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14/12/2022 | FRANCE | N°20/03822

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 décembre 2022, 20/03822


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03822 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6HI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 16/01650



APPELANT



Monsieur [K] [P]

[Adresse 2]

[Local

ité 1]

Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833



INTIMEE



S.A.S. ICTS FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Mar...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03822 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6HI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 16/01650

APPELANT

Monsieur [K] [P]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

INTIMEE

S.A.S. ICTS FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Marine LATARCHE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [K] [P] a été engagé par la SAS ICTS France, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2011, avec reprise de son ancienneté à compter du 3 mai 2004 en qualité de coordinateur.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et sécurité.

Le 25 décembre 2014 le salarié a été placé en arrêt maladie à la suite d'un accident du travail.

Réclamant le versement de primes et de rappel de salaires, M. [P] a saisi le 19 avril 2016 le conseil de prud'hommes de Bobigny.

Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 7 novembre 2018.

Par jugement du 27 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le juge départiteur a débouté le demandeur de ses demandes de rappel de prime annuelle de sûreté aéroportuaire dite PASA et a condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 25,96 euros pour l'année 2014 ;

- 1 840,20 euros pour l'année 2015 ;

- 1 840,20 euros pour l'année 2016 ;

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les dépens étant mis à la charge de la défenderesse.

Le jugement enjoignait en outre à l'employeur de remettre à M. [K] [P] un bulletin de salaire rectificatif conforme au jugement.

Les autres demandes des parties étaient rejetées.

Par déclaration du 30 juin 2020, M. [K] [P] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 juin 2022, M. [P] demande à la cour de :

1) Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ICTS France à verser à M. [P] les sommes suivantes :

- 25,96 euros au titre de la prime d'ancienneté pour l'année 2014 ;

- 1.840,20 euros au titre de la prime d'ancienneté pour l'année 2015 ;

- 1.840,20 euros au titre de la prime d'ancienneté pour l'année 2016 ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

2) Confirmer le jugement dont il est fait appel en ce qu'il a condamné la société ICTS France à verser à M. [P] des dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail mais uniquement en son principe et pas en son quantum ;

3) Infirmer le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau :

4) Condamner la SAS ICTS France à lui verser les sommes suivantes :

- 1.939,90 euros au titre de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire pour l'année 2015 ;

- 1.939,90 euros au titre de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire pour l'année 2016 ;

- 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat ;

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelant sollicite également la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision, ainsi que la prise en charge des éventuels dépens par la société intimée.

Dans ses dernières conclusions, remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 juin 2022, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le demandeur de ses demandes de rappel de prime annuelle de sûreté aéroportuaire, de l'infirmer en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de prime d'ancienneté et de condamner l'appelante au paiement des sommes suivantes :

- 25,96 euros pour l'année 2014,

- 1.840,20 euros pour l 'année 2015,

- 1.840,20 euros pour l'année 2016,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Et statuant à nouveau :

Débouter la partie adverse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Elle sollicite en outre l'allocation de la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile la condamnation de l'appelante aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 5 septembre 2022 à 13h30.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur la prime annuelle de sûreté aéroportuaire

M. [K] [P] soutient que la prime annuelle de sûreté aéroportuaire dite PASA édictée par l'article 2.5 de l'annexe VIII de la convention collective applicable lui est due au titre des années 2015 et 2016. En effet, il estime que la condition de présence au 31 octobre de l'année de paiement de la prime, édictée pour bénéficier de celle-ci par le texte conventionnel, s'entend d'une présence dans les effectifs, sans qu'il importe que le contrat soit suspendu et non d'une présence effective dans l'entreprise. Aussi estime-t-il que son arrêt maladie depuis son accident du travail 25 décembre 2014, et toujours en cours les 31 octobre 2015 et 2016 ne fait pas obstacle au paiement de la PASA. Il avance qu'exiger une présence effective ajoute au texte et assimile la prime en question à une prime d'assiduité ou de performance.

La SAS ICTS France prétend au contraire que cette prime est subordonnée à une présence effective dans l'entreprise le 31 octobre, sans quoi la première condition d'octroi de cette condition d'ancienneté d'un an dans l'entreprise se suffirait à elle seule, sans que la condition de présence le 31 octobre n'ajoute quelque chose. Dés lors, elle prétend que M. [K] [P] n'a aucun droit à prime au titre des années 2014 et 2015.

Sur ce

Aux termes de l'article 2.05 de l'annexe VIII applicable aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité :

'les salariés entrant dans le champ d'application de la présente annexe perçoivent une prime annuelle de sûreté aéroportuaire égale à un mois du dernier salaire brut de base du salarié concerné (...)

Le versement de cette prime en une seule fois en novembre est subordonné à la double condition d'une année d'ancienneté au sens de l'article 6.05 des clauses générales de la convention collective nationale et d'une présence au 31 octobre de chaque année.

Cette prime n'est donc pas proratisable en cas d'entrée ou de départ en cours d'année en dehors des cas de transfert au titre de l'accord conventionnel de reprise du personnel (...)'.

Ainsi une double condition est posée : le bénéfice d'une année d'ancienneté, d'une part, et 'une présente au 31 octobre' de l'année où le droit à la prime se pose, d'autre part.

On entend par ancienneté dans l'entreprise le temps pendant lequel le salarié a été employé d'une façon continue dans cette entreprise, quelles que puissent être les modifications survenant dans la nature juridique de celle-ci.

Selon l'article 6.05 de la convention collective litigieuse, sont en particulier considérées comme temps de présence dans l'entreprise, pour le calcul de l'ancienneté, les interruptions pour maladie, accident ou maternité dans la limite de la période d'indemnisation journalière complémentaire prévue par la convention.

Il se pose la question en l'espèce de savoir si la présence dans l'entreprise s'entend de la présence dans les effectifs ou de la présence effective au 31 octobre.

En l'espèce M. [K] [P] se trouvait en arrêt maladie, de sorte qu'il se trouvait dans les effectifs, mais n'était pas présent effectivement dans l'entreprise.

Si la convention collective manque de clarté, elle doit être interprétée d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

L'objet de la condition de présence au 31 octobre, comme le précise expressément le second paragraphe de l'article 2.05, est d'interdire à une personne 'en cas d'entrée ou de départ de l'entreprise en cours d'année' de revendiquer la prime au prorata du temps passé dans l'entreprise.

La présence dans l'entreprise signifie donc qu'il n'y a pas eu départ de l'entreprise, ce à quoi ne saurait être assimilé un arrêt maladie.

De plus il serait absurde de priver un salarié de la prime au motif qu'il aurait été en arrêt maladie, fût-ce très brièvement, voire, pour les besoins du raisonnement, le seul 31 octobre, alors qu'il serait cohérent de ne pas servir un avantage à un salarié qui part le 30 octobre et n'apportera plus rien à l'entreprise.

Dans ces conditions, le salarié sera accueilli en sa demande, qui n'est pas critiquée dans son quantum.

En conséquence, la cour ordonnera la délivrance par la SAS ICTS France d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à cette décision dans le mois de sa signification, sans qu'il soit besoin de fixer une astreinte.

2 : Sur la prime d'ancienneté

M. [K] [P] demande le paiement du manque à gagner lié à la réduction appliquée, à raison de ses arrêts maladie, par l'employeur à sa prime d'ancienneté au titre du mois de novembre 2014 et sa suppression au titre des années 2015 et 2016, alors que l'article 9.03 de la convention collective qui instaure cette prime, ne pose aucune exigence liée à l'accomplissement d'un travail effectif.

La SAS ICTS France répond que la prime d'ancienneté est un accessoire de salaire, et que, dès lors que le salarié est en arrêt maladie, il n'y a pas plus droit qu'au salaire de base.

Sur ce

Aux termes de l'article 9.03 de la convention collective une prime d'ancienneté est accordée aux agents d'exploitation, employés, tacticiens et agents de maîtrise et cette prime d'ajoute au salaire réel de l'intéressé. Elle est calculée sur le salaire minimal conventionnel de la qualification de l'intéressé.

Il n'y a pas de 'ajout' possible à un salaire qui n'est pas dû.

Dés lors la prime d'ancienneté n'est due qu'autant qu'est dû le salaire lui-même, auquel elle 's'ajoute', et dont elle n'est qu'une composante. Ainsi elle majorera le taux des heures supplémentaires.

L'interprétation littérale du texte exclut qu'en l'absence d'obligation pour l'employeur de servir un salaire de base la prime litigieuse soit due.

Il n'est pas allégué que le salaire fût dû au titre des périodes d'absence, tandis qu'il est constant que M. [K] [P] a été absent le 20 novembre 2014 et du 25 au 28 décembre 2014, sans pour autant avoir été en congé en 2015 et 2016.

Par suite, il sera débouté de ses demandes de rappel de prime d'ancienneté.

3 : Sur les dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail

M. [K] [P] demande la condamnation de la SAS ICTS France à lui payer la somme de 8 000 euros pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, en ce qu'il a arbitrairement cessé de lui verser des primes.

La société estime n'avoir fait qu'appliquer la convention collective et qu'à supposer qu'elle se fût trompée, elle n'en avait pas conscience, d'autant plus que les divergences d'interprétation sont multiples. Elle ajoute que le salarié ne justifie d'aucun préjudice.

Sur ce

Il suit des développements qui précèdent, que c'est à tort que la SAS ICTS France n'a pas versé à l'intéressé la PASA, mais qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas verser la prime d'ancienneté accessoire au salaire.

Sous couvert de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, M. [K] [P] demande des dommages-intérêts pour retard dans le paiement de son dû.

Aux termes de l'article 1231-6 du code du travail, les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de sommes d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt dilatoire.

La divergence d'interprétation sur l'obligation de payer la PASA conduisent à écarter la mauvaise foi de l'employeur, tandis que le préjudice indépendant du retard n'est pas établi. Il s'ensuit que la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

4 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la SAS ICTS France, qui succombe, à verser à M. [K] [P] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour les mêmes motifs, l'employeur sera débouté de ses propres prétentions de ce chef et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité demandée par la SAS ICTS France en application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens de première instance ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la SAS ICTS France à payer à M. [K] [P] les sommes suivantes :

- 1 939,90 euros de prime annuelle de sûreté aéroportuaire pour l'année 2015 ;

- 1939,90 euros de prime annuelle de sûreté aéroportuaire pour l'année 2016 ;

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Ordonne la délivrance par la SAS ICTS France à M. [K] [P] d'un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt dans le mois de sa signification ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de la SAS ICTS France au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SAS ICTS France à payer à M. [K] [P] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SAS ICTS France aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03822
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.03822 ?
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