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09/12/2022 | FRANCE | N°18/03646

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 09 décembre 2022, 18/03646


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 09 Décembre 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/03646 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5HXT



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/01744



APPELANTE

Société [4] (ex [4]) anciennement dénommée Société [5]

[Adre

sse 1]

[Localité 2]

représentée par Me François-Xavier CARON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346 substitué par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346



INTI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 09 Décembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/03646 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5HXT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/01744

APPELANTE

Société [4] (ex [4]) anciennement dénommée Société [5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me François-Xavier CARON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346 substitué par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

Pole contentieux général

[Localité 3]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [5], devenue la société [4] (la société), d'un jugement rendu le 26 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENgS DES PARTIES :

Il convient de rappeler que la caisse a, le 23 avril 2013, pris en charge au titre de la législation professionnelle, l'accident déclaré le 17 janvier 2013 par la société [5] (devenue la société [4]) concernant sa salariée, Mme [W] [N], agent de service, au titre d'un accident du 16 janvier 2013 à 08h30 (pour un horaire de travail de 06h00 à 09h30 et de 17h00 à 21h00), la déclaration mentionnant que : « selon les dires de la salariée, invoque une douleur au dos en prenant un balai. Nous doutons du rattachement entre la lésion et le fait bénin invoqué. Nous sollicitons l'avis du médecin conseil » ; que le certificat médical initial établi le 16 janvier 2013 constatait une «lombosciatique dte » et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 23 janvier 2023 ; que la société, après avoir saisi en vain le 17 juin 2013 la commission de recours amiable en inopposabilité de la décision de prise en charge du sinistre, et sur la base d'une décision implicite de rejet, a le 22 mars 2017 saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.

Par jugement du 26 janvier 2018, le tribunal a déclaré le recours de la SAS [5] irrecevable.

Pour se déterminer ainsi le tribunal, après avoir rappelé les dispositions des articles R.142-18 et R.142-6 du code de la sécurité sociale, a relevé qu'à la suite de l'accusé réception de sa contestation par la commission de recours amiable le 6 août 2013, la société n'a saisi le tribunal que le 22 mars 2017 alors qu'elle avait jusqu'au 6 novembre 2013 pour contester la décision.

La société a le 9 mars 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 7 mars 2018.

Par arrêt en date du 17 septembre 2021, auquel il convient de se référer, la cour de ce siège a ordonné la réouverture des débats, afin de s'assurer de la bonne convocation de l'appelante.

Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui les a soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de :

- déclarer son recours recevable et bien fondé ;

- infirmer la décision de la commission de recours amiable de la caisse en ce qu'elle a déclaré opposable à la société [5] la décision de prise en charge de l'accident du travail déclaré par Mme [N] ;

- juger que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail déclaré par Mme [N] est inopposable à la société [5] ;

- débouter la caisse de toutes ses demandes dirigées à son encontre.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- son recours devant le tribunal est recevable puisque le courrier accusant réception de sa contestation du 13 juin 2013 devant la commission de recours amiable ne permet pas de faire courir un délai de contestation à peine de forclusion ; l'accusé de réception ne mentionne pas de date précise ni de délai et ne répond pas aux exigences de l'article R.412-5 du code des relations entre le public et l'administration car il ne mentionne pas le tribunal à saisir ;

- elle a un intérêt certain à agir en raison des frais qui lui sont imputés sur le compte employeur 2013 au titre de la prise en charge de l'accident du travail litigieux et ces frais sont pris en compte dans le calcul du taux de cotisation accidents du travail ;

- la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire ; en effet, lors de la consultation du dossier sur place il n'a été communiqué aucun élément du dossier constitué, contrairement aux dispositions de l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale ; aucun certificat médical ne lui a été communiqué en lui opposant à tort le secret médical ;

- aucun questionnaire n'a été adressé à l'assurée et à l'employeur dans le cadre de l'instruction bien que l'employeur ait fait part de son étonnement du fait accidentel déclaré ;

- l'avis du médecin conseil n'avait pas encore été obtenu lors de la consultation du dossier, de sorte que l' instruction n'était pas encore clôturée et le dossier non constitué à la date de consultation du 16 avril 2013, rendant le droit de consultation totalement inopérant ; l'absence de transmission des pièces du dossier ne saurait garantir le respect du droit de consultation de l'employeur.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- déclarer irrecevable la contestation de l'employeur portant sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail dont a été victime Mme [N] le 16 janvier 2013 ;

A titre subsidiaire,

- débouter la société [4] de toutes ses demandes ;

En tout état de cause,

- condamner la société [4] aux entiers dépens.

La caisse fait valoir en substance que :

- la commission de recours amiable ayant accusé réception du recours de l'employeur par courrier du 16 juillet 2013, reçu le 8 août 2013 par la société, une décision implicite de rejet est intervenue le 8 septembre 2013 ; à compter de cette date, l'employeur avait deux mois pour saisir le tribunal soit jusqu'au 8 novembre 2013, alors qu'il n'a saisi le tribunal que le 22 mars 2017 ; à cette date, le délai de recours était largement expiré ;

- l'avis du médecin conseil n'est ni un certificat médical, ni un constat opéré par la caisse, ni un élément communiqué par la caisse régionale, ni un rapport de l'expert technique, de sorte qu'il ne fait pas partie de la liste des documents à mettre à la disposition de l'employeur lors de la consultation du dossier, selon les dispositions de l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale ;

- le respect du contradictoire pendant la phase d'instruction impose un parallélisme des formes s'agissant des mesures mises en 'uvre de sorte que si elle n'a pas adressé de questionnaire à l'assurée, elle n'a aucune obligation d'en adresser un à l'employeur ;

- elle n'a mené aucune mesure d' instruction active à l'égard de l'assurée ou de la société mais s'est contentée de solliciter un délai d'instruction complémentaire afin d'obtenir l'avis de son médecin conseil ;

- dans un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé dans une espèce similaire que la cour d'appel en a exactement déduit que la caisse n'était pas tenue d'envoyer un questionnaire ou de procéder à une enquête auprès des intéressés (2e civ., 25 novembre 2021, n°20-14.152).

SUR CE :

Sur la forclusion de l'action :

Il résulte de l'article R. 142-6 du code de la sécurité sociale applicable qu'à défaut de réponse de la commission de recours amiable dans le délai d'un mois à compter de la réception de la réclamation par l'organisme de sécurité sociale, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale; selon l'article R. 142-18 du même code dans sa rédaction applicable, ce tribunal est saisi dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision de la commission de recours amiable, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu au premier.

En l'espèce, le secrétariat de la commission a adressé (pièce n°6 des productions de la société) à la société un courrier daté du 16 juillet 2013 réceptionné par la société le 6 août 2013 et formulé comme suit :

« J'ai l'honneur de vos informer que votre réclamation auprès de la Commission de Recours Amiable a été enregistrée sous la référence :

dossier n°11130612/FC

Je vous précise qu'en application de l'article R.142-6 du Code de la Sécurité Sociale :

''Lorsque la décision du conseil d'administration ou de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale prévu à l'article L.142-2.

Le délai d'un mois prévu à l'alinéa précédent court à compter de la réception de la réclamation par l'organisme de sécurité sociale. Toutefois, si des documents sont produits par le réclamant après le dépôt de la réclamation, le délai ne court qu'à dater de la réception de ces documents. ''»

Force est de constater que la lettre du 16 juillet 2013 par laquelle le secrétariat de la commission de recours amiable accusait réception de la réclamation de la société ne mentionne pas, dans la notification des voies, délais et modalités de recours, le tribunal des affaires de sécurité sociale territorialement compétent devant lequel le recours devait être porté.

Cette information incomplète n'a pas fait courir le délai de recours à l'égard de la société et fait obstacle à ce que lui soit opposée la forclusion de son recours.

Le délai de forclusion n'ayant pas commencé à courir à l'égard de la société, son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale doit être déclaré recevable et le jugement rendu sera infirmé de ce chef.

Sur le principe du contradictoire :

L'article R.441-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°85-1353 du 17 décembre 1985, applicable au litige, prévoit que :

« Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;

1 ) la déclaration d'accident ;

2 ) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3 ) les constats faits par la caisse primaire ;

4 ) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5 ) les éléments communiqués par la caisse régionale.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire. »

En l'espèce force est de constater que par lettre du 2 avril 2013, la société a été informée de la fin de l'instruction et a été invitée à venir consulter les pièces du dossier pour une prise de décision devant intervenir le 22 avril 2013 (pièce n°2 des productions de la société).

Il est établi que le 16 avril 2013, la société a consulté les pièces du dossier d'accident du travail de Mme [W] [N], ainsi qu'il résulte du bordereau de consultation, lequel porte la mention manuscrite suivante : « Médecin conseil sollicité pour relation cause à effet avec AT en attente de réponse à ce jour ».

La société a été informée par notification du 23 avril 2013 de la prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels. L'avis du médecin conseil sur l'imputabilité de l'accident du travail a été reçu par la caisse le 23 avril 2013.

La société invoque le caractère incomplet du dossier consulté au motif qu'aucun certificat médical ni avis du médecin conseil ne figuraient au dossier consulté.

Il appartient à la caisse alors que l'employeur invoque que le dossier mis à sa disposition ne comportait pas de certificat médical, d'établir que le dossier constitué par elle comportait bien le certificat médical initial en sa possession.

Force est de relever que le bordereau de consultation des pièces ne comprend pas de certificat médical initial (pièce n°3 de la société), ce qui corrobore les affirmations de la société selon lesquelles aucun certificat médical n'a pas été mis à sa disposition lors de la consultation des pièces du dossier constituées par la caisse.

Ainsi la caisse ne justifie pas de la mise à disposition du certificat médical initial, lequel constitue un élément du dossier devant figurer dans les pièces du dossier mis à disposition de l'employeur lors de cette consultation. L'absence du certificat médical initial dans les pièces mises à disposition faisant grief à l'employeur, il convient d'en déduire que la caisse n'a pas respecté son obligation d'information à l'égard de l'employeur, de sorte que sa décision de prise en charge de l'accident de Mme [N] en date du 16 janvier 2013 doit être déclarée inopposable à la société.

Succombant au recours de la société, la caisse sera tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DECLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré ;

STATUANT à nouveau,

DECLARE la société [4] venant aux droits de la société [5] recevable en son recours ;

DÉCLARE inopposable à la société [4] la décision de prise en charge de l'accident du travail au titre de la législation professionnelle de Mme [N] en date du 16 janvier 2013;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Paris aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/03646
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;18.03646 ?
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