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15/12/2022 | FRANCE | N°21/04265

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 15 décembre 2022, 21/04265


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04265

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHD3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 janvier 2021 - Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 17/13240



APPELANTS



Monsieur [J] [F]

[Adresse 4]

[Localité 14]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité

14]

Représenté et assisté par Me Serge BEYNET de la SELARL SERGE BEYNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0482



Madame [D] [F]

[Adresse 4]

[Localité 14]

née le [Date naissance 3] 19...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04265

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHD3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 janvier 2021 - Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 17/13240

APPELANTS

Monsieur [J] [F]

[Adresse 4]

[Localité 14]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 14]

Représenté et assisté par Me Serge BEYNET de la SELARL SERGE BEYNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0482

Madame [D] [F]

[Adresse 4]

[Localité 14]

née le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 18]

Représentée et assistée par Me Serge BEYNET de la SELARL SERGE BEYNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0482

INTIMEES

S.A. PACIFICA

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représentée par Me Laure ANGRAND de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435

Assistée par Me Eric MANDIN, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. CYCLEUROPE INDUSTRIES

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Alain BARBIER de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J042

S.A. MMA IARD SA

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Alain BARBIER de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J042

S.A. MAAF ASSURANCES

[Adresse 15]

[Localité 10]

Représentée et assistée par Me Stéphanie MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1710

S.A.R.L. CYCLES THOMAS

[Adresse 17]

[Localité 12]

Représentée et assistée par Me Stéphanie MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1710

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE SAONE

[Adresse 13]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 juin 2015 alors qu'il circulait à vélo sur une route départementale, accompagné de son ami, M. [S], qui le précédait, M. [J] [F] a fait une chute en passant par dessus son guidon et a été gravement blessé.

Par acte d'huissier de justice en date du 12 octobre 2015, M. [F] et son épouse, Mme [D] [F] (les consorts [F]), ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Vesoul le vendeur du vélo, la société Cycles Thomas et le fabriquant de celui-ci, la société CycleEurope Industries pour obtenir la mise en place d'une expertise technique du vélo.

Par ordonnance du 5 janvier 2016, M. [B] était désigné en qualité d'expert à l'effet d'analyser les circonstances de l'accident au regard notamment de l'état du vélo utilisé par M. [F].

L'expert a établi son rapport le 22 mars 2017.

La société Pacifica n'était pas partie à cette expertise.

Estimant qu'était impliqué dans l'accident un véhicule conduit par M. [K] [U], et assuré auprès la société Pacifia les consorts [F] les ont fait assigner, par exploit en date du 18 août 2017, devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la réparation de leurs préjudices.

La société Pacifica a attrait les sociétés Cycle Thomas, CycleEurope Industries, ainsi que la société Mutuelle du Mans Assuraces (la société MMA) et la société Mutuelle d'assurance des artisans de France (la société MAAF).

Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement rendu le 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- dit que le véhicule de M. [E], assuré auprès de la société Pacifica, n'est pas impliqué au sens de la loi du 5 juillet 1985 dans la survenance de l'accident dont a été victime M. [F] le 11 juin 2015,

- débouté en conséquence les consorts [F] de toutes leurs demandes formées notamment à l'encontre de la société Pacifica et dit que la demande d'opposabilité de la présente décision à l'égard de la CPAM est sans objet,

- débouté la société Pacifica de sa demande d'expertise du vélo de M. [F] ainsi que de toutes ses demandes subséquentes,

- débouté la société MAAF, la société Cycles Thomas ainsi que la société MMA et la société CycleEurope Industries de toutes leurs demandes,

- débouté toutes les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les consorts [F] aux dépens de la présente instance.

Par acte du 5 mai 2021, les consorts [F] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle n'a pas retenu l'implication du véhicule de M. [E] dans l'accident survenu le 11 juin 2015, a rejeté l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la société Pacifica et les a déboutés de leur demande d'opposabilité de la décision à la CPAM. Ils critiquent en outre les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions des consorts [F], notifiées le 21 septembre 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

Vu les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédure d'indemnisation,

- juger les consorts [F] recevables et bien fondés en leurs demandes,

en conséquence,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [F] de leurs demandes à l'encontre de la société Pacifica,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les consorts [F] aux dépens de l'instance,

- juger que le véhicule conduit par M. [U] est impliqué dans l'accident survenu à M. [F] le 11 juin 2015,

- condamner la société Pacifica à indemniser les consorts [F] de l'ensemble de leurs préjudices résultant de l'accident du 11 juin 2015,

- ordonner une expertise médicale judiciaire et désigner à cet effet tel expert qui lui plaira avec la mission décrite dans le corps des présentes écritures,

- condamner la société Pacifica à verser à M. [F] la somme provisionnelle de 200 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

- condamner la société Pacifica à verser à Mme [F] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- débouter la société Pacifica de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des consorts [F],

- si par extraordinaire, la cour faisait droit à une ou plusieurs demandes d'expertise de la société Pacifica, elle la/les ordonnerait aux frais et charges avancés de cette dernière,

- condamner la société Pacifica à verser aux consorts [F] la somme de 6 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM,

- condamner la société Pacifica aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions de la société Pacifica, notifiées le 23 juin 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 331, 333 et 367 du code de procédure civile,

Vu les articles 1641, 1648 du code civil,

Vu les articles 11, 16, 237, 238 et 246 du code de procédure civile,

Vu les articles 1245 et suivants du code civil,

Vu les dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985,

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

- dit que le véhicule de M. [E], assuré auprès de la société Pacifica, n'est pas impliqué au sens de la loi du 5 juillet 1985 dans la survenance de l'accident dont a été victime M. [F] le 11 juin 2015,

- débouté en conséquence les consorts [F] de toutes leurs demandes formées notamment à l'encontre de la société Pacifica et dit que la demande d'opposabilité de la présente décision à l'égard de la CPAM est sans objet,

- débouté la société Pacifica de sa demande d'expertise du vélo de M. [F] ainsi que de toutes ses demandes subséquentes,

- débouté la société MAAF assurances et la société Cycles Thomas ainsi que la société MMA et la société CycleEurope Industries de toutes leurs demandes,

- débouté toutes les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les consorts [F] aux dépens de la première instance,

en conséquence,

- débouter les consorts [F] de l'intégralité de leurs demandes formulées à l'encontre de la société Pacifica, tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires,

à titre subsidiaire, la cour statuant à nouveau,

- juger que le rapport établi par M. [B] se trouve entaché de graves irrégularités de nature à le priver de toute portée scientifique exploitable par la cour,

- juger que l'expert a manqué à ses plus élémentaires devoirs de conscience, d'objectivité et d'impartialité,

- juger qu'il est conforme à l'administration d'une bonne justice d'ordonner une contre-expertise judiciaire afin d'apprécier rigoureusement les demandes formées par les consorts [F],

en conséquence,

avant dire droit,

- désigner tel expert, aux fins notamment de :

- prendre connaissance du déroulement des faits et des circonstances dans lesquelles est survenu l'accident de vélo de M. [F] le 11 juin 2015, en examinant en particulier les différents procès-verbaux de constatations et d'auditions dressés par la gendarmerie de [Localité 16], le rapport d'expertise de M. [B], ainsi que la note technique établie par M. [X] en novembre 2017

- se faire remettre le vélo accidenté et les différentes pièces qui ont éventuellement été démontées, ainsi que tous les clichés photographiques qui ont été pris par les parties et la gendarmerie suite à l'accident

- confronter l'ensemble de ces éléments et vérifier l'authenticité des éléments matériels qui lui seront présentés

- sauvegarder tous les éléments matériels appartenant au vélo accidenté

- procéder à toutes constatations utiles sur ce vélo, en examinant en particulier la fourche avant du vélo, les deux roues du vélo, les organes de freinage dont en particulier le disque, les dispositifs destinés à la fixation des roues, dont en particulier le levier de blocage rapide de la roue avant,

- recenser exhaustivement toutes traces de chocs ou de matages sur ces différents organes et se prononcer sur les contacts qui ont pu se produire entre ceux-ci, qui ne correspondraient pas à un fonctionnement normal de ces pièces,

- examiner la rupture décelée en extrémité de la fourche avant du vélo, et procéder à des examens métallurgiques en laboratoire, pour vérifier les caractéristiques mécaniques et la structure métallographique du matériau, mettre en évidence toute anomalie métallurgique, et déterminer le mode et les circonstances de la rupture de la fourche

- donner son avis quant à la cause de l'accident survenu le 11 juin 2015, en précisant les éléments de faits lui permettant d'étayer le scénario de l'accident,

- juger que l'expert devra adresser un pré-rapport aux parties et à leurs conseils, lesquels disposeront d'un délai de 4 semaines pour lui adresser leurs observations sous forme de dire, avant dépôt du rapport définitif,

- donner acte à la société Pacifica de ses expresses protestations et réserves sur la mesure d'expertise médicale sollicitée par les demandeurs,

- juger que les honoraires de l'expert seront mis à la charge des demandeurs,

à titre reconventionnel,

- désigner tel expert afin de déterminer le préjudice financier des demandeurs en conséquence de l'accident de M. [F], lequel procédera à l'analyse des revenus et dépenses des consorts [F], incluant notamment la vérification de la souscription d'une garantie accident de la vie ou d'une assurance en rapport avec la pratique de la randonnée à vélo et des règlements

sur le fond,

- juger que le véhicule de M. [U] n'a eu aucun rôle dans la survenance de la chute dont a été victime M. [F],

- juger que les consorts [F] échouent à rapporter la preuve de l'implication du véhicule conduit par M. [U] dans cet accident,

- juger que M. [F] échoue à rapporter la preuve tant de la réalité que du montant du préjudice d'affection invoqué,

en conséquence,

- prononcer la mise hors de cause de la société Pacifica,

- débouter les consorts [F] de leur demande de provision,

- débouter les consorts [F] de toute demande dirigée à l'encontre de la société Pacifica,

à titre subsidiaire,

- juger que l'expertise réalisée par M. [B] n'a pas permis d'éliminer la thèse d'un défaut du vélo de M. [F] à l'origine de la chute de ce dernier,

- juger la société Pacifica tant recevable que bien-fondé en sa demande de garantie dirigée à l'encontre des sociétés Cycles Thomas, CycleEurope Industries, MAAF et MMA,

en conséquence,

- condamner les sociétés Cycles Thomas, CycleEurope Industries, MAAF et MMA à relever et garantie la société Pacifica de toute éventuelle demande de condamnation prononcée à son encontre, tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires,

en tout état de cause,

- débouter toutes les parties de leurs demandes de condamnations formulées à l'encontre de la concluante au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions des sociétés CycleEurope Industries et MMA, notifiées le 21 octobre 2021, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile,

sur l'appel principal des consorts [F],

- juger recevable, mais dépourvu d'objet à l'égard des sociétés CycleEurope Industries et MMA, l'appel des consorts [F],

- se déclarer non saisie,

- condamner in solidum les consorts [F] à payer aux sociétés CycleEurope Industries et MMA la somme de 2 5000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens d'appel,

sur l'appel incident subsidiaire de la société Pacifica,

Vu les articles 1353 et 1346 du code civil,

- débouter la société Pacifica de toutes ses demandes dirigées contre les sociétés CycleEurope Industries et MMA,

- dire n'y avoir lieu à nouvelle expertise,

- condamner la société Pacifica à payer aux sociétés CycleEurope Industries et MMA la somme de 2 500 euros, à chacune, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- les condamner aux dépens d'appel.

Vu les conclusions des sociétés MAAF et Cycles Thomas, notifiées le 18 octobre 2021, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :

- déclarer les consorts [F] mal fondés en leur appel et le rejeter,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- mettre hors de cause les sociétés Cycles Thomas et MAAF,

subsidiairement, si la cour devait réformer le jugement,

- déclarer la société Pacifica mal fondée en son appel en garantie,

- rejeter sa demande de contre-expertise,

- rejeter toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Cycles Thomas et son assureur, la société MAAF,

en tout état de cause,

- condamner la société Pacifica à payer aux sociétés Cycles Thomas et à la MAAF une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître Stéphanie Moisson, avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

La CPAM qui a reçu signification de la déclaration d'appel par acte d'huissier de justice en date du 11 mai 2021 délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'implication du véhicule de M. [U]

Le tribunal a estimé que la preuve de l'implication du véhicule de M. [U] dans l'accident subi par M. [F] n'était pas rapportée et que les affirmations de M. [B] sur les circonstances de l'accident étaient en contradiction avec les déclarations de M. [F], de M. [S] et de M. [U] consignées dans le procès-verbal de gendarmerie.

Les consorts [F] demandent la réformation du jugement et rappellent que la preuve de l'implication d'un véhicule dans un accident de la circulation peut, en l'absence de heurt et de faute de conduite du conducteur, résulter de la démonstration que la présence de ce véhicule a entraîné une réaction de la victime à l'origine de l'accident.

Ils affirment que M. [F] a été surpris par le véhicule de M. [U] qui effectuait un dépassement, qu'il a effectué un freinage brutal et que la roue est alors sortie de la fourche du vélo, ce qui est confirmé, selon eux, par l'expertise de M. [B] ; ils avancent que l'action de freinage brutal de M. [F] n'a pu être induite que par un élément extérieur, tel qu'un bruit anormal et que M. [F] n'a commis aucune faute de conduite.

Ils ajoutent que M. [S] qui circulait devant M. [F] n'a pas été témoin de sa chute, que M. [F] a été victime d'un traumatisme crânien de sorte que ses déclarations, faites au surplus plusieurs mois après l'accident, doivent être prises avec prudence, et qu'il est douteux que M. [U] ait pu entendre un bruit métallique provenant du vélo de M. [F].

La société Pacifica soutient que le véhicule de M. [U] n'est pas impliqué dans l'accident. Elle conteste l'hypothèse développée par les appelants selon laquelle M. [F] aurait été surpris par l'apparition du véhicule de M. [U] et aurait freiné soudainement, ce qui est en contradiction avec les déclarations consignées dans le procès-verbal d'enquête.

***

Sur ce, aux termes de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation est subordonnée à l'implication du véhicule dont est conducteur ou gardien celui contre lequel elle agit ; cette notion se définit comme l'intervention d'un tel véhicule dans la survenance de l'accident, d'une manière quelconque, à quelque titre que ce soit.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de gendarmerie que l'accident s'est produit le 11 juin 2005, en plein jour, en agglomération, hors intersection et sur une portion de route rectiligne.

M. [F] qui a été entendu le 9 novembre 2015 a déclaré qu'il faisait du vélo avec son ami, M. [S], qu'il ne roulait pas vite, environ à 25 km/h et qu''à un moment je ne sais pas pourquoi l'avant de mon vélo s'est bloqué et je me souviens avoir crié et être parti la tête en avant...' ; en réponse à la question de savoir s'il avait freiné, il a répondu 'non pas du tout, l'avant de mon vélo s'est bloqué sans raison je ne sais pas pourquoi'.

M. [S] a indiqué qu'il circulait sur son vélo devant M. [F], à environ 5-10 mètres de lui et à une vitesse de 25 à 30 km/h, qu'il n'avait pas vu M. [F] chuter mais qu'il l'avait entendu crier et avait également entendu un bruit ; il a précisé que le conducteur d'une camionnette qui les suivait avait vu M. [F] chuter et avait klaxonné pour le prévenir ; il a spécifié 'cette personne n'a rien à voir avec l'accident. Son véhicule utilitaire n'a pas heurté le vélo de [J] [M. [F]]...'.

M. [U] a déclaré qu'il dépassait un cycliste lorsqu'il avait entendu un bruit métallique provenant du vélo puis avait aperçu le 'cycliste passer par dessus le guidon de son vélo' qu'il avait poursuivi son dépassement et klaxonné son ami qui était également en vélo quelques mètres devant pour le prévenir de la chute. Sur interrogation il a précisé qu'à son avis la chute était due à un 'problème mécanique au vu du bruit et l'état de la roue et le fait qu'elle se soit désolidarisée du vélo'. Il a indiqué qu'il n'y avait eu aucun choc entre son véhicule et le vélo de M. [F] lors du dépassement.

M. [B] expert judiciaire a estimé dans son rapport établi le 22 mars 2017, au vu de la trace de ripage relevée sur les lieux de l'accident par les gendarmes et de l'examen du vélo que le contrôle des pièces et éléments constituant le vélo ainsi que le montage et les consignes d'utilisation du vélo étaient 'claires et irréprochables' et que la cause de l'accident 'est seulement un événement 'danger' totalement indépendant du cycliste mais causé par un événement perturbateur. Celui-ci a induit un réflexe désordonné suivi d'une action de freinage très brutale, d'abord sur l'arrière avec glissement du pneu au sol suivi d'une seconde action de freinage sur la roue avant tout aussi brutale laquelle immobilisera la roue avant et le vélo, précipitant ce dernier et le cycliste au sol'.

Il a conclu que 'seul un événement perturbateur (sonore) a éveillé un 'danger immédiat' auquel le cycliste a répondu par un freinage réflexe violent provoquant un bloquage de la roue avant du vélo...'.

Cette expertise à laquelle la société Pacifia n'a pas participé a été diligentée près de deux ans après l'accident et ses conclusions ne sont pas valablement corroborées par la seule constatation d'une trace de ripage sur la voie de circulation de M. [F] et sont en contradiction avec les déclarations précises et concordantes de M. [S] et de M. [U].

Il n'est ainsi aucunement établi que le véhicule que conduisait M. [U] est intervenu dans la chute de M. [F] et notamment qu'en raison de la présence de ce véhicule qui le dépassait, M. [F] a fait un écart ou a opéré un freinage brutal.

Les consorts [F] doivent en conséquence être déboutés de leur demande d'indemnisation formée à l'encontre de la seule société Pacifica, ce qui rend sans objet les recours en garantie de celle-ci à l'égard des sociétés Cycles Thomas, CycleEurope Industries, MAAF et société MMA IARD assurances mutuelles ; le jugement doit ainsi être confirmé et ce notamment en ce qu'il a débouté la société Pacifica de sa demande d'expertise technique du vélo de M. [F].

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées

Les consorts [F] qui succombent en leur recours supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne M. [J] [F] et Mme [D] [F] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/04265
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.04265 ?
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