confirment qu'il n'est pas possible de courir avec une prothèse Genium X3 et qu'il faut une prothèse de sport.

M. [Z] évalue les frais d'acquisition et de renouvellement de la prothèse Genium X3, des manchons et de la prothèse de sport, non pris en charge par la sécurité sociale, à la somme de 1 361 539,06 euros se décomposant comme suit :

- 145 279,22 euros au titre du coût de la première acquisition de chacune des deux prothèses (122 400 euros + 22 879,22 euros),

- 1 216 539,06 euros au titres des frais de renouvellement calculés sur la base d'une annuité de 26 036,86 euros capitalisée en fonction de l'euro de rente viagère prévu pour un homme âgé de 33 ans en 2020 par le barème de capitalisation publié par la Gazette du palais le 15 septembre 2020.

Il réclame ainsi après application de la réduction de son droit à indemnisation la somme de 907 692,70 euros.

Il sollicite à titre subsidiaire, si la cour faisait application du barème de la Gazette du palais 2018, une indemnité de 800 993,26 euros après réduction de son droit à indemnisation.

La société Areas ne s'oppose pas sur le principe d'une indemnisation de la prothèse Genou Genium X 3 et de deux manchons annuels sur la base d'un coût unitaire de 123 461,02 euros (122 400 euros + 1 061,02 euros).

Elle conteste en revanche la nécessité pour M [Z] de disposer d'une prothèse de sport.

Elle avance que l'affirmation de la victime selon laquelle la prothèse principale avec genou Genium X3 ne permettrait pas de courir à plus de 7 km/h n'est étayée par aucun élément de preuve, qu'il résulte de la documentation disponible sur la prothèse Genium X3 que celle-ci dispose d'un «mode course» et que l'hôpital d'instruction des armées Laveran rappelle que «les intérêts annoncés d'un prothèse de haute technologie type genou Genium sont une meilleure adaptation à l'environnement et aux activités ainsi qu'une fonctionnalité de course».

La société Areas conclut enfin au rejet de la demande de capitalisation viagère des dépenses futures aux motifs que la prise en charge du renouvellement de la prothèse Genium X3 sur présentation de factures justifiant des frais restés à charge permet, d'une part, à la victime de bénéficier des avancées technologiques aboutissant le plus souvent à des appareillages plus performants et permet, d'autre part, de respecter le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, dans la mesure où si la prothèse Genium X3 ne fait actuellement l'objet d'aucun remboursement, il est probable que la situation évoluera dans les années à venir et que cette prothèse sera prise en charge en tout ou partie par l'assurance maladie, ce qui a été le cas des prothèses C-Leg du même fabricant qui n'étaient pas initialement inscrites sur la liste des produits et prestations remboursables et l'ont été par la suite.

*************

* Sur la prothèse principale

L'expert judiciaire, le Docteur [N], a dans son rapport d'expertise en date du 8 janvier 2018 relevé que M. [Z] était appareillé avec une prothèse du membre inférieur gauche entièrement prise en charge par les organismes sociaux.

Il ressort des pièces versées aux débats, notamment de la note technique de M. [D], expert en appareillages, qui a été annexée par le Docteur [N] à son rapport, que la prothèse dont bénéficie actuellement M. [Z] est équipée d'un genou à microprocesseur de type Rheo Knee, qu'elle est inscrite sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) et est ainsi intégralement prise charge par la CPAM.

M. [D] ayant estimé nécessaire dans sa note technique de procéder à des essais préalables afin d'apprécier si une prothèse de type genou Genium était adaptée à la situation de M. [Z], le tribunal a dans son précédent jugement du 5 mars 2019 sursis à statuer sur les frais futurs de prothèses dans l'attente de la production d'un certificat médical se prononçant sur cette adaptation.

Il résulte des documents produits que M. [Z] a bénéficié de la mise à disposition temporaire d'une prothèse de dernière génération dotée d'un genou à microprocesseur de type Genium X3 afin de procéder à des essais comparatifs entre cette prothèse et celle dont il est actuellement doté.

A la suite de ce test comparatif réalisé le 30 juin 2020 sur un tapis de course podo-barométrique disposant de capteurs de mesures des pressions plantaires dynamiques, M. [V], orthopédiste, a conclu que le bénéfice d'un appareillage avec le genou Genium X3 était clairement mis en évidence par les résultats obtenus.

Le Docteur [O], médecin exerçant au sein de l'hôpital d'instruction des armées Laveran a, dans une lettre en date du 30 juin 2020, indiqué, qu'après essai, on constatait une amélioration quantitative et qualitative lors de la marche par l'utilisation du genou Genium et que son emploi, en diminuant la boiterie et le balancement du bassin, serait bénéfique à long terme et permettrait de limiter le risque dégénératif articulaire périphérique et rachidien provoqué par un trouble de la marche.

Il est ainsi établi que la prothèse de dernière génération équipée d'un genou à microprocesseur Genium X3 constitue l'appareillage le plus adapté à la situation de M. [Z] et que ce dernier est fondé à en obtenir l'indemnisation à compter de la date à laquelle le besoin a été caractérisé, soit à compter du 30 juin 2020.

L'indemnisation des dépenses de santé futures, contrairement à ce qu'avance la société Areas, ne peut être subordonnée à la justification des dépenses effectivement engagées, le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime n'impliquant pas de contrôle de l'utilisation des fonds alloués à la victime qui en conserve la libre utilisation.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de tenir compte d'une éventuelle inscription future du genou Genium X3 sur la LPPR pour refuser l'indemnisation des frais de renouvellement futurs de cette prothèse alors qu'une telle inscription revêt un caractère purement hypothétique et que le besoin d'un renouvellement viager de la prothèse principale de M. [Z] est caractérisé.

Enfin, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020 avec un taux d'intérêts de 0 %, lequel est le plus approprié comme s'appuyant sur les données démographiques et économiques les plus pertinentes.

M. [Z] verse aux débats le devis établi le 30 novembre 2020 par M. [V] qui mentionne que le coût initial d'une prothèse équipée d'un genou Genium X3 avec emboîture silicone, transformateur, chargeur et boîtier de programmation et d'un pied de type Triton avec son adaptateur de montage s'élève à la somme totale de 122 400 euros.

Ce matériel étant selon les mentions du devis garanti six ans, il convient de prévoir un renouvellement de ce matériel selon cette même périodicité.

Il y a lieu de tenir compte des frais de renouvellement tous les six mois du manchon servant d'interface entre l'emboîture de la prothèse et le moignon conformément aux préconisations de M. [D] qui ne font l'objet d'aucune critique.

En revanche, la capitalisation ne peut porter que sur les arrérages à échoir et la méthode de calcul proposée par M. [Z] ne peut être retenue.

Le besoin d'une prothèse dotée d'un genou Genium X3 ayant été caractérisé par les tests réalisés le 30 juin 2020, le préjudice de M. [Z] au titre des frais de prothèse principale s'établit de la manière suivante à compter de cette date :

- dépense initiale de 122 400 euros, soit un montant annuel de 20 400 euros (122 400 euros / 6)

- renouvellement du manchon tous les six mois, soit un montant annuel non contesté de 1 061,02 euros (530,51 euros x 2)

- annuité de 21 461,02 euros (20 400 euros + 1 062,02 euros)

- arrérages échus à ce jour : 52 579,50 euros (21 461,02 euros x 2,45 ans)

- arrérages à échoir :

* 21 461,02 euros x 44,800 (euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 35 ans à la date de la liquidation comme étant né le [Date naissance 2] 1987) = 961 453,70 euros

Soit une somme totale de 1 014 033,20 euros (52 579,50 euros + 961 453,70 euros).

La prothèse équipée d'un genou à microprocesseur de type Genium X3 dont M. [Z] a besoin n'étant pas inscrite sur la LPPR et n'étant pas de ce fait prise en charge par la CPAM, il n'y a pas lieu d'imputer la créance de cet organisme de sécurité sociale au titre des frais futurs dont le montant s'élève au vu de l'état définitif de débours en date du 16 avril 2018 à la somme de 1 090 097,05 euros incluant les frais futurs de la prothèse principale avec genou de type Rheo Knee qui ne correspond pas au matériel prothétique le mieux adapté à la situation de M. [Z].

Après application de la limitation du droit à indemnisation de M. [Z], il revient à ce dernier la somme de 676 022,13 euros (1 014 033,20 euros x 2/3).

Le jugement sera infirmé.

* Sur la prothèse de sport

Selon le descriptif des spécificités techniques de la prothèse avec genou Genium X3 extrait du site internet de son fabricant, la société Ottoblock, celle-ci permet de reproduire des mouvements physiologiques, quels que soient l'activité et l'environnement et offre également de nouvelles possibilités en matière de mobilité grâce à sa résistance à l'eau et à la corrosion ainsi que de nouvelles fonctionnalités telles que le «mode course».

Ce même document précise que le genou Genium X3 permet de passer instantanément d'une vitesse de marche normale à une vitesse de course grâce à sa fonction «walk-to-turn» et qu'il est également équipé d'un «mode course» spécifique aux activités sportives.

Dans son certificat médical établi le 23 septembre 2019, le Docteur [F] qui suit M. [Z] au sein de l'institut Robert Merle d'Aubigné indique qu'une prothèse équipée d'un genou Genium X3 pourrait permettre à M. [Z] d'améliorer son autonomie fonctionnelle, de pouvoir monter et descendre les escaliers avec plus de facilité et de reprendre une activité sportive, telle que le jogging, les activités nautiques, la natation et les sports à pivot.

Dans une lettre du 30 juin 2020, le Docteur [O] de l'hôpital d'instruction des armées Laveran, rappelle que «les intérêts annoncés d'une prothèse de haute technologie type genou Genium sont une meilleure adaptation à l'environnement et aux activités ainsi qu'une fonctionnalité de course».

Il ne résulte d'aucun des avis médicaux versés aux débats que la prothèse genou Genium X3 ne remplit pas les objectifs annoncés en termes de fonctionnalité ni en particulier qu'elle ne permet pas de courir à une vitesse supérieure à 7 km/h, ce qui ne peut se déduire de ce que la prothèse de sport dont M. [Z] sollicite l'indemnisation est, selon les mentions du devis versé aux débats, adaptée à une course soutenue à partir de 7 km/h.

Quant à l'unique avis extrait d'un forum de discussion en ligne émanant d'une personne dont l'identité exacte est inconnue et qui se présente sous le pseudonyme de «phildu87», son appréciation subjective concernant la fonctionnalité de la prothèse genou Genium X3 en mode course ne présente aucune garantie de crédibilité.

Dans ces conditions, M. [Z] ne justifie pas avoir besoin d'une prothèse spécifique de sport dotée d'une lame de course en sus de la prothèse principale de type genou Genium X3.

Sa demande sera ainsi rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

Sur les demandes annexes

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt commun à la CPAM qui est en la cause ni à la société Filhet qui n'a pas la qualité de tiers payeur.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Areas qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. [Z] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Infirme le jugement hormis en ce qu'il a dit que la «prothèse Genium» était utile à M. [I] [Z] et en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société Areas dommages à payer à M. [I] [Z] la somme de 676 022,13 euros, provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, en réparation du poste de préjudice de dépenses de santés futures liées aux frais de prothèse principale,

- Déboute M. [I] [Z] de sa demande d'indemnisation d'une prothèse de sport,

- Condamne la société Areas dommages à payer à M. [I] [Z] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Condamne la société Areas dommages aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/09995
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.09995 ?
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