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14/12/2022 | FRANCE | N°18/12036

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 14 décembre 2022, 18/12036


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2022

(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12036 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ULK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/06549





APPELANT



Monsieur [H] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représe

nté par Me Virginie RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1066







INTIMÉE



SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de l'EPIC SNCF MOBILITÉS

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12036 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ULK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/06549

APPELANT

Monsieur [H] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Virginie RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1066

INTIMÉE

SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de l'EPIC SNCF MOBILITÉS

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Henri GUYOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le19 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président, et Mme Valérie BLANCHET, conseillère, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 25 janvier 1982, la SNCF, aux droits de laquelle intervient la SNCF Voyageurs, a engagé M. [N] au cadre permanent, en qualité de commis voyageurs. En dernier lieu de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de délégué aux affaires publiques. Il occupait le grade de technicien équipement, qualification E, niveau 01, position 18 et échelon 10.

Le 10 mai 2017, l'employeur a émis un avis favorable à la demande de départ volontaire de M. [N] à effet au 8 août 2017, date d'effet de sa retraite, dans le cadre d'un dispositif de départ volontaire des agents du cadre permanent.

Contestant les conditions de la rupture de son contrat de travail et s'estimant victime d'une discrimination, d'un harcèlement moral et enfin reprochant à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité, M. [N] a saisi la juridiction prud'homale le 3 août 2017 des demandes de condamnation suivantes :

- 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour 'appauvrissement de l'avenir' et du parcours professionnel avec perte de chance professionnelle,

- 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour réduction de la rémunération et du montant de sa pension de retraite,

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail avec renforcement de la pénibilité de l'emploi, bouleversement de l'équilibre, atteinte à la dignité et dommages subis du fait du suivi psychologique, psychiatrique et médicamenteux,

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de faits de discrimination syndicale,

- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et préjudice financier,

- 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de rupture du contrat de travail avec intérêts au taux légal,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et agissements vexatoires,

- 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 17 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [N] de ses demandes, la SNCF de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné l'agent aux dépens.

Le 25 octobre 2018, M. [N] a interjeté appel du jugement notifié le 26 septembre 2018.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 mai 2022, l'appelant demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de la SNCF Voyageurs relative à la caducité de la déclaration d'appel et d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, il lui demande de constater la nullité de la rupture du contrat de travail et de condamner l'employeur à lui verser la somme de 71 700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

A titre subsidiaire, il lui demande de requalifier son départ volontaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser la somme de 71 700 euros à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause, l'appelant demande à la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de fourniture de travail,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation,

- 40 680 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

- 3 660 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il lui demande d'assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance et d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 avril 2022, la SNCF Voyageurs demande à la cour, in limine litis, de déclarer caduque la déclaration d'appel.

Elle lui demande de constater que la cour n'est saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel.

Sur le fond, elle lui demande de confirmer le jugement, de débouter M. [N] de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'instruction a été clôturée le 27 Septembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 19 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la caducité de l'appel

La SNCF soutient que les conclusions de l'appelant prises dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile comportent un dispositif qui ne conclut pas à l'infirmation du jugement du 17 septembre 2018.

Cette demande a été définitivement tranchée par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris statuant sur déféré le 18 mai 2022 qui a considéré que la sanction de la caducité n'était pas encourue.

En conséquence, cette demande est irrecevable.

Sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel

La SNCF soutient que la déclaration d'appel de M. [N] qui lui a été signifiée le 2 janvier 2019 ne comporte aucune mention des chefs de jugement critiqués et que la pièce jointe à la déclaration d'appel, qui n'est ni signée ni datée, ne lui a pas été signifiée en même temps que la déclaration le 2 janvier 2019. M. [N] ne démontre pas qu'il était dans l'impossibilité de faire figurer dans la déclaration d'appel les mentions de son annexe qui ne comporte que 3 333 caractères.

Cette demande n'a pas été tranchée par l'arrêt de la cour sur déféré qui a considéré qu'elle relevait de la compétence de la cour statuant au fond.

En l'espèce, la déclaration d'appel du 25 octobre 2018 est ainsi libellée ' objet de l'appel : VOIR PJ'.

Cette pièce jointe est ainsi libellée : 'Appel total :

- INFIRMATION du jugement en toutes ses dispositions en ce qu'il a débouté Monsieur

[H] [N] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance.

- Monsieur [N] demande à la Cour de réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS et en conséquence de :

INFIRMER le jugement en ce qu'il déboute Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes de :

' Dommages et intérêts pour harcèlement moral : (80.000 euros)

' Dommages et intérêts pour appauvrissement de l'avenir et du parcours professionnel avec perte de chance professionnelle (25.000 euros)

' Dommages et intérêts pour réduction de la rémunération mais aussi de son montant de pension de retraite (7.500 euros)

' Dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail avec renforcement de la pénibilité de l'emploi, bouleversement de l'équilibre, atteinte à la dignité et dommages subis du fait de suivi psychologique, psychiatrique et médicamenteux (50.000 euros)

' Dommages et intérêts pour interdiction et discrimination syndicale (15.000 euros)

' Dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et pour souffrance causée à Monsieur [N] (40.000 euros)

' Requalifier la rupture du contrat aménagée en « départ volontaire » en nullité de la rupture aux torts exclusifs de la SNCF MOBILITES ou subsidiairement en absence de cause réelle et sérieuse

' Dommages et intérêts pour rupture abusive et préjudice financier (25.000 euros)

' Dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de rupture du contrat de travail avec intérêt au taux légal (2.500 euros)

' Dommages et intérêts pour abus de droit et agissements vexatoires (5.000 euros)

' Dépens

' Intérêts aux taux légal ' Capitalisation des intérêts

' Article 700 du Code de procédure civile (4.500 euros)

' Remise d'un certificat de travail, d'un bulletin de salaire réactualisé et une attestation destinée au Pôle Emploi conforme au jugement dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

INFIRMER le jugement en ce qu'il condamne Monsieur [N] à assumer le paiement des entiers dépens. En conséquence, FAIRE DROIT à l'ensemble des demandes de Monsieur [N]

' Dommages et intérêts pour harcèlement moral : (80.000 euros)

' Dommages et intérêts pour appauvrissement de l'avenir et du parcours professionnel avec perte de chance professionnelle (25.000 euros)

' Dommages et intérêts pour réduction de la rémunération mais aussi de son montant de pension de retraite (7.500 euros)

' Dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail avec renforcement de la pénibilité de l'emploi, bouleversement de l'équilibre, atteinte à la dignité et dommages subis du fait de suivi psychologique, psychiatrique et médicamenteux (50.000 euros)

' Dommages et intérêts pour interdiction et discrimination syndicale (15.000 euros)

' Dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et pour souffrance causée à Monsieur [N] (40.000 euros)

' Requalifier la rupture du contrat aménagée en « départ volontaire » en nullité de la rupture aux torts exclusifs de la SNCF MOBILITES ou subsidiairement en absence de cause réelle et sérieuse

' Dommages et intérêts pour rupture abusive et préjudice financier (25.000 euros)

' Dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de rupture du contrat de travail avec intérêt au taux légal (2.500 euros)

' Dommages et intérêts pour abus de droit et agissements vexatoires (5.000 euros)

' Dépens

' Intérêts aux taux légal ' Capitalisation des intérêts

' Article 700 du Code de procédure civile (4.500 euros)

' Remise d'un certificat de travail, d'un bulletin de salaire réactualisé et une attestation destinée au Pôle Emploi conforme au jugement dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.'

Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

Une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 90 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique. Elle emporte effet dévolutif.

En l'espèce, la déclaration d'appel du 25 octobre 2018 renvoie à une pièce jointe en annexe comportant l'ensemble des chefs critiqués du jugement. L'ensemble a été remis simultanément au greffe de la cour le 25 octobre 2018.

L'intimé, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 2 janvier 2019 par acte de neuf pages, est mal venu à soutenir qu'elle était dépourvue de l'annexe énonçant les dispositions critiquées du jugement et à soulever la caducité de l'acte d'appel, dont l'éventuelle irrégularité, au regard des dispositions de l'article 901 du même code, est sanctionnée par la nullité.

En conséquence, la cour considère que la déclaration d'appel de M. [N] emporte effet dévolutif.

Sur le harcèlement moral

Le salarié reproche à l'employeur de l'avoir privé tout au long de sa carrière d'une formation adaptée, de ne pas avoir reconnu ses diplômes, de lui avoir confié un travail ne correspondant à son niveau de qualification, de lui avoir refusé tout avancement, d'avoir supprimé son poste de délégué aux affaires publiques en 2017, de ne pas avoir tenu compte de l'avis d'inaptitude temporaire du 13 juillet 2016, de ne pas avoir donné suite à ses demandes de mutation, et enfin, de ne pas l'avoir évalué de 2012 à 2017.

L'employeur conteste tout manquement. Il soutient que le salarié ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, qu'il n'a jamais alerté l'employeur, l'inspecteur du travail et le médecin du travail sur une dégradation de ses conditions de travail alors qu'il était membre du CHSCT et qu'il n'existe aucun lien entre ses conditions de travail et son état de santé.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence d'un harcèlement au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le salarié invoque en premier lieu le fait d'avoir été privé de formation mais cette allégation est contredite par les avis favorables de l'employeur pour suivre des formations annuelles internes en lien avec ses fonctions ( sécurité incendie en 2013, risques liés à l'alcool, gérer l'inaptitude et le maintien dans l'emploi en 2012, excel, outlook, power point en 2011, excel en 2014), par son accord pour un congé formation le 28 mars 2020, pour suivre un stage en entreprise à l'IUT d'[Localité 5] le 16 août 2000 et par la décision de l'employeur de lui reconnaître ses diplômes obtenus au Cnam en maîtrise de management en 2010.

Il évoque aussi le fait que l'employeur n'a pas tenu compte d'un avis d'inaptitude temporaire du 13 juillet 2016 alors que la décision d'inaptitude du médecin du travail a été immédiatement suivie d'arrêts de travail jusqu'au 21 juillet 2016 puis d'une hospitalisation aux hôpitaux de [8] jusqu'au 31 juillet 2016 suivie d'un arrêt de travail jusqu'au 18 septembre 2016 à l'issue duquel il a souscrit un contrat d'accompagnement professionnel.

Il évoque le fait qu'il était sans activité lorsqu'il était délégué aux affaires publiques sans produire le moindre élément à l'appui de cette allégation. Il ajoute qu'il n'a pas été prévenu de la suppression de son poste intervenue pour des raisons d'organisation ce qui est contredit par l'entretien d'évaluation du 3 février 2016.

Il reproche à son employeur d'être à l'origine de son hospitalisation sous contrainte et produit le compte rendu des urgences de l'hôpital [7] du 22 juillet 2016 au sein duquel le salarié a été conduit pour propos suicidaires qui rapporte une conversation téléphonique entre le médecin urgentiste et le docteur [D], médecin du travail, qui lui a déclaré avoir été 'contrainte par ses collègues de signer le certificat de SPDT alors qu'elle considérait que l'agent aurait davantage besoin d'un suivi ambulatoire'. Toutefois, la cour relève que la rédaction d'un certificat médical relève de la seule responsabilité du médecin et non pas de celle de l'employeur et que cet avis n'a pas été suivi, le salarié ayant finalment été orienté vers le CMP Roquette pour troubles de l'adaptation et trouble de la personnalité.

Il lui reproche également de l'avoir traité de 'fada' le 17 mars 2006 mais il reconnaît lui même que sa supérieure s'est excusée de ce propos isolé qu'elle a regretté.

L'agent établit en revanche qu'il n'a pas été évalué entre 2012 et le 10 juin 2015, date de l'avant dernier comptre-rendu d'entretien.

Il évoque le fait que l'employeur lui a refusé toute promotion et la possibilité de devenir cadre alors qu'il avait obtenu des diplômes lui permettant d'y prétendre.

Ces derniers éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

L'employeur justifie que la seule possession de diplômes acquis en cours de carrière ne garantit pas le passage au statut de cadre. En effet, l'article 2-2-1 du référentiel RH0821 dispose que la reconnaissance de diplômes acquis en cours de carrière ne donne pas droit à la garantie d'une évolution professionnelle qui est subordonnée à la potentialité d'un emploi en rapport avec le diplôme et aux aptitudes physiques et psychologiques requises par l'emploi.

Si l'employeur ne verse pas au débats les comptes- rendu d'entretien d'évaluation pour 2012, 2013 et 2014, il produit en revanche le certificat de travail du salarié qui fait état d'une progression constante de carrière et de l'exercice de huit fonctions différentes entre 1982 et 2017 avec une progression salariale tous les 3 ans et demi en moyenne, une qualification supérieure tous les 9 ans et 7 grades entre 1982 et 2017, soit un grade supplémentaire tous les 5 ans en moyenne., ce qui établit une progression professionnelle constante.

L'employeur démontre ainsi que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour confirme le jugement en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'un harcèlement moral.

Sur l'obligation de sécurité

Le salarié reproche en premier lieu à l'employeur d'avoir méconnu son obligation de sécurité en le privant de travail.

Il soutient que l'employeur était informé de la dégradation de son état de santé par l'envoi des arrêts maladie, par le constat d'inaptitude temporaire et par les hospitalisations parfois sollicitées par le médecin du travail et par l'employeur lui même qui a obtenu de manière abusive son hospitalisation d'office sous contrainte.

L'employeur conteste la demande. Il précise qu'il n'a pas accès au dossier médical du salarié, que le médecin du travail est soumis au secret professionnel et que les arrêts de travail du salarié ne mentionnent pas le motif. Le lien entre l'état de santé et les conditions de travail n'est pas établi.

Tenu d'une obligation de sécurité, l'employeur doit en assurer l'effectivité en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnait pas son obligation en la matière lorsqu'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que le salarié, membre du CHSCT, n'a jamais alerté l'employeur sur la dégradation de ses conditions de travail. Le médecin du travail exerce en toute indépendance ses fonctions, l'employeur n'a pas accès au dossier médical du salarié et n'a pas connaissance des motifs de ses arrêts de travail qui sont couverts par le secret professionnel. La décision de placement en hospitalisation d'office a été prise en décembre 2016 sur le fondement de certificats médicaux et son maintien décidé par une ordonnance définitive du juge des libertés et de la détention.

L'employeur établit avoir respecté les préconisations du médecin du travail en proposant au salarié un contrat d'accompagnement professionnel le 1er septembre 2016 que le salarié a accepté.

La cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité.

Sur la discrimination

L'article L.1132-1 du code du travail prohibe toute discrimination directe ou indirecte en raison de son âge, de son état de santé et de ses activités syndicales.

En vertu de l'article L.1134-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié de présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En application de l'article L. 1133-3 du code du travail, les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

Le salarié fait état d'une absence de progression tout au long de sa carrière, fait grief à l'employeur de ne pas l'avoir nommé cadre, de ne pas l'avoir évalué à compter de 2011 et d'avoir publié juste avant son départ une offre d'emploi d'assistant chargé des affaires publiques et relations institutionnelles qu'il ne lui a pas proposée. Il impute ces faits à une discrimination de l'employeur fondée sur l'âge, la santé et l'activité syndicale.

L'employeur soutient que le salarié ne présente aucun élément laissant présumer l'existence d'une discrimination.

Le salarié ne produit aucun élément relatif à la publication d'une offre d'emploi à pourvoir aprés son départ.

S'agissant de l'absence de progression professionnelle, la cour relève que la carrière du salarié a été la suivante :

- commis voyageurs à la gare de [Localité 6],

- agent du service commercial,

- agent du service commercial principal,

- agent administratif hautement qualifié,

- agent administratif spécialisé,

- attaché technicien supérieur,

- technicien équipement,

- délégué aux affaires publiques, jusqu'à son départ à la retraite.

Il a poursuivi des études pendant la relation de travail et obtenu un master en management au Cnam.

Il résulte des éléments versés aux débats par l'employeur que :

- la nomination en qualité de cadre n'est pas automatique ou systématique et elle est strictement encadrée par le dictionnaire des filières qui se fonde sur les niveaux de responsabilité exercés et les grades correspondants,

- l'article 2-2-4 du RH 0821, dont l'agent avait connaissance lors de son engagement, énonce que l'agent qui acquiert un diplôme égal ou supérieur à Bac +4 n'a aucune garantie d'évolution de carrière dans le collège cadre,

- il justifie que, bien que ne l'ayant pas évalué entre 2012 et juin 2015, il a accordé au salarié des avancements réguliers, que celui-ci a régulièrement changé d'échelon et que sa rémunération a progressé tous les 3 ans et demi en moyenne.

Au regard de ces éléments, la cour considère que l'employeur établit que ses décisions étaient justifiées par des éléments étrangers à toute discrimination.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de la discrimination.

Sur l'entrave à l'exercice syndical

Le salarié, nommé membre du CHSCT en 2002 et secrétaire en 2016, soutient que l'employeur l'a empêché de poursuivre l'expercice de ses activités syndicales à partir du moment où le médecin du travail l'a déclaré temporairement inapte en juillet 2016.

L'employeur conteste toute entrave et relève qu'il est étranger à la préconisation du médecin du travail.

Le délit d'entrave suppose une atteinte volontaire à l'institution représentative ou à l'un de ses membres.

En l'espèce, le médecin du travail a mentionné dans sa demande d'examen de spécialiste en juillet 2016 que le salarié était inapte à titre temporaire dans son poste y compris dans ses fonctions de secrétaire du CHSCT, le médecin préconisant l'éloignement du salarié du bâtiment dans lequel il exerçait ses fonctions et où se tenaient les réunions du comité.

Cet avis n'émane pas de l'employeur. Le salarié n'a pas été privé de l'exercice effectif de ses fonctions de secrétaire du CHSCT puisque, s'il a été noté 'absent' lors la réunion du CHSCT du 28 juillet 2016, c'est en raison de son hospitalisation depuis le 22 juillet 2016 au sein de l'hôpital [8], dont il n'est sorti que le 31 juillet 2016.

Dans son avis d'aptitude du 19 septembre 2016, le médecin du travail a considéré que le salarié pouvait reprendre à mi-temps sans autre réserve.

Aucun élément n'est produit pour justifier l'existence d'une entrave de la part de l'employeur.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour entrave à l'exercice syndical.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail et l'absence d'adaptation et de formation

Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Le salarié soutient que l'employeur a manqué à son obligation d'adaptation. Il fait valoir que l'employeur n'a pas tenu compte des diplômes qu'il a obtenus en dehors de son temps de travail dans l'évolution de sa carrière et il lui fait grief de ne pas lui avoir permis de suivre des formations de sorte qu'il n'a pas pu changer de poste.

L'employeur conteste la demande. Il soutient que le salarié a bénéficié de sept actions de formation sur les cinq dernières années, et qu'il a bénéficié de nombreux changements de poste et promotions.

La cour a retenu que le salarié a connu une progression de carrière et de rémunération régulière en fonction de ses capacités, qu'il a bénéficié de promotions régulières, qu'il a pu suivre des formations professionnelles et qualifiantes en dehors de celles qu'il a suivies de manière volontaire reconnues par l'employeur et que l'agent n'avait aucune garantie d'obtenir un emploi dans le collège cadre.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et absence d'adaptation et de formation.

Sur l'absence de fourniture de travail

La conclusion du contrat de travail emporte pour l'employeur l'obligation de fournir au salarié du travail.

Le salarié fait grief à l'employeur de ne pas lui avoir fourni de travail à partir de 2002.

L'employeur relève que le salarié a occupé quatre postes depuis 2002, qu'après la suppression de son poste de délégué aux affaires publiques, il a été intégré à la cellule alpha en septembre 2016 dans le but d'une montée en compétences, de découverte des métiers, de mise en mouvement, d'acquisition d'une dynamique de service client et d'amélioration continue.

Si le salarié a écrit à l'employeur pour se plaindre de l'absence d'intérêt de certaines de ses missions, il ne produit aucun élément au soutien de ses allégations relatives à l'absence de fourniture de travail.

La cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié soutient que le harcèlement moral dont il a été victime l'a conduit à ' proposer' à son employeur son départ en retraite qu'il a aussitôt accepté, ce qui le rend 'suspect'. En outre, son consentement n'était ni libre ni éclairé lorsqu'il a déposé sa demande de mise à la retraite.

L'article 1128 du code civil énonce que le consentement des parties est nécessaire à la validité du contrat.

Il appartient à celui qui invoque un vice du consentement de l'établir.

En l'espèce, la cour n'a pas retenu l'existence d'un harcèlement moral et le fait que l'employeur ait accepté le lendemain de la demande de départ de l'agent ne permet pas de démontrer l'existence d'un vice du consentement de l'agent. En outre, le salarié ne produit aucun élément médical pour établir qu'il était sous traitement susceptible d'altérer ses facultés psychiques lorsqu'il a présenté sa demande.

L'employeur établit que l'agent, avant de demander à bénéficier du plan de départ volontaire le 9 mai 2017, a sollicité le 25 avril 2017 une estimation du montant de ses indemnités de sorte qu'il a eu un délai de réflexion suffisant avant de présenter sa demande.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande.

Sur le départ à la retraite

Le salarié soutient que son départ à la retraite est équivoque. L'employeur aurait fait pression sur lui, l'aurait incité à quitter l'entreprise et il a accepté son départ dès le lendemain de sa demande de mise à la retraite.

L'employeur conteste la demande.

Selon l'article L.1237-9 du code du travail, le départ à la retraite est une démission motivée par la liquidation par le salarié de ses pensions de retraite. Il s'agit d'un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail.

Lorsqu'il intervient alors qu'existe un différent entre le salarié et l'employeur, le juge doit analyser ce départ en retraite en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la cour n'a pas retenu l'existence d'un harcèlement moral.

Le salarié ne produit aucun élément pour caractériser l'existence d'une pression de l'employeur pour le forcer à quitter l'entreprise, sa rapidité à répondre favorablement à la demande de l'agent n'étant pas suffisante à la caractériser.

La demande de départ à la retraite du salarié présentée à l'employeur par lettre sans aucune réserve et dans laquelle le salarié fixe lui même la date d'effet de sa pension, qui s'inscrit dans le cadre d'un plan de départ volontaire, a été remise à l'employeur après que le salarié se soit renseigné sur ses droits et sur le montant de ses indemnités supplémentaires de départ volontaire auprès de l'agence Paie et Famille le 25 avril 2017. Elle a été adressée à l'employeur dans un contexte exempt de tout différent, alors que le salarié avait atteint depuis le 7 février 2015 l'âge d'ouverture du droit à la retraite et l'âge pivot depuis le 7 mars 2017.

Par cette demande, le salarié a manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail.

En conséquence, la cour déboute M. [N] de sa demande de requalification de sa demande de départ à la retraite en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement.

Sur les autres demandes

M. [N] succombant en ses demandes est condamné aux dépens.

Aucune considération ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société SNCF Voyageurs.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Déclare irrecevable la demande de caducité de la déclaration d'appel ;

- Dit que la déclaration d'appel de M. [N] emporte effet dévolutif ;

- Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [N] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/12036
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;18.12036 ?
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