La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2022 | FRANCE | N°20/05326

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 13 décembre 2022, 20/05326


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 13 DECEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05326 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHU6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03516



APPELANTE



Madame [W], [D] [C]

[Adresse 1]

[LocalitÃ

© 4]

Représentée par Me Sandrine MICHEL-CHABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2542



INTIMEE



SASU PHONE REGIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine FAVAT...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 13 DECEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05326 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHU6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03516

APPELANTE

Madame [W], [D] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine MICHEL-CHABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2542

INTIMEE

SASU PHONE REGIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine FAVAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE:

Mme [W] [C], née le 12 septembre 1989, a été engagée à compter du 10 octobre 2016 par la SASU Phone Régie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité d'hôtesse d'accueil standardiste, catégorie professionnelle employée niveau 1, coefficient hiérarchique 120.

Les relations de travail sont régies par la convention collective du personnel des prestataires de services.

Mme [C] a été placée en arrêt maladie une première fois du 30 novembre au 5 décembre 2016 puis une seconde fois du 13 au 23 décembre 2016.

Mme [C] a été informée par son employeur par courrier recommandé du 13 décembre 2016 de la rupture de sa période d'essai.

Le contrat de travail de Mme [C] a pris fin le 27 décembre 2016.

A la date de la rupture de son contrat de travail, Mme [C] avait une ancienneté de 2 mois et 17 jours et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Contestant la légitimité de la rupture de son contrat de travail et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêt pour préjudice moral ainsi que des rappels de salaires Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, qui par jugement du 29 juin 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- constate que le salaire mensuel brut est fixé par l'article 8 du contrat de travail à 1 152,61 euros hors primes prévues à l'article 9 de ce contrat.

- déboute Mme [C] de l'ensembles de ses demandes

- déboute la SAS Phone régie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- laisse les dépens à la charge de Mme [C].

Par déclaration du 31 juillet 2020, Mme [C] a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 7 juillet 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 octobre 2020, Mme [C] demande à la cour de :

Dire recevable et bien fondée Mme [W] [C] en son appel,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'Hommes,

Statuant à nouveau,

Dire que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement nul ou à titre subsidiaire abusif,

Condamner la société Phone régie à payer à Mme [W] [C] les sommes suivantes :

7.468,68 euros à titre d'indemnité pour rupture illicite, ou à titre subsidiaire à titre d'indemnité pour rupture abusive,

1.152 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure,

1.152 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral,

3.000 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile

Condamner la société Phone régie aux dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 novembre 2020, la société Phone régie demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, de condamner Mme [C] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 novembre 2022

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'opposabilité de la clause relative à la période d'essai:

Pour infirmation du jugement, la salariée soutient qu'elle a commencé à travailler sans contrat de travail écrit, que la clause relative à la période d'essai insérée au contrat de travail conclu postérieurement à son entrée en vigueur lui est en conséquence inopposable.

L'employeur rétorque que les dispositions du code du travail n'imposent pas la signature d'un contrat écrit lorsque le contrat est à durée indéterminée et que dés lors le fait que le contrat ait été signé par la salariée 3 semaines après le début des relations contractuelles, ne permet pas de considérer la clause instituant une période d'essai comme non écrite, cette clause ayant été acceptée sans réserves.

Aux termes de l'article L 1221-23 du code du travail la période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présume pas. Elles sont expressement stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

Il est constant que la période d'essai doit être fixée dans son principe et dans sa durée dès l'engagement du salarié et que la période figurant dans le contrat signé postérieurement à l'embauche effective est inoposable au salarié.

En l'espèce, il est établi et non contesté que le contrat de travail prévoyant une période d'essai n'a été adressé à la salariée que le 2 novembre 2016 et a été signé par elle le 3 novembre 2016, alors que la relation de travail a débuté dès le 16 octobre 2016.

Par infirmation du jugement, la clause relative à la période d'essai est en conséquence jugée inopposable à la salariée et la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en un licenciement.

Sur la nullité du licenciement

La salariée soutient que la rupture de la période d'essai a été motivée en raison de ses absences pour cause de maladie et que la rupture qui a été prononcée en raison de son arrêt maladie, s'analyse en conséquence en un licenciement nul ou à tout le moins abusif.

L'employeur réplique en soutenant que la période d'essai a été rompue en raison d'une inadéquation entre ses attentes et les qualités professionnelles de la salariée et a d'ailleurs été prononcée avant même qu'il ne recoive le second arrêt maladie.

Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son état de santé.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, il est établi que Mme [C] a commencé à travailler le 16 octobre 2016 puis a été placée en arrêt maladie une première fois du 30 novembre au 5 décembre 2016 puis une seconde fois à compter du 13 décembre 2016, date à laquelle la société lui a adressé un courrier recommandé pour mettre un terme à la relation contractuelle.

La concomitance entre l'envoi du second arrêt maladie et la rupture de la relation contractuelle laisse présumer l'existence d'une discrimination de la salariée en raison de son état de santé.

Toutefois, si Mme [C] justifie avoir adressée son second arrêt maladie à son employeur par un mail du 13 décembre 2016 à 10h52 ayant pour objet 'arrêt maladie 13-12-2016 au 23-12-2016", et que la société Phone Régie lui a adressé le jour même une lettre recommandée pour mettre un terme au contrat , aucun des éléments versés aux débats ne permet d'établir si ce courrier a été envoyé avant ou après que la société Phone Régie ait ainsi été informée de l'arrêt maladie de Mme [C].

La société Phone Régie démontre de son côté par la production d'un échange de mails datés du 12 décembre 2016, que la salariée était en conflit avec une intérimaire de l'entreprise et avait eu une altercation avec la DRH, son responsable l'ayant vivement rappelée à l'ordre, qualifiant 'd'inadmissibles' les mails qu'elle avait adressés à la DRH, se disant 'choqué' par ses réponses et l'ayant informée qu'il prévenait la société Phone Régie et que le nécessaire devait être fait pour trouver une solution à la situation. Le fait que ces mails aient pu être échangés en dehors des horaires de travail de la salariée est sans incidence.

La société verse en outre aux débats une attestation de la directrice d'agence mentionnant que la rupture du contrat a été réalisée en raison de documents détenus par l'agence de [Localité 5] caractérisant des retards, une tenue non professionnelle, une altercation avec la DRH et les services généraux du site, la salariée n'ayant pas compris la prestation de services et les liens hiérachiques l'unissant à la société.

L'employeur justifie ainsi que sa décision de mettre un terme à la relation contractuelle était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La cour retient ainsi que le lien entre la rupture du contrat de travail et l'arrêt maladie de Mme [C] n'est ainsi pas établi et, ne fait, en conséquence, pas fait droit à la demande de nullité du licenciement.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement:

Aux termes de l'article L1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L 1232-6 précise que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, cette lettre comportant l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

En l'espèce, la lettre de rupture du contrat de travail qui fixe les limites du litige n'étant pas motivée, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [C] ayant moins de 2 ans d'ancienneté, il y a lieu de condamner la société Phone Régie, en application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail en leur rédaction applicable au jour de la rupture, au paiement d'une indemnité pour licenciement abusif correspondant au préjudice subi.

Il y a lieu d'évaluer ce préjudice au regard de la trés faible ancienneté de la salariée et de ses justificatifs pôle emploi à la somme de 1 000 euros.

Sur l'irrégularité de la procédure:

IL résulte des dispositions des articles L 1235-5, L 1235-2 et L 1232-4 et L 1233-13 du code du travail en leur rédactions applicables au jour de la rupture du contrat de travail , que les irrégularités relatives à l'assistance du salarié dans la lettre de convocation et pendant l'entretien préalable au licenciement ouvrent droit à une indemnisation, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

La sanction prévue se cumule, s'agissant d'un salarié ayant moins de 2 ans d'ancienneté, avec les sanctions pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

En l'espèce, la procédure de licenciement n'ayant pas été respectée, la salariée n'a pas pu s'expliquer sur les griefs de son employeur à son égard ce qui lui a causé un préjudice évalué à la somme de 500 euros.

Par infirmation du jugement entrepris, la société Phone Régie sera, en conséquence condamnée à payer à Mme [C] les sommes de:

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

- 500 euros pour irrégularité de la procédure.

- sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Mme [C] qui ne justifie pas d'un préjudice moral distinct de celui compensé par les indemnités pour licenciement abusif et pour irrégularité de la procédure, sera déboutée de la demande faite à ce titre.

- sur l'article 700 et les dépens:

Pour faire valoir ses droits Mme [C] a dû exposer des frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

La société Phone Régie sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SASU Phone Régie à payer à Mme [W] [C] les sommes de:

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

- 500 euros pour irrégularité de la procédure.

DIT que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

DÉBOUTE Mme [W] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

CONDAMNE la SASU Phone Régie à payer à Mme [W] [C] la sommes de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SASU Phone Régie aux dépens.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/05326
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;20.05326 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award