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14/12/2022 | FRANCE | N°18/28844

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 14 décembre 2022, 18/28844


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° /2022, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/28844 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67SA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 17/02642





APPELANTS



Monsieur [S] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]
>

et



Madame [D] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Apolline PLA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° /2022, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/28844 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67SA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 17/02642

APPELANTS

Monsieur [S] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

et

Madame [D] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Apolline PLASMANS, BMGB avocats, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS MAISONS PIERRE prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Assistée et représentée par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN, substitué à l'audience par Me Jenny HAYOUN, de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ, présidente

Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère

Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère

Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé parMarie-Ange SENTUCQ, présidente et par Céline RICHARD, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 27 septembre 2016, Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] ont conclu avec la société SAS Maisons Pierre un contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan assorti d'une condition suspensive d'obtention d'un prêt bancaire au prix convenu de 140 791 euros.

Le projet global, acquisition du terrain et construction, devait être financé par un apport personnel de 10 000 euros, et pour le surplus par un emprunt aux caractéristiques ainsi définies :

- Prêt principal : 200 168 euros sur une durée de 360 mois

- Prêt à taux 0 : 88 000 euros sur une durée de 240 mois

Le même jour, ils régularisaient une promesse de vente portant sur le terrain, également conclue sous condition suspensive d'obtention de deux prêts aux conditions suivantes :

- un prêt de 88 000 euros sur une durée de 20 ans et au taux de 0 %

- un prêt de 200 000 euros sur une durée de 30 ans au taux de 2,20 %

Le 9 mars 2017, Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] affirmant ne pas avoir obtenu de prêt aux conditions souhaitées, notifiaient par lettre recommandée avec accusé de réception à la société SAS Maisons Pierre leur renonciation au projet et demandait la restitution de l'acompte de 3 900 euros versé.

La société SAS Maisons Pierre, par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mars 2017, notifiait son refus à Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X], considérant que la condition suspensive était réalisée et sollicitait, dans ces conditions, le paiement de la clause pénale de 17 718,65 euros. Elle délivrait une mise en demeure le 30 mai 2017.

C'est dans ces circonstances que la société SAS Maisons Pierre, le 29 août 2017, a assigné Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] devant le tribunal de grande instance de MELUN.

Par jugement en date du 27 novembre 2017, le tribunal de grande instance de MELUN a :

- Condamné solidairement Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] à payer à la société SAS Maisons Pierre la somme de 17 718,65 euros en deniers ou quittance, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017, intérêts qui seront capitalisés dès qu'ils seront dus pour une année entière;

- Condamné solidairement Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] à payer à la société SAS Maisons Pierre la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Débouté Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] de l'ensemble de leurs demandes;

- Condamné Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] aux entiers dépens.

Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 26 décembre 2018.

Aux termes de leurs dernières conclusions, signifiées par RPVA le 3 juin 2022, ils demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant de nouveau :

A titre principal

- Constater que les conditions générales du contrat de construction de maison individuelle en date du 27 septembre 2016 ne sont pas signées ;

En conséquence,

- Dire et juger que les conditions générales du contrat ne leur sont pas opposables faute d'avoir été portées à leur connaissance et acceptées;

- Débouter la société Maisons Pierre de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions;

- Condamner la société Maisons Pierre à leur restituer la somme de 3.900 € au titre de l'acompte versé ;

- Condamner la société Maisons Pierre à leur restituer le chèque de 3.600 € en sa possession;

A titre subsidiaire

- Constater que Monsieur [X] et Madame [K] ont contacté la société « Meilleurstaux.com » et obtenu un refus de financement dans le délai de 60 jours prescrit par l'article 7 des conditions générales ;

- Dire et Juger que l'offre de prêt du Crédit Foncier du 22 décembre 2016 était tardive et non conforme aux conditions de taux, de durée et d'assurance posées par Monsieur [X] et Madame [K] ;

En conséquence,

- Débouter la société Maisons Pierre de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions;

En tout état de cause,

- Condamner la société Maisons Pierre à payer à Monsieur [X] et Madame [K] la somme de 2.500 € chacune à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner la société Maisons Pierre à payer à Monsieur [X] et Madame [K], la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- Condamner la société Maisons Pierre aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François TEYTAUD dans les conditions de l'article 699 du CPC.

Par dernières conclusions signifiées au RPVA le 3 juin 2022, la société SAS Maisons Pierre, pour sa part, sollicite de la cour de :

- Déclarer la concluante recevable et bien fondée en ses conclusions et, y faisant droit :

- Confirmer le jugement dont appel en intégralité de ses dispositions,

- Débouter Madame [K] et Monsieur [X] de l'intégralité de leurs demandes fins et prétentions telles que dirigées l'encontre de la société MAISONS PIERRE,

- Condamner solidairement Madame [K] et Monsieur [X] au paiement d'une indemnité de 4.000,00 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Les condamner aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Maître Brice AYALA, en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022. L'audience de plaidoiries s'est tenue le 7 septembre 2022, l'affaire étant mise en délibéré au 14 décembre 2022.

MOTIVATION

A titre liminaire, il convient de préciser que la cour est exclusivement interrogée sur des questions relatives à la théorie générale des contrats et non pas sur des points relevant spécifiquement du contrat de construction de maison individuelle et des articles L.231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Il sera fait application des dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, dès lors que le contrat litigieux a été conclu le 27 septembre 2016.

Sur l'acceptation des conditions générales

Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X], à l'appui de leurs prétentions, font valoir que la société SAS Maisons Pierre ne peut se prévaloir de l'article 17 des conditions générales dès lors que celles-ci n'ont pas été acceptées par eux faute d'avoir été signées. Selon eux, il ne suffit pas qu'elles aient été portées à leur connaissance en étant annexées au contrat signé, ou qu'il y soit fait référence dans les conditions particulières, il faut que la société SAS Maisons Pierre puisse établir, pour les leur opposer, qu'elles ont été effectivement acceptées.

La société SAS Maisons Pierre, pour sa part, argue que les conditions générales ont été acceptées dès lors qu'il y est fait mention dans les conditions particulières où le choix de diverses options renvoie aux conditions générales et implique donc que Madame [K] et Monsieur [X] en aient eu connaissance. Par ailleurs, les conditions générales sont annexées au contrat de construction signé, le tout constituant un document unique.

Réponse de la cour :

Les conditions générales d'un contrat d'adhésion ne sont opposables au contractant qu'à la condition d'avoir été portées à la connaissance de celui-ci et d'avoir été acceptées, cette acceptation pouvant être implicite.

En l'espèce, les conditions générales du contrat de construction de maison individuelle du 27 septembre 2016 entre Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] et la société SAS Maisons Pierre ont été déterminées et proposées unilatéralement par la société, sans négociation possible, de sorte que le contrat doit recevoir la qualification de contrat d'adhésion.

Si les conditions générales du contrat de construction de maison individuelle n'ont effectivement, en tant que telles, étaient ni signées ni paraphées par Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X], elles sont annexées physiquement audit contrat qui se présente en un document unique constitué de six pages incluant à la fois les conditions particulières et les conditions générales, les secondes étant indissociables des premières, ce que ne contestent d'ailleurs pas Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X].

En outre, les conditions particulières, signées par eux, renvoient expressément aux conditions générales, notamment s'agissant des modalités de révision du prix, de la réception des travaux ou encore de la garantie de livraison. Il ne peut donc être sérieusement allégué par Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] qu'ils n'ont pas accepté ou eu connaissance de ces conditions générales qui appartiennent bien au champ contractuel et leur sont dès lors opposables.

Sur la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt

Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] font valoir que la rupture du contrat ne leur est pas imputable dès lors qu'aux termes de la condition suspensive du contrat les liant à la société SAS Maisons Pierre, ils avaient pour seule obligation de solliciter un financement dans le délai de 60 jours, ce dont ils se sont acquittés.

Ils indiquent avoir, ainsi, signé un mandat de recherche auprès d'un courtier le 8 octobre 2016, leur demande de financement étant refusée le 22 octobre 2016.

S'agissant de l'information du constructeur dans les 8 jours suivant l'expiration du délai de 60 jours prévue par l'article 7 des conditions générales, ils indiquent que la société SAS Maisons Pierre était avisée du refus de financement leur étant opposé dès le 29 octobre 2016, puis à nouveau les 2 et 8 novembre 2016 dans le cadre d'échanges entre eux et la chargée de clientèle de la société SAS Maisons Pierre.

Ils ajoutent que l'offre de prêt du crédit foncier en date du 27 décembre 2016 dont se prévaut la société SAS Maisons Pierre, de mauvaise foi, est postérieure à la date de réalisation de la condition suspensive et non conforme aux caractéristiques de financement envisagées. Elle ne pouvait donc être considérée comme susceptible de réaliser ladite condition.

Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] en concluent que la rupture du contrat ne saurait s'analyser en une résiliation de leur fait pouvant justifier le versement de l'indemnité de l'article 17-2 des conditions générales, mais en une caducité pour non réalisation de la condition suspensive obligeant, dès lors, la société SAS Maisons Pierre à leur restituer la somme de 3 900 euros au titre de l'acompte versé et le chèque de 3 600 euros en sa possession.

En tout état de cause, Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] soutiennent que si un doute existait quant à l'interprétation devant être faite de l'article 7 des conditions générales, s'agissant d'un contrat d'adhésion, elle doit se faire au profit de celui qui s'engage en application de l'article 1162 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

La société SAS Maisons Pierre, quant à elle, fait valoir que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi aux parties. Ainsi, les articles 7, 17-1 et 17-2 sont opposables à Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] qui devaient, aux termes de l'article 7, d'une part, 'déposer le ou les dossiers de demande de prêt dans un délai de 60 jours à compter de la signature du présent contrat' et d'autre part, 'en justifier au constructeur par courrier recommandé avec AR dans les 8 jours de l'expiration du délai de 60 jours précité'. À défaut, au-delà du 5 décembre 2016, Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] ne pouvaient plus se prévaloir de la caducité du contrat pour non réalisation de la condition suspensive.

En conséquence, la lettre recommandée avec accusé de réception adressée par Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] le 9 mars 2017 doit s'analyser en une résiliation du contrat, de leur fait, entraînant le paiement de l'indemnité prévue par l'article 17-2 des conditions générales.

La société SAS Maisons Pierre ajoute qu'au surplus Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] ont été destinataires d'une offre conforme à leur projet de financement émanant du crédit foncier et qui aurait permis de réaliser la condition suspensive.

Réponse de la cour :

L'article 1134 code civil énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Les articles 1161 et 1162 du même code ajoutent, sur la question de l'interprétation des conventions, que toutes les clauses s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier, et que dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

En l'espèce, les clauses objet du litige sont les articles 7, 16 et 17 des conditions générales ainsi rédigées :

Article 7 - Le financement de la construction

'Le maître de l'ouvrage s'oblige à déposer le(s) dossier(s) de demande de prêt dans un délai de 60 jours à compter de la signature du présent contrat, et à en justifier au constructeur par courrier recommandé avec AR dans les 8 jours de l'expiration du délai de 60 jours précité. A défaut de respect de ce délai, la condition suspensive d'obtention du prêt ne sera plus opposable au constructeur et le maître de l'ouvrage ne pourra plus se prévaloir de refus de prêt pour considérer le contrat comme caduc.'

Article 16 - Les conditions suspensives

'Le présent contrat est conclu sous condition suspensive d'obtention des éléments suivants : (...)

Obtention des prêts dans les 60 jours suivant la signature du présent contrat.

En conséquence, si une ou plusieurs de ces conditions ne se réalisent pas dans le délai prévu, le contrat sera considéré comme caduc et les sommes versées par le maître de l'ouvrage lui seront remboursées. La condition d'obtention des prêts est satisfaite lorsque le maître de l'ouvrage a reçu une offre correspondant aux caractéristiques du financement décrites aux conditions particulières.'

Article 17 - Les conditions résolutoires

17-1 : Si la non réalisation d'une au moins des conditions suspensives est imputable au maître de l'ouvrage, elle sera réputée accomplie, conformément à l'article 1178 du code civil. En cas de résiliation du présent contrat, il sera fait application de l'article 17-2 des conditions générales.

17-2 : La résiliation du contrat par le maître de l'ouvrage en application de l'article 1794 du code civil entraîne l'exigibilité, en plus des sommes correspondant à l'avancement des travaux, d'une indemnité forfaitaire évaluée à 10% du prix convenu de la construction en dédommagement des frais engagés par le constructeur (...).'

La lecture de l'article 7 conduit à considérer que la notion de réalisation de la condition suspensive dans le cadre des relations contractuelles entre la société SAS Maisons Pierre et Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] est sujette à interprétation.

En effet, cet article comporte en lui-même une ambiguïté en ce qu'il fait état de deux délais à respecter pour le maître de l'ouvrage (délai d'obtention d'un prêt et délai d'information du constructeur) mais n'envisage la sanction d'inopposabilité de la condition suspensive qu'en indiquant 'ce délai' sans plus de précision.

Par ailleurs, cette ambiguïté est entretenue par la lecture de la promesse unilatérale de vente, rédigée par notaire, signée le même jour par Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X], concernant le même projet immobilier puisqu'il s'agit de l'achat du terrain sur lequel devait être édifié la maison, et comportant la même condition suspensive d'obtention d'un prêt, aux mêmes conditions que dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle. Or, dans la promesse unilatérale de vente, le délai de réalisation de la condition suspensive est différent, et surtout, passé ledit délai, il est prévu une possible mise en demeure de l'acquéreur par le vendeur d'avoir à justifier de ses démarches et de la réalisation ou non de la condition suspensive, processus totalement contraire à ce que prévoit le contrat de construction de maison individuelle.

En conséquence, l'article 7 des conditions générales est ambigu et sujet à interprétation en ce que le délai entraînant la sanction d'inopposabilité n'est pas clairement défini.

S'agissant d'un contrat d'adhésion, l'interprétation doit être faite en faveur de celui qui s'engage.

Dès lors, le contrat doit s'interpréter en faveur de Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X], et il doit être considéré que :

- la condition suspensive est celle d'obtention d'un prêt. Le contrat de construction de maison individuelle ne sera définitif qu'une fois ce prêt obtenu.

- l'obligation de Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] est de solliciter une offre conforme aux prescriptions des conditions particulières, et en l'espèce à l'annexe intitulée 'simulation de financement', dans un délai de 60 jours à compter de la signature du contrat, à l'exclusion de toute autre obligation. Le contrat a été conclu le 27 septembre 2016, le dossier de demande de prêt devait donc être déposé au plus tard le 27 novembre 2016.

- les conditions du financement étaient les suivantes, aux termes de la simulation de financement dont il n'est pas contesté qu'elle constitue la définition précise des caractéristiques des prêts souhaités :

Nature du prêt

Montant du prêt

Taux

Durée

Mensualité assurance compris

Prêt à taux 0

88.000 €

O%

240 mois

25,66 €

PAS lissage TF

201.626 €

2,20 %

30 ans

1.089,25 €

Le montant total de la mensualité est fixé à 1 114,91 euros pour un taux d'endettement de 32%.

Un mandat de recherche a été conclu entre Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] et Meilleurtaux.com le 8 octobre 2016 qui doit être considéré comme le dépôt d'une demande de financement, cet acte indiquant précisément que la société est mandatée pour la 'recherche du financement'.

A l'issue de ce contrat, Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] ne vont pas obtenir d'offre répondant aux prescriptions de la 'simulation de financement'. En effet, l'offre émise par le crédit foncier le 22 décembre 2016 ne répond pas aux caractéristiques attendues, le taux envisagé étant de 2,45% alors que la simulation servant de base aux recherches de Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] précise un taux de 2,20%. Par ailleurs, le montant de l'échéance, assurance incluse, est supérieur au projet de Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] (1 151,56 euros au lieu de 1 114,91 euros). Enfin, cette offre est postérieure au délai de 60 jours prévu. En conséquence, ils étaient en droit de refuser celle-ci.

En conclusion, c'est à juste titre qu'ils se sont prévalus de la caducité du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mars 2017 et ont sollicité la restitution des sommes versées et du chèque en possession de la société SAS Maisons Pierre.

En conséquence, le jugement du tribunal de grande instance de MELUN du 27 novembre 2018 sera infirmé en toutes ses dispositions.

La société SAS Maisons Pierre sera condamnée à restituer l'acompte de 3 900 euros et le chèque en sa possession d'un montant de 3 600 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral

Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] sollicitent la condamnation de la société SAS Maisons Pierre à leur verser à chacun la somme de 2 500 euros au titre de leur préjudice moral.

Réponse de la cour :

En application de l'article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu au paiement de dommages intérêts à raison de l'inexécution de son obligation ou du retard dans l'exécution toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère ne pouvant lui être imputée.

Toute réparation d'un préjudice, y compris dans le cadre d'une responsabilité contractuelle, suppose la preuve de celui-ci et l'existence d'un lien de causalité entre lui et la faute alléguée.

En l'espèce, Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] n'apportent aucun élément de preuve permettant à la cour d'apprécier l'existence et l'étendue du préjudice moral allégué, pas plus que l'existence du moindre lien de causalité entre celui-ci et les agissements de la société SAS Maisons Pierre.

Ils seront donc déboutés de ce chef de demande.

Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande qu'il soit alloué à Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SAS Maisons Pierre qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'appel de Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X]

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de MELUN en date du 27 novembre 2018

Statuant à nouveau,

Dit opposables à Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] les conditions générales annexées au contrat de construction de maison individuelle conclu avec la société SAS Maisons Pierre le 27 septembre 2016 ;

Dit que la condition suspensive d'obtention du prêt n'a pas été réalisée sans faute de Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] ;

Dit le contrat de construction de maison individuelle du 27 septembre 2016 caduc ;

Déboute la société SAS Maisons Pierre de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la société SAS Maisons Pierre à rembourser la somme de 3 900 euros, constitutive d'un acompte, à Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X];

Condamne la société SAS Maisons Pierre à restituer à Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] le chèque de 3 600 euros en sa possession;

Déboute Madame [D] [K] de sa demande de dommages-intérêts ;

Déboute Monsieur [S] [X] de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne la société SAS Maisons Pierre à verser la somme de 2 500 euros à Madame [D] [K] et Monsieur [S] [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société SAS Maisons Pierre aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François TEYTAUD dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/28844
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;18.28844 ?
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