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09/12/2022 | FRANCE | N°17/12007

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 09 décembre 2022, 17/12007


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 09 décembre 2022



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/12007 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FJK



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juillet 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 15/01531





APPELANTE

SAS [5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée

par Me Sophie ZAKOSEK, avocat au barreau de LYON substituée par Me Benjamin GEVAERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312





INTIMEE

CPAM 94 - VAL DE MARNE

Division du contentieux

[Adresse 1]
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 09 décembre 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/12007 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FJK

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juillet 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 15/01531

APPELANTE

SAS [5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Sophie ZAKOSEK, avocat au barreau de LYON substituée par Me Benjamin GEVAERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312

INTIMEE

CPAM 94 - VAL DE MARNE

Division du contentieux

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 21 octobre 2022, prorogé le vendredi 18 novembre 2022, puis le vendredi 09 décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur les appels interjetés par la S.A.S. [5] (la société) d'un jugement rendu le 6 juillet 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

[N] [K] (l'assurée), salariée de la société, en qualité d'agent de service, a été victime d'un accident du travail le 15 mai 2015 déclaré le jour même, sans réserve, par la société, son employeur, qui décrit les circonstances suivantes : « En voulant ranger l'aspirateur, elle aurait glissé sur un sol mouillé et serait tombée », le siège des lésions se situant dans l'« épaule et main gauche. Dos » et la nature des lésions étant « douleurs ».

Le certificat médical initial du 15 mai 2015 constate une « contusion omoplate gauche épaule gauche et humérus gauche et rachis lombaire » et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 20 mai 2015, lequel sera ensuite prolongé.

Par décision du 1er juin 2015, la caisse a pris en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'assurée a déclaré une nouvelle lésion, à savoir « une hernie discale cervicale, sciatique gauche liée à une hernie discale L4/L5 » laquelle a fait l'objet d'un refus de prise en charge.

Le médecin-conseil de la caisse a fixé la date de consolidation de l'état de santé de l'assurée au 31 octobre 2015 sans séquelles indemnisables.

Après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry sur rejet implicite pour se voir déclarer inopposable la prise en charge des soins et arrêts pris en charge au titre de l'accident du travail de l'assurée et à titre subsidiaire une mesure d'expertise.

Par jugement du 6 juillet 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry a :

- Déclaré la société recevable en son recours mais mal fondée ;

- Débouté la société de l'ensemble de ses demandes au titre de l'accident de travail en date du 15 mai 2015 dont sa salariée a été victime.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que si la société se prévalait de l'avis médical de son médecin-conseil qui retenait que l'assurée avait déclaré un précédent accident de travail ayant entraîné des lésions similaires à celles constatées dans le cadre des arrêts de travail de prolongation et de soins litigieux, que les arrêts en cause étaient anormalement longs au regard de l'apparente bénignité des lésions constatées et que la caisse avait refusé de prendre en charge une nouvelle lésion déclarée, à savoir une « hernie discale cervicale, sciatique gauche liée à une hernie discale L4-L5 », l'ensemble de ces éléments cependant ne saurait suffire à remettre en cause la présomption d'imputabilité dont bénéficiait la caisse et ne constituait pas un commencement de preuve de l'existence d'un état pathologique indépendant et évoluant pour son propre compte qui serait la cause exclusive des différents arrêts de travail et soins contestés.

La société a interjeté appel le 27 septembre 2017 de ce jugement qui lui avait été notifié à une date qui ne ressort pas des pièces au dossier.

Par ses conclusions écrites déposées et soutenues à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- Réformer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry en date du 6 juillet 2017, et statuant de nouveau,

À titre principal,

- Juger que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts de travail postérieurs au 29 mai 2015 lui est inopposable ;

À titre subsidiaire,

- Ordonner une mesure d'expertise judiciaire sur pièces et nommer un médecin expert qui aura pour mission de :

* Se faire remettre le dossier médical de l'assurée par la caisse ;

* Retracer l'évolution des lésions de l'assurée ;

* Retracer les éventuelles hospitalisations de l'assurée ;

* Déterminer si les lésions décrites peuvent résulter directement et uniquement de l'accident du 15 mai 2015 ;

* Déterminer si les éventuelles hospitalisations sont directement et uniquement justifiées par cet accident du travail ;

* Déterminer quels sont les arrêts et lésions directement et uniquement imputables à l'accident du 15 mai 2015 ;

* Déterminer si une cause étrangère est à l'origine d'une partie des arrêts de travail ;

* Dans l'affirmative, dire si l'accident du 15 mai 2015 a pu aggraver ou révéler un état pathologique préexistant ou si, au contraire, ce dernier a évolué pour son propre compte ;

* Fixer la date à laquelle l'état de santé de l'assurée directement et uniquement imputable à l'accident du 15 mai 2015 doit être considéré comme consolidé ;

* Convoquer les parties à une réunion contradictoire ;

- Dire et juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de la caisse en application des dispositions de l'article L. 144-5 du code de la sécurité sociale ;

Dans l'hypothèse où des arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité direct et certain avec la lésion initiale,

- Lui déclarer ces arrêts inopposables ;

- Condamner la caisse aux entiers dépens et à la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose en substance que :

- Elle peut s'interroger sur l'ensemble des arrêts de travail prescrits puisque l'arrêt de travail initial de 6 jours a été ensuite prolongé rapidement de mois en mois, ce qui selon son médecin-conseil correspond à un « rythme exclusif de la surveillance d'une lésion aiguë » ;

- Les lésions constatées initialement n'ont nécessité ni hospitalisation ni consultation d'un médecin spécialiste ;

- Au début de l'année 2013, l'assurée avait déclaré avoir été victime d'un accident du travail qui serait survenu le 14 février 2013 et pour lequel elle se plaignait déjà de « douleur à l'épaule gauche, au coude gauche et au dos » ;

- Les arrêts de travail relatifs à ce précédent accident s'étaient également étendus sur une période continue de plus de 5 mois avant que le médecin-conseil de la caisse fixe la date de consolidation sans séquelle indemnisable avec prolongation de l'arrêt de travail en maladie ;

- L'assurée a également bénéficié à compter du 29 mai 2015 de prolongations d'arrêt de travail de mois en mois sans que la caisse ne justifie d'une continuité de symptômes et de soins relativement aux lésions initialement constatées ;

- Son médecin-conseil, le docteur [U], a noté que le certificat médical de prolongation du 29 mai 2015 faisait mention de cervicalgies qui n'étaient pas présentes au départ, et que de même lors du précédent accident du 14 février 2013 l'assurée n'avait présenté aucun signe de traumatisme cervical et que ce n'est que plus d'un an après l'accident qu'un certificat médical de prolongation du 31 mars 2014 avait fait mention d'une atteinte cervicale chez l'assurée, un mois avant la décision du médecin-conseil de la caisse de fixer la date de consolidation et de prendre en compte les arrêts de travail au titre du régime maladie ;

- Il a également noté que les lésions de cervicalgies du 29 mai 2015 en l'absence de traumatisme du rachis cervical lors de l'accident du 15 mai 2015 n'entretiennent donc aucun lien avec l'accident du travail et relèvent d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte ;

- Son médecin-conseil démontre ainsi clairement l'absence de lien causal entre les prolongations d'arrêt de travail de l'assurée et l'accident du travail, les plaintes de l'assurée relatives au nouvel accident étant finalement rapportées à des hernies discales cervicale et lombaire qui n'ont pas été prises en compte par le médecin-conseil au titre de l'accident ;

- Son médecin-conseil regrette que la décision de la caisse de refuser de prendre en charge les lésions qui ont justifié de nombreuses prolongations de soins et de travail postérieures soit extrêmement tardive puisque ces lésions figuraient sur les certificats médicaux de prolongation dès le 29 mai 2015 ;

- La date de consolidation retenue par le médecin-conseil de la caisse au 31 octobre 2015 s'inscrit en contradiction avec les prolongations d'arrêt de travail dont a bénéficiées l'assurée puisque le dernier certificat de prolongation reconduisait l'arrêt de travail au titre de l'accident du travail jusqu'au 30 novembre 2015 ;

- Le médecin traitant de l'assurée se déjugera lui-même en établissant un nouveau certificat final en date du 31 octobre 2015 en accord avec le service médical de la caisse ;

- Il ressort de ces éléments que seul l'arrêt de travail du 15 mai 2015 au 29 mai 2015 peut être imputé de façon certaine et directe à l'accident du 15 mai 2015 ;

- Ces éléments à titre subsidiaire constituent des présomptions précises et concordantes quant à l'absence de lien causal direct et certain entre les soins et arrêts de travail et l'accident du 15 mai 2015, mais si la cour n'était pas convaincue il conviendrait de mettre en 'uvre une expertise médicale sur pièces conformément à la jurisprudence bien établie.

La caisse a fait déposer et soutenir par son conseil lors de l'audience des conclusions écrites par lesquelles elle demande à la cour de :

- Juger que c'est à bon droit qu'elle a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à l'assurée à la suite de son accident du travail du 15 mai 2015 ;

- Rejeter la demande d'expertise judiciaire sollicitée par la société ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

- Débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Dans l'hypothèse où une expertise serait néanmoins ordonnée,

- Laisser à la charge exclusive de la société les frais y afférents, et ce quelle que soit l'issue du litige.

Elle fait essentiellement valoir que :

- La société ne conteste pas la matérialité de l'accident survenu le 15 mai 2015, et a d'ailleurs elle-même complété la déclaration le jour de l'accident et n'a émis aucune réserve ;

- La victime a immédiatement consulté un médecin qui a constaté des lésions qui corroborent les douleurs décrites dans la déclaration d'accident du travail ;

- Les éléments du dossier permettent une prise en charge d'emblée ;

- Lorsque la matérialité d'un accident est établie, c'est à l'employeur qu'il appartient de détruire la présomption de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale en rapportant la preuve soit que les lésions ont une cause totalement étrangère au travail, soit que la victime présentait lors de l'accident un état pathologique préexistant et que le travail n'a joué aucun rôle dans la lésion ;

- En l'espèce, les arrêts de travail et les lésions de l'assurée résultant de l'accident bénéficient de la présomption d'imputabilité au travail jusqu'à la date de consolidation fixée au 31 octobre 2015 par le médecin-conseil de la caisse, présomption qu'il appartient à l'employeur de renverser ;

- La société n'apporte aucun élément de nature à attester que les lésions de sa salariée auraient une cause totalement étrangère à son travail ;

- Le médecin-conseil de la société qui n'a pas examiné ni même rencontré l'assurée se contente d'évoquer l'existence d'un précédent accident du travail survenu le 14 février 2013 et de fixer une date aléatoire de guérison au 29 mai 2015 ;

- Cette note ne permet en aucune façon de renverser la présomption d'imputabilité ;

- Une note médicale rédigée par le médecin consulté par la société est insuffisante à combattre la présomption d'imputabilité dont bénéficie l'assurée, la preuve de la cause totalement étrangère à la relation de travail devant être rapportée ;

- Le caractère prétendument anormal de la durée d'incapacité prise en charge par rapport à un barème médical ou l'avis de son médecin-conseil délivré sans examen médical de l'assurée ne sont pas non plus suffisants en eux-mêmes pour renverser la présomption d'imputabilité ;

- En l'espèce, la demande d'expertise ne peut donc être que rejetée dès lors qu'il existe une continuité de symptômes et de soins depuis l'accident jusqu'à la consolidation, que le médecin-conseil de la caisse a été consulté et a répondu à l'affirmative à la question de savoir si les arrêts et les soins étaient en rapport avec l'accident et qu'enfin, l'employeur n'a jamais provoqué de contrôle médical ou fait procéder à une contre-visite alors qu'il en avait la possibilité.

Il est fait référence aux écritures déposées par les parties lors de l'audience du 5 septembre 2022, et qui ont été visées par le greffe, pour plus ample exposé des moyens développés.

SUR CE :

La matérialité et le caractère professionnel de l'accident du 15 mai 2015 à l'origine des lésions médicalement constatées le 15 mai 2015 ne sont pas contestés.

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

Dès lors qu'un accident du travail est établi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.

En l'espèce, la caisse justifie par ses productions de ce que le certificat médical initial d'accident du travail du 15 mai 2015 est assorti d'un arrêt de travail jusqu'au 20 mai 2015, puis que les arrêts de travail ont été prescrits de manière ininterrompue jusqu'au 31 octobre 2015 inclus (pièces n°2 et 7 à 14 de ses productions).

La consolidation de l'état de santé de l'assurée est intervenue le 31 octobre 2015 (pièces n°14 et 15 de la caisse).

La caisse justifie ainsi du caractère ininterrompu des arrêts de travail pour la période du 15 mai 2015 au 31 octobre 2015.

Elle bénéficie donc de la présomption d'imputabilité à l'accident du travail du 15 mai 2015 de l'intégralité des soins et arrêts de travail du 15 mai 2015 au 31 octobre 2015.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, soit celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs.

Au cas d'espèce, la société conteste la continuité de symptômes en faisant valoir qu'une nouvelle lésion tardivement rejetée par le service médical justifiait dès son apparition, à savoir le 29 mai 2015, la fin de l'opposabilité de la prise en charge des arrêts de travail et des soins prescrits à l'assurée.

À cette fin, la société se prévaut de l'avis technique de son médecin-conseil pour soutenir que dès le 29 mai 2015, les arrêts de travail et les soins relevaient d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte (sa pièce n°4).

Le médecin-conseil de la société relève en premier lieu que l'assurée a été victime d'un précédent accident du travail sans cervicalgies le 14 février 2013 et au titre duquel elle a été consolidée sans séquelle le 12 mai 2014, un mois après l'apparition de cervicalgies. Il relève en second lieu que l'assurée a présenté les mêmes lésions lors de son accident du 15 mai 2015, sans cervicalgies, et que dès le 29 mai des cervicalgies apparaissent et que les arrêts sont renouvelés de mois en mois, soit un « rythme exclusif d'une lésion aiguë ». Il note que « les plaintes seront finalement rapportées à des hernies discales cervicale et lombaire dont le médecin-conseil rejettera l'imputabilité à l'accident du 15 mai 2015 (avis confirmé par une expertise L. 141-1 dont nous n'avons pas eu connaissance). »

Ce praticien conclut ainsi de la façon suivante :

« Il apparaît donc clairement que les arrêts de travail à compter du 29 mai 2015 sont sans lien avec l'accident du 15 mai 2015 (le délai de réaction de la CPAM est regrettable, alors que les cervicalgies sont mentionnées dès le 29 mai 2015).

« L'absence de lien entre l'accident et les arrêts est confirmée par la décision du médecin-conseil de fixer la date de consolidation au 31 octobre 2015, sans séquelle indemnisable (alors qu'un arrêt de travail avait été prescrit jusqu'au 30 novembre 2015 par le médecin traitant au titre de l'accident du travail). Le médecin traitant se déjugera en établissant un certificat final en date du 31 octobre 2015.

« Nous estimons donc que seul l'arrêt du 15 au 29 mai 2015 peut être imputé de façon directe et certaine à l'accident du 15 mai 2015.

« La date de guérison est fixée au 29 mai 2015. »

Néanmoins, la caisse produit la fiche de liaison médico-administrative du 10 décembre 2015 indiquant que les lésions décrites sur le certificat médical « mentionné dans le commentaire de la décision ci-dessous » ne sont pas imputables à l'accident du travail/maladie professionnelle « hernie discale cervicale, sciatique gauche liée à une hernie discale L4L5 » confirmée par expertise du 10 décembre 2015 (sa pièce n°4). Elle verse également la notification de refus de prise en charge en date du 19 octobre 2015 de la « hernie discale cervicale, sciatique gauche liée à une hernie discale L4L5 figurant sur le certificat médical du 5 octobre 2015 » (Sa pièce n°5).

Il résulte de l'analyse du médecin-conseil de la société, telle que reprise par cette dernière dans ses conclusions, que l'apparition de cervicalgies un mois avant la consolidation lors du premier accident ayant justifié la consolidation et la prise en charge des prolongations subséquentes au titre du régime maladie démontrait l'existence d'un état antérieur indépendant évoluant pour son propre compte, et que, par parallélisme, la même apparition de cervicalgies pour un accident et des lésions tout à fait similaires démontrait à nouveau l'existence de cet état antérieur qui aurait dû justifier la « guérison » de l'accident le 29 mai 2015 dès l'apparition des cervicalgies.

Néanmoins, la lecture de cet avis, et des autres pièces médicales au dossier permet de vérifier que ce ne sont pas les « cervicalgies », terme assez générique, qui ont justifié la consolidation de l'assurée au titre des deux accidents en cause mais l'apparition de « hernies », et qu'à suivre le raisonnement par parallélisme, force est de constater que dans le cadre du second accident, il n'est fait expressément mention de « hernie » que dans le certificat de prolongation du 29 septembre 2015 (pièce n°12 de la caisse), laquelle avait été mise en évidence après la réalisation d'un scanner et que cette lésion nouvelle a fait l'objet d'un refus de prise en charge et a justifié, comme lors du premier accident, une consolidation de l'état de santé de l'assurée dans le mois qui a suivi (certificats médicaux des 29 et 30 octobre 2015, pièces n°13 et 14 de la caisse).

En effet, l'analyse des certificats médicaux de prolongation retrouve que les cervicalgies, sans mention d'une hernie, apparaissent sur le certificat du 29 mai 2015 (pièce n°8 de la caisse) et disparaissent sur les certificats suivants des 26 juin 2015 et 30 juillet 2015 (pièces n°9 et 10 de la caisse). Le certificat médical du 7 septembre 2015 fait état d'une « persistance douleur épaule et m(embre) sup(érieur) gauche - douleur lombaire gauche avec irradiation (motrice du ') sciatique L5S1 - demande scanner lombaire » (pièce n°11 de la caisse). La hernie discale L4L5 n'apparaît que dans le certificat médical du 29 septembre 2015 (pièce n°12 de la caisse) et justifie la consolidation dans le mois qui suit (pièces n°13 et 14 de la caisse).

Il s'ensuit que le traitement du dossier est strictement identique dans les deux accidents et qu'en l'absence d'apparition d'une hernie dès le traumatisme initial, ce n'est que lorsque cette lésion apparaît que les effets de l'accident sont considérés épuisés par le service médical. Le raisonnement par analogie ou parallélisme du médecin-conseil de la société ne repose que sur une assimilation des « cervicalgies » du 29 mai 2015 à une hernie discale L4L5 qui n'apparaît que le 29 septembre 2015. Or cette affirmation que les « cervicalgies » du 29 mai 2015 relèvent de la hernie discale L4L5 ne repose que sur des hypothèses non étayées par un raisonnement médical et des pièces probantes.

En tout état de cause, il ne résulte nullement de l'avis technique du médecin-conseil de la société la preuve qu'à compter du 29 mai 2015 l'arrêt de travail est de façon certaine totalement étranger au travail. En effet, ce médecin se fonde sur des éléments d'ordre général qui ne s'appliquent pas de façon certaine au cas d'espèce, ainsi que sur une analogie qui pourtant démontre le contraire de ce qu'il voudrait retenir. Par ailleurs la longueur des arrêts de travail, l'absence apparente de gravité de la lésion initiale, d'imagerie immédiate ou de consultation spécialisée ne sont pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité dont bénéficie la caisse ou à justifier la mise en 'uvre d'une mesure d'expertise judiciaire.

En conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que l'intégralité des soins et arrêts de travail prescrits à l'assurée du 15 mai 2015 au 31 octobre 2015 et pris en charge par la caisse au titre de l'accident du travail du 15 mai 2015 est opposable à la société et rejeté l'ensemble des demandes de cette dernière, dont la demande d'expertise.

La société sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la S.A.S. [5] aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 17/12007
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;17.12007 ?
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