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08/12/2022 | FRANCE | N°22/10507

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 08 décembre 2022, 22/10507


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10507 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5BA



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mai 2022 -Président du TJ de paris - RG n° 22/51172





APPELANTE



S.A.R.L. VAUGIRARD DISTRIBUTION représentée par son géran

t, Monsieur [O] [F]



[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Jean-christophe BLANCHIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0410







INTIMEES



S.A.S. FONCIERE...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10507 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5BA

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mai 2022 -Président du TJ de paris - RG n° 22/51172

APPELANTE

S.A.R.L. VAUGIRARD DISTRIBUTION représentée par son gérant, Monsieur [O] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Jean-christophe BLANCHIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0410

INTIMEES

S.A.S. FONCIERE SOUFFLOT, RCS de NANTERRE n°892 887 373

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée à l'audience par Me Edmond MSIKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E484

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1]), représenté par son syndic, la SAS BONNEFOND & ASSOCIÉS

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par Me Luc MICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0314

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre chargée du rapport,

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société Foncière Soufflot, venant aux droits de la société Librairie de Jurisprudence Ancienne et Moderne Edouard Duchemin, est propriétaire du lot n°l au sein de l'immeuble situé [Adresse 1], régi par le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Par acte sous seing privé du 7 juillet 2021, la société Librairie de Jurisprudence Ancienne et Moderne Edouard Duchemin a donné à bail à la société Vaugirard Distribution lesdits locaux commerciaux, afin d'y exercer, à l'enseigne "Carrefour city", une activité de supermarché à prédominance alimentaire avec consommation sur place de produits alimentaires ne nécessitant pas de cuisson avec extraction acquis dans le supermarché.

Se plaignant de la réalisation d'importants travaux sans l'autorisation préalable de l'assemblée générale, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], représenté par son syndic la société Bonnefond & Associés a, par actes d'huissier de justice des 29 décembre 2021 et 12 janvier 2022, fait assigner en référé devant le tribunal judiciaire de Paris les sociétés Librairie de Jurisprudence Ancienne et Moderne Edouard Duchemin, Vaugirard Distribution et Foncière Soufflot, aux fins de voir condamner les défenderesses sous astreinte à interrompre les travaux, cesser l'exploitation du magasin Carrefour city et lui remettre des documents afférants aux travaux excutés.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 2 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré les demandes formées à l'encontre de la société Librairie de Jurisprudence Ancienne et moderne Edouard Duchemin irrecevables ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner la cessation de l'exploitation du magasin Carrefour city par la société Vaugirard Distribution';

- ordonné à la société Vaugirard Distribution, à défaut d'obtention par la société Foncière Soufflot, d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires régularisant la situation, de procéder aux travaux de remise en état consistant à rétablir le sol de la cour couverte de l'immeuble situé [Adresse 1], dans l'état dans lequel il se trouvait antérieurement aux travaux entrepris, dans un délai de 5 mois à compter de la signification de la présente décision';

- dit qu'à défaut de s'être exécutée dans le délai imparti, la société Vaugirard Distribution sera tenue à une astreinte provisoirement fixée à 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 3 mois ;

- ordonné à la société Vaugirard Distribution de communiquer au syndicat des copropriétaires le projet du maître d''uvre et le cahier des charges des travaux dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision ;

- dit qu'à défaut d'avoir transmis ces deux pièces dans le délai imparti, elle sera tenue à une astreinte provisoirement fixée à 50 euros par jour de retard, pendant un délai de 2 mois';

- dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes plus amples ou contraires';

- condamné in solidum les sociétés Vaugirard Distribution et Foncière Soufflot à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble les dépens de l'instance ;

- condamné in solidum les sociétés Vaugirard Distribution et Foncière Soufflot à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 31 mai 2022, la société Vaugirard Distribution a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 08 septembre 2022, elle demande à la cour, au visa du règlement de copropriété, des autorisations administratives de travaux obtenues par la société Vaugirard Distribution, des dispositions des articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance de référé du 2 mai 2022 en ce qu'elle :

' lui a ordonné, à défaut d'obtention par la société Foncière Soufflot, d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires régularisant la situation, de procéder aux travaux de remise en état consistant à rétablir le sol de la cour couverte de l'immeuble situé [Adresse 1], dans l'état dans lequel il se trouvait antérieurement aux travaux entrepris, dans un délai de 5 mois à compter de la signification de la présente décision ;

' a dit qu'à défaut de s'être exécutée dans le délai imparti, la elle sera tenue à une astreinte provisoirement fixée à 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 3 mois ;

' lui a ordonné de communiquer au Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] le projet du maître d''uvre et le cahier des charges des travaux dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision ;

' a dit qu'à défaut d'avoir transmis ces deux pièces dans le délai imparti, la société Vaugirard Distribution sera tenue à une astreinte provisoirement fixée à 50 euros par jour de retard, pendant un délai de 2 mois ;

' l'a condamnée in solidum avec la société Foncière Soufflot à payer au syndicat des copropriétaires les dépens de l'instance ;

' l'a condamnée in solidum avec la société Foncière Soufflot à payer au syndicat des copropriétaires, la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes plus amples ou contraires du syndicat des copropriétaires';

- débouter le syndicat des copropriétaires'de son appel incident, tendant à ce qu'il lui soit ordonné ainsi qu'à la société Foncière Soufflot de remettre l'entrée du lot numéro 1 dans son état antérieur et à ce qu'il leur soit ordonné de cesser immédiatement l'exploitation du magasin 'Carrefour city' dans le lot numéro 1 de la copropriété';

En conséquence

- débouter le syndicat des copropriétaires de son appel incident et de toutes ses demandes à l'encontre de la société Vaugirard Distribution';

Subsidiairement

- dire que l'astreinte provisoire prononcée par le juge des référés ne pourra courir que trois mois après la réunion de l'assemblée générale des copropriétaires appelée à statuer sur la demande de régularisation des travaux qu'elle a réalisés, si ladite assemblée lui a refusé cette autorisation';

En tout état de cause

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner le syndicat des propriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires demande à la cour, au visa de loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et spécialement ses articles 25 et 26, des articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile'et du règlement de copropriété, de :

- infirmer l'ordonnance du 2 mai 2022 en tant qu'elle a jugé que les travaux n'emportaient pas une modification de l'aspect extérieur de l'immeuble, en tant qu'elle a jugé que les travaux ne portaient pas atteinte à la destination de l'immeuble et en tant qu'elle n'a pas ordonné la cessation de l'exploitation du magasin « Carrefour City » ;

- confirmer l'ordonnance du 2 mai 2022 pour le surplus ;

- y ajoutant, ordonner aux sociétés Foncière Soufflot et Vaugirard Distribution de remettre l'entrée du lot n°1 dans son état antérieur tel qu'elle existait lorsque le lot était affecté à l'activité de la société Librairie de Jurisprudence Ancienne et Moderne Edouard Duchemin, dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la décision de la cour d'appel ;

- assortir cette condamnation d'une astreinte définitive d'un montant de 500 euros par jour de retard ;

- ordonner aux sociétés Foncière Soufflot et Société Vaugirard Distribution de cesser immédiatement l'exploitation du magasin « Carrefour City » dans le lot n°1 de la copropriété du [Adresse 1] ;

- assortir cette injonction d'une astreinte définitive d'un montant de 1.000 euros par infraction quotidienne constatée ;

- réserver au juge des référés la liquidation de toutes les astreintes prononcées ;

- débouter la société Foncière Soufflot et La Société Vaugirard Distribution en toutes leurs demandes ;

- condamner la Société Foncière Soufflot et La Société Vaugirard Distribution à lui verser chacune la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- les condamner aux entiers dépens de la procédure.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 juillet 2022, la société Foncière Soufflot, indiquant intervenir tant en son nom personnel qu'aux droits de la Société Librairie de Jurisprudence Ancienne et Moderne Edouard Duchemin dissoute et radiée par effet de l'article 1884-5 du code civil, demande à la cour, au visa des articles 32, 122, 145, 834 et 835 du code de procédure civile, des articles 1844-5 et 2258 et suivant du code civil, de la loi du 10 juillet 1965 et du règlement de copropriété, de :

- dire et juger recevable et bien fondé son appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en date du 2 mai 2022';

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a, par référence à une motivation erronée concluant que la cour intérieure couverte litigieuse est une partie commune, et que le propriétaire du lot numéro un dispose d'un droit de jouissance particulier, ordonné à la société Vaugirard Distribution sa locataire, faute d'avoir obtenu une régularisation de la situation par l'assemblée des copropriétaires, de procéder aux travaux de la remise en état portant sur le sol de la cour verrière couverte se trouvant dans le lot n°1 de l'immeuble';

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a condamné in solidum à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Pour le surplus,

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en date du 2 mai 2022 en toutes ses autres dispositions,

En conséquence,

In limine litis,

- juger irrecevable le syndicat des copropriétaires en ses demandes formées à l'encontre de la société Librairie de Jurisprudence Ancienne et Moderne Edouard Duchemin, cette dernière étant dissoute et radiée et dépourvue de la personnalité morale à la date de son assignation ;

- débouter le syndicat de toutes demandes à ce titre à l'encontre de la société Librairie de Jurisprudence Ancienne et Moderne Edouard Duchemin';

Sur les demandes formées à son encontre,

- constater qu'au visa du titre de propriété du 13 octobre 1956, du règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 1] et en tout état cause par effet de la possession des lieux pendant plus de 65 ans de manière continue, sans contestation, de bonne foi et par référence à un titre aux termes duquel elle s'est comportée comme propriétaire lui assurant la prescription acquisitive de la verrière contestée, elle en est propriétaire ;

- juger le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] mal fondé en ses demandes tendant à faire cesser toute activité dans le lot n°1 lui appartenant dès lors que :

* les travaux réalisés par son locataire, la société Vaugirard Distribution l'ont été en conformité avec le règlement de copropriété de l'immeuble et sur des parties appartenant à la Société Foncière Soufflot ;

* l'activité exploitée n'est pas en infraction avec le règlement de copropriété et avec la destination de l'immeuble ;

* il n'a pas été porté atteinte à l'aspect de l'immeuble et à sa façade ;

- condamner le syndicat des copropriétaires à payer à la société Foncière Soufflot la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il doit être relevé que la décision de première instance n'est pas critiquée en ce qu'elle a déclaré le syndicat des copropriétaires irrecevable en ses demandes dirigées contre la la société Librairie de Jurisprudence Ancienne et Moderne Edouard Duchemin, cette société ayant été dissoute et radiée le 27 décembre 2021 et la société Foncière Soufflot exposant venir à ses droits.

Sur les demandes de remise en état des locaux dans leur état antérieur et de cessation de l'exploitation du magasin Carrefour city

Le syndicat des copropriétaires se prévaut d'un trouble manifestement illicite du fait de l'exécution, sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, des travaux réalisés par la société Vaugirard distribution pour exploiter dans son lot un magasin Carrefour city, faisant principalement valoir :

- que les travaux affectent l'aspect extérieur de l'immeuble et comme tels, devaient être autorisés par application de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, puisqu'ils portent sur la modification de la façade de l'immeuble, la devanture préexistante ayant fait l'objet de modifications, reprochant au premier juge d'avoir considéré qu'il ne ressortait pas des photographies produites, avec l'évidence requise en référé, une atteinte à l'harmonie et à l'esthétique du bâtiment, alors que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge n'a pas à porter d'appréciation sur l'importance de l'atteinte portée à l'aspect extérieur de l'immeble, le trouble manifestement illicite étant caractrésé dès lors qu'il y a eu modification de l'aspect extérieur de l'immeuble non autorisée par l'assemblée générale des copropriétaires ;

- que les travaux ont affecté les parties communes de l'immeuble en ce qu'ils ont porté sur une cour couverte située au sein du lot de la société Vaugirard distribution, partie commune selon le règlement de copropriété, la société Vaugirard distribution n'en ayant que la jouissance privative mais l'ayant annexée à son lot par ses travaux ;

- que l'aménangement d'un commerce de distribution alimentaire dans le lot de la société Vaugirard distribution porte atteinte à la destination de l'immeuble, l'immeuble n'ayant jamais été conçu pour accueillir un tel commerce susceptible d'accueillir un tel public, les parties communes de l'immeuble n'ayant jamais été conçues pour constituer une issue de secours pour un effectif de 67 personnes dont 62 au titre du public.

Il convient ici de rappeler :

- qu'en application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'il est ici argué d'un trouble manifestement illicite, lequel découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ;

- que selon l'arricle 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, sont adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant : "[...] b) L'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci."

Sur le moyen tiré de l'atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble, c'est la modification de la devanture du commerce qui est ici dénoncée par le syndicat des copropriétaires, étant précisé qu'il n'est pas discuté qu'aucune autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires n'a été sollicitée. Il convient de relever en premier lieu qu'aux termes de l'article 7 du règlement de copropriété, les devantures et vitrines des magasins et des boutiques sont des parties privatives. L'autorisation prévue par l'article 25 b) est donc ici requise, non en ce que les travaux de modification de la devanture auraient porté atteinte aux parties communes, mais en ce qu'ils auraient affecté l'aspect extérieur de l'immeuble, fondement sur lequel le syndicat des copropriétaires sollicite la remise en l'état antérieur. Il s'en suit que l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, dont l'absence caractérise le trouble manifestement illicite comme le souligne à raison le syndicat, n'est toutefois requise que si les modifications apportées à la partie privative ont bien matériellement porté une atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble, des modifications en elles-même ne suffisant pas à caractériser une atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble. Or, c'est par une exacte analyse des éléments au dossier, que la cour approuve, et notamment des photographies de la devanture avant et après les travaux (que le syndicat intègre en page 10 de ses conclusions), que le premier juge a retenu qu'il ne ressortait pas avec l'évidence requise en référé qu'une atteinte ait été portée à l'harmonie et à l'esthétique du bâtiment. L'appréciation du juge du fond apparaît ainsi nécessaire sur ce point. L'ordonnnace sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de remise en état formée de ce chef.

Sur le moyen tiré de l'atteinte à une partie commune par la réalisation de travaux sur la cour couverte qui sépare les deux bâtiments, dans lesquels il est constant que s'insère le lot n°1 de la société Vaugirard distribution, les parties s'opposent sur le caractère de partie commune ou de partie privative de cette cour. Il revient seulement au juge des référés de déterminer si, à l'évidence, la cour litigieuse est une partie commune, en sorte que les travaux qui y ont été réalisés par la société Vaugirard distribution (dont la réalité n'est pas discutée), sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires (ce point n'étant pas davantage discuté), constitue un trouble manifestement illicite.

Or, à la lecture du titre de propriété de la société Vaugirard distribution et surtout du règlement de copropriété de l'immeuble, il n'apparait pas de manière évidente que la cour couverte d'une verrière, qui est en litige, constitue bien une partie commune contrairement à ce qu'a dit le premier juge.

Alors en effet qu'il n'est pas discuté que cette cour s'intégre dans le lot n°1 et relie le corps de bâtiment situé en façade au corps de bâtiment situé à l'arrière de l'ensemble immobilier, ni le titre de propriété ni le règlement de copropriété, dans la description qu'ils font de manière identique du lot n°1, ne mentionnent la présence de cette cour au sein du lot, lequel est en effet ainsi décrit : "Au rez-de-chausée du bâtiment sur rue, une boutique, arrière-boutique, débarras, cabinet de toilette, WC, deux escaliers d'accès aux lots numéro trente-deux et trente-huit".

Le lot est ainsi décrit en son entier, du bâtiment sur rue au bâtiment arrière comme formant un seul bloc, ce qui ressort aussi du plan annexé au règlement de copropriété. Il n'est pas fait état de la cour couverte, ce dont il peut se déduire qu'elle se trouve comprise dans l'une des pièces énumérées les unes derrières les autres et sans rupture.

Par ailleurs, si l'article 6 du règlement de copropriété définit les parties communes comme comprenant "La totalité du sol des bâtiments et des cours et courettes et cours couvertes [...] "le revêtement et le sol des cours et courettes", ce qui tend à établir que la cour couverte litigieuse est une partie commune, cet article indique aussi plus loin que ne sont pas des parties communes "les parties vitrées éclairant les locaux privatifs" et, in fine, que "d'une façon générale, sont des parties communes toutes les choses et parties qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'une des parties privées ou qui sont communes suivant la loi et l'usage."

Or, il est constant que la cour litgieuse est recouverte d'une verrière qui éclaire la cour intégrée au lot n°1, et il n'est pas discuté par le syndicat des copropriétaires que le propriétaire de ce lot bénéficie de l'usage privatif de la partie de la cour sur laquelle les travaux ont été effectués.

En outre, l'article 7 du règlement de copropriété définit les parties privatives comme "La propriété particulière de chaque part de l'immeuble, dans le périmètre intérieur de ce lot ou sous sa dépendance essentielle et exclusive..." Or, la cour litigieuse s'intègre dans le lot n°1.

La qualification de partie commune de ladite cour ne ressort pas non plus de manière évidente de l'article 13 du règlement de copropriété, qui stipule des charges particulières d'exploitation concernant l'entretien de cette cour ; l'interprétation à donner à ce texte relève de l'appréciation du juge du fond.

La qualification de cour commune relevant ainsi d'un débat devant le juge du fond, le trouble manifestement illicite tiré du défaut d'autorisation des travaux affectant une partie commune n'est pas caractérisé. L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a ordonné la remise de cette cour dans son état antérieur.

Sur l'atteinte à la destination de l'immeuble, c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour approuve, que le premier juge a considéré qu'une telle atteinte n'est pas caractérisée en l'espèce, compte tenu notamment de ce que le règement de copropriété prévoit la possibilité d'exercer toute activité commerciale, sans restriction. L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de cessation de l'activité commerciale.

Il sera donc jugé en appel n'y avoir lieu à référé sur la demande de remise en état du syndicat des copropriétaires, la décision de première instance étant confirmée sur le surplus.

Sur la demande de communication des pièces relatives aux travaux

Si c'est à bon droit que le premier juge a ordonné la communication par la société Vaugirard distribution au syndicat des copropriétaires du dossier détaillé des travaux projetés comprenant notamment le projet du maître d'oeuvre et le cahier des charges de travaux, le syndicat justifiant d'un intérêt légitime à connaître le détail des travaux exécutés dont il dénonce le défaut d'autorisation, il ressort d'une lettre adressée le 23 mai 2022 par le conseil de la société Vaugirard distribution au conseil du syndicat qu'a été transmis le descriptif sommaire des travaux en date du 21 octobre 2021 établi par le maître d'oeuvre, M. [C]. Le conseil de la société Vaugirard distribution précise dans cette lettre que ce descriptif sommaire constitue à la fois le projet du maître d'oeuvre et le cahier des charges des travaux, rappelant qu'il avait conclu devant le juge des rféérés que le projet du maître d'oeuvre et le cahier des charges n'existaient pas.

Le syndicat des copropriétaires ne soutient pas en appel qu'il existerait d'autres pièces que celle qui lui a ainsi été transmise en exécution de l'ordonnance entreprise.

L'ordonnance sera donc confirmée de ce chef, sauf à préciser que les pièces sollicitées et existantes ont été communiquées dans le délai imparti, la condamnation sous astreinte étant ainsi devenue sans objet.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Perdant pour l'essentiel, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La nature du litige et l'équité commandent toutefois de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance ni en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- ordonné à la société Vaugirard Distribution, à défaut d'obtention par la société Foncière Soufflot, d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires régularisant la situation, de procéder aux travaux de remise en état consistant à rétablir le sol de la cour couverte de l'immeuble situé [Adresse 1], dans l'état dans lequel il se trouvait antérieurement aux travaux entrepris, dans un délai de 5 mois à compter de la signification de la présente décision';

- dit qu'à défaut de s'être exécutée dans le délai imparti, la société Vaugirard Distribution sera tenue à une astreinte provisoirement fixée à 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 3 mois ;

- condamné in solidum les sociétés Vaugirard Distribution et Foncière Soufflot à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble les dépens de l'instance ;

- condamné in solidum les sociétés Vaugirard Distribution et Foncière Soufflot à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Confirme l'ordonnance pour le surplus, sauf à dire qu'est devenue sans objet la condamnation sous astreinte de la société Vaugirard distribution à communiquer au syndicat des copropriétaires des pièces relatives aux travaux exécutés ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de remise en l'état antérieur de la cour couverte,

Condamne le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/10507
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;22.10507 ?
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