La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2022 | FRANCE | N°20/03724

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 décembre 2022, 20/03724


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03724 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5T7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 14/04113



APPELANT



Monsieur [C] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

R

eprésenté par Me Marianne DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173



INTIMEE



S.A.S. ENTREPRISE TELECOM SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03724 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5T7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 14/04113

APPELANT

Monsieur [C] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Marianne DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173

INTIMEE

S.A.S. ENTREPRISE TELECOM SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérôme DUPRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DECHANVILLE, président

Madame Anne-Gael BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat de travail à durée indéterminée du 28 mars 2013 à effet au 2 avril suivant, M. [C] [M] a été engagé par la SAS Entreprise telecom services (ETS) en qualité de câbleur.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils.

Par jugement du tribunal correctionnel de Bobigny du 3 février 2015, confirmé par un arrêt de cour d'appel de Paris du 17 janvier 2018, M. [M] a été reconnu coupable d'avoir, le 28 août 2014, commis des faits de dégradations volontaires sur le véhicule personnel du gérant de la société BTS.

Par lettre du 27 mars 2015, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 avril 2015 avec mise à pied conservatoire. Suivant lettre du 10 avril 2015, le salarié a été licencié pour faute lourde au motif qu'il aurait volontairement dégradé le  véhicule personnel du gérant.

Le 24 septembre 2014, contestant son licenciement et réclamant le paiement des sommes subséquentes ainsi que des rappels de salaire et dommages et intérêts pour discrimination salariale, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny.

Par jugement de départage du 20 janvier 2020, le conseil a jugé que le licenciement pour faute lourde était fondé, a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration du 24 juin 2020, M. [M] a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 9 précédent.

Suivant conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 juillet 2022, M. [M] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 5 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination salariale ;

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 25 971 de rappel de salaire des mois d'avril 2013 à mars 2015, outre 2 597,10 euros au titre des congés payés afférents ;

- juger le licenciement dénué de cause réelle ni sérieuse ;

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 1.080 euros de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 108 euros de congés payés afférents ;

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 3.600 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 360 euros de congés payés sur préavis ;

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 919,20 euros d'indemnité licenciement ;

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 22.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 1.260 euros d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 207,69 euros de rappel prime de vacances pour les années 2013 et 2014 ;

- ordonner la remise sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document des bulletins de paye des mois d'avril 2013 à mars 2015, un certificat travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir ;

- condamner la société Entreprise telecom services intimée à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la capitalisation des intérêts au visa de l'article 1343-2 du code civil.

- condamner l'intimée aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe le 13 octobre 2020, la société ETS demande à la cour de :

- écarter la pièce n°11 ;

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il rejette sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, juger le licenciement pour faute lourde justifié et rejeter l'ensemble des demandes du salarié et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner M. [M] à lui payer 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la procédure de première instance que pour celle d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur la pièce n°11

La preuve est libre en matière sociale de sorte que tous les éléments de preuve sont en principe recevables.

Cependant, l'obtention déloyale des preuves, le fait qu'elles portent atteinte à certains droits comme le droit à la vie privée ou leur obtention en violation des conditions de licéité posées par la loi conduit à les écarter des débats.

Néanmoins, le droit à la preuve peut conduire à ce qu'un élément de preuve illicite soit déclaré recevable en justice, si sa production est indispensable à l'exercice du droit à la preuve et est justifiée par les intérêts en présence.

Au cas présent, alors que le salarié est muet sur la manière dont il s'est procuré le contrat de travail de M. [X], que ce dernier atteste ne jamais avoir donné ce document à M. [M] et s'oppose à sa production en justice et que l'obtention licite de ce document ne pourrait résulter que de sa remise volontaire par l'intéressé, il est acquis que ce document a été obtenu illicitement.

Or, alors que, s'il l'estimait nécessaire, M. [M] pouvait obtenir ce contrat de travail en demandant sa production forcée en justice, son obtention illicite n'était pas indispensable à la démonstration de l'éventuel bien fondé de ses prétentions en sorte que son droit à la preuve ne saurait conduire à déclarer cette pièce recevable.

La pièce n°11 sera donc écartée des débats.

Le jugement, qui n'a pas expressément statué sur ce point, sera complété en ce sens.

2 : Sur l'exécution du contrat de travail

2.1 : Sur la discrimination salariale et l'inégalité de traitement

Selon l'article L.1132-1 du code du travail, la discrimination envers un salarié suppose un motif à l'origine de la différence de rémunération ou de traitement alléguée et l'employeur ne peut pas prendre en considération certains facteurs ou certaines caractéristiques du salarié pour arrêter ses décisions.

Lorsque, comme en l'espèce le salarié n'invoque aucune caractéristique personnelle qui aurait déterminé l'employeur à le traiter différemment de ses collègues, mais revendique le même traitement que ceux-ci, dont il soutient qu'ils sont dans une situation comparable à la sienne, sa demande est fondée, non sur la discrimination, mais sur l'inégalité de traitement.

Au cas présent, sous couvert de discrimination salariale, le salarié qui tout en invoquant des propos racistes à son encontre au demeurant non démontrés par les seules attestations produites dépourvues de caractère probant, ne se prévaut pas d'un motif de discrimination au soutien de sa critique de la différence de rémunération entre lui-même et M. [X] en sorte que sa demande s'analyse en demande au titre de l'inégalité de traitement et non de la discrimination salariale.

Or, l'article L.3221-2 du code du travail dispose que tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.

Aux termes de l'article L.3221-4 du code du travail, sont considérés comme de valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse. Il est en outre de principe que les fonctions exercées par les salariés peuvent être différentes, dès lors que les situations sont comparables.

En application de l'article 1315 ancien du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l'espèce, M. [M] se compare à M. [X].

Cependant, alors que la pièce n°11 a été écartée des débats, il ne soumet à la cour aucuns éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

Dès lors, sa demande au titre de l'inégalité salariale sera rejetée, le jugement devant être confirmé de ce chef.

2.2 : Sur la prime de vacance

S'il incombe au salarié de démontrer le principe de l'existence d'une prime, il appartient, le cas échéant, à l'employeur d'en démontrer le paiement effectif.

Or, aux termes de l'article 31 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils applicable à la relation de travail, l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.

Le principe du paiement d'une prime de vacance est donc démontré.

Pourtant, l'employeur n'établit aucunement le versement effectif de cette prime en sorte qu'il convient de faire droit à la demande du salarié et de le condamner au paiement de 207,69 euros à ce titre (10% x (415,38 + 1 661,50) pour les années 2013 et 2014.

Cette somme, de nature salariale, portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et ce avec capitalisation des intérêts.

Il convient également d'ordonner la remise des bulletins de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la décision sur ce point mais ce sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette les demandes de ce chef.

3 : Sur le licenciement et ses conséquences

Lorsque le licenciement est motivé par une faute lourde, le salarié est privé non seulement du droit au préavis et à l'indemnité de licenciement, mais également de l'indemnité compensatrice de congés payés.

La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Elle suppose, en outre, l'intention de nuire du salarié.

L'employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve.

Par ailleurs, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Les actes commis par un salarié en dehors du temps de travail peuvent en outre motiver un licenciement lorsque ces actes créent un trouble caractérisé au sein de l'entreprise ou font obstacle à la bonne exécution du contrat.

Au cas présent, par lettre du 10 avril 2015, le salarié a été licencié pour faute lourde au motif qu'il aurait volontairement dégradé le véhicule personnel du gérant.

Il a été condamné de ce chef par décision définitive qui a autorité de la chose jugée quant à la matérialité des faits reprochés.

L'intention de nuire à l'employeur résulte de la nature même des faits ainsi établis peu important que le propriétaire du véhicule ne soit pas le signataire du contrat de travail du salarié.

Au cas présent, les faits reprochés caractérisent un manquement du salarié à son obligation de loyauté qui n'était par ailleurs pas affectée par la suspension de son contrat de travail du fait de son arrêt maladie au moment des faits. Ces faits commis sur le parking de l'entreprise, peu important que cette aire de stationnement soit partagée avec d'autres sociétés, créent en outre un trouble caractérisé au sein de l'entreprise et font obstacle à la bonne exécution du contrat dans la mesure où ils traduisent une importante agressivité du salarié à l'endroit de sa hiérarchie et une insubordination avérée.

Dès lors la faute lourde est avérée et le licenciement justifié.

Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point ainsi que sur le rejet de l'ensemble des demandes subséquentes de rappel de salaire sur la mise à pied titre conservatoire, de congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de congés payés.

4 : Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie essentiellement perdante, M. [M] supportera les dépens de l'instance d'appel ainsi qu'une somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de son employeur.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Ecarte la pièce n°11 des débats ;

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 20 janvier 2020 sauf en ce qu'il rejette la demande au titre des primes de vacances et les demandes afférentes et l'infirme sur ce point ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne la SAS Entreprise telecom services (ETS) à payer à M. [C] [M] la somme de 207, 69 euros au titre des primes de vacances pour les années 2013 et 2014 ;

- Rappelle que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- Ordonne la remise des bulletins de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision sous quinzaine de sa signification ;

- Rejette la demande d'astreinte ;

- Condamne M. [C] [M] à payer à la SAS Entreprise telecom services (ETS) la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

- Condamne M. [C] [M] Aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03724
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.03724 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award