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14/12/2022 | FRANCE | N°19/08415

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 décembre 2022, 19/08415


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08415 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANI6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/03311



APPELANT



Monsieur [W] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]/FRANCE>
Représenté par Me Sébastien LHEUREUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G0264



INTIMEE



Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée p...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08415 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANI6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/03311

APPELANT

Monsieur [W] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]/FRANCE

Représenté par Me Sébastien LHEUREUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G0264

INTIMEE

Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [W] [C] a été engagé par l'association Société protectrice des animaux désignée sous le sigle SPA, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 février 1998, avec prise d'effet au 28 février 1998.

En dernier lieu, il occuppait les fonctions d'assistant vétérinaire à l'établissement de [Localité 3].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des fleuristes, ventes et services des animaux familiers.

Par lettre du 13 novembre 2017, un avertissement a été notifié au salarié.

Le 14 novembre suivant, il a été placé en arrêt maladie,

Il a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 30 avril 2018, aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité.

Le 3 mai 2018, le salarié a fait une déclaration de maladie professionnelle.

Lors de la visite médicale de reprise du 22 mai 2018 faisant suite à l'arrêt maladie du 14 novembre 2017 qui s'était prolongé sans interruption depuis lors, M. [C] a été déclaré inapte en une seule visite en application de l'article R. 4624-42 du Code du travail, avec la mention selon laquelle l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'employeur lui a adressé plusieurs propositions de reclassement par courrier du 1er juin 2018.

Par lettre datée du 13 juin 2018, il a été convoqué à un entretien fixé au 25 juin 2018 préalable à un éventuel licenciement.

Saisi d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la qualité de membre du comité d'entreprise du salarié, l'inspecteur du travail y a fait droit par décision du 9 août 2018.

La rupture lui a été notifiée par lettre du 21 août 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Dans ses dernières demandes devant le conseil des prud'hommes précédemment saisi, l'intéressé a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SPA et la condamnation de celle-ci à lui verser diverses indemnités au titre de la rupture. La juridiction l'a par jugement du 18 avril 2019, intégralement débouté de ses demandes et condamné aux entiers dépens.

Par deux déclarations du 25 juillet 2019, M. [C] a interjeté appel de cette décision. Les deux procédures ouvertes sous les numéros de rôle 19/8418 et 19/8415 ont été jointes

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 octobre 2019, M. [C] demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] [C] de l'ensemble de ses

demandes,

-Statuant à nouveau ;

- Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la S.P.A. à la date du 24 août 2018,

- Dire et juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la Convention 158 de l'O.I.T. et le droit au procès équitable ou, subsidiairement, juger que les barèmes précités portent une atteinte disproportionnée aux droits du salarié,

- Condamner la S.P.A. au paiement de la somme de 45.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement,

- condamner la S.P.A. au paiement de la somme de 45.000 euros de dommages et intérêts en pour perte d'emploi,

En tout état de cause,

- Annuler l'avertissement du 13 novembre 2017,

- Condamner la S.P.A. au paiement des sommes suivantes :

' 10.000 euros de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

' 15.000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

' 3.000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la S.P.A. aux intérêts légaux et aux dépens,

- ordonner l'anatocisme.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 janvier 2020, l'association Société Protectrice des Animaux demande à la cour de :

- Dire et juger que les demandes de M. [C] relatives à la rupture de son contrat de travail sont irrecevables,

- Confirmer en son entier le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes le 18 avril 2019,

- Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner M. [C] à verser à la SPA la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner M. [C] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur l'exécution du contrat

1.1 : Sur l'avertissement du 13 novembre 2017

M. [W] [C] soutient que l'avertissement est infondé.

La S.P.A. objecte qu'aucune explication ne vient appuyer cette prétention.

Sur ce

Cet avertissement faisait grief à l'intéressé d'avoir lavé 'à grandes eaux' le sol de la chatterie, au lieu d'utiliser le matériel adéquat fourni et malgré les indications de son responsable sur l'impossibilité d'utiliser cette technique de nettoyage dans cette pièce, compte tenu de la spécificité de son sol. L'avertissement précisait qu'il en était résulté l'effondrement du plafond du bureau situé en dessous, qui par chance n'était alors occupé par personne, de sorte que seuls des dégâts matériels ont été à déplorer. Cette sanction lui imputait aussi le défaut d'utilisation systématique des équipements de protection, à savoir gants et combinaison, malgré les injonctions qui lui avaient été faites en ce sens.

En l'absence d'éléments de preuve rapportés par l'employeur, l'avertissement sera annulé.

1.2 : Sur l'exécution fautive du contrat de travail

M. [W] [C] demande l'allocation de la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts aux motifs qu'il n'aurait pas bénéficié de suffisamment de formation et qu'il a été sanctionné irrégulièrement.

La S.P.A. répond que l'avertissement était justifié et qu'embauché comme agent animalier, le salarié a évolué comme assistant vétérinaire qualifié, ce qui serait la preuve du respect de l'obligation de formation.

Sur ce

Il a été relevé que l'avertissement doit être considéré comme infligé à tort.

Par ailleurs, l'employeur ne prouve pas qu'il a pleinement rempli son obligation de formation, même si l'évolution de M. [W] [C] au sein de l'entreprise traduit une progression dans les compétences.

Le préjudice subséquent sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 500 euros.

1.3 : Sur l'obligation de sécurité

M. [W] [C] demande la condamnation de la partie adverse à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité en ce que l'état de vétusté et les manquements à l'hygiène qui caractériseraient l'établissement de [Localité 3] où il était affecté seraient la source de la détérioration de son état de santé psychique.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du Code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Les procès-verbaux de réunion du CHSCT et du CE des 29 septembre 2014, 16 décembre 2014, 28 septembre 2017 et 27 décembre 2017 décrivent les défauts d'entretien et de propreté de certains des locaux de ce site.

Toutefois, ces documents font état le 14 novembre 2017 d'un projet de transfert du refuge en 2017.

Les certificats médicaux, ordonnances médicales, correspondances médicales et pièce relatives à la maladie professionnelle de l'intéressé établissent qu'en 2017 et 2018, à côté d'une pathologie pulmonaire, M. [W] [C] souffrait d'un syndrome dépressif en rapport avec un conflit au travail selon les dires de l'intéressé.

Il n'apparaît donc pas que l'état des locaux soit la cause de la dépression dont se plaignait l'intéressé. Dès lors, le prétendu préjudice né d'un manquement à l'obligation de sécurité en cause doit être écarté.

2 : Sur la demande de résiliation judiciaire et les demandes subséquentes

2.1 : Sur la demande de résiliation

La S.P.A. oppose à la demande de résiliation judiciaire et aux demandes subséquentes leur irrecevabilité, comme portant atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, dès lors que le licenciement a été prononcé sur autorisation de l'inspection du travail.

Le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, même si la saisine du conseil des prud'hommes était antérieure à la rupture. Il lui appartient seulement de faire droit le cas échéant aux demandes de dommages-intérêts au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement lorsque les manquements invoqués par le salarié n'ont pas été pris en considération par l'autorité administrative, dans le cadre de la procédure d'autorisation.

2.2 : Sur la demande de dommages-intérêts pour perte d'emploi

Le salarié sollicite en réparation des la somme de 45 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour perte d'emploi, en ce que la rupture pour inaptitude serait imputable aux fautes de l'employeur qui fondaient sa demande de résiliation.

Si la décision d'autorisation de licenciement pour inaptitude de l'inspecteur du travail s'impose au juge judiciaire, le salarié licencié peut néanmoins obtenir réparation devant les juridictions judiciaires des manquements notamment à l'obligation de sécurité de l'employeur à l'origine de l'inaptitude et notamment revendiquer les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a été relevé au cours de l'étude des demandes de dommages-intérêts en réparation des manquements de la S.P.A. pendant l'exécution du contrat, que seuls peuvent être retenus l'avertissement injustifié et le non-respect de l'obligation de formation.

Le manquement à l'obligation de formation n'a pas empêché le salarié de progresser au sein de l'entreprise. Le salarié n'a pas argumenté autrement que par des dénégations générales sur les faits ayant donné lieu à l'avertissement annulé, de sorte qu'il ne peut être mesuré dans quelle mesure son inflixion a causé un préjudice sérieux.

Il s'ensuit que la résiliation n'était pas encourue et que la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse subséquente doit être rejetée.

3 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes de l'une et l'autre des parties au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et de mettre les dépens à la charge de l'employeur qui succombe partiellement.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré, sauf sur les demandes de résiliation, du contrat de travail, d'annulation de l'avertissement du 13 novembre 2017 et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et sur les dépens ;

Statuant à nouveau ;

Annule l'avertissement du 13 novembre 2017 ;

Déclare la demande de résiliation du contrat de travail irrecevable ;

Condamne l'association Société protectrice des animaux à payer à M. [W] [C] la somme de 500 euros en réparation de la violation de l'obligation de formation ;

Condamne l'association Société protectrice des animaux aux dépens ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne l'association Société protectrice des animaux aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/08415
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;19.08415 ?
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