Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 15 DECEMBRE 2022
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12022 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCN7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/01179
APPELANT
Monsieur [K] [A]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
INTIMEE
SARL UNIPERSONELLE ALLBRIDGE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Suzanne BENTO CARRETO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES
Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 1er mars 2005, M. [K] [A] a été engagé par la société Barbiero France en tant qu'agent commercial.
Par avenant prenant effet le 1er février 2006, le contrat de travail de M. [A] a été transféré à la société Allbridge qui emploie à titre habituel moins de onze salariés.
Le service commercial de la société Allbridge comprenait le gérant [O] [Z], M. [A] et, à partir de mai 2017, Mme [P].
Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport.
M. [A] a fait l'objet d'arrêts de travail de manière continue du 3 mars 2018 au 11 avril 2021.
Sollicitant la résiliation de son contrat de travail pour harcèlement moral, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 23 avril 2018 aux fins d'obtenir la condamnation de la société Allbridge au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 27 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a :
Débouté M. [A] de l'ensemble de ses demandes,
Débouté la société Allbridge de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné M. [A] aux dépens.
Le 4 décembre 2019, M. [A] a interjeté appel du jugement.
Lors de la visite de reprise du 11 mars 2021, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de M. [A] à tout poste au sein de l'entreprise Allbridge, tout en précisant que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Par courrier du 19 mars 2021, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 30 mars 2021.
Par courrier du 7 avril 2021, la société Allbridge a licencié M. [A] pour inaptitude d'origine non professionnelle.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 6 septembre 2022, M. [A] demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny et de :
Déclarer son appel recevable et bien fondé,
Infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Allbridge de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau de:
Fixer la moyenne de ses douze derniers mois de salaire à 10.093,22 euros,
A titre principal,
Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Allbridge à la date de prononcé de l'arrêt à intervenir,
Condamner la société Allbridge à lui verser la somme de 30.279,66 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 3.027,96 euros bruts à titre de congés payés afférents,
Dire et juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en ce qu'il porte, dans son cas particulier, une atteinte disproportionnée aux droits de ce dernier et en ce qu'il est, en tout état de cause, non conforme au droit de l'Union Européenne et condamner M. [A] à lui payer la somme de 151.300 euros, équivalent de 15 mois de salaire, en réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur,
Subsidiairement, appliquer le barème issu du nouvel article L.1235-3 du code du travail et condamner la société Allbridge à lui verser la somme de 136.200 euros, équivalant à 13,5 mois de salaire, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur,
A titre subsidiaire, sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,
Juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamner la société Allbridge à lui verser la somme de 30.279,66 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 3.027,96 euros bruts à titre de congés payés afférents,
Condamner la société Allbridge à lui verser la somme de 136.200 euros, équivalant à 13,5 mois de salaire, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause
Condamner la société Allbridge à lui verser les sommes suivantes :
-30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct causé par
les manquements de la société Allbridge à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral (article L.1152-4 du code du travail),
- 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct causé par les agissements de harcèlement moral (article L.1152-1 du code du travail),
Dire et juger que les avertissements qui lui ont été notifiés les 23 janvier 2018 et 23 mai 2019 sont nuls et de nul effet,
Condamner la société Allbridge à lui verser les sommes suivantes :
- 24.722,85 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées d'avril à décembre 2015, outre 2.472,28 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 44.329,18 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2016, outre 4.432,91 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 40.567,61 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2017, outre 4.056,76 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 11.782,98 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées de janvier à mars 2018, outre 1.178,29 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 60.000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié,
Condamner la société Allbridge à lui verser 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par ses manquements en matière de prévoyance,
Condamner la société Allbridge à lui verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.000 euros au titre de la procédure de première instance et la somme de 2.000 euros au titre de la procédure d'appel,
Condamner la société Allbridge aux entiers dépens,
Débouter la société Allbridge de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, plus amples ou contraires,
Assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
Dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Sylvie Kong Thong, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 6 septembre 2022, la société Allbridge demande à la cour de :
A titre principal, confirmer le jugement et débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes,
Subsidiairement, si par impossible la cour venait à faire droit à la demande de résiliation judiciaire formulée par M. [A] ou à celle tirée de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ainsi qu'aux demandes tirées du préjudice subi en raison d'une part de ses manquements à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral et d'autre part des actes de harcèlement moral, de :
Juger qu'en application de l'article L.1235-3 du code du travail, l'indemnité maximale à laquelle M. [A] pourrait prétendre ne saurait excéder 11,5 mois de salaires, soit une somme de 113.987,14 euros,
En toute hypothèse, réduire le quantum des dommages et intérêts sollicités au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, au préjudice dûment subi et justifié, soit au jour de la rédaction des présentes, à néant,
Limiter le montant de l'indemnité de préavis à la somme de 27.448,41 euros, outre 2.744,84 euros au titre des congés payés afférents,
Réduire à néant le quantum des dommages et intérêts sollicités au titre de ses manquements à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral et d'autre part des actes de harcèlement moral prétendument subis en l'absence de démonstration de l'existence d'un quelconque préjudice subi,
En toute hypothèse,
Condamner M. [A] à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [A] aux entiers dépens et de juger qu'ils pourront être recouvrés par Me Suzanne Bento Carreto, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L'instruction a été déclarée close le 7 septembre 2022.
MOTIFS :
Sur la demande d'annulation des avertissements des 19 janvier 2018 et 23 mai 2019:
En application de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
M. [A] demande l'annulation de l'avertissement du 19 janvier 2018 notifié le 23 janvier et de l'avertissement du 23 mai 2019.
L'employeur s'oppose à ces demandes.
* Sur l'avertissement en date du 19 janvier 2018 :
Par courrier daté du 19 janvier 2018, l'employeur a notifié le 23 janvier 2018 au salarié un avertissement pour avoir le 17 janvier 2018, lors d'un entretien concernant les fiches de postes, eu un comportement inadapté à l'égard de M. [E], juriste.
Il ressort de l'attestation de M. [E] que le 17 janvier 2018, M. [A] s'est levé de sa chaise et 'l'a apostrophé avec une excitation extrême à la limite de l'empoignade ou de la rixe'. Ces faits sont corroborés par M. [X], salarié de l'entreprise, qui a affirmé avoir été témoin 'avec une employée de la médecine Mme [R] [C] que M. [A] s'était énervé très violemment contre M. [E] lors de l'entretien des fiches de poste. L'attitude de M. [A] était très agressive et s'était mis debout comme pour provoquer une bagarre'.
Les éléments produits par M. [A] ne sont pas de nature à contredire les attestations de MM. [E] et [X] desquelles se déduit le bien-fondé de l'avertissement du 19 janvier 2018.
Par suite, la demande d'annulation de cet avertissement est rejeté et le jugement sera confirmé en conséquence.
* Sur l'avertissement en date du 23 mai 2019 :
Par courrier daté du 23 mai 2019, l'employeur a notifié au salarié un avertissement pour avoir à une date non précisée proféré à l'encontre du gérant des propos injurieux.
En l'espèce, la cour constate que la lettre d'avertissement ne précise ni la nature des propos reprochés au salarié ni la date à laquelle ceux-ci ont été tenus.
De même, les attestations de M. [F] et de Mme [P] produites par l'employeur pour justifier du bien-fondé de l'avertissement litigieux, ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées pour établir que des propos injurieux ont bien été tenus par l'appelant à l'encontre du gérant.
Il s'en déduit que les faits reprochés au salarié ne sont pas établis.
Dès lors, l'avertissement du 23 mai 2019 sera annulé et le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur les manquements de l'employeur lié à l'exécution du contrat de prévoyance :
Au préalable, il est rappelé que M. [A] a fait l'objet d'arrêts de travail de manière continue du 3 mars 2018 au 7 avril 2021, date de la notification de son licenciement.
Les parties s'accordent dans leurs écritures sur les faits suivants ;
- la rémunération mensuelle brute de M. [A] était de plus de 9.000 euros,
- bien que la convention collective applicable ne l'imposait pas, la société Allbridge a souscrit au profit de ses salariés une prévoyance au titre de l'incapacité temporaire de travail auprès de la société AG2R La Mondiale (ci-après désignée AG2R),
- la convention collective applicable n'imposait à l'employeur le maintien de la totalité du salaire de M. [A] que pour la période du 13 mars au 12 juillet 2018 et de 75% du salaire pour la période du 13 juillet au 12 novembre 2018.
M. [A] reproche à l'employeur de ne pas :
- l'avoir informé de l'existence du contrat de prévoyance souscrit par lui auprès d'AG2R et permettant le maintien de l'intégralité de son salaire à compter de janvier 2019 et jusqu'à la date de rupture du contrat de travail,
- lui avoir communiqué la notice de ce contrat malgré sa demande en ce sens,
- lui avoir versé les fonds qui ont été transmis à la société Allbridge par AG2R pour assurer le maintien de son salaire au cours de la période concernée.
M. [A] sollicite ainsi la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces manquements.
En défense, la société expose qu'elle a été induite en erreur par son expert comptable qui lui a indiqué le 10 janvier 2019 qu'elle n'avait pas souscrit de contrat de prévoyance et qu'elle n'avait appris l'existence de ce contrat qu'à compter du 30 janvier 2019 au moment où AG2R lui avait adressé une demande de prise en charge concernant le salarié. Elle soutient que 'les versements destinés au salarié lui ont été rétrocédés et se sont poursuivis jusqu'à la notification du licenciement'.
En l'espèce et en premier lieu, si l'employeur justifie par des échanges de mails que son cabinet d'expertise-comptable ne lui a pas indiqué le 10 janvier 2019 l'existence d'un contrat de prévoyance pouvant bénéficier au salarié et qu'il n'a été informé de celle-ci que le 29 janvier 2019 (et non le 30 janvier comme mentionné dans les écritures), le salarié justifie quant à lui au moyen d'un courriel de AG2R qu'à la date du 13 février 2019, l'employeur n'avait procédé à aucune demande de prise en charge à son profit auprès de l'organisme de prévoyance.
En deuxième lieu, selon les dispositions de l'article 1353 du code civil, Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Nonobstant la délivrance d'un bulletin de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables.
S'il n'est versé aux débats ni le contrat de prévoyance ni un argumentaire précisant le régime de celui-ci, le salarié soutient, sans être contesté sur ce point par l'employeur, que la mise en oeuvre du mécanisme de prévoyance avait pour effet de permettre le maintien de sa rémunération entre janvier 2019 et la date de son licenciement par le biais de fonds transitant entre AG2R et la société Allbridge.
Si l'employeur soutient avoir versé les fonds reçus d'AG2R au salarié, il ne produit à l'appui de ses allégations que des bulletins de salaire mentionnant le versement à l'appelant d'une indemnité de prévoyance pour la période du 21 mai 2019 à avril 2021, ainsi qu'une pièce bancaire attestant d'un virement du 7 juin 2019 au profit du compte courant de M. [A] pour un montant de 13.471,23 euros au titre de cotisations de prévoyance.
Par suite, d'une part, la société ne produit aucun élément justifiant le versement d'une indemnité de prévoyance pour la période du 1er janvier au 20 mai 2019 inclus. D'autre part, l'employeur ne justifie par aucune pièce comptable avoir versé des indemnités de prévoyance au salarié postérieurement au virement bancaire du 7 juin 2019 et jusqu'à la date de rupture du contrat de travail.
Il se déduit de ce qui précède que la société Albridge ne prouve pas avoir versé la totalité des indemnités de prévoyance dues au salarié au titre de la période considérée et du contrat de prévoyance souscrit à son profit.
Compte tenu de la période au cours de laquelle le salarié devait percevoir l'indemnité de prévoyance litigieuse et ne l'a pas perçu, il sera intégralement fait droit à la demande indemnitaire de ce dernier.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur le harcèlement moral :
M. [A] soutient qu'il a subi des agissements constitutifs d'un harcèlement moral et sollicite la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par ces agissements.
La société conteste tout harcèlement moral et conclut au débouté de la demande indemnitaire.
***
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
***
Afin d'établir la dégradation de son état de santé, le salarié produit des arrêts de travail de mars 2018 à la date de son licenciement mentionnant un état de stress anxiodépressif ainsi que des prescriptions médicales d'antidépresseurs et d'anxiolytiques.
Il produit également :
- un certificat médical du 3 avril 2018 par lequel le docteur [L], psychiatre a indiqué que M. [A] présentait un 'syndrome anxiodépressif sévère et réactionnel. Troubles de la concentration et de la mémoire. Insomnies. Mésestime de soi. Hypervigilance',
- un certificat médical du 12 juin 2018 par lequel le docteur [L] indique que M. [A] 'présente un syndrome anxiodépressif sévère (tristesse de l'humeur, idées noires, insomnies, ruminations anxieuses, troubles de la concentration et de la mémoire, mésestime de soi, anhédonie et préjoration de l'avenir) en lien, selon ses dires, avec une situation de souffrance au travail. Cet état, actuellement incompatible avec la reprise d'une activité professionnelle, nécessite des soins spécialisés pour une durée indéterminée. En effet, et au vu de ces éléments, une reconnaissance en maladie professionnelle apparaît nécessaire pour le patient'.
***
En premier lieu, M. [A] reproche à l'employeur de lui avoir indiqué par courriel du 4 janvier 2018 qu'il ne souhaitait pas prendre de mesures suite au courriel que le salarié lui avait adressé le 11 septembre 2017 et dans lequel ce dernier, d'une part, lui rappelait que Mme [P] l'avait agressé le 24 août 2017 en sa présence et, d'autre part, lui demandait d'intervenir.
A l'appui de ses allégations, le salarié produit un courriel du 11 septembre 2017 par lequel :
- d'une part, il a indiqué à M. [Z] : 'j'entends vous faire part de ma stupéfaction et de mon inquiétude s'agissant du comportement de ma nouvelle collaboratrice récemment embauchée Mme [B] [P] envers moi. Le 24 août dernier, alors que nous étions en train de travailler dans le bureau de la comptabilité, elle m'a en effet littéralement agressé en votre présence et celles de quelques collaborateurs et d'un client témoins de la scène (...)',
- d'autre part, il a demandé à M. [Z] de faire le nécessaire pour que cela ne se reproduise pas.
Le salarié produit également un courriel du 4 janvier 2018 par lequel M. [Z] lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas 'entrer dans une polémique sur des faits remontant à plusieurs mois'.
Les faits allégués sont donc établis.
En deuxième lieu, M. [A] soutient qu'à plusieurs reprises M. [Z] a reproché son comportement et la qualité de son travail en :
- prononçant à son encontre deux avertissements les 19 janvier 2018 et 23 mai 2019,
- en lui adressant un courrier du 12 mars 2018 par lequel il lui a écrit : 'il est inexact d'affirmer comme vous le faites qu'au cours de ces 13 années, vous auriez toujours été félicité pour la qualité de votre travail et pour votre comportement. En effet, j'ai été contraint d'attirer votre attention à plusieurs reprises sur votre travail en raison de la baisse constante des chiffres réalisés par vos soins mais également en raison du comportement que vous avez pu adopter tant à l'égard de certains clients qu'à l'égard de certains collègues'.
Avertissements et courrier sont produits par le salarié.
Ces faits sont donc établis.
En troisième lieu, M. [A] soutient que l'employeur a commis des manquements au regard du contrat de prévoyance souscrit à son profit.
Il ressort des développements précédents que ces manquement sont établis.
En quatrième lieu, M. [A] reproche à l'employeur de lui avoir demandé par courriel du 7 février 2020 de rembourser un prêt personnel alors qu'il avait déjà remboursé ce prêt.
Ces faits, qui ne sont pas contestés par l'employeur, sont établis par les courriers et courriels versés aux débats.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres agissements invoqués par le salarié, la cour constate que les éléments de faits susmentionnés qui sont matériellement établis permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En réponse et de manière générale, l'employeur reproche au salarié d'avoir voulu constituer un dossier contre lui en sollicitant de manière abusive les salariés de l'entreprise, de lui avoir adressé de nombreuses accusations après le prononcé à son encontre de l'avertissement du 19 février 2018, de produire des attestations n'établissant pas les faits qui lui sont reprochés et de produire ses propres écrits pour établir les faits qu'il allègue.
En premier lieu, l'employeur soutient que suite aux événements du 24 août 2017, il a pris soin d'interroger Mme [P] et de faire le point avec cette dernière mais que l'appelant avait eu un comportement inapproprié à l'encontre de celle-ci. Toutefois, la société se borne à procéder par voie d'affirmation, ne se référant dans ses écritures à aucun élément pour justifier ces allégations.
En deuxième lieu, il ressort des développements précédents que si l'avertissement du 19 janvier 2018 est bien fondé, la cour a en revanche annulé l'avertissement du 23 mai 2019 qui n'est dès pas justifié. De même, la société ne justifie pas les reproches formulés au salarié dans son courrier du 12 mars 2018.
En troisième lieu, il ressort des développements précédents que l'employeur a bien commis les manquements qui lui sont reprochés par le salarié au regard du contrat de prévoyance souscrit à son profit.
En quatrième lieu, l'employeur reconnaît avoir demandé à tort au salarié de rembourser un prêt déjà remboursé par ce dernier et se borne à soutenir qu'il s'agissait là d'une simple erreur.
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Il résulte de ce qui précède qu'à l'exception du bien-fondé de l'avertissement du 19 janvier 2018, la société n'établit pas que les éléments présentés par M. [A] et qui sont matériellement établis étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement qui est dès lors caractérisé.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée et des conséquences dommageables en résultant pour M. [A] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice est évalué à la somme de 4.000 euros.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur la manquement à l'obligation de prévention des agissements de harcèlement moral et à l'obligation de sécurité :
M. [A] soutient que l'employeur a manqué à ces deux obligations en ne prenant aucune mesure préventive et correctrice de la situation de harcèlement moral qu'il a subi et qu'il lui a dénoncé à plusieurs reprises. Il sollicite ainsi la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce manquement.
L'employeur conteste tout manquement à ces obligations et conclut au débouté de la demande indemnitaire du salarié.
Selon l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
En l'espèce, afin d'établir le manquement allégué, M. [A] se réfère dans ses écritures au courriel précité du 11 septembre 2017, ainsi qu'à un courrier du 13 février 2018 et à un courriel du 12 mars 2018 dans lesquels il a reproché à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure suite à l'agression dont il s'estimait victime de la part de Mme [P], au prononcé d'un avertissement injustifié, à l'absence de versement d'une prime de 2.000 euros qui lui était due en décembre 2017, à la surcharge de travail qu'il subissait et qui impactait sa santé et ce, malgré treize années de bons et loyaux services.
En défense, l'employeur se borne à indiquer de manière générale que le gérant communique régulièrement avec chacun de ses salariés et notamment avec M. [A], qu'il veille à ce que les moyens qui sont octroyés aux employés leur permettent de faire face à leurs fonctions, qu'ils disposent d'équipements individuels de sécurité, qu'en 2008 et 2011 les salariés ont suivi une formation sur les bases fondamentales et les aspects administratifs du droit des transports, que les relations entre M. [A] et M. [Z] étaient bonnes et que le faible turn-over au sein de l'entreprise attestait du bon climat social au sein de celle-ci.
Dès lors, la société ne justifie pas avoir pris des mesures de prévention du harcèlement qui lui était dénoncé par M. [A] dans ses courriers et courriel précités.
Il s'en déduit que la société Allbridge a manqué à ses obligations au titre des articles L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail.
Il sera ainsi alloué au salarié la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ce manquement.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur les heures supplémentaires :
De manière générale, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [A] soutient qu'il a travaillé entre avril 2015 et mars 2018 plus de 169 heures par semaine et que ses heures supplémentaires ne lui ont pas été payées.
Il demande à la cour de condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes :
- 24.722,85 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées d'avril à décembre 2015, outre 2.472,28 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 44.329,18 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2016, outre 4.432,91 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 40.567,61 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2017, outre 4.056,76 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 11.782,98 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées de janvier à mars 2018, outre 1.178,29 euros bruts au titre des congés payés afférents,
A cette fin, M. [A] produit un décompte mentionnant entre le 1er avril 2015 et le 2 mars 2018 :
- journalièrement la date de début et de fin de travail, ainsi que la durée de la pause (une heure),
- hebdomadairement, le nombre d'heures travaillées, le nombre d'heures supplémentaires accomplies et la valeur de celles-ci compte tenu des majorations applicables.
Le salarié produit également :
- des attestations de salariés, prestataires et clients affirmant qu'il arrivait tôt le matin et partait tard le soir du travail,
- des SMS envoyés et reçus tôt le matin ou tard le soir par le salarié, y compris le week-end.
Il se déduit de ce qui précède que M. [A] présente, à l'appui de ses demandes, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement. Dès lors, il incombe à la société Allbridge, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de formuler ses observations, laquelle ne peut se borner à critiquer les éléments produits par le salarié et doit verser aux débats des documents objectifs sur les temps effectivement travaillés.
En premier lieu, il est indifférent que M. [A] n'ait pas demandé à l'employeur le paiement des heures supplémentaires sollicitées avant le 13 février 2018 et que le décompte produit par le salarié ait été établi unilatéralement par lui, postérieurement aux faits dénoncés.
En deuxième lieu, la société qui critique les éléments avancés par M. [A], ne produit aucun document récapitulant le temps de travail que celui-ci aurait accompli, ni ne justifie de quelle manière elle mesurait son temps de travail, alors qu'il lui appartient d'établir les documents nécessaires en ce sens.
En troisième lieu, comme l'affirme l'employeur, il ressort des bulletins de paye versés aux débats pour la période concernée que la société a versé au salarié une rémunération au titre des heures supplémentaires.
En quatième lieu, est inopérant le moyen soulevé par l'employeur tiré du fait que le salarié n'a pas pris en compte dans son décompte l'arrêt maladie du 3 mars 2018 puisque la demande salariale concerne une période s'achevant le 2 mars 2018.
En cinquième lieu, les pièces versées aux débats et notamment les courriels produits permettent d'établir l'accord au moins implicite de l'employeur aux heures supplémentaires réalisées par le salarié.
En sixième et dernier lieu, les attestations produites par le salarié sont, comme l'allègue l'employeur, imprécises quant à l'amplitude horaire alléguée qui est elle-même en partie contredite par les éléments versés aux débats par la société qui font état d'erreurs dans les horaires allégués par l'appelant dans son décompte. Ainsi, par exemple, le salarié indique dans celui-ci une fin de journée à 19 heures le 6 février 2018 alors qu'il est établi que l'appelant s'est rendu ce jour là aux funérailles du beau-père du gérant.
Au vu de l'ensemble des éléments ainsi soumis à la cour par chacune des parties, il apparaît que le salarié a bien accompli des heures supplémentaires au-delà de la durée contractuelle convenue, mais pour un montant moindre compte tenu des heures supplémentaires déjà rémunérées, de l'imprécision des attestations produites par le salarié et du fait que celles-ci sont partiellement contredites par les éléments produits par l'employeur.
Il lui sera ainsi alloué à l'appelant les sommes suivantes :
- 4.000 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées d'avril à décembre 2015, outre 400 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 7.000 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2016, outre 700 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 6.000 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2017, outre 600 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 1.000 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées de janvier à mars 2018, outre 100 euros bruts au titre des congés payés afférents,
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :
M. [A] sollicite la somme de 60.000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au motif qu'il a réalisé un nombre d'heures supplémentaires supérieur à celles qui sont mentionnées dans ses bulletins de paye.
En défense, l'employeur demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande indemnitaire.
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il omet sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, l'élément intentionnel n'est nullement établi au regard des éléments du dossier, cet élément ne pouvant uniquement se déduire du fait qu'une partie des heures supplémentaires accomplies par le salarié n'a pas été mentionnée dans ses bulletins de paye.
L'intention de l'employeur faisant défaut, la demande d'indemnité forfaitaire est rejetée.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la résiliation judiciaire
Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation est fondée.
La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances.
* Sur le bien fondé de la demande :
En premier lieu, la cour a reconnu dans les développements précédents que le salarié avait subi des agissements de harcèlement moral, que l'employeur ne lui avait pas versé les indemnités de prévoyance qui lui étaient dues et que la société avait manqué à son égard à ses obligations au titre des articles L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail.
Ces manquements portant atteinte à la santé et à la rémunération du salarié sont d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible le maintien du contrat et justifient ainsi le prononcé de sa résiliation judiciaire. Cette résiliation produira ses effets à la date du licenciement soit le 7 avril 2021 et ce, nonobstant le fait que l'appelant demande dans le dispositif de ses écritures que cette prise d'effet commence à la date du prononcé du présent arrêt.
En second lieu, il ressort du dispositif et de la partie discussion des écritures du salarié :
- d'une part, que celui-ci demande à la cour de prononcer, du fait de la résiliation judiciaire sollicitée, une indemnité fondée sur l'article L. 1235-3 du code du travail et donc une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- d'autre part, que celui-ci ne demande pas que la résiliation judiciaire produise les effets d'un licenciement nul.
Statuant dans les limites de l'appel, il est dit en conséquence que la résiliation judiciaire produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
* Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En premier lieu, dans le dispositif de ses dernières conclusions, M. [A] demande à la cour d'écarter l'application du barème d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail au motif que celui-ci porte une atteinte disproportionné à ses droits et qu'il est contraire au droit de l'Union européenne sans autre précision. L'appelant sollicite ainsi une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 151.300 euros représentant 15 mois de salaire, supérieure à celle pouvant être prononcée au regard du barème litigieux.
Toutefois, dans la partie discussion de ses écritures, M. [A] ne produit aucun argumentaire au soutien de ces demandes. Au contraire, il y sollicite, en application du barème d'indemnisation litigieux, le prononcé d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 136.200 euros.
Faute d'argumentaire et compte tenu de la contradiction relevée dans les écritures de l'appelant,les demandes du salarié seront rejetées.
En deuxième lieu, l'article L. 1235-3-1 du code du travail dispose que : 'l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à : (...) 2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4".
Si en l'espèce la résiliation judiciaire est notamment fondée sur les faits de harcèlement moral reconnus par la cour, il ne peut être écarté les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail en application de celles de l'article L. 1235-3-1 dudit code dans la mesure où, statuant dans les limites de l'appel, la cour a dit que la résiliation judiciaire produisait
les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non ceux d'un licenciement nul.
En troisième lieu, compte tenu de la moyenne des douze derniers mois de salaire au regard des bulletins de paye produits et de la réintégration des sommes allouées par la cour au titre des heures supplémentaires, la rémunération moyenne mensuelle brute de M. [A] doit être fixée à la somme de 10.093,22 euros comme le sollicite ce dernier.
En quatrième lieu, compte tenu de la période de suspension du contrat de travail liée aux arrêts maladie dont a bénéficié le salarié, l'ancienneté de celui-ci doit être fixée à 13 ans.
En cinquième et dernier lieu, l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 dispose que lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l'article.
En l'occurrence, pour une ancienneté de 13 ans, la loi prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale qui s'élève à 11,5 mois.
M. [A] justifie avoir pris sa retraite à partir du 1er mai 2021 et indique ne tirer aucun revenu de l'activité d'apporteur d'affaires qu'il a créé en décembre 2021. Eu égard à ces éléments, à l'âge du salarié au moment de la rupture du contrat de travail (67 ans), à son salaire, à son ancienneté, il convient de lui allouer la somme de 80.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
* Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Conformément aux stipulations de la convention collective applicable, M. [A] peut utilement solliciter le versement d'une indemnité compensatrice de préavis de trois mois. Il lui sera ainsi accordé la somme de 30.279,66 euros bruts à ce titre, outre 3.027,96 euros bruts de congés payés afférents.
* Sur le remboursement des indemnités chômage :
L'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 applicable au litige dispose : 'Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11".
La société Allbridge employant à titre habituel moins de onze salariés, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Sur les demandes accessoires :
La société Allbridge qui succombe partiellement dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d'appel. Elle sera condamnée à verser à M. [A] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel. Elle sera également déboutée de sa demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a :
- débouté M.[K] [A] de ses demandes au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de l'annulation de l'avertissement du 19 janvier 2018,
- débouté la société Allbridge de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K] [A] aux torts exclusifs de l'employeur,
DIT que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter du 7 avril 2021,
PRONONCE l'annulation de l'avertissement du 23 mars 2019,
CONDAMNE la société Allbridge à payer à M. [K] [A] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur par le conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt pour celles à caractère indemnitaire, et avec capitalisation des intérêts :
- 10.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la mauvaise exécution du contrat de prévoyance,
- 4.000 euros de dommages-intérêts en raison du harcèlement moral,
- 1.000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des agissements de harcèlement moral et à l'obligation de sécurité,
- 4.000 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées d'avril à décembre 2015, outre 400 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 7.000 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2016, outre 700 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 6.000 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2017, outre 600 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 1.000 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées de janvier à mars 2018, outre 100 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 80.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 30.279,66 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 3.027,96 euros bruts de congés payés afférents,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Allbridge aux dépens de première instance et d'appel.
AUTORISE Maître Sylvie Kong Thong à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE.