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08/12/2022 | FRANCE | N°21/10257

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 08 décembre 2022, 21/10257


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 08 DECEMBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10257

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY2W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 - TJ d'Auxerre - RG n° 20/00019



APPELANTS



Monsieur [V] [H]

[Adresse 12]

[Localité 22]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 25]

Représenté par

Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN



Madame [F] [K] épous...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 08 DECEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10257

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY2W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 - TJ d'Auxerre - RG n° 20/00019

APPELANTS

Monsieur [V] [H]

[Adresse 12]

[Localité 22]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 25]

Représenté par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

Madame [F] [K] épouse [H]

[Adresse 12]

[Localité 22]

née le [Date naissance 9] 1973 à [Localité 24]

Représentée par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

Madame [U] [H]

[Adresse 12]

[Localité 22]

née le [Date naissance 11] 2003 à [Localité 27]

Représentée par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

Madame [Y] [H]

[Adresse 12]

[Localité 22]

née le [Date naissance 11] 2003 à [Localité 27]

Représentée par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

Madame [I] [H] représentée par ses responsables légaux en sa qualité de mineure, Monsieur [V] [H] et Madame [F] [K] épouse [H]

[Adresse 12]

[Localité 22]

née le [Date naissance 1] 2007 à [Localité 28]

Représentée par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

Monsieur [A] [N] [M] [H] représenté par ses responsables légaux en sa qualité de mineur, Monsieur [V] [H] et Madame [F] [K] épouse [H]

[Adresse 12]

[Localité 22]

né le [Date naissance 3] 2011 à [Localité 28]

Représenté par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

Madame [R] [H]

[Adresse 13]

[Localité 20]

née le [Date naissance 10] 1998 à [Localité 25]

Représentée par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

Madame [J] [L] [W] [E]

[Adresse 12]

[Localité 22]

née le [Date naissance 5] 1946 à [Localité 29]

Représentée par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

Monsieur [D] [S]

[Adresse 23]

[Localité 21]

né le [Date naissance 7] 1993 à [Localité 25]

Représenté par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

substitué à l'audience par Me Jenny Hayoun, avocat au barreau de MELUN

INTIMES

Monsieur [T] [X]

[Adresse 14]

[Localité 19]

né le [Date naissance 6] 1978 à [Localité 26]

Représenté et assisté par Me Marie METZGER, avocat au barreau d'AUXERRE

Compagnie d'assurance GROUPAMA GRAND EST

[Adresse 4]

[Localité 18]

Représentée et assistée par Me Marie METZGER, avocat au barreau d'AUXERRE

Compagnie d'assurance GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 16]

Représentée et assistée par Me Carole DURIF de la SELARL C. DURIF AVOCATS, avocat au barreau de SENS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 juin 2012, M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H] ont pris à bail un immeuble sis [Adresse 8] (Yonne) appartenant à M. [T] [X]. Dans la nuit du 26 juin 2013, un incendie s'est déclaré dans l'immeuble, occasionnant le décès de [C] [H], fille du couple.

Par ordonnance du 6 mai 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Auxerre a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [O] [Z] afin de déterminer la cause de l'incendie.

L'expert a déposé son rapport le 30 mai 2015.

La société Groupama Paris Val de Loire, assureur des époux [H], a procédé au règlement de la somme de 140 997,59 euros au profit de la société Amaline assurances, assureur de M. [X].

Par actes du 14 août 2019 et du 23 novembre 2019, M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [U] [H], née le [Date naissance 11] 2003, [Y] [H], née le [Date naissance 11] 2003, [I] [H] née le [Date naissance 17] 2007 et [A] [H], né le [Date naissance 3] 2011, ainsi que Mme [J] [E] veuve [K], grand-mère de [C] [H], Mme [R] [H], soeur de [C] [H], et M. [D] [S], demi-frère de [C] [H], ont fait assigner M. [X], la société Amaline assurances et la société Groupama Val de Loire devant le tribunal de grande instance d'Auxerre pour obtenir l'indemnisation des préjudices consécutifs au décès de [C] [H].

La société Groupama Grand Est est venue aux droits de la société Amaline assurances.

Par jugement rendu le 3 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Auxerre a :

- débouté M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [U] [H], [Y] [H], [I] [H], et [A] [H], Mme [J] [E] veuve [K], Mme [R] [H] et M. [D] [S] de l'ensemble de leurs demandes d'indemnisation,

- débouté la société Groupama Val de Loire de sa demande en remboursement de la somme de 5 000 euros versée aux époux [H] à titre d'acompte,

- débouté les parties de leurs demandes respectives formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [U] [H], [Y] [H], [I] [H], et [A] [H], Mme [J] [E] veuve [K], Mme [R] [H] et M. [D] [S] aux dépens de l'instance, incluant les frais d'expertise,

- dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 2 juin 2021 M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [U] [H], [Y] [H], [I] [H], et [A] [H], Mme [J] [E] veuve [K], Mme [R] [H] et M. [D] [S] (les consorts [H]) ont interjeté appel de cette décision en visant expressément chacune de ses dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions des consorts [H], notifiées le 29 juillet 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu les articles 1719, 1720 et 1721 du code civil,

- infirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire d'Auxerre du 3 mai 2021 en ce qu'il a :

- débouté M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [U] [H], [Y] [H], [I] [H], et [A] [H], Mme [J] [E] veuve [K], Mme [R] [H] et M. [D] [S] de l'ensemble de leurs demandes d'indemnisation,

- débouté la société Groupama de sa demande en remboursement de la somme de 5 000 euros versée aux époux [H] à titre d'acompte,

- débouté les parties de leurs demandes respectives formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [U] [H], [Y] [H], [I] [H] et [A] [H], Mme [J] [E] veuve [K], Mme [R] [H] et M. [D] [S] aux dépens de l'instance, incluant les frais d'expertise,

et, statuant à nouveau,

- déclarer M. [X] responsable de l'incendie survenu le 26 juin 2013 et des conséquences dommageables de ce dernier,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances, à réparer les préjudices subis par les époux [H] tant personnellement qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, ainsi que le préjudice subi par Mme [R] [H], Mme [J] [E] veuve [K] et M. [D] [S],

en conséquence,

- débouter M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre des époux [H] tant personnellement qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, ainsi que le préjudice subi par Mme [R] [H], Mme [J] [E] veuve [K] et M. [D] [S],

- condamner solidairement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances, à verser au titre de leur préjudice d'affection pour la perte de leur enfant [C] [H] une somme de 30 000 euros, à M. [V] [H] d'une part et à Mme [F] [K] épouse [H] d'autre part,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances à verser au titre de son préjudice d'affection une somme de 12 000 euros à Mme [R] [H], soeur de l'enfant [C] [H],

- condamner conjointement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances à verser au titre de son préjudice d'affection à M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H] en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [U] [H], [Y] [H], [I] [H], [A] [H], la somme de 12 000 euros pour préjudice d'affection pour chacun d'eux,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances à verser à M. [D] [S] la somme de 12 000 euros pour préjudice d'affection,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances à verser à Mme [J] [E] veuve [K] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurance à verser à M. et Mme [H] une somme de 31 951,75 euros en réparation de leur préjudice patrimonial,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances à verser à chacun des demandeurs la somme de 2 000 euros pour frais irrépétibles de représentation en cause d'appel,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances aux dépens.

Vu les conclusions de la société Groupama Grand Est et de M. [X], notifiées le 13 septembre 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu les articles 1 719 et suivants du code civil,

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 3 mai 2021 par le tribunal judiciaire d'Auxerre,

en conséquence,

- débouter M. [V] [H] et Mme [F] [K] épouse [H] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [U] [H], [Y] [H], [I] [H] et [A] [H], Mme [J] [E] veuve [K], Mme [R] [H] et M. [D] [S] de l'ensemble de leurs demandes,

à titre subsidiaire,

- réduire les sommes réclamées par les consorts [H] à de plus justes proportions.

Vu les conclusions de la société Groupama Paris Val de Loire, notifiées le 24 novembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 1733 du code civil,

- constater que les appelants ne formulent aucune demande à l'encontre de la société Groupama Paris Val de Loire,

- constater que M. [X] et lma société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances ne formulent aucune demande à l'encontre de la société Groupama Paris Val de Loire,

- infirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Auxerre en date du 3 mai 2021,

en conséquence,

- constater la responsabilité de M. [X] concernant l'incendie du 26 juin 2013,

- donner acte à la société Groupama Paris Val de Loire de ce qu'elle se réserve le droit de solliciter le remboursement par la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances des sommes qu'elle a dû avancer, à savoir 140 997,59 euros, dans l'hypothèse où la responsabilité de M. [X], concernant l'incendie du 26 juin 2013, serait reconnue par la cour et qu'il soit condamné à prendre en charge les conséquences dommageables du sinistre,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur, la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances à rembourser à la société Groupama Val de Loire, la somme de 5 000 euros, réglée à Mme [F] [K] épouse [H], à titre d'acompte, le 8 juillet 2013,

- condamner solidairement M. [X] et son assureur, la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances à régler à la société Groupama Val de Loire, une somme de 2 000 euros, dans le cadre de la procédure d'appel, et 1 500 euros dans le cadre de la procédure de première instance, par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [X] et la société Groupama Grand Est venant aux droits de la société Amaline assurances, aux entiers dépens d'appel et de première instance, dont distraction au profit de la SELARL C. Durif avocats, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité

Le tribunal se fondant sur l'article 1733 du code civil a considéré que s'il était démontré par le rapport d'expertise de M. [Z] que l'installation électrique du bien appartenant à M. [X] donné à bail aux époux [H] était dangereuse, ce qui caractérisait une faute du bailleur, la cause de l'incendie demeurait indéterminée de sorte qu'il n'était pas établi qu'en l'absence de cette faute l'incendie ne se serait pas déclaré.

Les consorts [H] font valoir que l'expert [Z] et son sapiteur, M. [G] [B], technicien en scène d'incendie, ont écarté l'hypothèse d'un incendie provoqué par une bougie restée allumée, qui avait été évoquée au cours de l'enquête de gendarmerie ; ils précisent que même à supposer que [R] [H] ait allumé une bougie, cela n'implique aucun lien de causalité avec le déclenchement bien plus tard d'un incendie.

Ils précisent en outre que les experts n'ont relevé aucune cause humaine du sinistre pouvant leur être imputée (absence de paraffine, de mèche, de support décoratif, de trace de briquet...).

Ils ajoutent que l'expert, à la lecture du dossier de diagnostic technique de l'immeuble, a relevé l'extrême dangerosité de l'installation électrique qui a créé un risque important de défaillance électrique pouvant être à l'origine de l'incendie, ce que le bailleur ne pouvait ignorer.

Les consorts [H] estiment ainsi qu'il est établi que l'incendie a eu pour origine une défaillance de l'installation électrique et que celle-ci constitue un vice de construction exonérant les époux [H] de la présomption de responsabilité qui pèse sur eux en vertu de l'article 1733 du code civil mais engage celle de M. [X] en vertu de l'article 1719 du même code.

M. [X] et la société Groupama Grand-est répondent que pour s'exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur eux, en leur qualité de preneurs du bien loué, en vertu de l'article 1733 du code civil, les époux [H] doivent rapporter la preuve que l'incendie a été causé par l'installation électrique défectueuse, le lien de causalité devant être direct et certain, ce qu'ils ne font pas.

Ils contestent que M. [X], qui a vécu 18 mois dans le bien avec sa famille, ait eu conscience de la dangerosité de l'installation électrique.

Ils soutiennent que M. [Z] n'est pas affirmatif dans son rapport et ne fait état que de présomptions techniques et de son propre point de vue et que son sapiteur M. [B] a indiqué qu'il n'a pas été retrouvé au point d'origine d'élément permettant d'établir la cause exacte du départ de feu, que l'énergie d'activation n'a pas pu être mise en évidence et qu'ainsi il classe l'incendie en incendie de cause indéterminée.

La société Groupama Paris Val de Loire fait valoir que les conditions de l'article 1733 du code civil sont remplies puisque le rapport d'expertise démontre que le démarrage de l'incendie n'est pas dû à une bougie qui aurait été allumée par Mme [R] [H], ni à aucune cause humaine.

Elle relève que ce rapport met en évidence les graves défaillances de l'installation électrique notamment au regard du diagnostic électrique du 6 septembre 2010 qui n'avait jamais été porté auparavant à la connaissance de M. [V] [H].

Elle ajoute que l'expert indique en page 19 de son rapport que 'le réseau électrique est donc parfaitement susceptible d'avoir été déclenchant' mettant en évidence le fait que la 'disjonction' du courant, intempestive, quelques secondes avant la catastrophe, était un signe évident d'une vraie difficulté ou faiblesse sur le réseau, et a priori au niveau des chambres.

***

Sur ce, il résulte de l'article 1733 du code civil que le preneur répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve que celui-ci est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.

La seule preuve de l'existence d'un défaut d'entretien imputable au bailleur ne peut exonérer le preneur s'il n'est pas établi qu'il est à l'origine de l'incendie.

En application des dispositions précitées, les époux [H] sont présumés responsables des conséquences dommageables de l'incendie qui est survenu le 26 juin 2013 dans le bien qui leur avait été donné à bail par M. [X], sauf à ce qu'ils rapportent la preuve directe et positive que cet incendie a été causé par un vice de construction, les autres causes d'exonération du preneur n'étant pas invoquées.

En l'espèce, M. [B], pompier, technicien en scènes d'incendie, sapiteur de M. [Z], lui-même ingénieur, a précisé dans ses conclusions figurant en page 38 du rapport d'expertise que la chambre Z en haut de l'escalier (la chambre qu'occupait Mme [R] [H]), a été le lieu d'origine de l'incendie et que les premiers aliments du feu ont été le bois de charpente (pan de bois et solive) et le revêtement de sol.

S'il ressort de l'enquête pénale, qu'au cours des auditions auxquelles les gendarmes ont procédé, il a été indiqué qu'une bougie aurait été allumée par l'un des enfants peu avant que l'installation électrique disjoncte, M. [B] a indiqué n'avoir retrouvé ni trace visuelle de paraffine, de mèche ou de support décoratif lié à la présence d'une bougie d'agrément, ni d'article de fumeur (briquet, cigarette, mégots, cendrier) ni de trace d'un accélérant au point d'origine, situé dans la chambre Z.

Le rapport de diagnostic électrique de la maison donnée à bail dressé le 6 septembre 2010, qui a été produit aux débats, fait état de diverses anomalies, dont il n'est pas établi qu'elles aient été portées à la connaissance des preneurs, concernant l'appareil général de commande et de protection et son accessibibilité, la protection différentielle à l'origine de l'installation électrique et sa sensibilité appropriée aux conditions de mise à la terre, la protection contre les surintensités adaptée à la section des conducteurs sur chaque circuit, l'adéquation des règles liées aux zones et de l'installation électrique aux conditions particulières des locaux contenant une baignoire et une douche, des matériels électriques présentant des risques de contact direct avec des éléments sous-tension, des conducteurs non protégés mécaniquement et des matériels vétustes inadaptés à l'usage.

M. [V] [H] a indiqué à l'expert que le courant électrique sautait fréquemment et l'enquête pénale démontre que cela a été le cas peu avant que l'incendie se déclare.

Néanmoins, M. [B] a précisé que les appareillages (convecteur électrique et chaîne Hi-Fi) situés dans la chambre Z ne présentaient pas de signe de départ de feu et qu'il n'avait pas retrouvé au point d'origine d'élément permettant d'établir la cause exacte de ce départ de feu.

S'il n'a pas exclu un échauffement du câblage électrique en contre-cloison, ou boîtier de dérivation avec dominos, cet équipement de dérivation possible ayant été entièrement détruit dans l'incendie, il a conclu 'l'énergie d'activation n'a pu être mise en évidence, nous classons cet incendie en incendie de cause indéterminée'.

Quant à M. [Z], s'il a estimé que l'installation électrique de l'habitation, représentait en raison de ses graves défaillances un véritable danger, il a conclu son rapport sans être affirmatif en indiquant 'le bien loué présentait un risque important de défaillance électrique pouvant être à l'origine de l'incendie'.

Il résulte des éléments qui précèdent que l'origine de l'incendie demeure indéterminée et qu'il ne peut être affirmé que les défectuosités de l'installation électrique, constitutives d'un défaut d'entretien du bien donné à bail aux époux [H], ont été à l'origine de celui-ci, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [H] et la société Groupama Val de Loire de leurs demandes.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Compte tenu des circonstances de l'espèce et de l'équité chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles et dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/10257
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.10257 ?
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