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07/12/2022 | FRANCE | N°20/01460

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 20/01460


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 DECEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01460 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPE3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/04297



APPELANTE



SARL SMC

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté

e par Me Nicolas CHAIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230



INTIME



Monsieur [F] [V]

Chez M. [S] [D], [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par M. [O] [R] (Délégué s...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 DECEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01460 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPE3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/04297

APPELANTE

SARL SMC

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas CHAIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230

INTIME

Monsieur [F] [V]

Chez M. [S] [D], [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par M. [O] [R] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYEN DES PARTIES :

La société SMC exploitait un café ' bar ' brasserie à l'enseigne « LA VIELLEUSE » située à l'angle du [Adresse 3].

Suivant contrat à durée indéterminée à temps plein en date du 01 octobre 2013, M. [F] [V] a été engagé par la société SMC, en qualité de plongeur moyennant une rémunération mensuelle de 1.609,96 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, café, restaurants (IDCC 1979). La société SMC occupait à titre habituel moins de onze salariés.

A l'issue d'un contrôle de l'inspection du travail réalisé sur le lieu de travail de M. [F] [V] le 13 avril 2016, il a été constaté que M. [F] [V], n'était pas en mesure de présenter un titre l'autorisant à travailler sur le territoire' français.

La société SMC a par la suite aidé le salarié dans la procédure régularisation de sa situation.

Le 4 novembre 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 novembre 2016, sans mise à pied conservatoire. Il a de nouveau été convoqué, le 21 novembre 2016 pour le 1er décembre 2016.

Par courrier en date du 05 décembre 2016, M. [V] a été licencié pour faute grave.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 07 juin 2017 aux fins de voir juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et la société condamnée à lui verser diverses sommes.

Par jugement en date du 22 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Paris , statuant en formation de départage a notamment':

- dit que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société SMC à verser à M. [V] les sommes suivantes':

* 5.500 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.215,16 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 3.645,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 364,55 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 1.772,51 euros au titre du rappel de salaires du 02 novembre 2016 au 05 décembre 2016,

* 177,25 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.300 euros au titre des retenues sur salaires,

* 5.000 euros au titre du dépassement des horaires hebdomadaires de travail,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné la remise d'une attestation pôle emploi, d'un solde de tout compte, d'un certificat de travail et de fiches de paye conformes à la présente décision,

- condamné la société à la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SMC aux dépens.

Par déclaration au greffe du 18 février 2020, la société SMC a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 mai 2022, la société SMC demande à la Cour de':

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société SMC à verser à Monsieur [V] les sommes suivantes':

* 5.500 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.215,16 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 3.645,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 364,55 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 1.772,51 euros au titre du rappel de salaires du 02 novembre 2016 au 05 décembre 2016,

* 177,25 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.300 euros au titre des retenues sur salaires,

* 5.000 euros au titre du dépassement des horaires hebdomadaires de travail,

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter de la présente décision,

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que les intérêts dus pour une année entière se capitaliseront,

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société SMC du surplus de ses demandes, à savoir':

* sa demande de condamnation de Monsieur [V] à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* sa demande de condamnation de Monsieur [V] aux dépens,

- réformer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise d'une attestation pôle emploi, d'un solde de tout compte, d'un certificat de travail et de fiches de paye conformes à la présente décision,

- réformer le jugement en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société SMC à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

- constater que la rupture du contrat de travail de Monsieur [V] intervenue par lettre du 5 décembre 2016 est justifiée par une faute grave imputable à ce dernier,

En conséquence,

- débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [V] à verser à la société SMC la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [V] aux entiers dépens d'appel.

Par ses conclusions adressées au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juin 2020, M. [F] [V], représenté par M. [O] [R], délégué syndical demande à la Cour de':

- confirmer le jugement du CPH de Paris du 22 janvier 2020 en ce qu'il dit et juge que le licenciement de M. [F] [V] est sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement du CPH de Paris du 22 janvier 2020 en ce qu'il condamne la SARL SMC à payer à M. [F] [V]':

* 1.215,16 € d'indemnité de licenciement,

* 3.645,48 € d'indemnité de préavis de 2 mois assortis de 364,55 € de congés afférents,

* 1.772,51 € de retenues indues assortis de 177,25 € de congés afférents,

- réformer le jugement du CPH de Paris du 22 janvier 2020 en portant à 10.936,44 € l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- infirmer le jugement du CPH de Paris du 22 janvier 2020 en condamnant la SARL SMC à payer à M. [F] [V]':

* 14.521,27 € d'arriérés de salaires pour les mois de janvier à avril 2015 inclus et de février à septembre 2016 inclus, assortis de 1.452,12 € de congés afférents,

* 21 jours de salaires (compensation temps d'habillage et de jours fériés) soit 157,5 heures à 9,67€/H ou 1.532,02 € assortis de 153,20 € de congés afférents,

* une indemnité de travail dissimulé égale à six mois de salaire soit 10.936,44 €,

- confirmer le jugement du CPH de Paris du 22 janvier 2020 en ce qu'il condamne la SARL SMC à payer à M. [F] [V] 5.000 € pour l'ensemble des dépassements horaires constatés et des dépassements du nombre de jours maximums de travail entre deux repos,

- infirmer le jugement du CPH de Paris du 22 janvier 2020 en condamnant la SARL SMC à payer à M. [F] [V] 21 jours de compensation (3 au titre du temps d'habillage et 18 à titre de compensation de jours fériés) soit 1.532,02 € assortis de 153,20 € de congés afférents,

- confirmer le jugement du CPH de Paris du 22 janvier 2020 en ce qu'il condamne la SARL SMC à payer à M. [F] [V] 1 300 € indûment retenus sur les feuilles de paie de mai à septembre 2016,

- condamner la SARL SMC à payer à M. [F] [V] la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 CPC,

- condamner la SARL SMC aux entiers dépens,

- confirmer l'exécution provisoire (article 515 CPC), intérêt au taux légal et anatocisme au jour de la saisine.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 07 juin 2022.

Par un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord exprès, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, le salarié produit des «'fiches de temps'» mentionnant ses horaires quotidiens effectués sur la période du 29 décembre 2014 au 18 septembre 2016 qu'il présente comme étant celles établies à la demande de l'employeur durant la relation de travail, ce que l'employeur dément. En tout état de cause, M. [F] [V] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies au-delà de' l'horaire légal, ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse, l'employeur critique les éléments de preuve ainsi communiqués s'étonnant que le salarié ait pu tenir un décompte quotidien de ses horaires , produit le contrat de travail se référant à une durée mensuelle de travail de 169 heures, les bulletins de paie démontrant le paiement d'heures supplémentaires et l'horaire collectif de travail.

La cour constate que les fiches de paie mentionnent mensuellement 17,33 heures supplémentaires lesquelles compensent le passage aux 35 heures. A compter de juin 2016 et jusqu'à octobre 2016 inclus, il est également mentionné sur les bulletins de paie 8,67 heures supplémentaires, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été payées. L'employeur, en revanche ne produit pas ses propres éléments de contrôle au delà des heures supplémentaires mentionnées sur les bulletins de salaires.

Au vu des éléments produits par l'une et l'autre partie il apparaît que le salarié a bien effectué les heures supplémentaires revendiquées. Eu égard au décompte produit, déduction faites des heures supplémentaires de juin à septembre 2016 inclus, payées non déduites, le salarié peut prétendre à la somme de 14.101,99 euros à titre de rappel de rémunération', outre la somme de 1.410,19 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2- Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, l'élément intentionnel n'est pas établi. Il ne peut être fait droit à la demande de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3- Sur la demande de dommages-intérêts pour dépassement pour non respect des durées quotidienne et hebdomadaire maximale de travail

Le salarié démontre ces dépassements, ce qui s'est répercuté sur sa santé et sa vie personnelle et familiale.

Il lui est alloué de ce chef la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts.

Le jugement est infirmé sur le quantum alloué.

4- Sur les retenues de salaires

L'employeur, qui ne rapporte pas la preuve d'un accord du salarié pour le rembourser des frais d'avocat engagés dans le cadre de sa régularisation, ne pouvait pratiquer des retenues sur ses salaires entre mai et septembre 2016 pour un montant de 1.300 euros.

La société est condamnée à payer à M'. [F] [V] la somme de 1.300 euros.

Le jugement est confirmé de ce chef.

5- Sur les temps d'habillage et de déshabillage et les jours fériés

A l'appui de sa demande le salarié soutient qu'il était cuisinier et non officier plongeur et qu'en tout état de cause, en application des textes communautaire en vigueur et des normes de la profession, tout professionnel amené à travailler en cuisine doit porter une tenue professionnelle . Il réclame à ce titre une journée par an prévue pas la convention collective.

L'employeur indique que le salarié exerçait la fonction de plongeur, non soumis au port d'une tenue de travail.

Le contrat de travail mentionne que le salarié était officier plongeur. Il ne rapporte pas la preuve qu'il portait effectivement une tenue en cuisine, si bien qu'il n'a pas a bénéficier de la journée annuelle prévue par la convention collective.

Le CPH n'a pas répondu en ce qui concerne les jours fériés. L'article 6 de la convention collective prévoit 6 jours par an chômés payés dont le salarié indique qu'il n'en a pas bénéficié. L'employeur n'apporte aucun élément de nature à démontrer le contraire.

Le salarié peut prétendre à 18 jours soit un rappel de salaire de 1.305,45 euros au paiement de laquelle la société sera condamnée.

Le jugement sera complété en ce sens.

6- Sur la rupture du contrat de travail

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 5 décembre 2016, il est reproché au salarié':

1-d'avoir, le 2 novembre 2016, vers 14h30, répondu de manière arrogante à l'épouse du gérant ( en lui disant qu'elle n'avait pas à le commander ni à lui donner d'ordre) qui, constatant que le salarié était au téléphone, devant la clientèle, lui avait demandé d'arrêter et de reprendre son service lorsqu'il aurait terminé de déjeuner, puis, lui a enjoint de cesser de téléphoner ou de sortir le faire dehors. Il lui est reproché d'être effectivement sorti et de n'être revenu que vers 16 heures, lors du retour du gérant.

2-de ne pas avoir repris son service à compter du 3 novembre 2016,

3-de ne pas, depuis le 26 octobre 2016, date de son retour de vacances, respecter les consignes et les remarques qui lui sont adressées à propos du rangement de la cuisine ainsi que l'utilisation incessante de son téléphone durant ses heures de services.

En ce qui concerne le grief n° 1, la cour constate que selon les horaires collectif, M. [V] commence sa pause à 14h30 si bien qu'il ne peut lui être reproché d'avoir téléphoné à cette heure là. Par ailleurs, aucune pièce ne vient corroborer qu'il aurait été arrogant avec l'épouse du gérant ( dont les fonctions au sein de l''établissement ne sont d'ailleurs pas justifiées). Ce grief ne peut être retenu.

De la même façon, rien n'établit les reproches objet du grief n° 3.

En ce qui concerne le grief n° 2, les parties s'accordent pour dire que le 2 novembre 2016, le gérant a demandé au salarié, vers 16 heures, de quitter les lieux, au vu de l'incident et de revenir le lendemain à 9 heures, avant sa prise de service afin d'en discuter. Puis, les versions divergent, l'employeur indiquant que le salarié n'a pas repris son service à 11 heures et le salarié soutenant que son patron lui a interdit de revenir.

Si le salarié a envoyé à son employeur dès le 3 novembre 2016 une lettre dans laquelle il indique qu'il «'n'a pas fait d'abandon de poste'», il se réfère à son départ de son lieu de travail, le 2 novembre 2016 . Sa main-courante en date du 6 novembre 2016 également. De son côté, l'employeur produit un courrier adressé au salarié le 8 novembre 2016 dans lequel, il lui rappelle qu'il n'a pas repris son travail, le 3 novembre 2016 après leur discussion du matin à 9 h et le met en demeure «'de reprendre immédiatement le travail ou de m'adresser un justificatif de votre absence'».

Le salarié indique qu'il a reçu la lettre le 15 novembre 2016 ( sans en rapporter la preuve) mais ne justifie pas qu'il s'est présenté à son poste de travail à la suite de cette mise en demeure ni qu'il aurait été empêché de reprendre son poste par son employeur à cette occasion.

L'employeur a ensuite adressé à son salarié une convocation à un entretien préalable, le 21 novembre 2016 laquelle lui rappelle qu'il est attendu à son poste de travail.

M. [F] [V] soutient qu'il s'est présenté sur son lieu de travail le 29 novembre 2016 mais que son employeur lui a dit de «'dégager'».

Même à supposer l'attestation de madame [G], dont il n'est pas indiqué en quelle qualité elle atteste, probante, il n'apparaît pas que le salarié se soit présenté du 3 novembre au 28 novembre 2016 inclus à son poste de travail et qu'il ait justifié de son absence et ce malgré une mise en demeure de reprendre le travail. .

L'abandon de poste est ainsi caractérisé et rend impossible le maintien de M. [F] [V] dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Le licenciement du salarié pour faute grave est justifié.

Le jugement entrepris qui a estimé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est infirmé de ce chef.

7- Sur les conséquences financières du licenciement

La faute grave étant la cause du licenciement, M. [F] [V] est débouté de l'ensemble de ses demandes financières liées à la rupture du contrat.

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.

8- Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société SMC est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [F] [V], ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La société SMC est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de sa demande au titre de l'indemnité d'habillage et de déshabillage, en ce qu'il a condamné la société SMC à payer à M. [F] [V] la somme de 1.300 euros au titre des retenues de salaires et sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Complète le jugement en condamnant la société SMC à payer à M. [F] [V] la somme de 1.305,45 euros à titre de rappel de salaires pour les jours fériés,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société SMC à payer à M. [F] [V] les sommes suivantes':

- 14.101,99 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 1.410,19 euros au titre des congés payés afférents.

- 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement pour non respect des durées quotidienne et hebdomadaire maximale de travail.

Dit le licenciement de M. [F] [V] fondé sur une faute grave,

En conséquence,

Déboute M. [F] [V] de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l''indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et congés payés afférents et de sa demande de rappel de salaires et des congés payés afférents pour la période du 2 novembre 2016 au 5 décembre 2016,

Condamne la société SMC à payer à M. [F] [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute la société SMC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SMC aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01460
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;20.01460 ?
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