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08/12/2022 | FRANCE | N°22/05268

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 08 décembre 2022, 22/05268


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 08 DECEMBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05268

N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOO6



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Février 2022 -Juge de la mise en état du TJ de PARIS - RG n° 20/10358



APPELANTS



Madame [S] [X]

[Adresse 5]

[Localité 12]

née le [Date naissance 7] 1955 à [Locali

té 15] (02)

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée par Me Cyril IRRMANN, avocat au barreau de PAR...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 08 DECEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05268

N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOO6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Février 2022 -Juge de la mise en état du TJ de PARIS - RG n° 20/10358

APPELANTS

Madame [S] [X]

[Adresse 5]

[Localité 12]

née le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 15] (02)

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée par Me Cyril IRRMANN, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [J] [X]

[Adresse 5]

[Localité 12]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 14] (02)

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assisté par Me Cyril IRRMANN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. MAAF ASSURANCES

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représentée et assistée par Me Stéphanie MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1710

Compagnie d'assurance MAIF

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée et assistée par Me Isabelle DUQUESNE CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0895

CPAM DU VAL D'OISE

[Adresse 3]

[Localité 11]

n'a pas constitué avocat

MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE (MGEN)

[Adresse 6]

[Localité 8]

n'a pas constitué avocat

HARMONIE MUTUELLE

[Adresse 2]

[Localité 8]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 6 août 2001, Mme [S] [X] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'elle était passagère du véhicule conduit par son époux, M. [J] [X] et assuré auprès de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la société MAIF).

L'autre véhicule impliqué dans l'accident était assuré auprès de la société Mutuelle d'assurance des artisans de France (la société MAAF).

Deux protocoles d'accord transactionnel étaient signés le 25 mars 2004 et le 23 février 2006 aux fins d'indemniser Mme [X] des conséquences de l'accident.

Une aggravation était déclarée le 24 octobre 2012. Un procès-verbal de transaction était signé le 26 juin 2014.

Une nouvelle aggravation était déclarée en 2015.

Par exploits des 16 et 19 octobre 2020, les époux [X] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société MAAF, la société MAIF, le groupe Mutuelle générale de l'Education Nationale (la MGEN), la société Harmonie mutuelle et la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise (la CPAM), tiers payeurs, aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par ordonnance rendue le 8 février 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, a :

- dit n'y avoir lieu à renvoyer l'examen des demandes au juge du fond,

- débouté les époux [X] de leurs demandes au titre de la fraude,

- déclaré que la société MAIF a intérêt à agir et est recevable à l'incident,

- déclarée recevable la demande des époux [X] s'agissant du manquement à l'obligation de conseil de son assureur comme non-prescrite,

- déclaré irrecevable Mme [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001 et à l'aggravation déclarée le 24 octobre 2012,

- déclaré irrecevable M. [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la communication de pièces,

- ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise médicale en aggravation de l'accident survenu le 6 août 2001 et désigné à cet effet le Docteur [E] [C], avec la mission habituelle en la matière,

- dit que l'original du rapport définitif sera déposé en double exemplaire au greffe de la 19ème chambre civile, contentieux accident de la circulation, tandis que l'expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil, avant le 8 juillet 2022 sauf prorogation expresse,

- fixé à la somme de 1 500 euros, le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par Mme [X] à la régie d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Paris avant le 22 mars 2022,

- dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d'expertise,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du mardi 29 mars 2022 à 13h30 pour vérification du versement de la consignation,

- débouté les époux [X] de leur demande d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de leur préjudice,

- déclaré la décision commune et opposable à la CPAM, la MGEN et la société Harmonie Mutuelle,

- dit que chaque partie gardera à sa charge ses dépens liés à la procédure d'incident,

- sursis à statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 10 mars 2022, les époux [X] ont interjeté appel de cette ordonnance en critiquant expressément chacune de ses dispositions.

A l'audience de plaidoiries la cour a demandé la communication par les consorts [X] de leurs conclusions d'incident devant le juge de la mise en état.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions des époux [X], notifiées le 28 juillet 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu les articles 2049 et 2052 du code civil,

Vu les articles 2224 et 2234 du code civil et L. 114-1 du code des assurances,

Vu les articles 789 et 122 du code de procédure civile,

- juger les époux [X] recevables et bien fondés en leur appel et en leurs demandes,

- annuler en son entier l'ordonnance du 8 février 2022 (RG n°20/10358) en ce que le juge de la mise en état a :

- excédé ses pouvoirs au regard de ceux du juge du fond et de l'article 789 du code de procédure civile,

- refusé, en contradiction avec les articles 4 et 5 du code de procédure civile, d'appliquer le principe aux termes duquel la 'fraude corrompt tout',

à défaut,

- infirmer l'ordonnance du 8 février 2022 (RG n°20/10358) en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à renvoyer l'examen des demandes au juge du fond,

- débouté les époux [X] de leurs demandes au titre de la fraude,

- déclaré que la société MAIF a intérêt à agir et est recevable l'incident,

- déclaré irrecevable Mme [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001 et l'aggravation déclarée le 24 octobre 2012,

- déclaré irrecevable M. [X] en ses demandes relatives l'accident du 6 août 2001,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la communication de pièces,

- ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise médicale en aggravation de l'accident survenu le 6 août 2001,

- débouté les époux [X] de leur demande d'indemnité provisionnelle valoir sur la réparation de leur préjudice,

- dit que chaque partie gardera sa charge ses dépens liés à la procédure d'incident,

- sursis à statuer sur les demandes présentes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires (mais uniquement lorsqu'elle déboute les époux [X] de leurs demandes),

en toute hypothèse et statuant à nouveau,

- juger la société MAIF irrecevable en ses demandes en vertu du principe selon lequel la fraude corrompt tout,

- juger la société MAIF irrecevable en ses demandes faute d'intérêt à agir,

- débouter la société MAIF de son appel incident,

- débouter la société MAIF de ses demandes,

- débouter la société MAAF de ses demandes,

- juger que les époux [X] ne peuvent se voir opposer l'autorité attachée aux protocoles litigieux, leurs demandes n'ayant pas le même objet,

- déclarer recevable Mme [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001 et à l'aggravation déclarée le 24 octobre 2012,

- déclarer recevable M. [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001 et à l'aggravation déclarée le 24 octobre 2012,

- désigner deux médecins experts, l'un spécialisé en orthopédie ou en médecine physique et de réadaptation (MPR), l'autre en psychiatrie, avec faculté de s'adjoindre tout sapiteur de leur choix, afin d'examiner Mme [X] et déterminer les conséquences de l'accident et de ses aggravations successives sur son état de santé, avec :

- s'agissant de la seconde aggravation (2014) : une mission complète « en aggravation», les parties n'étant pas parvenues à arrêter de conclusions médicales communes et aucune offre ou indemnisation n'ayant jamais eu lieu,

- s'agissant de la première aggravation (2012) : une mission « en aggravation » limitée à l'examen, sauf à parfaire, des postes de préjudice suivants :

- les dépenses de santé,

- les aménagements du domicile et du véhicule,

- le préjudice esthétique temporaire,

- la tierce personne après consolidation (jusqu'à la seconde aggravation),

- les arrêts de travail après consolidation,

- les frais futurs (prescription de chaussures orthopédiques...),

- le retentissement psychologique,

- le préjudice sexuel,

- le préjudice d'agrément,

- s'agissant de l'accident initial (2001) : une mission limitée à l'examen, sauf à parfaire, des postes de préjudice suivants :

- les dépenses de santé,

- le préjudice esthétique temporaire,

- la tierce personne temporaire,

- le retentissement psychologique,

- le préjudice professionnel (arrêt de travail...),

- les aménagements du domicile et du véhicule,

- le préjudice sexuel,

- ordonner que les experts désignés devront communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits,

- condamner in solidum les sociétés MAAF et MAIF à payer la consignation requise pour les expertises susvisées,

à titre subsidiaire,

- condamner in solidum les sociétés MAAF et MAIF à payer, à titre de provision pour le procès, à Mme [X] la somme de 5 000 euros,

- enjoindre la société MAIF de produire et verser aux débats, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir :

- toutes les correspondances échangées avec la société MAAF s'agissant de la négociation et des pourparlers en vue de l'indemnisation des époux [X] du préjudice initial,

- les offres d'indemnisation listant les préjudices et adressées aux époux [X],

- le mode de calcul appliqué pour établir les sommes revenant à Mme [X] au titre des préjudices soumis à recours,

- les publications de l'AREDOC visées dans ses écritures,

- si, par extraordinaire, la cour considérait qu'il convient, pour se prononcer sur une fin de non-recevoir, de trancher, au préalable, une question de fond, les époux [X] s'y opposent et demandent, conformément aux dispositions de l'article 789 alinéa 2 du code de procédure civile, à ce qu'il soit renvoyé devant la formation de jugement,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour se prononçait sur une question de fond, juger que la société MAIF a commis des fautes engageant sa responsabilité,

en tout état de cause,

- condamner la société MAIF à payer à Mme [X] la somme provisionnelle complémentaire de 10 0000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice et 1 000 euros à titre provisionnel à M. [X], victime par ricochet,

- condamner la société MAIF aux entiers dépens de l'incident, tant en première instance, qu'en appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et à la somme de 3 000 euros en appel,

- déclarer la décision à intervenir commune à la CPAM, la MGEN ainsi qu'à la société Harmonie mutuelle.

Vu les conclusions de la société MAAF, notifiées le 1er juillet 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu l'article 2052 du code civil,

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2022 en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à renvoyer l'examen des demandes au juge du fond,

- déclaré irrecevable Mme [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001 et à l'aggravation déclarée le 24 octobre 2012,

- déclaré irrecevable M. [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001,

- ordonné avant dire droit une mesure d'expertise médical en aggravation de l'accident survenu le 6 août 2021,

- dit que le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise devra être consigné par Mme [X],

- débouté les époux [X] de leur demande d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de leur préjudice,

- dit que chaque partie gardera à sa charge ses dépens liés à la procédure,

- sursis à statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

y ajoutant,

- rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2022,

- constater que M. [X] ne justifie d'aucun intérêt à agir au titre des préjudices découlant des aggravations des séquelles déclarées par Mme [X] et rejeter toutes ses demandes,

- préciser dans le dispositif de l'arrêt que la mission de l'expert désigné sera limitée à l'aggravation déclarée en 2015, et conforme à la mission d'expertise en aggravation de l'AREDOC,

- rejeter la demande de désignation de deux experts différents,

- rejeter la demande visant à mettre à la charge des sociétés MAAF et MAIF la consignation des honoraires de l'expert,

- rejeter la demande de provision pour le procès,

- rejeter la demande en garantie de la société MAIF,

- condamner les époux [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions de la société MAIF, notifiées le 29 juin 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les articles 2052 et suivants du code civil,

Vu les articles 2236 et suivants du code civil,

Vu l'article L.114-1 du code des assurances,

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- déclarer la société MAIF recevable et bien fondée en ses conclusions d'intimée et en son appel incident,

- déclarer que le juge de la mise en état n'a pas commis d'excès de pouvoir,

- déclarer que le principe 'la fraude corrompt tout' n'est pas applicable en l'espèce,

par conséquent,

- débouter les époux [X] de leur demande d'annulation de l'ordonnance,

- confirmer l'ordonnance rendue par le JME le 8 février 2022 (RG 20/10358) en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à renvoyer l'examen des demandes au juge du fond,

- débouté les époux [X] de leurs demandes au titre de la fraude,

- déclaré que la société MAIF a intérêt à agir et est recevable à l'incident,

- déclaré irrecevable Mme [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001 et à l'aggravation déclarée le 24 octobre 2012,

- déclaré irrecevable M. [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur la communication de pièces,

- ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise médicale en aggravation de l'accident survenu le 6 août 2001 avec pour mission habituelle strictement limitée à l'aggravation déclarée en 2015,

- débouté les époux [X] de leur demande d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de leur préjudice,

- déclaré la décision commune et opposable à la CPAM, la société MGEN et la société Harmonie mutuelle,

- dit que chaque partie gardera à sa charge ses dépens liés à la procédure d'incident,

- sursis à statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires (sauf celles formulées par la société MAIF et rejetées),

- infirmer l'ordonnance rendue par le JME le 8 février 2022 (RG 20/10358) en ce qu'elle a :

- déclaré recevable la demande des époux [X] s'agissant du manquement à l'obligation de conseil de son assureur comme non prescrite,

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables les demandes de dommages et intérêts pour prétendu défaut de conseil de la société MAIF,

- débouter les époux [X] et les autres défendeurs de toutes demandes fins et prétentions contraires,

en tout état de cause,

- condamner la société MAAF, assureur du responsable, à relever et garantir la société MAIF de toute indemnité, qui pourrait être mise à sa charge en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- condamner tout succombant à régler à la société MAIF la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, pour la procédure d'appel.

Par actes d'huissier de justice en date du 7 juin 2022 délivrés à personne habilitée, la CPAM, la MGEN et la société Harmonie mutuelle ont reçu signification de la déclaration d'appel et n'ont pas constitué avocat.

A l'audience la cour a sollicité la communication des conclusions d'incident des époux [X] déposées devant le juge de la mise en état.

Aucune note en délibéré n'a été demandée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La note en délibéré des époux [X] accompagnant leurs conclusions d'incident et les notes en délibéré de la société MAIF et de la société MAAF, dont le dépôt n'a pas été préalablement autorisé par la cour, seront rejetées.

Sur l'intérêt à agir de la société MAIF

Les époux [X] soulèvent le défaut d'intérêt à agir de la société MAIF au motif que 'la condamnation in solidum sollicitée par les victimes n'est qu'une modalité de paiement de sommes dues' et que la société MAIF est libre d'exercer son recours contre la société MAAF, seule débitrice d'indemnisation.

La société MAIF répond que dans la mesure où une demande de condamnation est formée à son encontre, elle a intérêt à soulever la prescription et à faire limiter la mesure d'expertise au seuls préjudices non prescrits, et ce indépendamment de l'exercice ultérieur d'un recours contre tiers.

Sur ce, les époux [X] sollicitent d'une part, une mesure d'expertise médicale de Mme [X] portant non seulement sur l'aggravation déclarée en 2015 mais également sur l'accident initial et l'aggravation du 24 octobre 2012, et d'autre part, l'allocation de provisions à valoir sur leur indemnisation, outre une provision ad litem.

Ils invoquent, pour fonder la recevabilité de leurs demandes, au regard de la prescription et de l'autorité des transactions intervenues avec la société MAAF, que la société MAIF aurait commis une fraude à leur encontre.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la société MAIF a intérêt à soulever des fins de non recevoir pour s'opposer aux demandes formées à son encontre.

Sur l'intérêt à agir de M. [X]

La société MAAF soulève le défaut d'intérêt à agir de M. [X] au titre des préjudices résultant des aggravations des séquelles déclarées par Mme [X].

Les époux [X] répondent que M. [X] qui a subi un préjudice d'affection, des troubles dans les conditions d'existence, un préjudice sexuel et 'tous les préjudices patrimoniaux qui peuvent avoir résulté de l'accident' a intérêt à agir.

Sur ce, M. [X] est l'époux de Mme [X] et vit avec elle ; s'agissant d'une victime par ricochet, il a intérêt à faire fixer les préjudices de son épouse, dont la nature et l'étendue peuvent avoir une incidence sur sa propre situation personnelle et conjugale.

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance

Les époux [X] reprochent au juge de la mise en état d'avoir commis un excès de pouvoir en se prononçant sur la portée des transactions conclues les 25 mars 2004 et 23 février 2006, ce qui relevait de la compétence du juge du fond, s'agissant d'apprécier l'intention des parties, au regard, non seulement, de ces actes, mais également des rapports d'expertise médicale, des lettres échangées entre les parties et des règlements et quittances intervenues.

Il ajoutent que le juge de la mise en état aurait dû renvoyer la société MAIF à mieux se pourvoir devant le juge du fond ou faire application de l'article 789 alinéa 2 du code de procédure civile dans la mesure où ils s'étaient opposés à ce que le juge de la mise en état tranche la question de fond permettant de se prononcer sur la fin de non recevoir qui avait été soulevée.

Ils fondent également leur demande sur le fait que juge de la mise en état aurait refusé, en contradiction avec les articles 4 et 5 du code de procédure civile, de se prononcer sur la fraude qu'ils invoquaient.

La société MAIF répond que le juge de la mise en état n'a pas commis d'excès de pouvoir, qu'il a justement estimé qu'il pouvait se prononcer sur les fins de non recevoir tirées de la prescription des demandes des époux [X] et de l'autorité des transactions, sans avoir au préalable à trancher une question de fond, et que dès lors il n'avait pas à renvoyer l'affaire devant les juges du fond. Elle ajoute que le principe selon lequel 'la fraude corrompt tout' ne s'applique pas en l'espèce, alors qu'il n'est pas démontré que la fraude aurait eu pour but de faire échec à la prescription.

La société MAAF conteste que le juge de la mise en état ait commis un excès de pouvoir au motif que les époux [X] n'ont pas prétendu devant le juge de la mise en état qu'apprécier les fins de non recevoir supposait de trancher au préalable une question de fond et ont seulement demandé à ce juge, s'il estimait que tel était le cas, de renvoyer l'affaire devant la formation de jugement.

***

Sur ce, selon l'article 789 du code de procédure civile 'Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.'

Par ailleurs il est mentionné dans le code de l'organisation judiciaire :

- à l'article L. 212-1 que 'Le tribunal judiciaire statue en formation collégiale, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger,'

- à l'article R. 212-8 que 'Le tribunal judiciaire connaît à juge unique : 1° des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre',

- à l'article R. 212-9 que 'En toute matière, le président du tribunal judiciaire ou le magistrat délégué par lui à cet effet peut décider qu'une affaire sera jugée par le tribunal judiciaire statuant à juge unique. Le renvoi à la formation collégiale peut être décidée par le président ou son délégué, soit à la demande du juge saisi, soit d'office'.

En l'espèce, dans le dispositif de l'ordonnance du 8 février 2022 le juge de la mise en état a notamment 'dit n'y avoir lieu à renvoyer l'examen des demandes au juge du fond, débouté les époux [X] de leurs demandes au titre de la fraude, déclaré irrecevable Mme [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2001 et à l'aggravation déclarée le 24 octobre 2012, déclaré irrecevable M. [X] en ses demandes relatives à l'accident du 6 août 2021".

En déboutant les époux [X] de leurs demandes au titre de la fraude, il a statué sur une question de fond qui était invoquée pour faire échec aux fins de non recevoir tirées d'une part, de la prescription des demandes des époux [X] et, d'autre part, de l'autorité des transactions conclues le 25 mars 2004 et le 23 février 2006.

Contrairement à ce qu'a estimé le juge de la mise en état, la fraude, si elle est démontrée, est susceptible d'avoir une incidence sur le point de départ de la prescription et d'empêcher la société MAIF et la société MAAF de se prévaloir, à l'encontre des époux [X], de l'autorité des transactions.

Dans leurs conclusions d'incident devant le juge de la mise en état en date du 19 mai 2021, les époux [X] ont précisé qu''Il convient, avant toute chose, de rappeler qu'il n'appartient pas au Juge de la mise en état de se prononcer sur l'existence, ou non, d'une faute, s'agissant d'une question de fond relevant du seul tribunal. Il n'y a donc pas lieu de se prononcer. Subsidiairement, sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article 789 Code de procédure civile : Si, par extraordinaire, le Juge de la mise en état considérait qu'il convient, pour se prononcer sur cette prétendue prescription, de trancher, au préalable, une question de fond, en l'occurrence l'existence de la faute de la MAIF, les époux [X] s'y opposent et demandent, conformément aux dispositions de l'article 789 alinéa 2 du Code de procédure civile, à ce qu'il soit renvoyé devant la formation de jugement.'

Il ressort clairement de ces énonciations que les époux [X] s'opposaient à ce que le juge de la mise en état statue sur l'existence de la fraude alléguée à l'encontre de la société MAIF.

Eu égard aux dispositions légales et réglementaires précitées, il convient de vérifier si l'affaire avait été attribuée à la formation collégiale du tribunal judiciaire, ce qui déterminera les pouvoirs qu'avait le juge de la mise en état de statuer ou non sur la question de fond devant être préalablement tranchée pour apprécier les fins de non recevoir soulevées.

Il y a lieu, avant dire droit sur la demande d'annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 8 février 2022, d'ordonner la réouverture des débats afin d'obtenir du greffe du tribunal judiciaire de Paris une copie du dossier de la procédure suivie par ce tribunal sous le numéro RG 20/10358 et d'inviter les parties à formuler leurs observations sur l'application des textes précités et sur l'orientation faite de cette procédure devant le juge unique ou la formation collégiale du tribunal judiciaire de Paris.

***

Les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile doivent être réservés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

- Dit que M. [J] [X] et la société Mutuelle d'assurance des artisans de France ont intérêt à agir,

Avant dire droit sur la demande d'annulation de l'ordonnance déférée,

- Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 16 mars 2023 à 14 heures (Salle d'audience Tocqueville, Escalier Z, 4ème étage)

- Invite le greffe du tribunal judiciaire de Paris 19ème chambre civile, à communiquer une copie du dossier de la procédure enrôlée sous le numéro RG 20/10358,

- Invite les parties à formuler leurs observations sur l'application des textes précités et sur l'orientation faite de cette procédure devant le juge unique ou la formation collégiale du tribunal judiciaire de Paris,

- Réserve les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 22/05268
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;22.05268 ?
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