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08/12/2022 | FRANCE | N°22/10034

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 08 décembre 2022, 22/10034


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10034 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3ZC



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Août 2021 -Président du TJ de Paris - RG n°21/52423





APPELANTE



Société XL INSURANCE COMPANY SE, agissant poursuites et

diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 9]

[Localité 12], IRLANDE



Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au ba...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10034 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3ZC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Août 2021 -Président du TJ de Paris - RG n°21/52423

APPELANTE

Société XL INSURANCE COMPANY SE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 12], IRLANDE

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée à l'audience par Me Barthélémy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E435

INTIMES

M. [U] [K]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté et assisté par Me Jonathan SAADA, avocat au barreau de PARIS

M. [Y] [W]

[Adresse 15]

[Localité 4]

Défaillant, PV 659 établi le 01.07.2022

Société SAF HELICOPTERES

[Adresse 11]

[Localité 5]

Défaillante, signifiée le 01.07.2022 à personne habilitée

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 18]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Défaillante, signifiée le 29.06.2022 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 août 1996, M. [K], alors âgé de 16 ans, a été victime d'un accident survenu sur la commune de [Localité 21] alors qu'il était passager d'un hélicoptère piloté par M. [W]. Cet accident a occasionné chez M. [K] un traumatisme crânien avec perte de connaissance, des plaies au visage et une fracture de l'humérus droit.

Par jugement du tribunal correctionnel d'Albertville du 27 octobre 1997, puis par arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 28 octobre 1999, le pilote de l'hélicoptère, M. [W] a été reconnu coupable des faits de blessures involontaires pour avoir « effectué de façon délibérée un passage au sol rasant au-dessus du lac de [Localité 14] en dehors des nécessités de l'atterrissage et du décollage ».

Par ordonnance de référé du 19 janvier 1998, le docteur [S], chirurgien orthopédiste, a été désigné en qualité d'expert, aux fins d'examiner et évaluer les préjudices corporels de M. [K].

Par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 21 novembre 2001, le pilote et son employeur, la société Saf Hélicoptères ont été condamnés in solidum à indemniser les préjudices subis par M.[K], sous la garantie de leur assureur, la compagnie Axa Global Risks.

La somme globale de 47.360,73 euros a ainsi été versée à M.[K].

Considérant que son état de santé faisait l'objet d'une aggravation, M [K] saisissait le 9 mars 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir une expertise psychiatrique, la société XL Insurance Company venant aux droits de la société AXA France, intervenant volontairement à l'instance, la société AXA FRANCE sollicitant quant à elle sa mise hors de cause.

Par ordonnance de référé du 25 août 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige et, par provision, tous moyens étant réservés ;

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société XL Insurance Company SE ;

- prononcé la mise hors de cause de la compagnie Axa France ;

- ordonné une expertise médicale pour déterminer les causes et l'ampleur du préjudice corporel subi par M. [K] suite à l'accident dont il a été victime ;

- désigné pour procéder à cette mesure d'instruction :

[N] [D]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Port. : [XXXXXXXX01]

Email : [Courriel 13]

- lequel pourra s'adjoindre comme sapiteur, si nécessaire, tout spécialiste d'un domaine de compétence distinct du sien, avec la mission suivante :

- préalablement à la réunion d'expertise, recueillir dans la mesure du possible, les convenances des parties et de leurs représentants avant de fixer une date pour le déroulement des opérations d'expertise. Leur rappeler qu'elles peuvent se faire assister par un médecin conseil et toute personne de leur choix, la cour d'appel renvoyant à la décision rendue en ce qui concerne la mission de l'expert,

- dit que, M. [K] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, il n'y a pas lieu à consignation et rappelons que les frais de la mesure d'instruction seront avancés par l'Etat ;

en cas d'absence de consolidation,

- dit que si la partie demanderesse n'est pas consolidée à la date de l'expertise, il sera établi un premier rapport par l'expert ; que celui-ci pourra être ressaisi aux fins d'établissement d'un rapport complémentaire par le service du contrôle des expertises auquel sera transmis un certificat médical du médecin traitant attestant de la consolidation de son état ;

sur le suivi de la mesure et la gestion des incidents,

- dit que le magistrat chargé du contrôle des expertises au tribunal judiciaire de Paris sera spécialement compétent pour suivre l'exécution de cette mesure, statuer sur tous les incidents et procéder éventuellement, par simple ordonnance sur requête sur l'initiative de la plus diligente des parties, au remplacement de l'expert indisponible ou empêché ; que toute correspondance émanant des parties, de leurs conseils ou de l'expert devra lui être adressée sous l'intitulé suivant':

Tribunal judiciaire de Paris

Service du contrôle des expertises

Parvis du Tribunal de Paris

75859 Paris Cedex 17

- déclaré la présente décision commune à la CPAM de [Localité 18] ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge du Trésor Public';

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

Par déclaration du 20 mai 2022 la société XL Insurance Company SE a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a'ordonné une expertise médicale pour déterminer les causes et l'ampleur du préjudice'corporel subi par M. [K].

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 octobre 2022, la société XL Insurance Company SE demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 25 août 2021 en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire';

- débouter M. [K] de sa demande d'expertise judiciaire et le renvoyer à mieux se pourvoir.

La société XL Insurance Company SE soutient en substance que :

- son appel est recevable contrairement à ce qu'affirme l'intimé car notamment les dispositions de l'article 272 du code de procédure civile ne sont pas applicables lorsque le juge ordonne une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, et au surplus, la participation à une expertise ordonnée par une décision exécutoire ne vaut pas acquiescement explicite au jugement,

- elle a bien intérêt à agir car elle avait sollicité le rejet de la demande d'expertise en première instance et avait donc succombé,

- seul le juge du fond était compétent pour pouvoir ordonner une expertise alors que le jugement de 2001 est définitif et a autorité de chose jugée.

- le juge des référés a excédé ses pouvoirs en reconnaissant que le motif légitime prévu à l'article 145 du code de procédure civile était établi, alors qu'une prescription particulière s'oppose à l'action de M. [K] et notamment l'article 29 de la convention de Varsovie prévoyant que l'action en responsabilité doit être intentée dans le délai de deux ans à compter de l'arrive à destination ou du jour où l'aéronef aurait dû arriver.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 octobre 2022, M.[K] demande à la cour de :

- juger irrecevable et mal fondée la société XL Insurance Company SE en son appel ;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 25 août 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, en toutes ses dispositions';

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner une mesure d'instruction, confié au docteur [N], afin d'évaluer l'aggravation du préjudice corporel subi par M. [K], avec la possibilité de s'adjoindre de sa propre autorité tout sapiteur de son choix et dont la mission pourra être la suivante :

1°- se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droit, tous documents utiles à sa mission, notamment le précédent rapport d'expertise concernant le demandeur ;

2°- fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la partie demanderesse, ses conditions d'activités professionnelles et de vie, son niveau scolaire, son statut exact, sa formation ;

3°- entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel) ;

4°- recueillir toutes informations orales ou écrites des parties : se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs au fait dommageable dont la partie demanderesse a été victime) ;

5°- à partir des déclarations de la partie demanderesse imputable au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire l'évolution de son état depuis la précédente expertise et se prononcer sur l'aggravation invoquée ; préciser notamment si l'évolution constatée depuis la précédente expertise est imputable de façon directe et certaine à l'accident ou si elle résulte au contraire d'un fait pathologique indépendant, d'origine médicale ou traumatique ;

6°- indiquer si l'état présent de la victime justifie une modification des précédentes conclusions d'expertise sur l'un ou l'autre des chefs de préjudice retenus ou écartés ;

7°- de manière générale, faire toutes recherches et constatations permettant d'apprécier l'évolution de l'état de la victime';

fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

dit que l'expert pourra se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise';

dit que l'expert ne communiquera directement aux parties les documents médicaux ainsi obtenus directement de tiers concernant la partie demanderesse qu'avec son accord; qu'à défaut d'accord de celui-ci, ces éléments seront portés à la connaissance des parties par l'intermédiaire du médecin qu'elles auront désigné à cet effet ;

dit que l'expert devra adresser aux parties un document de synthèse, ou pré-rapport :

- fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d'un délai de 4 à 5 semaines à compter de la transmission du rapport ;

- rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu'il fixe';

dit que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :

- la liste exhaustive des pièces par lui consultées ;

- le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation ;

- le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise ;

- la date de chacune des réunions tenues ;

- les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète';

- leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties ;

- le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que

- le document qu'il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport)';

dit que l'original du rapport définitif sera déposé en double exemplaire au greffe, tandis que l'expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil, sauf prorogation expresse ;

dit que le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle, il n'y a pas lieu à consignation, les frais ;

désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d'expertise ;

En tout état de cause,

- condamner la société XL Insurance Company SE, à la somme de 2.500 euros, par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [K] soutient en substance que :

- l'appel interjeté par la société XL Insurance Company SE est irrecevable, tout d'abord car n'ont pas été respectées les dispositions des articles 150 et 272 du code de procédure civile en ce que la décision qui ordonnait l'expertise devait faire l'objet d'une autorisation du premier président de la cour d'appel sur justification d'un motif grave et légitime pour que soit interjeté appel immédiatement et ensuite en ce que l'appelante ne justifie pas avoir intérêt à agir au stade de l'appel, la décision de première instance ne lui ayant causé aucun grief,

- de plus, l'appelante a participé activement à l'expertise ordonnée en première instance, en assistant aux réunions, en produisant des dires ou mandatant des médecins conseils pour se faire assister, de sorte elle a acquiescé de façon implicite au jugement conformément aux articles 409 et 410 du code de procédure civile,

- l'appel est mal fondé car contrairement à ce que l'appelante soutient, il n'a jamais sollicité une nouvelle expertise remettant en cause celle de 1998 et le jugement de 2001, mais seulement une expertise portant sur l'aggravation de son dommage, constituée soit par l'existence d'un nouveau préjudice n'ayant jamais fait l'objet d'une indemnisation, soit par l'aggravation d'un préjudice déjà existant,

- dans le cadre des opérations d'expertises il avait été relevé l'existence chez lui de troubles psychologiques nécessitant une prise en charge d'au moins un an, l'expert n'ayant pas jugé nécessaire de s'adjoindre la compétence d'un sapiteur psychiatre alors que depuis, il a bénéficié du statut d'adulte handicapé, a cumulé des périodes d'hospitalisation, que son état de santé s'est aggravé ce qu'il prouve par des comptes-rendus d'imagerie et le rapport d'expertise d'un médecin psychiatre mettant en exergue la très probable aggravation de son état de santé psychologique,

-le juge des référés était bien évidemment compétent pour connaître de la demande d'expertise en aggravation du dommage, et n'a pas excédé sa compétence,

- dans le cadre d'une action sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, le demandeur doit seulement caractériser un motif légitime sans qu'il ne doive engager son action au jour de la saisine du juge des référés, celle-ci ne devant simplement pas être vouée à l'échec et que soutenir que l'action serait prescrite aurait nécessité du juge des référés qu'il excède ses pouvoirs en procédant à l'analyse éventuelle des demandes au fond.

Par actes d'huissier de justice séparés, la société XL Insurance Company SE a signifié la déclaration d'appel à M. [W] le 1er juillet 2022 par procès-verbal de recherches infructueuses, à la société SAF Hélicoptères le 1er juillet 2022 par remise à personne habilitée et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 18] le 29 juin 2022 par remise à personne habilitée.

Par actes d'huissier de justice séparés, la société XL Insurance Company SE a signifié ses conclusions d'appel à M. [W] le 27 juillet 2022 par procès-verbal de recherches infructueuses, à la société SAF Hélicoptères le 28 juillet 2022 par remise à personne habilitée et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 18] le 28 juillet 2022 par remise à personne habilitée.

Ces trois intimés n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la recevabilité de l'appel

- sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'autorisation du premier président de la cour d'appel à interjeter appel

L'article 150 du code de procédure civile dispose que la décision qui ordonne ou modifie une mesure d'instruction n'est pas susceptible d'opposition ; elle ne peut être frappée d'appel ou de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi.

L'article 272 du code de procédure civile prévoit que la décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.

La partie qui veut faire appel saisit le premier président qui statue selon la procédure accélérée au fond. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S'il fait droit à la demande, le premier président fixe le jour où l'affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l'article 948 selon le cas.

Si le jugement ordonnant l'expertise s'est également prononcé sur la compétence, l'appel est formé, instruit et jugé selon les modalités prévues aux articles 83 à 89.

Il en est de même de la décision qui refuse d'ordonner ou de modifier une mesure.

M. [K] invoque l'article 272 du code de procédure civile, qui prévoit une autorisation du premier président de la cour d'appel pour l'appel d'une décision ordonnant une expertise.

Mais ce texte, applicable à l'expertise ordonnée avant-dire droit par le juge du fond, n'est pas applicable à une ordonnance de référé ayant ordonné une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, laquelle est susceptible d'appel sans autorisation préalable.

Par conséquent, l'appel interjeté par la société XL Insurance Company SE est recevable à ce titre.

- sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société XL Insurance Company SE

L'article 546 du code de procédure civile indique que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

M. [K] invoque ces dispositions et précise que l'intérêt à agir de la société XL Insurance Company SE fait défaut, l'ordonnance rendue n'induisant pas la succombance même partielle de l'appelante et ne lui causant aucun grief.

Il est constant que la société XL Insurance Company SE s'est expressément opposée, devant le premier juge, à la mesure d'expertise en sollicitant que M. [K] soit débouté de cette demande, allant au-delà des simples protestations et réserves d'usage. En outre, le seul fait que la mesure d'expertise ne lui porte pas préjudice n'emporte pas en lui-même renonciation à l'appel d'une décision ayant tranché le litige dans son principe. La société XL Insurance Company SE n'a, dans ces conditions, nullement renoncé à son droit d'appel et l'appel interjeté est recevable à ce titre.

- sur la fin de non-recevoir tirée de l'acquiescement à l'ordonnance rendue

M. [K] expose qu'en participant aux opérations d'expertise, la société XL Insurance Company SE a acquiescé à la décision rendue. Il excipe pour ce faire des dispositions des articles 409 et 410 du code de procédure qui disposent respectivement que l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours et qu'il peut être implicite ou exprès.

Toutefois, le fait, pour une partie, de se conformer à l'exécution provisoire attachée à une décision judiciaire n'implique pas, de sa part, un acquiescement à la mesure ordonnée, de sorte que les demandes de l'appelante ne présentent pas de caractère contradictoire et que son appel est recevable à ce titre.

Au regard de ce qui précède, l'appel de la société XL Insurance Company SE sera, en conséquence, déclaré recevable.

Sur le fond du référé

L'article 145 du code de procédure civile prévoit que tout intéressé peut obtenir en référé les mesures d'instruction légalement admissibles s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

Il résulte de cette disposition que le demandeur à une mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque, puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu'il doit justifier d'éléments les rendant crédibles et de ce que le procès en germe en vue duquel il la sollicite n'est pas dénué de toute chance de succès.

M. [K] fonde sa demande d'expertise sur l'argumentation selon laquelle son état de santé psychique s'est détérioré depuis l'expertise menée par le docteur [S], expert et depuis la date de consolidation retenue, soit le 13 octobre 1997.

- sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La société XL Insurance Company SE expose tout d'abord que la demande d'expertise de M [K] se heurterait à la prescription tirée de l'application des dispositions de l'article 29 de la convention de Varsovie qui dispose que l'action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans un délai de 2 ans à compter de l'arrivée à destination ou du jour où l'aéronef aurait dû arriver ou de l'arrêt du transport.

Or, en l'espèce, la demande expertale formée par M [K] ne vise qu'à administrer la preuve d'une aggravation de son état de santé psychologique et de l'existence de séquelles non encore évaluées, et ne peut dès lors être concernée par le délai susvisé.

- sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée

Il est soutenu que la demande d'expertise formée devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris serait irrecevable au motif qu'elle se heurterait à l'autorité de la chose jugée issue du jugement rendu le 21 novembre 2001.

Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, il doit être rappelé que la mesure d'expertise ordonnée par le premier juge n'est fondée que sur l'aggravation alléguée de l'état psychique de M. [K].

Cette demande d'expertise de M. [K] est donc formée en vue d'une procédure avant-dire droit distincte de la procédure initiale qui visait à liquider les préjudices de M. [K] tels qu'ils se présentaient lorsque le jugement a été rendu au fond par le tribunal de grande instance de Paris en 2001.

Ainsi, il résulte des éléments qui précèdent que la demande d'expertise formée M. [K] devant le juge des référés du tribunal judiciaire en vue d'un procès susceptible d'être engagé devant ce tribunal est recevable. Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée.

- sur la mesure d'expertise

M. [K] expose précisément que :

- le compte rendu d'imagerie (IRM) du 19 mars 2012 met en évidence des "anomalies de la substance blanche au niveau sus tentorielle sous corticale",

- le docteur [T] conclut son rapport en date du 20 novembre 2020 de la façon suivante :

"M. [K] présente des séquelles graves et invalidantes au plan psychiatrique d'un accident d'hélicoptère survenu le 18 août 1996 à [Localité 21]. (...) Accident ayant entrainé des séquelles physiques et psychiatriques avec constatation maintenant d'un syndrome de stress psychique traumatique chronique F 43.1, trouble ayant altéré ses facultés mentales au point de perturber

Son comportement social et de l'avoir placé en invalidité de travail avec un taux (...) fixé à plus de 80% (ou catégorie 3) en sachant que l'altération de ses facultés ne pourrait être susceptible de connaître une amélioration selon les données actuelles de la science qu'à très long terme et avec séquelles. Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de demander la réévaluation selon les critères du barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun du taux qui avait été fixé précédemment en précisant qu'il n'existait aucun état antérieur préjudiciable et que M [K] présente maintenant un tableau clinique polymorphe qui associe des manifestations anxio-dépressives sévères, des comportements phobo-obsessionnels, un comportement sthénique revendicateur à tonalité fortement sensitive et une incapacité à travailler avec vie affective et sexuelle inexistante et de fixer le taux d'incapacité permanente à 35% au lieu des 9% qui lui avaient été allouées auparavant incluant les séquelles physiques avec cicatrice disgracieuse du visage, céphalées permanentes et état de stress post traumatique chronique de très forte intensité",

- ce rapport, corroboré par les dires échangés au cours des opérations d'expertise, fait état de séjours de M. [K] au sein de structures hospitalières, notamment en hôpital de jour au centre hospitalier [19] de [Localité 23] de 2007 à 2009, puis à compter de l'année 2010 à la clinique psychiatrique "[16]" au [Localité 22], et à la clinique psychiatrique de [Localité 17], et enfin, dans le service de psychiatrie du centre hospitalier [20] en 2012 puis en 2016, date à compter de laquelle il s'est vu administrer un traitement psychotrope important.

Il en ressort bien ainsi une aggravation de l'état psychique de M. [K] par rapport à son précédent examen, qui évaluait son taux d'incapacité permanente à 9%, le docteur [T] l'estimant aujourd'hui à 35%, étant précisé qu'il ne présentait aucun état antérieur à l'accident.

Il convient de relever que ces éléments ainsi invoqués sont bien des éléments nouveaux, le rapport d'expertise du docteur [S] en date du 24 novembre 1998 ayant retenu, au titre des séquelles de l'accident, des "troubles psychologiques avec difficultés de concentration et peur de prendre les transports aériens" alors qu'il est relevé en 2020 "un tableau clinique polymorphe qui associe des manifestations anxio-dépressives sévères, des comportements phobo-obsessionnels, un comportement sthénique revendicateur à tonalité fortement sensitive et une incapacité à travailler avec vie affective et sexuelle inexistante" .

Au demeurant, les éléments cités par M [K], afin de démontrer l'aggravation de son état de santé, sont tous postérieurs à la décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris en date du 21 novembre 2001.

Ces éléments suffisent pour caractériser le motif légitime de M. [K] de faire constater avant toute éventuelle action réparatoire l'existence d'une aggravation de son état de santé ou de séquelles de l'accident qu'il a subi non encore décelées au cours des examens antérieurs, de sorte que sa demande ne peut s'analyser ni en une "contre-expertise" ni en une "nouvelle expertise", étant rappelé que la condition de l'urgence n'est pas requise pour l'application de l'article 145 précité

L'ordonnance sera dans ces conditions confirmée en ce qu'elle a fait droit à la désignation d'un expert.

Compte tenu du sens de cet arrêt il ne sera pas statué sur le contenu de la mission expertale, étant précisé que M. [K] entend la critiquer à titre subsidiaire,et que ce contenu relève au surplus du juge du fond, le rapport du docteur [N] étant déposé.

Le premier juge a fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civile et fondée de l'article 696 du même code, de sorte que l'ordonnance attaquée doit aussi être confirmée de ces chefs.

En cause d'appel, la société XL Insurance Company SE, dont les demandes sont rejetées, devra supporter les dépens.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de M. [K] les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer pour les besoins de la procédure d'appel, de sorte qu'il lui sera alloué à ce titre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ce, aux termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel interjeté par la société XL Insurance Company SE recevable,

Déclare recevable l'action de M. [K],

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 25 août 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris ;

Ajoutant à celle-ci,

Condamne la société XL Insurance Company SE aux dépens ;

Condamne la société XL Insurance Company SE à payer à M. [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/10034
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;22.10034 ?
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