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14/12/2022 | FRANCE | N°20/03769

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 décembre 2022, 20/03769


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03769 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB55G



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/00868



APPELANTE



Madame [O] [Z] épouse [S] [R]

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Représentée par Me Sophie BEHANZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1742

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/020850 du 04/09/2020 accordée par le...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03769 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB55G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/00868

APPELANTE

Madame [O] [Z] épouse [S] [R]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Sophie BEHANZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1742

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/020850 du 04/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

Organisme CAISSE CENTRALE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE - CC MSA agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DECHANVILLE, président

Madame Anne-Gael BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat à durée indéterminée à effets au 12 mai 1986, Mme [O] [Z] épouse [S] [R] a été engagée en qualité de cadre assimilé par l'organisme mutualiste de droit privé Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).

Le 18 février 2016, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte pour maladie ou accident non professionnel en cochant les cases 'en un seul examen (article R.4624-31 du code du travail ou R.717-8 du code rural et de la pêche' et 'danger immédiat'. L'avis d'inaptitude précisait par ailleurs 'inaptitude à tout poste dans l'entreprise'.

Par lettre du 2 mars 2016, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable le 23 suivant. Elle a été licenciée pour inaptitude sans possibilité de reclassement par lettre du 29 mars 2016.

Le 26 mars 2018, sollicitant l'annulation de son licenciement pour discrimination en raison de son état de santé et le paiement des sommes subséquentes, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 13 mai 2020, a rejeté l'intégralité des demandes et condamné la salariée aux dépens.

Par déclaration du 26 juin 2020, Mme [Z] a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 4 précédent.

Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 août 2020, Mme [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- principalement, annuler son licenciement ;

- condamner la Caisse centrale de mutualité sociale agricole à lui payer 58 106,56 euros net, outre 10% de congés payés y afférents à titre de rappel de salaires pour la période du 29 mars au 29 mai 2019 où elle aura été indûment privée de son emploi ;

- ordonner la production des bulletins de salaire pour la période de mars 2016 jusqu'au prononcé du jugement à intervenir ;

- subsidiairement, juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- en tout état de cause, condamner la Caisse centrale de mutualité sociale agricole à lui payer 36 698,88 euros à titre de dommage et intérêts pour nullité du licenciement ou, subsidiairement, absence de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la Caisse centrale de mutualité sociale agricole à lui payer 3.058,20 euros net d'indemnité légale de licenciement ;

- condamner la Caisse centrale de mutualité sociale agricole à lui payer 4.587,36 euros net d'indemnité de préavis ;

- ordonner la remise des documents sociaux (attestation pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte) conformément à la décision à intervenir au besoin sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;

- condamner la Caisse centrale de mutualité sociale agricole aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'exécution ;

- condamner la Caisse centrale de mutualité sociale agricole à lui payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocatsle 19 novembre 2020, la CCMSA demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Mme [S] [R] de l'intégralité de ses demandes et, y ajoutant, de la condamner aux entiers dépens.

La clôture a été ordonnée le 5 juillet 2022.

Par conclusions postérieures du 6 juillet 2022, Mme [Z] épouse [S] [R] demande à la cour d'ordonner le rabat de cette ordonnance de clôture et forme, outre les prétentions susmentionnées, une demande en paiement de 814,30 euros de rappel de salaire pour la période du 18 mars au 5 avril 2016. Suivant bordereau de communication du même jour, elle verse aux débats une nouvelle pièce sous le numéro 11, à savoir un refus d'allocation Pôle emploi du 30 janvier 2019.

Par conclusions du 27 suivant, l'organisme CCMSA demande à la cour de rejeter cette demande de révocation et de juger irrecevable la demande nouvelle de rappel de salaire de 814, 30 euros pour la période du 18 mars au 5 avril 2016.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur la demande de révocation de la clôture

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Cependant, en application de l'article 803 du code de procédure civile, 'l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.'

En l'espèce, l'appelante, qui soutient uniquement que la communication d'une nouvelle pièce est indispensable à la bonne compréhension du litige, ne caractérise pas ce faisant une cause grave de nature à justifier la révocation de la clôture dans la mesure notamment où il n'est aucunement démontré ni même allégué que cette pièce, datée du 30 janvier 2019, aurait été obtenue après la clôture.

Il convient donc de rejeter la demande de révocation de clôture et de déclarer irrecevables les conclusions postérieures du 6 juillet 2022 et, dès lors, la demande nouvelle qu'elles contiennent et d'écarter des débats la pièce n°11 communiquée simultanément.

Ainsi, il sera statué au regard des seules conclusions des 31 août et 19 novembre 2020 susmentionnées.

2 : Sur le licenciement

2.1 : Sur la demande d'annulation du licenciement

L'article L.1132-1 du code du travail prohibe la discrimination des salariés en raison de leur état de santé.

Cependant, en application de l'article L.1133-3 du code du travail, les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

En application de l'article R.4624-31 du code du travail dans sa version applicable au litige, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé :

1° Une étude de ce poste ;

2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ;

3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Cependant, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.

Il est de principe que, sauf dans cette dernière hypothèse, le non-respect de la condition tenant au double examen emporte la nullité du licenciement pour inaptitude en application de l'article L.1132-1 du code du travail susmentionné.

Il est par ailleurs constant que la seule mention, dans l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail, de l'article R.4624-31 du code du travail ne suffit pas à caractériser la situation de danger immédiat qui permet au médecin du travail de constater l'inaptitude du salarié au terme d'un seul examen médical. Cette inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen que si l'avis du médecin du travail fait état de la situation de danger immédiat ou mentionne, outre le visa de l'article précité, qu'une seule visite est effectuée. En revanche, compte tenu du secret médical, le médecin ne doit pas mentionner la nature des problèmes médicaux dont souffre le salarié dans son avis d'inaptitude, ce document étant notamment destiné à l'employeur.

Or, au cas présent, si, comme il se doit l'avis du médecin du travail ne précise pas les raisons médicales caractérisant le danger immédiat, il mentionne expressément que la salariée est déclarée inapte en un seul examen, vise l'article R.4624-31 du code du travail et le danger immédiat en sorte que la deuxième visite médicale n'était pas nécessaire au constat de l'inaptitude et au licenciement subséquent et qu'il n'y a pas lieu à annulation de celui-ci de ce fait.

La demande à ce titre comme l'ensemble des demandes consécutives à la nullité du licenciement seront rejetées et le jugement confirmé de ces chefs.

2.2 : Sur l'existence d'une cause et sérieuse de licenciement

Dans sa version applicable au litige, l'article L.1226-2 du code du travail dispose que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail

La preuve de l'impossibilité de reclassement, à laquelle ne sont pas assimilables les difficultés de reclassement incombe à l'employeur. Le manquement de l'employeur à cette obligation de moyens renforcée de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, en l'état du droit applicable au litige, s'agissant d'une inaptitude d'origine non professionnelle, l'obligation de reclassement s'imposait même dans le cas où, comme en l'espèce, le médecin du travail avait conclu à l'inaptitude de l'intéressé à tout poste dans l'entreprise.

Au cas présent, au soutien de la démonstration de l'exécution sérieuse et loyale de son obligation de reclassement, la CCMSA justifie avoir consulté le responsable de son service des ressources humaines et avoir effectué simultanément des recherches sur l'ensemble du territoire français, tant au sein de la CCMSA que du réseau de caisses de mutualité sociale agricole en procédant à l'envoi de mails auxquels étaient joints un courrier précisant la qualification du poste, l'ancienneté et l'âge de la salariée et donnant des précisions sur sa situation salariale ainsi que les observations du médecin du travail. La CCMSA établit également que les différentes réponses qui lui ont été adressées dans le délai fixé étaient toutes négatives. Ce faisant, elle démontre suffisamment avoir exécuté son obligation de moyens de reclassement.

Il convient donc de rejeter la demande tendant à voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse de ce fait. L'ensemble des prétentions subséquentes sera également rejeté.

Le jugement qui, au regard de sa motivation, n'a pas expressément statué sur cette demande, sera complété sur ce point.

3 : Sur les demandes accessoires

Mme [Z], partie perdante, sera condamnée aux dépens, étant souligné qu'aucune demande n'est formée par l'intimée au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Rejette la demande de révocation de clôture ;

- Déclare irrecevables les conclusions du 6 juillet 2022 et la demande de rappel de salaire qui y est incluse ;

- Ecarte des débats la pièce n°11 ;

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 13 mai 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

- Rejette la demande tendant à voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Rejette les demandes subséquentes de dommage et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de préavis et de remise des documents sociaux sous astreinte ;

- Condamne Mme [O] [Z] épouse [S] [R] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03769
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.03769 ?
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