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13/12/2022 | FRANCE | N°20/05135

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 13 décembre 2022, 20/05135


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 13 DECEMBRE 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05135 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGS6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00082



APPELANT



Monsieur [Z] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895



INTIMEE



S.A.S.U. CONNECTING GROUND SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie ZA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 13 DECEMBRE 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05135 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGS6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00082

APPELANT

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895

INTIMEE

S.A.S.U. CONNECTING GROUND SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie ZAKS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0277

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [Z] [E] a été engagé par la SASU Connecting Ground Services, par un contrat de travail à durée déterminée à compter du 15 juin 2005 en qualité d'agent en position d'accueil coefficient 145. La relation s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention de la manutention et du nettoyage sur les aéroports de la région parisienne.

Le salarié occupait au dernier état de la relation contractuelle un poste d'agent qualifié d'exploitation coefficient 160.

Le 30 juin 2013, M. [E] a été victime d'un accident du travail. Il a, aux termes de la déclaration d'accident du travail effectuée le 2 juillet 2013, été renversé par une charlatte (tracteur pour tirer les bagages) et a souffert de diverses douleurs et plaies à la jambe et au pied gauche.

Suite à la visite médicale de reprise en date du 18 mars 2013, M. [E] a été déclaré, par le médecin du travail, apte sur un poste évitant le port de charges lourdes, les restrictions du médecin ayant été réitérées à plusieurs reprises et en dernier lieu par un avis du 12 avril 2016.

Demandant l'octroi de dommages et intérêts pour manquements par l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, M. [E] a saisi le 20 mai 2016 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 27 mai 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- déboute M. [E] de l'ensemble de ses demandes et le condamne aux dépens,

- déboute la société connecting ground services de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 29 juillet 2020, M. [E] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 20 juillet 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 juillet 2021, M. [E] demande à la cour de :

- réformer dans son intégralité le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 20 juillet 2020 et statuer de nouveau comme suit :

- condamner la Société CGS à payer à M. [E] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- condamner la Société CGS à payer à M. [E] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- ordonner les intérêts légaux au jour de la saisine,

- condamner la Société CGS à payer à M. [E] la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC pour cause d'appel,

- condamner la Société CGS aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 septembre 2021, la société CGS demande à la cour de :

- dire que la société CGS a respecté son obligation de sécurité,

- dire que M. [E] ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué,

- dire que M. [E] forme deux demandes distinctes en vue de l'indemnisation d'un même préjudice,

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [E] de ses demandes formées à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- condamner M. [E] à payer à la société CGS la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [E] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Pour infirmation du jugement, M. [E] soutient en substance que son employeur a manqué à son obligation de sécurité en choisissant d'installer la badgeuse au milieu d'une piste d'aéroport, les salariés devant ainsi pointer alors qu'ils n'ont pas encore mis leurs vêtements de sécurité, ce qui est à l'origine de son accident du travail et de la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé.

Il ajoute que les préconisations de la médecine du travail relatives à son incapacité à porter des charges lourdes n'ont pas été respectées, ce qui a été à l'origine de nouveaux accidents du travail.

Pour confirmation du jugement, la société CGS conteste avoir manqué à ses obligations. Elle soutient que la badgeuse est située au sein d'une salle de repli et non pas au milieu d'une piste d'aéroport et que M. [E] s'est lui-même mis en danger puisque c'est après avoir badgé, et lorsqu'il a salué un collègue sur la piste qu'il s'est fait renverser.

Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1) des actions de prévention des risques professionnels

2) des actions d'information et de formation

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L 1222-1 du code du travail dispose, par ailleurs, que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail faite par la société Connecting Ground Services mentionne ' selon Monsieur [Z] [E], il revenait du pointage, il a vu Mr [B] en train de remonter un CTR qu'il avait fait tomber. Arrivé à coté de M. [B] ce dernier avait déja remonté le CTR. Il lui a serré la main et en se retournant, un agent de la société 3P lui a passé sur le pied gauche avec sa charlatte.'

M. [E] produit par ailleurs une attestation sur l'honneur signée par 13 salariés exposant que la société Connecting Ground Services a depuis son arrivée le 1/10/2012 installé la badgeuse dans la galerie tri bagages 1212 sur la piste du terminal 2F CDG et que tous les salariés doivent respecter la réglementation fixée par la société et affichée sur le tableau, les obligeant à badger avant de passer par les vestiaires.

Si cette attestation n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, elle constitue néanmoins un commencement de preuve, l'ordre du jour du CHSCT du 4 ème trimestre 2014 relatif aux accidents du travail qui comporte la question suivante : ' Pourquoi avoir positionné la badgeuse au niveau de la galerie 1212 du 1er octobre 2012 au 1er octobre 2013 ' " confirmant par ailleurs que le positionnement de la badgeuse sur la période considérée et durant laquelle M. [Z] [E] a été victime de son accident du travail, posait manifestement des problèmes de sécurité, la badgeuse ayant en définitive été changée de place.

La société Connecting Ground Services qui se limite à rappeler que l'article 3.1.1 du règlement intérieur obligent les salariés à ' respecter les horaires de travail et à se trouver à leur poste, en tenue de travail, dés l'heure fixée pour le début et jusqu'à celle prévue pour la fin de leur activité' ne rapporte de son coté aucun élément de nature à remettre en cause les déclarations de M. [E] et des 13 salariés ayant attesté et à établir que la badgeuse était située dans un lieu dont l'accés était sécurisé ou que les salariés pouvaient passer au vestiaire pour revêtir leurs vêtements de sécurité avant d'aller badger.

Elle ne produit pas plus, le procès verbal de la réunion du CHSCT relatif aux accidents du travail et au cours de laquelle elle a pourtant été amenée à s'expliquer sur le positionnement de la badgeuse.

Par ailleurs, le fait, à le supposer établi, que le salarié ait pu se mettre en danger en allant saluer un de ses collègues de travail, n'est pas de nature à exonérer l'employeur de ses obligations en matière de sécurité.

S'agissant du respect des restrictions médicales apportées dès le 18 mars 2013 puis à de très nombreuses reprises par le médecin du travail quant au port de charge lourde et la marche prolongée, la société Connecting Ground Services ne justifie d'aucune des mesures qu'elle aurait prises pour aménager le poste de M. [E], l'avis du médecin du travail en date du 17 novembre 2015 ayant dû rappeler qu'un aménagement de poste était nécessaire et celui du 12 avril 2016 ayant, après avoir une nouvelle fois rappelé les restrictions posées, suggéré plusieurs postes compatibles avec ces restrictions.

La cour retient ainsi, par infirmation du jugement entrepris, que la société Connecting Ground Services a manqué à son obligation de sécurité et d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

M. [E] justifie d'un préjudice établi par les certificats médicaux mentionnant des troubles de la déambulation en relation avec une atteinte du nerf sciatique ainsi qu'un syndrome post-traumatique et anxio dépressif, les arrêts de travail consécutifs à son accident du travail, 3 nouvelles déclarations d'accident du travail en date des 13 octobre 2015, 12 janvier 2016 et 6 juin 2016, la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé le 5 juillet 2016, la perception d'une pension d'invalidité et enfin l'attribution d'une carte de mobilité inclusion pour personnes handicapées à compter du 1er mars 2018.

Il y a en conséquence lieu d'évaluer le préjudice du salarié dont la santé physique et mentale s'est fortement dégradée et dont les capacités de travail ont été altérées à la somme de 10.000 euros et de condamner la société Connecting Ground Services au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, majorées des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Le salarié qui sollicite par ailleurs la réparation d'un préjudice moral sur le fondement de l'article 1240 du code civil, ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui découlant du non respect par l'employeur de son obligation de sécurité.

Le jugement sera, en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M.[E] de la demande faite à ce titre.

Pour faire valoir ses droits en cause d'appel, M.[E] a dû exposer des frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

La société Connecting Ground Services sera, en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M.[Z] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

INFIRME le jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SASU Connecting Ground Services à payer à M. [Z] [E] les sommes de:

- 10.000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SASU Connecting Ground Services aux dépens.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/05135
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;20.05135 ?
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