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15/12/2022 | FRANCE | N°21/04546

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 15 décembre 2022, 21/04546


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04546

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIBG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 janvier 2021 -TJ de PARIS - RG n° 19/11379



APPELANTS



Monsieur [D] [P] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs [V] [P] et [J] [P]



[Localité 14]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 21] (93)

Représenté et assisté par Me Cyril IRRMANN de la SELARL IRRMANN FEROT ASSOCIES, avocat au barreau...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04546

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIBG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 janvier 2021 -TJ de PARIS - RG n° 19/11379

APPELANTS

Monsieur [D] [P] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs [V] [P] et [J] [P]

[Localité 14]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 21] (93)

Représenté et assisté par Me Cyril IRRMANN de la SELARL IRRMANN FEROT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0778

Madame [W] [Z] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs [V] [P] et [J] [P]

[Adresse 7]

[Localité 14]

née le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 23] (78)

Représentée et assistée par Me Cyril IRRMANN de la SELARL IRRMANN FEROT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0778

Madame [V] [P] représentée par ses parents Monsieur [D] [P] et Madame [W] [Z] en leur qualité d'administrateurs légaux de ses biens

[Adresse 7]

[Localité 14]

née le [Date naissance 2] 2005 à [Localité 13] (94000)

Représentée et assistée par Me Cyril IRRMANN de la SELARL IRRMANN FEROT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0778

Madame [J] [P] représentée par ses parents Monsieur [D] [P] et Madame [W] [Z] en leur qualité d'administrateurs légaux de ses biens

[Adresse 7]

[Localité 14]

née le [Date naissance 4] 2007 à [Localité 13] (94)

Représentée et assistée par Me Cyril IRRMANN de la SELARL IRRMANN FEROT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0778

INTIMES

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES - FGAO

[Adresse 8]

[Localité 15]

Représentée par Me Lisa HAYERE de la SELEURL CABINET SELURL HAYERE, avocat au barreau de PARIS substituée à l'audience par Me Mathieu PINAUD, avocat au barreau de PARIS

SA AXA FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 12]

n'a pas constitué avocat

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 11]

[Localité 13]

n'a pas constitué avocat

Mutuelle KORELIO / PRO BTP

[Adresse 9]

[Localité 10]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Dorothée DIBIE, conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 14 octobre 2017, peu avant 4 heures du matin, à [Localité 24] (94), M. [D] [P], né le [Date naissance 3] 1973, et son passager, M. [K] [R], ont été victimes d'un accident de la circulation alors qu'ils circulaient à motocyclette.

M. [P], assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), a dans le cadre de sa garantie de conducteur, fait l'objet d'une expertise amiable, le 26 juin 2018 - qui a conclu à l'absence de consolidation - et perçu une provision de 200 000 euros.

Par acte du 13 septembre 2019, M. [P] et sa compagne Mme [W] [Z], agissant tant en leurs noms personnels qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [V] et [J] [P], ont fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Paris, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), la société Axa, la société Korelio Bro BTP et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM) afin d'obtenir la réparation de leurs préjudices.

Par jugement rendu le 22 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit que le FGAO devra payer les indemnités, ne pouvant être prises en charge à aucun autre titre, dues à M. [P] et Mme [Z], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [V] et [J] [P], en réparation de leurs préjudices consécutifs à l'accident du 14 octobre 2017,

- dit que M. [P] a commis une faute de nature à limiter son droit à indemnisation à hauteur de 50%,

- ordonné une mesure d'expertise médicale de M. [P],

- commis pour y procéder le Docteur [G] [X], avec la mission habituelle en la matière,

- rejeté les demandes de provisions formulées par M. [P],

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM et à la Mutuelle Pro BTP, et opposable à société Axa et au FGAO,

- dit n'y avoir lieu de condamner le FGAO aux dépens,

- condamné M. [P] aux dépens,

- rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile formulée à l'encontre du FGAO,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Docteur [X] a remis son rapport définitif le 5 mai 2021.

Par acte du 8 mars 2021, M. [P] et Mme [Z], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [V] et [J] [P], ont interjeté appel de cette décision et la critiquent en ce qu'elle a :

- dit que M. [P] a commis une faute de nature à limiter son droit à indemnisation à hauteur de 50%,

- dit n'y avoir lieu de condamner le FGAO aux dépens,

- condamné M. [P] aux dépens,

- rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile formulée à l'encontre du FGAO,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La CPAM, destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée le 26 avril 2021, à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a, par lettre du 9 novembre 2021 adressée à la cour d'appel de Paris, évalué ses débours définitifs à la somme de 280 568,68 euros constitués de frais de santé ainsi que d'indemnités journalières à hauteur de 47 479,20 euros.

La société Axa et la société Pro BTP, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée, à personnes habilitées, par actes des 22 avril 2021, n'ont pas constitué avocat.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [P] et de Mme [Z], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [V] et [J] [P], notifiées le 2 décembre 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et des articles L. 421-1 et suivants et R. 421-3 du code des assurances, de :

- juger les demandeurs recevables et bien fondés en leurs appels et en leurs demandes,

- débouter le FGAO de son appel incident, de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que M. [P] avait été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule automobile tiers inconnu, ayant pris la fuite,

- juger la cour parfaitement saisie par l'effet dévolutif de la question d'une provision complémentaire,

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

statuant à nouveau,

- condamner le FGAO à indemniser intégralement les préjudices subis par M. [P] et les victimes par ricochet, Mme [Z] et leurs enfants mineurs [V] et [J] [P],

- condamner le FGAO à payer à M. [P] une provision d'un montant de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices,

- condamner le FGAO au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la première instance, qu'en cause d'appel,

- condamner le FGAO aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Irrmann Ferot Associés, avocat aux offres de droit,

- déclarer la décision opposable à la société Axa et commune à la CPAM et à la Mutuelle Pro BTP.

Vu les conclusions du FGAO, notifiées le 3 septembre 2021, aux termes desquelles il demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985 ainsi que des articles L. 421-1 I du code des assurances, R. 413-17 du code de la route et 562 et 901 du code de procédure civile, de :

- recevoir le FGAO en ses écritures,

y faisant droit,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 22 janvier 2021 en ce qu'il a dit que :

- le FGAO devra payer les indemnités, ne pouvant être prises en charge à aucun autre titre, dues à M. [P] et Mme [Z], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [V] et [J] [P], en réparation de leurs préjudices consécutifs à l'accident du 14 octobre 2017,

- M. [P] a commis une faute de nature à limiter son droit à indemnisation à hauteur de 50%,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- constater que les consorts [P] n'apportent pas la preuve de l'implication d'un véhicule tiers à l'origine de leurs préjudices consécutifs à l'accident de la circulation dont M. [P] a été victime le 14 octobre 2017,

par conséquent,

- débouter les consorts [P] de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre du FGAO,

à titre subsidiaire,

- dire que M. [P] a commis des fautes de conduite à l'origine de la survenue de l'accident dont il a été victime,

- dire que les fautes de conduite de M. [P] sont de nature à exclure le droit à indemnisation des consorts [P],

par conséquent,

- débouter les consorts [P] de leurs demandes, fins et conlusions dirigées à l'encontre du FGAO,

à titre infiniment subsidiaire,

- dire que l'effet dévolutif ne s'opère pas pour le chef relatif à la provision de M. [P],

par conséquent,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 22 janvier 2021 en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices,

en tout état de cause,

- débouter les consorts [P] du surplus de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre du FGAO,

- condamner les consorts [P] à payer au FGAO la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [P] à payer FGAO les dépens, dont distraction sera faite au profit de Maître Lisa Hayere, avocat au Barreau de Paris.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'implication d'un véhicule tiers et l'indemnisation par le FGAO

Le tribunal a retenu l'implication, dans l'accident, d'un véhicule de couleur blanche qui a déstabilisé M. [P]. En l'absence d'identification du conducteur de ce véhicule responsable des dommages, il a jugé que le FGAO était tenu de l'indemniser.

M. [P] conclut à la confirmation du jugement sur ce point en soutenant que l'indemnisation de son préjudice incombe au FGAO dans la mesure où le responsable de l'accident est le conducteur, non identité, d'un véhicule automobile de type citadine et de couleur blanche qui lui a coupé la route, au niveau du rond point sur lequel il s'engageait, en ne respectant pas la priorité à droite, le contraignant à effectuer une manoeuvre d'évitement à la suite de laquelle il a percuté la barrière de sécurité droite.

Il invoque, à l'appui de son argumentation la qualification de l'infraction retenue par les enquêteurs dans leur compte-rendu : «  blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur et délit de fuite », termes repris par la réquisition, par le procureur de la République, d'un médecin de permanence de l'UMJ pour l'examen médical de M. [P] ainsi que l'avis de classement sans suite au motif que « l'enquête n'a pas permis d'identifier la(les) personne(s) ayant commis l'infraction ».

Il soutient également que le pompier, intervenu sur les lieux de l'accident rapporte que M. [P] a évoqué le véhicule blanc dès les premiers instants qui ont succédé à l'accident, élément que M. [P] a repris dans ses auditions par les services de police.

Il se prévaut, en outre, du témoignage de M. [R] qui a précisé l'avoir entendu crier « putain la caisse » avant de sentir la moto chasser sur la droite puis le choc et, avoir vu, après l'accident, un homme sortir d'un véhicule automobile de couleur blanche puis repartir.

Il invoque, enfin, les enregistrements vidéo des caméras de surveillance de la ville ayant filmé un véhicule blanc à proximité du lieu des faits.

Le FGAO, conclut à l'infirmation du jugement en l'absence de preuve de l'implication d'un véhicule tiers dans l'accident.

Il souligne que les services de police ont été envoyés sur place « pour une chute fortuite », que ni M. [P] ni M. [R] ne leur ont alors signalé l'existence d'une voiture blanche et que ce n'est que 10 jours après que cette hypothèse a été évoquée alors qu'ils modifiaient leur version des faits concernant leur destination.

Il ajoute qu'en l'absence de caméra de surveillance sur le lieu de l'accident et de témoin oculaire, les seules déclarations des victimes sont insuffisantes à prouver l'implication d'un véhicule tiers cela d'autant que les retranscriptions des enregistrements vidéos des caméras de surveillance implantées à proximité ne sont pas non plus exploitables car les enquêteurs ne font qu'évoquer au conditionnel la présence d'un véhicule blanc qui, en outre, n'apparaît que plusieurs minutes après l'accident et alors que sa provenance ne correspond pas à celle évoquée par les victimes.

Sur ce, en application de l'article L. 421-1 du code des assurances, le FGAO est tenu d'indemniser la victime d'un accident de la circulation notamment lorsque le responsable des dommages est inconnu et, aux termes de l'article 1 de la loi du 5 juillet 1985, l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation est subordonnée à l'implication du véhicule dont est conducteur ou gardien celui contre lequel elle agit ; cette notion se définit comme l'intervention d'un tel véhicule dans la survenance de l'accident, d'une manière quelconque, à quelque titre que ce soit sans que la seule présence d'un véhicule suffise à la caractériser.

Il ressort des éléments du dossier que l'enquête a été réalisée en trois temps.

Tout d'abord, dans les suites immédiates de l'accident, le 14 octobre 2017, à quatre heures du matin, l'agent de police judiciaire note, dans un procès verbal de transport, que « Monsieur [P] (...) nous explique brièvement l'accident. Il venait du [Adresse 19] et allait en direction de l'[Adresse 17], il aurait perdu le contrôle de son véhicule et serait venu taper une barrière sur le côté droit. Après avoir tenté de redresser son véhicule, il finit sa course sur un terre-plein central.(...) Prenons attache avec le passager [[K] [R]], qui nous explique ne plus se souvenir de l'accident.(...) Constatons que les sapeurs pompiers de [Localité 24] arrivent sur place et prodiguent les premiers soins. En outre, il est précisé sur la fiche de « renseignement véhicule » que le choc initial se situe à l'avant-droit et que l'obstacle heurté est une glissière en béton.

Dans une lettre adressée à son conseil, le 23 octobre 2017, M. [P] précise que « Je circulais à une allure normale bd Rabelais à l'abord du pont. J'ai ralenti pour tourner à gauche et alors que j'avais vérifié, une voiture blanche, arrivée de nulle-part allait me couper la route à vive allure. J'ai fait une manoeuvre d'évitement, contre-braqué, et ai accéléré pour l'éviter ». Ses propos ont été repris par son conseil dans un courrier qu'il a adressé, le lendemain, aux services de police en ces termes : « A ce stade les circonstances de l'accident semblent indéterminées à ceci près qu'un véhicule blanc de type 'petite citadine' (206, Clio, Twingo...) est impliqué dans celui-ci et a pris la fuite ».

Le 2 novembre 2017, le conseil de M. [P] a, à nouveau, écrit aux services de police en leur adressant notamment le témoignage manuscrit de M. [R], daté du 27 octobre 2017, dans lequel il précise que « j'ai entendu mon ami dire 'putain la caisse'. Ma vision fonctionnait au ralenti et je me suis dit ' on est en train de se planter ' (...)  J'ai appelé la police pour leur indiquer l'accident, c'est alors que j'ai vu un homme brun sortir d'un véhicule blanc me regarder, prendre son téléphone portable et repartir ».

A la suite de ces correspondances, l'enquête de police a été poursuivie par la récupération des enregistrement vidéo des caméras se trouvant à proximité de l'accident. L'exploitation de ces enregistrements, en date 21 novembre 2017, est ainsi résumée : « Sur la vidéo place de la Louvière : A 4h01min36sec : on aperçoit les feux arrières d'un véhicule entre les feuilles d'un arbre circulant [Adresse 17]. Ce véhicule vient de l'avenue de la République ou de l'[Adresse 19] et se dirige vers le [Adresse 20]. Il semble qu'il est de type citadin et de couleur blanche. Son numéro d'immatriculation n'est pas identifiable » et il conclut ainsi : « Après l'exploitation des vidéos, il est possible de déterminer que (...) Le véhicule pouvant avoir causé l'accident peut être celui à 4h1min36sec circulant [Adresse 17], se dirigeant vers le [Adresse 20] et que l'on aperçoit entre les feuilles d'un arbre. Précisons que ce véhicule n'est pas retrouvé au [Adresse 20]. Il n'a pas été filmé ou il a pris une autre direction entre la gare RER et le [Adresse 20] ».

Il a été ensuite procédé, à l'audition de M. [R], le 6 décembre 2017, qui a confirmé les termes de son témoignage en précisant : « Arrivés en bas du pont de la gare RER A (...) au niveau du terre-plein et du rond-point, nous nous apprêtions à tourner sur la gauche pour emprunter l'[Adresse 16]. J'ai entendu mon ami dire 'putain la caisse'. Je n'ai pas vu arriver la voiture, j'ai senti la moto chasser sur la droite et je n'ai pas ressenti de choc. La moto a viré sur la gauche et je suis tombé au milieu de la rue. (...) J'ai pris mon téléphone pour appeler la police. J'ai vu une voiture blanche passer à mon niveau. (...) Je tiens à préciser sur le véhicule blanc que j'ai relevé une partie de l'immatriculation. Je pense qu'il s'agit de 231-AK sous toutes réserves (...) ». Les recherches menées sur ce numéro d'immatriculation se sont révélées inexploitables.

Il a ajouté, à la fin de l'entretien, « Je vous confirme avoir vu l'arrière d'une voiture blanche et sur les lieux de l'accident j'ai bien entendu mon ami déclarant à mon épouse qu'une voiture blanche lui avait coupé la route. Je dépose plainte contre X pour blessures involontaires aggravées par le délit de fuite. »

M. [P], entendu le 7 décembre 2017, a également confirmé sa version des faits dans les termes suivants : « En arrivant avant le pont du chemin de fer, normalement je tournais à gauche pour prendre l'[Adresse 16], mais j'ai vu une voiture arriver sur ma gauche, qui aurait dû me laisser la priorité à droite. Elle venait soit de l'[Adresse 16], soit de l'[Adresse 18] et je pense qu'elle se dirigeait vers la gare RER [22]. J'ai fait une manoeuvre d'évitement car pour moi on se la prenait. Et après c'est le problème je ne me souviens de rien. Je ne me souviens même pas du choc. Je me souviens d'une personne me tenant la nuque, je pense les secours, je sentais que l'on me découpait mon blouson. J'ai entendu la voix de mon ami, je lui ai juste dit que c'était une voiture blanche'. (...) » . Interrogé, sur le véhicule en fuite, il a répondu « je me souviens qu'il était blanc, de type citadine, mais je ne peux pas vous en dire plus ».

Dans un troisième temps, l'agent de police et le pompier qui sont intervenus le jour des faits, ont été entendus par les enquêteurs, respectivement les 3 et 10 août 2018.

L'agent de police, premier a être arrivé sur les lieux de l'accident, a précisé, dans son audition du 3 août 2018 : « Je lui ai demandé les circonstances. Là c'était bizarre, ce qu'il disait n'était pas clair. Il me parlait de voiture, qu'il avait vu des phares, ensuite il ne parlait plus de voiture (...) »

Le pompier, a déclaré, le 10 août 2018, après avoir précisé se souvenir des circonstances de son intervention « [le conducteur de la moto] était conscient. Dans ses paroles, il m'a dit qu'un véhicule blanc leur avait coupé la route. Il avait voulu l'éviter ». Interrogé sur le point de savoir si ses propos lui semblaient cohérents, il a précisé « Oui, il était allongé mais tout à fait conscient. Il me parlait de sa famille. C'est au fur et à mesure que son état de santé s'est dégradé ». Sur le passager de la motocyclette, il a souligné « il était conscient (...) Ses propos étaient cohérents » . Enfin, à la question « le conducteur et/ou le passager vous a-t-il parlé d'un autre véhicule en cause dans l'accident ' », il a répondu « Uniquement le conducteur. Il m'a parlé d'un véhicule genre clio blanche ».

En l'absence de caméra sur le rond-point où s'est produit l'accident, l'exploitation des vidéos enregistrées à proximité n'a pas permis aux enquêteurs d'être affirmatifs sur la présence d'un véhicule, tel que celui décrit par les protagonistes.

Néanmoins, la présence d'un véhicule de couleur blanche et son incidence sur l'accident sont évoquées, dans les témoignages concordants de M. [P] et de M. [R] établis moins de 15 jours après les faits, confirmés dans leurs auditions réalisées le mois suivant.

En outre, l'agent de police et le pompier intervenus sur les lieux de l'accident - qui ont précisé se souvenir des circonstances de leur intervention - ont tous les deux souligné que M. [P] avait évoqué le rôle dans l'accident d'une voiture blanche.

Il résulte de l'ensemble de ces témoignages, précis et concordants, la preuve qu'une voiture de couleur blanche était présente sur les lieux à l'abord du pont de la gare du RER A du [22] au niveau du 'rond point' au moment où M. [P] s'apprêtait à tourner à gauche, ce qui l'a amené à faire un écart puis à perdre le contrôle de sa moto et à heurter la barrière de sécurité située à la droite du rond point.

Est dès lors rapportée la preuve de l'implication d'un véhicule tiers, qui a joué un rôle dans l'accident dont M. [P] a été victime le 14 octobre 2017.

En l'absence d'identification de ce véhicule, le FGAO est tenu d'indemniser les consorts [P].

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le droit à indemnisation M. [P]

Le tribunal a limité le droit à indemnisation de M. [P] à 50 % en retenant un défaut de maîtrise et une vitesse excessive au regard des circonstances.

Le FGAO conteste le droit à indemnisation de M. [P] au regard des nombreuses fautes de conduite qu'il a commises : conduite sous emprise de l'alcool, défaut de maîtrise et vitesse excessive.

M. [P] conteste avoir conduit sous l'empire d'un état alcoolique et affirme que les prélèvements sanguins effectués le jour de l'accident sont négatifs à l'alcool et aux produits stupéfiants.

Sur la vitesse, M. [P] déclare avoir conduit à une vitesse normale, c'est-à-dire 50km/h. Il soutient aussi qu'il n'y a pas de lien direct entre la vitesse enclenchée (la 4ème) et la véritable allure de la moto. De plus, la vitesse a pu s'enclencher pendant la chute dans la mesure où elle se commande avec le pied.

Il ajoute que sa manoeuvre d'évitement ne saurait constituer un défaut de maîtrise.

Sur ce, en vertu de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur victime d'un accident de la circulation est indemnisé des dommages qu'il a subis sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice qui a pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation et qui doit s'apprécier en faisant abstraction du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.

Il résulte des éléments du dossier que les prélèvements sanguins réalisés sur M. [P], se sont révélés négatifs tant à l'alcool qu'aux stupéfiants.

Quant à la vitesse, si l'agent de police a noté dans le procès-verbal de transport, établi le jour de l'accident, « (...) Disons avoir déplacé la moto (...). Constatons que lors du déplacement, le compteur est bloqué à la quatrième vitesse  » puis a précisé lors de son audition du 3 août 2018, « On a bougé la moto pour ne pas avoir à la faire remorquer, c'était une grosse cylindrée, j'ai voulu l'avancer, j'ai compté les coups de pédale que j'ai mis avant de revenir au point mort, il y en avait 4, du coup ils étaient en 4 vitesse. Pour moi, à mon avis, c'est difficile de rouler à 50km/h en 4ème vitesse » ces propos sont insuffisants, en l'absence d'éléments objectifs relatifs à la vitesse de la motocyclette, à démontrer son caractère excessif.

Néanmoins, M. [P] qui circulait la nuit à l'approche d'une intersection de route aurait dû adapter sa vitesse à ces circonstances, ce qui lui aurait permis, à la vue du véhicule de couleur blanche, dont la présence n'était pas imprévisible, de freiner ou d'opérer une manoeuvre d'évitement efficaces ; il a ainsi roulé en infraction avec l'article R. 413-17 du code de la route qui prescrit que les vitesses maximales autorisées par les dispositions de ce code ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles.

Dès lors, compte tenu de la nature et de la gravité de la faute de conduite retenue à l'encontre de M. [P] laquelle a contribué à la réalisation de son préjudice, il y a lieu, de réduire son droit à indemnisation, non pas de 50 % mais de 30 %, de sorte qu'il pourra obtenir l'indemnisation des préjudices subis consécutivement à l'accident à proportion de 70 %.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur effet dévolutif de l'appel en ce qui concerne la demande de provision

Le FGAO soulève l'absence d'effet dévolutif de l'appel sur la demande de M. [P] d'une provision de 100 000 euros dans la mesure où sa déclaration d'appel ne mentionne pas le chef du jugement relatif au rejet de sa demande de provision.

M. [P] conclut à la saisine de la cour d'appel sur la provision en relevant que sa déclaration d'appel mentionne qu'il critique le « débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ».

Sur ce, aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, ' l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.

Le tribunal judiciaire de Paris a, dans son jugement du 22 janvier 2021, expressément « rejeté les demandes de provisions formulées par M. [P] » puis « débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires » de sorte que la mention, dans la déclaration d'appel, de ce second chef ne saurait inclure le premier qu'avait distingué le tribunal.

La cour n'est donc pas saisie du chef du dispositif du jugement ayant rejeté les demandes de provisions formulées par M. [P].

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer commun le présent arrêt à la CPAM et aux sociétés Axa et Korelio Pro BTP qui ont la qualité d'intimées et auxquelles la présente décision est de ce fait opposable.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Au regard du caractère subsidiaire de son intervention, le FGAO ne peut être condamné aux dépens qui ne figurent pas au rang des charges qu'il est tenu d'assurer et qui seront laissés à la charge de l'Etat.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Se déclare non saisie du chef du dispositif du jugement ayant rejeté les demandes de provisions formulées par M. [P],

- Confirme le jugement sauf en ce qui concerne l'étendue du droit à indemnisation de M. [P],

Statuant sur le point infirmé et y ajoutant,

- Dit que M. [D] [P] a commis une faute de conduite réduisant à hauteur de 30 % son droit à indemnisation,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Laisse les dépens d'appel à la charge de l'Etat.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/04546
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.04546 ?
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