La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2022 | FRANCE | N°20/03869

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 décembre 2022, 20/03869


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03869 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6Q3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F 16/04127



APPELANTE



COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA GENERALE DE TELEPHONE
<

br>[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392



INTIMEE



Madame [W] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représen...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03869 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6Q3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F 16/04127

APPELANTE

COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA GENERALE DE TELEPHONE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392

INTIMEE

Madame [W] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [W] [C] a été embauchée par le Comité social et économique de la Générale de téléphone, désigné sous le sigle CSE GD, à compter du 19 juillet 2016 en qualité de secrétaire adminstrative.

Par courriel du 29 juillet 2016, l'employeur écrivait à la salariée 'nous vous joignons la copie de votre contrat de travail que nous vous avons remis hier 28 juillet 2016 pour le mois de juin 2017, après avoir porté les modifications comme précisé hier lors de notre entrevue qui rectifie celui qui vous a été remis le 19 juillet 2016".

Ce document joint, signé du seul employeur, est un modèle de contrat à durée déterminée à temps partiel portant embauche en qualité de secrétaire administrative moyennant une durée mensuelle de travail de 104 heures de Mme [W] [C] pour la période écoulée du 19 juillet 2016 au 30 juin 2017 avec période d'essai se terminant le 19 août 2016.

Aucun contrat de travail écrit n'a été signé par la salariée.

Par lettre du 3 août 2016 l'employeur a écrit à Mme [W] [C] le CSE GD dans les termes suivants : 'Nous vous avons convoquée ce jour à 9 h dans nos bureaux, afin de vous remettre notre lettre mettant fin à votre période d'essai.

Après lecture vous avez refusé de signer le double de remise en main propre. C'est alors que vous nous avez indiqué que vous alliez en faire une photocopie ce que vous avez fait'.

Mme [C] a saisi le 4 novembre 2016 le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 14 000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- 1.248 euros de dommages-intérêts pour rupture brusque et vexatoire ;

- 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- et mise des dépens à la charge de la partie adverse.

Le défendeur s'est opposé à ces prétentions et a demandé l'allocation de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 11 février 2020, le juge départiteur a déclaré la rupture abusive et a condamné le défendeur à payer à la demanderesse les sommes suivantes :

- 14 000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- 1 497,60 euros d'indemnité de fin de contrat ;

- 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- et l'a condamnée également aux dépens.

Les autres demandes de l'une et l'autre des parties ont été rejetées.

Le 1er juillet 2020, le CSE GDT a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 juillet 2020, le CSE GDT prie la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de rejeter les demandes adverses. Subsidiairement, l'appelant demande la requalification du contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la limitation de l'indemnité de préavis à la somme de 1 248 euros et celle de l'indemnité de congés payés y afférents à la somme de 124 euros. En tout état de cause, il sollicite l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 octobre 2020, Mme [C] demande la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire du contrat à durée déterminée. Enfin elle sollicite l'allocation de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive

La salariée entend voir admise l'existence d'un contrat à durée déterminée, tout en relevant qu'aucune période d'essai n'a été stipulée par un accord écrit. Elle souligne qu'elle n'a pu signer le contrat proposé par l'employeur en raison des nombreuses anomalies qu'il comportait. Aussi estime-t-elle la rupture de la prétendue période d'essai irrégulière et sollicite-t-elle l'allocation de la somme de 14 000 euros en réparation. Subsidiairement, elle demande la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Le CSE GD admet que les parties ont entendu signer un contrat à durée déterminée et que celui-ci n'est pas requalifiable, malgré l'absence d'écrit, dès lors que c'est par mauvaise foi que Mme [W] [C] s'est abstenue de le signer. De plus le contrat qu'il a transmis à la salariée vaut selon l'employeur, à tout le moins, lettre d'engagement, de sorte que la période d'essai s'imposait, d'autant plus qu'elle l'avait acceptée par courriel. En conséquence, elle estime la rupture régulière et conclut au rejet de la demande de dommages-intérêts.

Sur ce

Aux termes de l'article L1242-12 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Le défaut de signature du contrat à durée déterminée par le salarié vaut absence d'écrit.

Toutefois, seul le salarié, que ces dispositions entendent protéger, est admis à demander la requalification.

En l'espèce les parties sont d'accord sur l'existence d'un contrat à durée déterminée mais divergent seulement sur l'existence d'une période d'essai.

Aux termes de l'article L. 1221-23 du Code du travail la période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

Le projet de contrat de travail envoyé par l'employeur au salarié ne saurait engager la salariée sur la période d'essai dans la mesure où elle ne l'a acceptée expressément que pour courrier électronique du 19 août 2016 produit par elle-même aux débats. Par celui-ci elle indique qu'il faut préciser au contrat le délai de prévenance fixé par l'article L. 1221-25 du Code du travail qui s'applique en tout état de cause de plein droit sauf disposition plus favorable au salarié. Elle ne remet pas en cause le délai de préavis d'un mois. Toutefois, une période d'essai doit être stipulée au moment de l'engagement contractuel qui précède donc l'entrée en fonction, puisqu'elle prend effet à l'origine de la relation. Il n'est même pas établi qu'elle a eu connaissance de la période d'essai au commencement de la relation contractuelle.

Par ailleurs les modifications du contrat de travail proposées par la salariée avant de le signer ne dénotent aucune mauvaise foi, de sorte qu'il ne peut lui être imputé un refus fautif de signer ledit contrat et de souscrire avant l'origine de la relation contractuelle à la période d'essai.

Aux termes de l'article L. 1243-1 du Code du travail sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave et de force majeure.

Par suite, la rupture anticipée de la relation contractuelle hors de toute période d'essai doit être déclarée abusive.

La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.

La fin de la relation contractuelle est intervenue le 5 août 2016, date d'expiration du délai de prévenance de 48 heures suivant la dénonciation de la rupture de la période d'essai irrégulière, et le contrat à durée déterminée devait prendre fin le 30 juin 2017, soit 10 mois et 26 jours plus tard.

La durée de travail mensuelle étant de 104 heures et le taux horaire de 12 euros d'après les bulletins de paie, la rémunération mensuelle brute de l'intéressée était de 1 248 euros.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [C], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 14 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 : Sur l'indemnité de fin de contrat

Aux termes de l'article L. 1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.

Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.

Par suite il sera alloué à Mme [W] [C] la somme de 1 497,60 euros sollicitée.

3 : Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture dans des conditions vexatoires

Mme [W] [C] demande l'allocation de la somme de 1 248 euros de dommages-intérêts en réparation des circonstances vexatoires de la rupture, dès lors que le CSE GD l'a dispensée d'activité et lui a demandé de quitter les locaux sans lui permettre de saluer ses collègues et a attendu l'introduction d'une instance en référé pour lui délivrer les documents de fin de contrat.

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il résulte de ces dispositions que l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant au seul caractère abusif du licenciement, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée bénéficiait d'un délai de prévenance de quarante-huit heures, en application de l'article L. 1221-25 du Code du travail, dès lors qu'au moment où l'employeur a mis fin au contrat, elle avait quatorze jours de présence dans l'entreprise.

La dispense d'activité pendant le délai de prévenance avec départ immédiat de l'entreprise n'a pas causé de préjudice à l'intéressée étant donné sa très faible ancienneté.

S'il est vrai que la salariée a réclamé son solde de tout compte 'et les documents afférents' à l'exclusion de tout autre document de fin de contrat par lettre du 11 août 2016, elle ne justifie pas de la saisine du juge des référés à cette fin, puisqu'il n'est versé aux débats que la convocation du 23 novembre 2016 devant cette instance. Il n'est pas prouvé qu'un retard dans la délivrance de ces documents ait été à l'origine d'un préjudice, d'autant plus qu'un document comptable de l'employeur fait état du paiement de son solde de tout compte le 9 août 2016 et que l'attestation Pôle Emploi est datée du 5 août 2016.

En conséquence, la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire sera également rejetée.

4 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile et compte tenu des positions respectives des parties de condamner le CSE GD, qui succombe, à verser à la salariée la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel. Pour les mêmes motifs, l'employeur sera débouté de ses prétentions de ces chefs et verra les dépens seront mis à la charge.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Condamne le CSE GD à payer à Mme [W] [C] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande du CSE GD au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne le CSE GD aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, prise en la personne de Matthieu Boccon Gibod.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03869
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.03869 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award