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08/12/2022 | FRANCE | N°20/10332

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 08 décembre 2022, 20/10332


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 08 DECEMBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10332

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDLQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2020 -TJ de BOBIGNY RG n° 15/01328



APPELANTES



Compagnie d'assurance GENERALI IARD

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Me Laurent FILMON

T de la SELARL FL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1677

ayant pour avocat plaidant Me Laetitia MINICI, avocat au barreau de PARIS



Société [12]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représent...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 08 DECEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10332

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDLQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2020 -TJ de BOBIGNY RG n° 15/01328

APPELANTES

Compagnie d'assurance GENERALI IARD

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Me Laurent FILMONT de la SELARL FL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1677

ayant pour avocat plaidant Me Laetitia MINICI, avocat au barreau de PARIS

Société [12]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée et assistée par Me Laurent FILMONT de la SELARL FL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1677

ayant pour avocat plaidant Me Laetitia MINICI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Madame [D] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 9]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 11] (93)

Représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 427

assistée par Me Alain CORNEC, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

S.A. MAAF ASSURANCES

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 27 juin 2008, Mme [D] [Y] a été victime d'un accident d'équitation alors qu'elle participait à une reprise équestre organisée par la société coopérative d'intérêt collectif [12] (la société [12]), assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali).

La société Generali a indemnisé Mme [Y] de l'intégralité des frais médicaux restés à sa charge en exécution de la garantie des dommages corporels incluse dans la police d'assurance..

A la demande de la société Generali, Mme [Y] a été examinée par le Docteur [J] le 17 septembre 2010. La date de la consolidation définitive a été fixée au 27 juin 2009.

Par ordonnance du 15 février 2012, le juge des référés a désigné le Docteur [A] [K] en qualité d'expert aux fins d'évaluation des préjudices de Mme [Y] et a alloué à celle-ci une provision de 2 000 euros à valoir sur la liquidation définitive de ses préjudices.

Le Docteur [K] après avis du Professeur [J], stomatologiste, a déposé son rapport le 24 janvier 2013.

Par exploits des 18 et 19 décembre 2014, régularisés par acte du 17 février 2016, Mme [Y] a fait assigner la société Mutuelle d'assurance des artisans de France (la société MAAF), la société [12], la société Generali et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-saint-Denis (la CPAM) devant le tribunal de grande instance de Bobigny afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement rendu le 12 mai 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- déclaré la société [12], assurée par la société Generali, responsable du dommage causé à Mme [Y] du fait de l'accident du 27 juin 2008,

- prononcé la mise hors de cause de la société MAAF,

- rejeté la demande formée par la société MAAF au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes,

- avant dire droit, ordonné une expertise médicale de Mme [Y] et désigné pour y procéder le Docteur [N] [M], neurologue, et le Docteur [N] [H], stomatologue, avec mission habituelle en la matière,

- dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par Mme [Y] qui devra consigner à cet effet la somme de 3 000 euros à valoir sur la rémunération des experts, entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Bobigny, avant le 31 juillet 2020,

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de des experts sera caduque, sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime, et qu'il sera tiré toutes conséquences de l'abstention ou du refus de consigner,

- dit que les experts déposeront l'original de leur rapport unique au greffe de la 6ème chambre - section 1 du tribunal judiciaire de Bobigny dans les 8 mois du jour où ils auront été saisis de la mission,

- réservé les dépens,

- déclaré la présente décision commune et opposable à la CPAM,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 22 juillet 2020, les sociétés Generali et [12] ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 30 juin 2022 le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure et a fixé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 6 octobre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions des sociétés Generali et [12], notifiées le 29 juin 2022, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :

en début de procès,

Vu les articles 901 et suivants du code de procédure civile,

- déclarer la fin de non-recevoir invoquée par Mme [Y] infondée,

- juger l'appel des sociétés Generali et [12] recevable et bien fondé,

à titre principal,

- juger l'appel des sociétés Generali et [12] recevable et bien fondé,

Vu les dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, 1231-1 nouveau du code civil,

- juger que la société [12] n'a commis aucune faute au titre de son obligation de sécurité,

- réformer en conséquence le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 12 mai 2020 en ce qu'il a déclaré la société [12] responsable de l'accident survenu au préjudice de mme [Y] le 27 juin 2008,

- débouter Mme [Y] de toutes fins et prétentions,

- juger que Mme [Y] peut seulement prétendre à l'application de la police d'assurance 'individuelle accident',

à ce titre,

- juger que la société Generali a d'ores et déjà procédé au remboursement des frais de santé restés à charge,

- juger que le déficit fonctionnel permanent de Mme [Y] est insuffisant pour déclencher la garantie due par la société Generali de ce chef,

- juger en conséquence que la société Generali ne saurait être tenue à aucune indemnisation à l'égard de Mme [Y] à ce titre,

- débouter la CPAM de toutes fins et prétentions,

- condamner Mme [Y] au règlement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure de première instance outre 3 000 euros au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les demandes présentées de ce chef par les concluants et en ce qu'il a réservé les dépens,

à titre subsidiaire,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 12 mai 2020 en ce qu'il a fait droit à la demande d'expertise formulée par Mme [Y],

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 12 mai 2020 en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes indemnitaires formulées par Mme [Y],

statuant à nouveau,

- débouter Mme [Y] de sa nouvelle demande d'expertise,

- juger que les sommes à revenir à Mme [Y] au titre de l'indemnisation de ses préjudices seront limitées à :

- 5 000 euros au titre des souffrances endurées

- 3 500 euros au titre de l'incapacité permanente partielle

- rejet et subsidiairement 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- déduire de toute somme à venir à Mme [Y] la somme de 2 000 euros d'ores et déjà perçue à titre de provision,

- débouter Mme [Y] de toute autre demande,

- faute pour la CPAM de démontrer l'imputabilité des débours exposés à l'accident, la débouter de toutes fins et prétentions,

- réduire dans de larges proportions toute somme à lui revenir au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de Mme [Y], notifiées le 29 juin 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

liminairement,

Vu les articles 901 et 562 du code de procédure civile,

- juger que la déclaration d'appel des appelants en date du 22 juillet 2020 est dépourvue d'effet dévolutif,

- confirmer en son intégralité le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 12 mai 2020,

à titre subsidiaire,

Vu l'article 1147 du code civil dans sa version précédente,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 12 mai 2020,

- dire et juger la société [12] entièrement responsable des conséquences de l'accident de la circulation de Mme [Y] survenu le 27 juin 2008,

en conséquence,

- condamner solidairement la société [12] et sa société d'assurance, la société Generali, à verser à Mme [Y] les sommes suivantes en réparation, en l'état, du seul préjudice identifié par le Docteur [J] :

- préjudice de douleur : 12 000 euros

- incapacité permanente partielle : (tel que confirmé par le Docteur [K]) 10 500 euros, (sous réserve du préjudice résultant des symptômes post-commotionnels et neurologiques)

- préjudice d'agrément : 2 500 euros

- préjudice familial : 25 000 euros,

- surseoir à l'évaluation de toutes autres préjudices corporels ou psychologiques jusqu'à la fin des mesures d'expertise en cours,

- donner acte à Mme [Y] que les demandes ci-dessus sont formulées sous réserve d'une éventuelle aggravation de son préjudice postérieur au dépôt des rapports d'expertise ci-dessus mentionnés,

- donner acte à Mme [Y] de ce qu'une provision d'un montant de 2 000 euros lui a été versée au titre du préjudice subi,

- donner acte à Mme [Y], immatriculée sous le numéro de sécurité sociale 2 74 01 93 046 048/14, de ce qu'elle a régulièrement mis en cause la CPAM,

- donner acte à Mme [Y] de ce qu'elle a perçu de la société MAAF de 1 378,80 euros le 7 novembre 2008 au titre de son arrêt de travail,

en tout état de cause,

- condamner solidairement les sociétés Generali et [12] à verser à Mme [Y] une somme d'un montant de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés Generali et [12] à payer à la société MAAF toutes sommes résultant de sa mise en cause, tant en première instance qu'en appel,

- condamner solidairement les sociétés Generali et [12] en tous les dépens, incluant le remboursement des frais d'expertise.

Vu les conclusions de la société MAAF, notifiées le 1er décembre 2020, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- recevoir la société MAAF en ses conclusions d'intimée et les dire bien fondées,

- recevoir la société MAAF en son appel incident en la déclarer bien fondée,

y faisant droit,

- confirmer le jugement rendu le 12 mai 2020 par la 6ème chambre du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la société MAAF,

- infirmer le jugement rendu le 12 mai 2020 par la 6ème chambre du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a rejeté la demande la société MAAF au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- condamner toute partie succombant à payer à la société MAAF la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- condamner in solidum les sociétés Generali et [12] à payer à la société MAAF la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Generali et [12] aux dépens de la présente instance.

La CPAM qui a constitué avocat n'a pas conclu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les conclusions de la société Generali et de la société [12] notifiées le 2 août 2022, après la clôture de la procédure, ne peuvent être prises en considération, aucune cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture n'étant justifiée ni même alléguée.

Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel

Mme [Y] reproche aux appelants d'avoir seulement indiqué dans leur déclaration d'appel que l'appel était total et d'avoir joint à celle-ci un document renvoyant aux chefs du jugement critiqués, sans justifier d'un empêchement d'ordre technique leur permettant de compléter leur déclaration d'appel et de ne pas avoir régularisé celle-ci dans le délai qui leur était imparti pour conclure au fond.

La société [12] et la société Generali répondent que le rappel des chefs de jugement critiqués supposait l'utilisation d'un nombre plus important de caractères que les 4 080 caractères autorisés, de sorte qu'elles ont été confrontées à un empêchement technique ; elles ajoutent que leur déclaration d'appel renvoie expressément à une annexe qui y est jointe, qui a été adressée en même temps que la déclaration d'appel et reprend l'ensemble des chefs de jugement critiqués ; cette déclaration d'appel est donc, selon elles, régulière.

***

Sur ce, le décret n° 2022-245 du 25 février 2022, modifiant l'article 901 du code de procédure civile, et l'arrêté du 25 février 2022, modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel, sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent, qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

Une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique.

En l'espèce, la déclaration d'appel a été formée le 20 juin 2020, soit antérieurement à l'entrée en vigueur des textes précités et comporte la mention 'appel total : cf document joint' ; dans le document envoyé par RPVA le même jour ils ont critiqué expressément toutes les dispositions du jugement, sauf celles relatives à la mise hors de cause de la société MAAF et au rejet des demandes de la société MAAF au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette déclaration d'appel qui n'a pas été annulée par une ordonnance irrévocable du conseiller de la mise en état est donc valable, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la société [12] et la société Generali ont été confrontées ou non à un empêchement technique.

Sur la responsabilité

Le tribunal a retenu qu'en invitant Mme [Y] à franchir un saut d'obstacle d'un hauteur beaucoup plus élevée que son niveau et sa pratique du cheval ne l'y autorisaient, de surcroît avec un cheval manifestement nerveux ce jour-là, et que l'élève n'avait pas l'habitude de monter régulièrement, le centre équestre avait commis une erreur d'appréciation et une faute d'imprudence, directement à l'origine de la chute de Mme [Y].

La société [12] et la société Generali soutiennent que la société [12] n'était tenue que d'une obligation de sécurité de moyen à l'égard de Mme [Y] et que sa faute doit être prouvée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Elles précisent ainsi que l'activité était encadrée par une monitrice diplômée, avec seulement cinq participants qu'elle pouvait aisément contrôler, que le cheval confié à Mme [Y] était présent dans l'établissement depuis cinq ans et était particulièrement calme et docile, réservé aux cavaliers jusqu'au galop 4, ainsi qu'en attestent divers témoins, que l'obstacle à franchir ne dépassait pas 50 cm de haut et n'excédait pas les compétences de Mme [Y] qui était titulaire d'un galop 3.

Elles critiquent l'expertise officieuse de M. [C] qui selon elles n'a jamais vu le cheval monté par Mme [Y] et qui énonce des faits contradictoires (ainsi le cheval est décrit comme particulièrement vif et il est dans le même temps affirmé que ses cavaliers utilisaient des éperons pour le monter) et erronés (ainsi il est dit que les chevaux de club doivent être montés huit heures par jour alors que les haras nationaux préconisent seulement six à huit heures de travail par semaine).

Elles estiment que l'analyse faite par un expert graphologue de la mention surchargée de la déclaration d'accident n'est pas probante et ajoutent d'une part, que Mme [Y] devait passer un obstacle constitué d'une seule barre, puis franchir un oxer posé sur des cubes en plastique, dont l'utilisation est courante dans les centres équestres et dont le plus haut disponible dans le commerce mesure 80 cm, et qu'elle a chuté lors du franchissement du premier obstacle, et d'autre part, qu'une experte graphologue qu'elles ont missionné a conclu que si la déclaration d'accident comporte une rature sur la hauteur de l'obstacle, la mention initiale était 40 cm et non 90 cm.

Mme [Y] soutient qu'elle était une cavalière peu expérimentée, pratiquant de façon occasionnelle et que la monitrice n'a pas adapté les conditions de la reprise à sa compétence ; elle avance ainsi que le cheval était difficile et que l'expert qu'elle a missionné, M. [C], a noté que l'animal qu'elle montait, un 'double poney', était d'une origine qui 'génère des animaux assez vifs, de fort caractère' et que certains moniteurs avaient confirmé avoir pour habitude de le monter avec des éperons et de ne le confier généralement qu'aux élèves de galop 6.

Elle avance en outre que des tiers ont attesté que le cheval qu'elle montait était vif et nerveux.

Elle ajoute que la monitrice a fait usage de la chambrière au moment du saut et a crié et que l'obstacle était trop haut et trop profond pour ses compétences et dépassait les capacités du cheval, ce qui a entraîné le refus de saut du cheval puis sa chute ; elle précise que la déclaration d'accident a été raturée par la monitrice quant à la hauteur de l'obstacle et que M. [C] a consulté une graphologue qui a conclu que la mention de départ était 90 cm.

Elle conteste enfin la crédibilité des attestations communiquées par les appelants car elles émanent d'employés ou d'administrateurs du club.

***

Sur ce, il résulte de l'article 1147 du code civil devenu 1231-1 du code civil, qu'un centre équestre qui donne des leçons d'équitation n'est tenu que d'une obligation de moyens, en ce qui concerne la sécurité des cavaliers et qu'il ne peut être déclaré responsable de la chute de l'un d'eux que s'il a manqué à son obligation de prudence et de diligence, peu important que la chute ait été due ou non au fait de l'animal.

S'agissant d'une obligation de moyens, c'est sur la victime que pèse la charge de la preuve d'un manquement du centre équestre à son obligation de prudence et de diligence.

En l'espèce, il est constant que Mme [Y] a chuté le 27 juin 2008, lors d'un cours d'équitation organisé par la société [12], dispensé par son employée Mme [X] [T], et plus particulièrement lors d'un exercice de saut d'obstacles, alors qu'elle montait le cheval appelé Idem de Saint Mamet.

Il est également acquis aux débats et il ressort de sa licence pour l'année 2008 que Mme [Y] était titulaire du galop 3.

Il est démontré par le brevet d'Etat en date du 12 août 2004 que Mme [T] était titulaire du brevet d'Etat d'éducateur sportif du premier degré.

La déclaration de sinistre signée par Mme [Y] et Mme [T] fait état d'un accident survenu au sein de la carrière.

Le verso de cette déclaration, remplie par Mme [T], mentionne quant aux circonstances de l'accident 'Séance d'obstacle, le cheval ayant déjà sauté l'obstacle en question, la cavalière revient le sauter, elle sort de son virage au petit galop, mais au visu de l'obstacle le cheval accélère trois foulées avant mais se trompe dans son abord et traverse l'obstacle ( de 50 cm de haut) en tombant à genoux derrière. La cavalière déséquilibrée tombe la tête la première. Elle est consciente, les pompiers sont alertés aussitôt'.

Il s'avère que la mention '50" de la déclaration précitée est surchargée ; il n'est pas dénié que la déclaration d'accident et la mention raturée ont été apposées par Mme [T] ; M. [C], expert officieux désigné par Mme [Y], indique dans son rapport avoir fait appel à une graphologue qui a estimé que le nombre écrit au-dessous de la mention '50" était '90".

Or, la société [12] et la société Generali ont communiqué leur propre expertise graphologique officieuse qui conclut que c'est le nombre '40" qui a été corrigé en '50", ainsi qu'une attestation de Mme [T] affirmant que Mme [Y] a participé au cours composé de cavaliers d'un niveau 'nettement inférieur'au sien et qu'elle avait monté 'la hauteur du vertical, qui de 40cm passe à 50 cm pour Mme [I] [ Mme [D] [Y] ] afin que cela corresponde à son niveau d'équitation'.

En outre, l'extrait du registre des chutes de l'année 2008, photographié par un huissier de justice et produit aux débats, mentionne '[X] 27/06 [D] [I] Idem. Idem accélère 3 foulées avant d'aller sauter un obstacle de 50 cm déjà franchit, il se trompe dans ses abords et le traverse, tombe à genou. [D] tombe la tête la première. Ne bouge plus, est consciente. Pompiers appelés aussitôt'.

Il ressort de ces éléments concordants que la barre que Mme [Y] a sauté était d'une hauteur de 50 cm et que son franchissement entrait dans son niveau de compétence de galop 3.

Si M. [C], expert auquel Mme [Y] a eu recours, a énoncé, s'agissant d'Idem Saint Mamet que 'l'enquête menée révèle un animal difficile qui a généré de très nombreux accidents'et que les moniteurs lui avaient indiqué avoir eu pour habitude de le monter avec des éperons et de ne le confier généralement qu'aux élèves de galop 6, il n'a pas précisé la teneur de cette enquête et la société [12] a communiqué de nombreuses attestations de moniteurs, anciens moniteurs et cavaliers inscrits au club, affirmant tous qu' Idem de Saint Mamet était un poney doux, calme, stable et facile d'utilisation, tant sur le plat que sur l'obstacle, et adapté à tous niveaux de débutant à galop 4.

Au surplus, contrairement à ce qu'il a indiqué, il n'est établi ni que Idem de Saint Mamet était insuffisamment monté ni que cela aurait eu une incidence sur son comportement, alors que les attestations susvisées indiquent qu'il était monté régulièrement et que les chevaux et poneys étaient travaillés quotidiennement, que l'historique du montoir établit qu'il l'était en reprise 2 à 3 heures par jour et que la fiche sur la 'création et conduite d'un centre équestre'' éditée par le réseau économique de la filière équine de plusieurs régions qui a été produite aux débats mentionne que 'selon les approches économiques réalisées, les charges sont équilibrées avec 6 à 8 heures d'enseignement par semaine par équidé...Un cheval peut faire 2 à 3 reprises par jour, 4 au maximum les jours les plus chargés ...'.

Les attestations de M. [S] [V] communiquées par Mme [Y], indiquant qu'Idem de Saint Mamet avant de sauter l'obstacle était 'particulièrement vif et nerveux' et que la monitrice avait utilisé une chambrière, et celle de Mme [P] [Z], affirmant que Mme [Y] 'venait de sauter l'obstacle' et qu'elle n'avait pas compris pourquoi la monitrice lui avait demandé de 'revenir sauter à nouveau alors que le cheval était très excité', ne sont pas suffisamment probantes quant aux imprudences qui auraient été commises par la monitrice.

En effet, ces témoins ne sont pas des cavaliers pouvant justement apprécier l'état et la difficulté d'un cheval et les attestations susvisées produites aux débats par la société [12] et la société Generali indiquent, outre qu'Idem de Saint Mamet était de façon habituelle doux et facile à monter, que les chambrières ne sont utilisées que dans les petits manèges lorsque les chevaux et poneys sont en reprise pour les faire avancer et ne peuvent être utilisées lors du travail individuel, notamment sur les obstacles.

En outre, Mme [E] [F] dont la présence comme cavalière du cours de Mme [T] lors de l'accident a été affirmé par Mme [Z] dans son témoigne a elle-même attesté ne pas avoir été présente au club ce jour-là.

Par ailleurs, l'historique des montoirs de Mme [Y] démontre, qu'avant l'accident et depuis le mois de mars 2008, elle avait monté Idem de Saint Mamet à trois reprises et l'extrait du fichier des reprises du club révèle que le 27 juin 2008 à 20 heures, cinq autres cavaliers participaient à la séance au cours de laquelle Mme [Y] a chuté ; enfin l'attestation de Mme [T] fait état de ce que Mme [Y] portait sa bombe.

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent, la preuve que la société [12] a mis en oeuvre les moyens nécessaires à assurer la sécurité de Mme [Y] qui était titulaire du galop 3, en mettant à sa disposition une monitrice ayant les compétences requises pour encadrer les cavaliers dont le nombre était limité, en lui confiant un poney qu'elle avait déjà monté et qui était de tempérament calme, et formé pour être dirigé même par des débutants, et en lui faisant faire un exercice de saut d'obstacle entrant dans son niveau de compétence.

La société [12] n'a donc pas commis de faute et Mme [Y] doit être déboutée de ses demandes formées à son encontre et à celle de son assureur de responsabilité civile, la société Generali.

Sur les demandes de la société Generali

La société Generali indique que la société [12] a souscrit auprès d'elle une assurance groupe 'responsabilité civile et dommages corporels' bénéficiant à ses licenciés, que si elle a pris en charge les frais médicaux consécutifs à l'accident elle s'oppose à toute prise en charge du déficit fonctionnel permanent dont le taux n'atteint pas le taux minimal de 6 % prévu pour déclencher la garantie.

Elle demande ainsi à la cour de juger d'une part, qu'elle a déjà procédé au remboursement des frais de santé restés à la charge de Mme [Y] et, d'autre part, qu'elle ne saurait être tenue à aucune indemnisation à l'égard de Mme [Y] au titre du déficit fonctionnel permanent.

Sur ce, Mme [Y] ne formule aucune demande à l'encontre de la société Generali au titre de la garantie individuelle accident souscrite par la Fédération française d'équitation au profit de ses adhérents.

Il n'y pas lieu de statuer sur les demandes de la société Generali alors que seul a été communiqué un récapitulatif des garanties et qu'aucun élément n'établit qu'une d'information mentionnant les conditions de la garantie souscrite a été remise à Mme [Y] et que la limitation de garantie invoquée par la société Generali lui est opposable.

Sur les demandes accessoires

La disposition du jugement relative aux dépens doit être infirmée.

Mme [Y] qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance ou d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Dit que la déclaration d'appel a opéré effet dévolutif,

- Infirme le jugement,

Sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Mutuelle d'assurance des artisans de France et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Déboute Mme [D] [Y] de toutes ses demandes formées contre la société coopérative d'intérêt collectif [12] et la société Generali IARD en sa qualité d'assureur de responsabilité civile de la société coopérative d'intérêt collectif [12],

- Dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de la société Generali IARD relatives à la garantie individuelle accident souscrite par la Fédération française d'équitation au profit de ses adhérents,

- Rejette les demandes de Mme [D] [Y], de la société coopérative d'intérêt collectif [12] et de la société Generali IARD fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

- Condamne Mme [D] [Y] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/10332
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;20.10332 ?
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