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14/12/2022 | FRANCE | N°20/03728

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 décembre 2022, 20/03728


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03728 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5UQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F 16/01428



APPELANTE



S.A.S. LRM prise en la personne de ses représentants légau

x domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



INTIME


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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03728 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5UQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F 16/01428

APPELANTE

S.A.S. LRM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIME

Monsieur [V] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Marianne JACOB, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DECHANVILLE, président

Madame Anne-Gael BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 18 juillet 2000, M. [V] [W], né en 1967, a été engagé par la SAS L.R.M. en qualité de chef magasinier. Il a ensuite été promu responsable logistique.

La société L.R.M., qui occupe habituellement plus de 10 salariés, applique la convention collective nationale des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison (IDCC 731).

Par lettre du 29 février 2016, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable le 8 mars suivant. A la suite de celui-ci, il a été convoqué à un second entretien, le 18 mars 2016, puis a été licencié pour faute grave par lettre du 25 mars 2016, au motif qu'il aurait détourné des téléphones et des chèques cadeaux.

Le 6 avril 2016, contestant son licenciement, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny.

Par jugement du 10 décembre 2019, le conseil statuant en formation de départage a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société L.R.M. au paiement des indemnités et rappels de salaires subséquents avec intérêts au taux légal, capitalisation de ceux-ci, remise des documents sociaux conformes, outre les frais irrépétibles et les dépens.

Par déclaration du 24 juin 2020, la société L.R.M. a fait appel de cette décision, notifiée par le greffe le 22 mai 2020.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 mars 2021, la société L.R.M. demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes ;

- lui ordonner de restituer à la société L.R.M. les sommes qu'elle lui a réglées en exécution par provision du jugement ;

- condamner M. [W] à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, prise en la personne de Maître Matthieu Boccon-Gibod.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 décembre 2020, M. [W] demande à la cour confirmant le jugement sauf sur le montant du rappel de salaire, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'infirmant de ces chefs et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société L.R.M. à lui payer 4.282 euros au titre des rappels de salaire pendant la mise à pied conservatoire ;

- condamner la société L.R.M. à lui payer 16.761,62 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- condamner la société L.R.M. à lui payer 102.587 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société L.R.M. à lui payer 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juillet 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement

Conformément à l'article L.1235-1 du code du travail le juge a pour mission d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

L'article L.2251-1 du même code dispose qu'une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public.

Ainsi, une convention collective peut prévoir d'ajouter à la procédure de licenciement légale des modalités qui constituent des garanties de fond pour le salarié. Il est constant que le non-respect de ces garanties prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L'article 27 de la convention collective nationale des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison du 23 juin 1971 applicable à la relation de travail prévoit, outre l'entretien légal, un second entretien préalable à la notification du licenciement. Il stipule ainsi : 'Sauf en cas de faute lourde caractérisée, avant de procéder à un licenciement individuel, l'employeur ou son représentant habilité convoquera l'intéressé pour lui signifier cette décision. Si le cadre a des observations à formuler, il aura la faculté de le faire lui-même ou avec le concours d'un délégué dans les trois jours qui suivent cette décision. La notification de cette décision ne sera rendue officielle qu'après expiration du délai ci-dessus'.

Il est constant que ces stipulations qui permettent au salarié d'avoir connaissance de l'intention de son employeur de le licencier avant la notification officielle de la rupture et de formuler des observations avant celle-ci constituent une garantie de fond protectrice des intérêts du cadre.

Ainsi, s'il n'est pas établi que l'employeur a, à l'occasion du second entretien, signifié au salarié sa décision de le licencier pour lui permettre de faire valoir ses éventuelles observations, il a privé le salarié d'une garantie de fond dont il devait disposer et le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au cas présent, l'employeur soutient qu'il a fait connaître au salarié sa décision de le licencier lors du second entretien ce que l'intéressé conteste. Au regard des seuls éléments produits, à savoir la convocation à cet entretien au visa de l'article 27 susmentionné qui indique qu'il est organisé 'afin de (...lui...) signifier la décision à (...son...) encontre.' et la lettre de licenciement du 25 mars 2016 qui mentionne : 'Suite à notre entretien et conformément à l'article 27 de la convention collective applicable, nous vous avons convoqué à un second entretien le vendredi 18 mars 2016 à 10h30. (') Vous vous êtes bien présenté à ce second entretien au cours duquel nous avons souhaité vous faire part de notre décision de licenciement au regard des explications apportées', il n'est pas suffisamment établi que le salarié s'est vu signifier la décision de le licencier lors de l'entretien du 18 mars 2016.

Dès lors, il convient de considérer que, M. [W] ayant eu connaissance de la décision de le licencier par le seul biais de la lettre de licenciement, il a été privé de la possibilité de faire valoir, en connaissance de la décision de l'employeur et avant toute notification officielle, des observations surs le projet de licenciement propres à assurer sa défense et qu'il a ainsi été privé d'une garantie de fond.

Dès lors, le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

2 : Sur les conséquences financières de la rupture

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d'un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire non justifiée, à l'indemnité de préavis, aux congés payés afférents à celle-ci, à une indemnité conventionnelle de licenciement ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.1 : Sur le rappel de salaires pendant la mise à pied conservatoire

Au regard de la somme effectivement retenue sur le salaire de M. [G] au titre de sa mise à pied, le jugement sera confirmé sur la somme allouée à ce titre.

2.2 : Sur le montant de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents

La décision, qui, contrairement à ce que soutient l'employeur, a bien fixé le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents sur la base du salaire de M. [W] incluant les avantages qu'il aurait perçus et notamment les primes, doit être confirmée de ce chef.

2. 3 : Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Aux termes de l'article 28 de la convention collective nationale des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison : 'En cas de licenciement, le cadre perçoit l'indemnité légale de licenciement s'il a au moins 2 ans d'ancienneté. Cette indemnité est, à partir de 5 ans de présence, égale, par année, à 25% du salaire mensuel moyen des douze derniers mois.'

Contrairement à ce que soutient l'employeur, cet article ne prévoit pas un calcul par tranches mais par seuils en sorte que le montant de l'indemnité de licenciement, calculée à hauteur de 25% d'ancienneté dès la première année, dès lors que le salarié a au moins 5 années de présence conformément aux dispositions précitées, doit être porté à 16.741,67 euros.

Le jugement sera infirmé sur le montant alloué à ce titre.

2.4 : Sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L.1235-3 dans sa version alors applicable, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au cas présent, les dommages et intérêts alloués par le conseil sont adaptés à l'effectif de l'entreprise, à l'ancienneté de M. [W], au montant de sa rémunération, à son âge lors de la rupture et aux conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles ressortent des pièces produites.

Le jugement sera confirmé sur le montant alloué à ce titre.

3 : Sur les demandes accessoires

Le jugement sera également confirmé sur les intérêts, leur capitalisation, la remise des documents de fin de contrat, les dépens et les frais irrépétibles.

En cause d'appel, l'employeur supportera également les dépens ainsi qu'une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 10 décembre 2019 sauf sur le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'infirme de ce seul chef ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS L.R.M. à payer à M. [V] [W] la somme de 16.741,67 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Condamne la SAS L.R.M. à payer à M. [V] [W] une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la SAS L.R.M. aux dépens

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03728
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.03728 ?
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