REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 14 DECEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13554 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGJP
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Juillet 2022 -Juge de la mise en état de PARIS RG n° 21/05057
APPELANTS
Monsieur [B] [W]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 10] (81)
[Adresse 6]
[Localité 7]
Monsieur [N] [D]-[M]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 11]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représenté par Me Jérôme DEPONDT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
INTIMES
Monsieur [A] [Z]
né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Jérôme DEPONDT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE
anciennement dénommée HSBC France
SIRET n° : 775 670 284
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Sophie LEYRIE de l'AARPI KLEBERLAW, avocat au barreau de PARIS, toque : P159
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD,Président
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Marc BAILLY, Président de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
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* *
Faits et procédure :
MM. [N] [D]-[M], et [B] [W] ont exercé en commun l'activité d'avocat sous la forme d'une AARPI dénommée 'Odusseus Avocats'.
Par convention en date du 26 juin 2009, un compte bancaire a été ouvert au nom de l'AARPI dans les livres de la société HSBC France devenue HSBC Continental Europe sous la signature de MM. [D] et [W].
MM.[D] et [W] ont constitué une SCI Azur le 20 septembre 2011, laquelle a acquis des locaux professionnels au moyen d'un prêt de 1 310 000 euros consenti par la société HSBC.
Le 25 octobre 2011, un prêt a été consenti par la société HSBC pour financer des travaux au profit de l'AARPI sous la signature et l'engagement solidaire de MM. [D], [W] et [Z].
M. [A] [Z] est devenu membre de l'AARPI 'Odusseus Avocats' le 1er janvier 2012.
Par décision des associés du 9 décembre 2013, la dissolution amiable de l'AARPI a été décidée à effet du 31 décembre 2013 et la société HSBC en a été informée le 3 juillet 2014.
A la suite de la vente du bien immobilier de la SCI Azur le 14 décembre 2015, le prêt immobilier qui finançait son acquisition a été soldé.
Les discussions sur le paiement du solde débiteur du compte courant au nom de l'AARPI dans les livres de la banque et sur le solde du prêt travaux n'ont pas abouties.
La société HSBC France a, par actes en date des 30, et 31 mars et 2 avril 2021 assigné MM. [D], [W] et [Z] en paiement du solde débiteur du compte courant et des causes impayées du prêt travaux devant le tribunal judiciaire de Paris.
Saisi par MM. [D] et [W] d'un incident tendant à voir déclarer irrecevable l'action de la banque et d'une demande en même sens de M. [Z], le juge de la mise en état, par ordonnance en date du 6 juillet 2022, a déclaré la société HSBC recevable et a condamné les défendeurs, in solidum, à lui payer la somme de 1000 euros de frais irrépétibles.
MM. [N] [D]-[M], et [B] [W] ont interjeté appel de l'ordonnance par déclaration du 13 juillet 2022 en intimant également M. [A] [Z].
Par leurs seules conclusions en date du 5 octobre 2022, MM. [N] [D]-[M], [B] [W] et [A] [Z] font valoir :
- que la créance au titre du solde débiteur du compte courant est prescrite en vertu des articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce puisque le délai quinquennal court à compter de la clôture du compte qui résulte, tacitement mais sûrement, de la dissolution de l'AARPI le 3 juillet 2014, de l'absence de toute opération sur le compte depuis cette date, et enfin de la proposition de règlement d'une somme de 120 000 euros pour solde de tout compte adressée à la banque le 14 décembre 2015,
- qu'en effet, c'est à tort que le premier juge a considéré que seuls MM. [D] et [W] pouvant contracter, la dissolution de l'AARPI était sans effet alors qu'il a été ouvert en considération de l'activité commune, à son nom, que l'AARPI pour être dépourvue de la personnalité morale n'en est pas moins une société en participation ostensible, révélée aux tiers, régie par l'article 1871 du code civil et dont la création fait l'objet d'une publicité légale, que M. [Z] n'est pas signataire de la convention de compte et se trouve pourtant poursuivi, qu'après la dissolution de l'AARPI le compte n'avait plus vocation à fonctionner comme le savait HSBC,
- que s'il est exact que le compte a continué à fonctionner pour les besoins de la liquidation de l'AARPI jusqu'au 3 juillet 2014, date à laquelle les associés ont informé la banque de la dissolution, il ne saurait en être tiré argument par HSBC, que le paiement du prêt travaux correspondait aux obligations de l'AARPI et non de ses membres, qui ont repris une activité séparée, que seule restait en débat, après le règlement du prêt immobilier, l'apurement du prêt travaux,
- subsidiairement, que la convention de compte et la facilité de caisse sont caduques depuis le 31 décembre 2013, date de dissolution ou depuis le 3 juillet 2014, date de notification de cette dernière à la banque puisqu'en vertu des articles 1186 et 1187 du code civil, puisque le fin de l'AARPI constitue la disparition d'un élément essentiel aux contrats qui était l'association de ses membres, l'action étant prescrite de puis le 3 juillet 2019 alors que l'action n'a été introduite que le 2 avril 2021,
- sur la prescription de la créance au titre du prêt travaux, que la déchéance du terme en exécution du contrat de prêt est intervenue de plein droit, d'une part, à raison de la dissolution de l'AARPI pour laquelle il avait été accordé alors même que des cautionnements de ses membres ont été exigés, qu'il était prévu que la cessation d'activité de l'un des associés était une cause d'exigibilité immédiate alors qu'il ne s'agissait pas d'un événement entraînant la dissolution de l'AARPI, d'autre part et le juge de la mise en état n'a pas statué sur ce point, que le bail avec la SCI de L'Azur avait été résolu par M. [D], [W] et [Z] le 31 décembre 2013 puisque M. [D] et [Z] ont alors constitué une société civile de moyen nommée12 HELDER, personne morale distincte, qui a pris à bail les locaux aux lieu et place de l'AARPI, avant que les locaux ne soient cédés libres de toute occupation, de sorte qu'il est logique que la résiliation du bail en vu duquel les travaux financés ont été réalisés entraîne celle du prêt,
- que la rédaction du contrat laisse envisager une clause d'exigibilité anticipée de plein droit et non une faculté pour la banque en cas de résiliation du bail, le terme devant, en outre et en vertu de l'article 1305-3 du code civil profiter au débiteur, que les paiements ultérieurs s'imputent sur la créance mais ne peuvent modifier la date de déchéance du terme, la renonciation à un droit ne pouvant être tacite, la proposition de règlement du 14 décembre 2015 montrant qu'ils considéraient la déchéance du terme comme acquise, de sorte qu'ils demandent à la cour de :
'- Déclarer Monsieur [B] [W] et Monsieur [N] [D] recevables et bien fondés en leur appel principal,
- Déclarer Monsieur [A] [Z] recevable et bien fondé en son appel incident,
Y faisant droit,
-Infirmer l'ordonnance du Juge de la mise en état de Paris du 6 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
-Déclarer irrecevable l'action d'HSBC CONTINENTAL EUROPE à l'encontre de Monsieur [B] [W] et Monsieur [N] [D] et de Monsieur [A] [Z],
-Condamner HSBC CONTINENTAL EUROPE à payer à Monsieur [B] [W] et Monsieur [N] [D] et Monsieur [A] [Z] une somme de 3.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile'.
Par ses seules conclusions en date du 27 octobre 2022, la société HSBC Continental Europe poursuit la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation des appelants à lui payer une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en exposant :
- que ses mises en demeure des 15 avril 2016 et 16 novembre 2020 adressées aux appelants sont restée vaines,
- que l'action en recouvrement du solde débiteur du compte bancaire court à compter de la clôture de ce compte qui ne peut résulter d'une volonté non équivoque de l'une des parties, que les associés de l'AARPI, seuls titulaires du compte, n'ont jamais sollicité sa clôture, que la volonté de le clôturer ne résulte pas d'une simple absence d'opération,
- que la dissolution de l'AARPI n'entraînait pas cette clôture ipso facto puisque, d'abord, dès lors qu'elle est dépourvue de la personnalité morale le compte était juridiquement un compte joint des membres de l'AARPI même si en pratique les instruments de paiement la faisait figurer comme titulaire, raison pour laquelle la signature de tous les associés est exigée,
- que si M. [Z] n'a pas été signataire de la convention de compte, il y est obligé en vertu de l'article 1872-1 du code civil sur la participation agissant en qualité d'associé au su et au vu des tiers, qu'il est codébiteur solidaire des obligations au titre du compte et du prêt dont il a profité, que le compte a continué à fonctionner pour les besoins de la liquidation amiable, les trois associés étant nommés liquidateurs d'autant qu'il était débiteur et qu'il servait à régler les échéances du prêt qui ont été prélevés au-delà de la date de dissolution de l'AARPI et même de sa notification,
- que les membres de l'association n'ont d'ailleurs jamais contesté le fonctionnement du compte après la dissolution de l'AARPI, seule elle-même ayant pris l'initiative de le clôturer, à effet de 60 jours après l'envoi des lettres recommandées avec accusés de réception du 15 avril 2016, soit le 15 juin 2016, point de départ de la prescription quinquennale,
- subsidiairement, que la caducité ne saurait être retenue dès lors que la dissolution de l'AARPI n'a pas d'effet sur les obligations des titulaires du compte joint que sont les associés, aucun élément essentiel au compte n'ayant disparu,
- que l'action au titre du prêt travaux n'est pas non plus prescrite dès lors que la clause prévoyant la déchéance du terme en cas de cessation d'activité ou de résiliation du bail consenti aux emprunteurs ne s'applique pas aux appelants, qu'en tout état de cause, l'article 1305-3 alinéa 2 du code civil prévoit que la partie au bénéfice de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l'autre, ce qui est le cas en l'espèce dès lors qu'elle n'a nullement entendu s'en prévaloir,
- qu'en outre, les appelants ont renoncé au bénéfice de la déchéance anticipée puisqu'ils ont alimenter le compte postérieurement à la dissolution de l'AARPI aux fins de règlement des échéances, 3 chèques tirés sur la structure 12 Helder Avocats, société civile de moyens, y figurant, la banque ayant renoncé au bénéfice d'une éventuelle déchéance sans équivoque en recevant ces paiements.
MOTIFS
L'assignation introductive de l'action a été délivrée les 31 mars et 2 avril 2021 et les parties conviennent :
- qu'en vertu de l'article L.110-4 du code de commerce, le délai de prescription de l'action en recouvrement du solde débiteur du compte courant professionnel est quinquennal et que son point de départ est la date de clôture du compte,
- qu'en vertu du même texte, le même délai s'applique à l'action en paiement des sommes dues au titre d'un prêt professionnel à compter de l'événement qui emporte son exigibilité pour le capital et de chaque échéance, qui a ce même effet les concernant.
Ayant rappelé, à bon droit, que l'association à responsabilité professionnelle individuelle d'avocat était dénuée de la personnalité juridique et qu'en conséquence, le compte courant ouvert par la banque - expressément à 'enseigne' par les associés s'analysait en un compte en indivision, joint de chacun d'eux, c'est à juste titre que l'ordonnance entreprise, par des motifs que la cour adopte, a jugé que la dissolution de l'AAPRPI était dépourvue d'effet sur le fonctionnement du compte et n'avait pas entraîné sa clôture.
Il en serait de même de l'inactivité du compte qui, si elle peut entraîner des effets notamment prévus par la l'article 2 de la loi du 3 janvier 1977 sans application en l'espèce, n'a pas pour conséquence sa clôture implicite qui ne peut être unilatéralement décidée, encore doit-il être précisé que le compte a continuer à fonctionner du fait de ses titulaires l'ayant crédité de sommes destinées au paiement des échéances du prêt dont il sera question ci-après postérieurement à la dissolution de l'AARPI à effet du 31 décembre 2013.
Les articles 1186 et 1187 du code civil invoqués par les appelants, issus de l'ordonnance du 10 février 2016, ne sont pas applicables aux obligations qu'ils ont souscrites antérieurement à son entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
La clôture du compte ayant été prononcée par la société HSBC au moyen des lettres recommandées avec accusé de réception du 15 avril 2016 à effet du 15 juin suivant, conformément aux dispositions de l'article L.312-1-1 du code monétaire et financier, l'action en recouvrement de son solde débiteur n'est pas prescrite.
Tirant encore les conséquences du défaut de personnalité morale de l'AARPI et soulignant que ce sont expressément MM. [D], [W] et [Z] qui sont les souscripteurs du prêt, c'est à bon droit que l'ordonnance entreprise a caractérisé que la dissolution de l'AARPI ne correspondait pas à une cessation d'activité de l'emprunteur au sens du paragraphe II de la clause d'exigibilité anticipée prévue aux conditions générales puisque chacun d'eux a poursuivi son activité d'avocat, étant ajouté que c'est à juste titre que la société HSBC fait valoir que l'exigibilité étant stipulée en sa faveur exclusive, il lui était loisible d'y renoncer.
De la même manière, 'la résiliation du bail consentis aux Emprunteurs' érigée par les conditions générales comme cause d'exigibilité anticipée est stipulée en la faveur exclusive de la banque puisqu'il s'agit d'un prêt finançant des travaux dans les lieux, de sorte qu'elle pouvait parfaitement ne pas s'en prévaloir comme cela été le cas puisqu'elle n'a prononcé la déchéance du terme qu'après les mises en demeure du 15 avril 2016, étant ajouté que, même si matériellement les règles ne diffèrent pas, l'article 1305-3 du code civil, également issu de l'ordonnance du 10 février 2016 et invoqué par les parties, n'est pas plus applicable à l'espèce.
En conséquence de tout ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de condamner MM. [N] [D]-[M], [B] [W] et [A] [Z] aux entiers dépens de l'incident ainsi qu'à payer à la société HSBC Continental Europe la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE MM. [N] [D]-[M], [B] [W] et [A] [Z] à payer à la société HSBC Continental Europe la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE MM. [N] [D]-[M], [B] [W] et [A] [Z] aux entiers dépens de l'incident.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT