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13/12/2022 | FRANCE | N°20/02402

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 13 décembre 2022, 20/02402


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 13 DECEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02402 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBX24



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/09617



APPELANT



Monsieur [K] [Y]

[Adresse 2],

[Adres

se 2] AUSTRALIE

(domicilié au cabinet de son Avocat)

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480



INTIMEE



S.A.S. GOYARD ST-HONORE

[Adress...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 13 DECEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02402 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBX24

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/09617

APPELANT

Monsieur [K] [Y]

[Adresse 2],

[Adresse 2] AUSTRALIE

(domicilié au cabinet de son Avocat)

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMEE

S.A.S. GOYARD ST-HONORE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Vincent DE LA SEIGLIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1261

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [K] [Y] soutient avoir été engagé par la SAS Goyard Saint Honoré pour sa filiale Goyard Asie Pacifique, par un contrat de travail à durée indéterminée après avoir reçu le 06 juillet 2012 une lettre d'embauche prévoyant une prise d'effet au 16 juillet 2012 en qualité de directeur du réseau commercial basé à Shangaï.

La SAS Goyard Saint Honoré réplique qu'en réalité l'employeur de M. [Y] est la société Goyard Asie Pacifique.

M. [Y] précise que le 20 juillet 2012, il a d'abord été mis fin oralement à sa période d'essai, ce qui a été confirmé ensuite par une lettre datée du 24 juillet 2012 émanant de la société Goyard Asie Pacifique.

Sollicitant des dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai, M. [Y] a saisi à l'encontre de la SAS Goyard Saint Honoré, le conseil de prud'hommes de Paris qui s'est déclaré compétent pour connaître de cette contestation.

Par arrêt rendu sur contredit le 16 février 2017, la Cour d'appel de Paris a confirmé la compétence territoriale du conseil de prud'hommes de Paris devant lequel il a renvoyé la procédure au fond.

Par jugement du 8 novembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a statué comme suit :

- Condamne la SA Goyard Saint Honoré à verser à M.[K] [Y] :

* 360,82 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de rupture de la période d'essai,

* 100 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Déboute M.[K] [Y] du surplus de ses demandes,

- Condamne la SA Goyard Saint Honoré aux dépens.

Par déclaration du 16 mars 2020, M. [Y] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 10 mars 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 08 décembre 2021, M. [Y] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondée en en appel demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Goyard St-Honoré de l'intégralité de ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Goyard St Honoré à régler la somme de 360.82 € pour non-respect de la procédure relative à la rupture de la période d'essai.

Statuant à nouveau :

- condamner la société Goyard St Honoré au paiement de la somme de 508,43 € pour non-respect de la procédure relative à la rupture de la période d'essai,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Goyard Saint Honoré à régler la somme de 100€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- condamner la société Goyard Saint Honoré au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de

dommages et intérêts pour rupture abusive de période d'essai,

Statuant à nouveau :

- condamner la société Goyard Saint Honoré au paiement de la somme de 67.112,52 € au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de période d'essai,

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'introduction de la demande au titre de l'article 1154 du code civil.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 juillet 2022, la SA Goyard Saint Honoré demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS du 8 novembre 2019, en ce qu'il a débouté M. [Y] du surplus de ses demandes,

- sur appel incident de la société Goyard St-Honoré, l'infirmer en ce qu'il a :

- jugé que la société Goyard St-Honoré est bien l'employeur de M.[Y], lequel avait bien qualité à agir et qu'il devait être fait application du droit français,

- condamné la société Goyard St-Honoré à verser à M. [Y] les sommes de :

* 360,82 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de rupture de période d'essai,

* 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Goyard St-Honoré aux dépens,

Et statuant à nouveau,

- à titre principal :

- déclarer irrecevables les demandes de M. [Y] et mettre hors de cause la société Goyard St-Honoré

- subsidiairement, juger que le droit de Hong Kong était applicable au litige et que la rupture de l'essai est intervenue dans le strict respect de ses dispositions,

- très subsidiairement, en cas d'application du droit français, juger que la rupture de l'essai de M. [Y] est régulière et valide,

- en tout état de cause :

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [Y] à verser à la société Goyard St-Honoré la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [Y] à verser à la société Goyard St-Honoré la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur la mise hors de cause de la société Goyard Saint Honoré

Pour infirmation du jugement déféré, la SAS Goyard Saint Honoré soutient qu'il n'existe aucune relation contractuelle avec M. [Y] et que ce dernier ne prouve pas qu'elle serait son employeur, ajoutant qu'il résulte sans ambiguïté de la lettre d'embauche signée que l'employeur était sa filiale récemment constituée la société Goyard Asie Pacifique.

Le salarié réplique que dans le cadre de son précédent poste, il a été approché par un cabinet de recrutement mandaté par la société Goyard Saint Honoré qui souhaitait développer son marché de distribution en Asie, qu'il a ainsi signé avec la société Goyard Saint Honoré une promesse d'embauche valant contrat de travail mais qu'il n'a pas signé le contrat de travail qui lui a ensuite été transmis lequel ne correspondait pas avec ce qui avait été convenu. Il précise que toutefois comme prévu dans la lettre d'embauche il a commencé sa période d'intégration en France entre le 16 et le 20 juillet 2012.

En présence d'un contrat apparent, il appartient à celui qui le conteste d'en apporter la preuve.

Il est acquis aux débats que par lettre datée du 6 juillet 2012, une offre avec précision des conditions d'embauche, date d'entrée en poste, lieu de travail, fonctions, qualification et statut cadre rémunération, période d'essai etc. a été adressée à M. [K] [Y], domicilié à Shanghai, «pour votre entrée dans la société Goyard» par M. [D] [L] en sa qualité de directeur général de la société Goyard Saint Honoré et non en celle d'administrateur de la filiale Goyard Asie Pacifique, offre acceptée par le salarié le 9 juillet 2012.

Il n'est pas discuté qu'il s'agit du seul document signé entre les parties et que celui-ci a valeur contractuelle.

Il s'en déduit que bien que le poste pourvu ait été destiné au marché asiatique dans le cadre de la récente filiale à l'époque de la société Goyard qu'il s'agissait de développer, la société Goyard Asie Pacifique, que bien que le contrat définitif mais aussi la rupture de la période d'essai aient été préparés au nom de la filiale, il ne peut être retenu en l'état, l'absence de lien contractuel entre la société Goyard Saint Honoré et M. [Y] et que celle-ci doit être mise hors de cause.

En effet, outre le fait que le contrat établi au nom de la filiale n'a jamais été signé par M. [Y], il est constant que le solde de tout compte lui a été payé par un chèque au nom de la société Goyard Saint Honoré, sans précision que ce règlement était fait pour le compte de la filiale asiatique.

La mise hors de cause de la société Goyard Saint Honoré est par conséquent rejetée.

Sur le droit applicable

La société intimée soutient que les parties ont expressément choisi l'application du droit de Hong Kong à leur relation contractuelle, ce que M. [Y] a réitéré dans des courriels ultérieurs.

Le salarié n'a pas conclu sur ce point mais a revendiqué l'application de la législation française dans ses écritures.

Le contrat liant les parties en ce qu'il prévoyait une activité à l'étranger et surtout en ce qu'il concernait une partie co-contractante domiciliée à l'étranger, en l'espèce à Shanghai est un contrat international.

Les règles de conflit permettant de déterminer la loi applicable au contrat de travail international sont fixées par règlement CE 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Règlement « Rome I ».

Ces dispositions du règlement s'appliquent même si la loi qu'il désigne n'est pas celle d'un Etat membre.

En conséquence, le texte, à vocation universelle, s'applique quelle que soit la loi choisie par les parties.

Selon les dispositions de l'article 3.1 dudit Règlement :

« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. »

L'article 8 vient préciser « Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l'article 3 »

Il s'en déduit un principe de la liberté de choix des parties sur la loi qui régit le contrat de travail.

Or en l'espèce, il résulte clairement de l'offre d'embauche acceptée par M. [Y], qu'il était expressément prévu que le contrat de travail serait soumis au droit de Hong Kong, ce que M. [Y] a par ailleurs revendiqué à plusieurs reprises dans les échanges précontractuels (pièce 23 courriel du 30 juin 2012 notamment), il doit être retenu un accord des parties pour l'application de la loi de Hong Kong au contrat litigieux, sans autre discussion.

Les dispositions de l'« Employment Ordinance CAP 57 » consacrées aux modes de résiliation des contrats de travail, présentée comme un décret-loi de l'ordre juridique de Hong Kong, dans sa version applicable au litige, versées en pièce 13, dans la section 6 intitulée termination of contract by notice, non contestées, sont ainsi libellées :

« (3A) Where in any contract of employment, whether in wrinting ou oral, it has been expressly agreed that the employment is on probation and the contract makes provision for the length of notice required for its termination such contract may be terminated :

-(a) notwhistanding the length of notice provided for in the contract, by either party at any time during the fisrt month of such employment without notice or payment in lieu ;

-(b) by either party ay any time after the first month of such employmentby giving to the other party notice of the agreed period, but not less than 7 days »

selon la traduction libre par la société intimée suivante, non contestée par M. [Y],

« (3A) Si dans tout contrat de travail, il a été expressément convenu, par écrit ou oralement que l'embauche était faite sans réserve d'une période d'essai et que le contrat prévoit des dispositions pour la durée du préavis à respecter en cas de résiliation, il peut être mis fin à un tel contrat :

(a) Quelle que soit la durée du préavis prévu dans le contrat, par chacune des parties à tout moment le 1er mois de ladite embauche sans préavis et sans indemnité.

(b) Par chacune des parties à tout moment après le 1er mois de ladite embauche en accordant à l'autre partie le préavis convenu qui ne peut être inférieur à 7 jours. »

Il est constant que la période d'essai a pour finalité de permettre à l'employeur d'évaluer les compétences professionnelles du salarié et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent, chaque partie au contrat de travail étant en principe libre de le rompre sans donner de motif et sans respecter de procédure ou de formalités particulières. Ce droit ne doit cependant pas dégénérer en abus.

La preuve de l'abus de droit incombe au salarié.

Il est admis que cette liberté s'exerce dans le respect de la finalité de la période d'essai et des droits des salariés, qu'elle ne doit pas être détournée de sa finalité et que sa rupture ne peut intervenir que pour un motif inhérent à la personne du salarié.

Au cas d'espèce, M. [Y] dénonce que la période d'essai a été rompue à l'issue de 4 jours seulement alors qu'il était en période d'intégration sans que ses compétences professionnelles aient pu être évaluées mais sous entendant par ailleurs que l'employeur a pu en profiter pour obtenir des contacts de son réseau d'adresses en Asie.

L'employeur explique avoir pu se convaincre rapidement que M. [Y] ne présentait pas les qualités managériales attendues de lui, c'est à juste titre que les premiers juges n'ont retenu aucun abus de droit.

Par ailleurs, la rupture de la période d'essai ayant été conforme à la réglementation de Hong Kong qui ne prévoit aucun délai de prévenance, par infirmation du jugement déféré sur ce point, M. [Y] sera débouté de l'ensemble de ses prétentions de ce chef.

Partie perdante, il est condamné aux entiers dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

DIT n'y avoir lieu à mettre la SAS Goyard Saint Honoré hors de cause.

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a accordé une indemnité pour non-respect de la procédure de rupture de la période d'essai et a fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

DEBOUTE M. [K] [Y] de l'ensemble de ses prétentions.

DIT N'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [K] [Y] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/02402
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;20.02402 ?
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