La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2022 | FRANCE | N°19/10855

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 07 décembre 2022, 19/10855


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 07 DECEMBRE 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10855 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3T5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09463





APPELANTE



SARL LA BELLE HORTENSE

[Adresse 2]

[Localité

3]

Représentée par Me Dalila MOKRI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0062



INTIMEE



Madame [W] [X] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène ECHARD, avoc...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 07 DECEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10855 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3T5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09463

APPELANTE

SARL LA BELLE HORTENSE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Dalila MOKRI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0062

INTIMEE

Madame [W] [X] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène ECHARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Magistrat Honoraire, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre

Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, magistrat Honoraire chargée

Greffier, lors des débats : Mme Frantz RONOT

ARRET :

-Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Sarah SEBBAK, Greffière en préaffectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Madame [W] [T] a été engagée par la Société LA BELLE HORTENSE le 14 avril 2012 en qualité de libraire barman à temps partiel, ses horaires de travail étant le lundi et mardi de 17 heures à 2 heures du matin, soit 18 heures par semaine.

Le 4 septembre 2018, Madame [T] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 13 septembre.

Elle a été licenciée pour faute grave le 17 septembre par lettre ainsi motivée : '« Suite à plusieurs alertes de notre expert-comptable, j'avais signalé à l'ensemble du

personnel et au délégué du personnel [I] [D] que toute marchandise devait être accompagnée d'un ticket de caisse comme cela figure sur les contrats de travail.

La disparition de marchandise continuant, j'ai effectué des surveillances.

J'ai constaté à de multiples reprises durant votre service un décalage et des incohérences

entre le nombre de marchandises sorties du commerce et écoulées sur place et le nombre de marchandises vendues enregistrées dans notre logiciel de caisse. En outre, j'ai pu constater le lendemain de votre service à plusieurs reprises un écart important entre le nombre de bouteilles vides derrière le bar et les ventes enregistrées dans notre logiciel de caisse.

La disparition de marchandises ne cessant pas et même s'amplifiant, j'ai en conséquence

mandaté un huissier le 3 septembre 2018, celui-ci a pu constater que vous n'enregistriez pas dans le logiciel de caisse des marchandises vendues sur place ou à emporter et que la recette des ventes ne se retrouvait pas en caisse en fin de journée. Vous avez donc conservé par devers vous la recette de ces ventes. »

Le 26 septembre 2018, Madame [T] a demandé à la Société LA BELLE HORTENSE de lui donner un certain nombre de précisions, ainsi que la communication du constat d'huissier, et l'employeur lui a répondu par lettre du 15 octobre 2018 : ' Afin de répondre à vos interrogations contenues dans votre lettre du mercredi 26 septembre 2018, je vous apporte les précisions suivantes :

- Sur le système de surveillance mis en place : Suite à l'alerte de l'expert-comptable, j'ai

surveillé la cohérence entre les bouteilles écoulées et le chiffre d'affaires. Face au décalage, j'ai demandé à maître [H] [N], huissier de Justice, de venir le 3 septembre 2018 afin de constater les causes de la disparition de bouteilles et de consommations non enregistrées sur notre caisse enregistreuse.

- Pour plus de précision je vous ai licencié pour faute grave aux motifs suivants : il a été

constaté que vous n'enregistriez pas dans notre logiciel de caisse de façon répétitive des marchandises en vente à emporter et en vente sur place et que la recette de ces ventes ne se retrouvait pas dans notre caisse en fin de journée.

-Pour avoir, au sein de l'établissement la Belle Hortense, dans la nuit du 3 au 4 septembre

2018 entre 21h21 et 1h 25 du matin soustrait frauduleusement la somme de 20 Euros au préjudice de la SARL la Belle Hortense.

Cette somme vous avait été remise en espèce par monsieur [V] pour l'acquisition

d'une bouteille de Bandol. Cette vente n'est pas enregistrée en caisse et vous avez soustrait

frauduleusement les 20 Euros.

-Pour avoir au sein de l'établissement la Belle Hortense, dans la nuit du 3 au 4 septembre

2018 entre 00h37 et 1h25 du matin soustrait frauduleusement le prix de vente d'une bouteille d'alcool au préjudice de la SARL la belle Hortense. L'huissier a pu constater qu'une vente de bouteille a été effectuée par vos soins entre 00h37 et 00h 39. Or, aucune écriture n'apparaît en caisse concernant une vente à emporter entre 00h02 et 00h43. Le prix de vente le plus bas d'une bouteille d'alcool à emporter étant de 7 Euros, vous avez donc au minimum soustrait frauduleusement la somme de 7 Euros.

-Pour avoir au sein de l'établissement la belle Hortense, dans cette même soirée du 3 au 4 septembre 2018, concernant les consommations sur place, soustrait frauduleusement le prixde vente d'au moins 29 consommations au préjudice de la SARL LA BELLE HORTENSE.

En effet, il a été consommé dans l'établissement la Belle Hortense, les boissons

suivantes sans que le prix de vente ne se retrouve dans la caisse de la belle Hortense :

- 2 verres de rosé de Provence soit la somme de 10 Euros

- 4 verres de vins du mois ( Bo vin ) soit la somme de 20 Euros

- 4 verres de Haut Lacoste soit la somme de 24 Euros

- 7 coupes de champagne soit la somme de 63 Euros

- 4 verres de Bandol soit la somme de 32 Euros

- 4 verres de Brouilly soit la somme de 24 Euros

- 2 verres de Mercurey soit la somme de 18 Euros

- 1 verre de Chablis soit la somme de 7 Euros

- 1verre de Bergerac soit la somme de 5 Euros

Au total il manque 225 Euros de chiffre d'affaires sur 864 Euros TTC de recette pour la soirée du 3 au 4 septembre soit 25% de recette.

Vos explications selon lesquelles vous auriez renversé des verres, ou trop remplis d'autres

verres ne peuvent expliquer ce décalage entre les boissons consommées sur place et les

boissons encaissées.

Il est donc évident que vous avez soustrait le prix de vente de ces boissons au préjudice de la SARL LA BELLE HORTENSE pratiquant ce que l'on appelle dans la profession le coulage.

Vous indiquez dans votre lettre qu'il vous a été fait obligation de rester avec moi et l'huissier jusqu'à trois heures du matin soit après votre service. Ceci est complétement faux. Je suis arrivé à 1h23 et j'ai demandé à l'huissier de me rejoindre pour constater l'état de la caisse et des stocks de liquides écoulés. L'huissier a effectué ses opérations. Vous avez souhaité assister à ces opérations. Aucune obligation ne vous a été faite. Vous êtes partie à 2h30. Par ailleurs, cette demi-heure vous a été payée.

Je vous joins copie du constat d'huissier et copies des alertes de l'expert-comptable. »

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des Hôtels Cafés Restaurants. A la date de la rupture, la Société LA BELLE HORTENSE employait habituellement moins de 11 salariés, et Madame [T] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1.550 Euros.

Le 13 décembre 2018, Madame [T] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 25 septembre 2019, le Conseil de Prud'hommes a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la Société LA BELLE HORTENSE à payer à Madame [T] les sommes suivantes :

- 4.648,02 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.098,68 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents;

- 2.613,72 Euros à titre d'indemnité de licenciement

- 1.000 Euros à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances brutales et intimidantes du licenciement

- 404,94 Euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied et les congés payés afférents afférents ;

- Des rappels de salaires au titre des mois d'août à novembre 2015, et janvier à avril 2016, pour un total de 1.697,04 Euros et les congés payés afférents ;

- 1.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des temps de repos et repos compensateur,

- 1.000 Euros pour non respect de l'obligation de sécurité

- 183,10 Euros à titre d'avantage en nature nourriture et les congés payés afférents ;

- 183,80 Euros à titre d'indemnité compensatrice de repas non pris et les congés payés afférents ;

- 1.000 Euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Conseil de Prud'hommes a ordonné la remise de documents de fin de contrat conformes et le remboursement à Pole Emploi des indemnités de chômage perçues par Madame [T] dans la limite d'un mois.

Les parties ont été déboutées du surplus de leurs demandes.

Le 25 octobre 2019, la Société LA BELLE HORTENSE a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions du 2 juin 2022 auxquelles il est expressément renvoyé en

ce qui concerne ses moyens, la Société LA BELLE HORTENSE demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur les condamnations prononcées, de le confirmer pour le surplus, de dire le licenciement fondé sur une faute grave, de débouter Madame [T] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer 5.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par ses dernières conclusions du 9 juin 2022 auxquelles il est expressément renvoyé en

ce qui concerne ses moyens, Madame [T] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant des condamnations prononcées et l'a déboutée de certaines de ses demandes et de condamner la Société LA BELLE HORTENSE à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal et leur capitalisation :

- 10 845,38 Euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5 000 Euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi du fait des circonstances vexatoires du licenciement ;

- 5 000 Euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait des circonstances brutales et intimidantes du licenciement ;

- 9 296,04 Euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 3 545,25 Euros de dommages et intérêts pour les périodes de repos obligatoires et repos compensateurs dus au titre du travail de nuit non pris ;

- 2 400 Euros de dommages et intérêts pour le préjudice causé par l'absence de moyen de transport assuré par l'employeur au titre du travail de nuit ;

- 10 000 Euros de dommages et intérêts pour les préjudices causés par la violation par l'employeur de son obligation de sécurité et de résultat.

Elle demande à la cour d'ordonner la remise de bulletins de paie et de documents de fin de contrat conformes sous astreinte et de condamner la Société LA BELLE HORTENSE à lui payer 3.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle sollicite la confirmation du jugement pour le surplus.

MOTIFS

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. Le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié.

Il appartient à l'employeur seul, lorsqu'il invoque la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié.

A l'appui de ses griefs, tels qu'exposés dans la lettre de licenciement, la Société LA BELLE HORTENSE verse aux débats le constat d'huissier qu'elle a fait intervenir dans la soirée et la nuit du 3 au 4 septembre.

Mme [T] prétend avoir été empêchée de se défendre contradictoirement dans la mesure où, dès réception de sa convocation, elle a demandé à l'employeur la copie de ce constat qui ne lui a pas été remise, le constat n'étant même pas rédigé lors de l'entretien préalable.

Toutefois, aucune disposition n'impose à l'employeur de communiquer au salarié les pièces de nature à justifier la décision qu'il envisage de prendre. Mme [T] ne conteste pas qu'elle avait connaissance, lors de cet entretien, des motifs de son licenciement, à savoir le non enregistrement dans la caisse de marchandises vendues sur place, et elle a pu discuter, en cours de procédure, des éléments mentionnés dans ce constat et ses annexes si bien que les droits de la défense ont été respectés.

Sur la matérialité des faits reprochés, l'huissier indique, dans son constat, avoir relevé que quatre personnes, étaient entrées dans le bar sans avoir de bouteilles d'alcool, qu'elles en étaient ressorties avec une ou deux bouteilles et que sur la bande de contrôle de la caisse, aucune écriture n'apparaissait pour deux de ces ventes ; si l'on peut admettre que ce constat est insuffisamment probant concernant l'une des deux ventes, l'huissier se bornant à indiquer 'à 00h37une cliente pénètre dans l'établissement dénuée de bouteille et ressort à 00H39 avec une bouteille d'alcool, il n'en va pas de même concernant l'autre vente, l'huissier ayant relevé l'identité du client, M.[J], qui lui a indiqué avoir donné 20 Euros pour la vente d'une bouteille de Bandol sans réception d'un ticket de caisse, somme qui n'a pas été retrouvée dans la caisse. Ainsi que l'a relevé le Conseil de Prud'hommes, les explications de Mme [T] à cet égard, selon lesquelles elle aurait peut-être tapé par erreur, plus tard, la vente d'une bouteille 'bo vin' à 24 Euros, ne sont pas crédibles ;

S'agissant des consommations sur place, l'huissier a constaté que les bouteilles étaient pleines avant l'arrivée de Mme [T], sauf une qu'il a fait retirer. Si Mme [T] affirme qu'il y avait des bouteilles entamées dans le frigo sous la caisse, l'huissier a néanmoins photographié, en sa présence, à la fin de ses opérations, l'ensemble des casiers ; en toute hypothèse, les quatre bouteilles entamées qui n'auraient pas été recensées, ainsi que les autres explications données par Mme [T] - des offres de dégustation gratuite ou des verres renversés - ne suffisent pas à justifier les différences constatées entre les consommations et les enregistrements en caisse ; quant à ses absences momentanées pour aller chercher des plats dans l'autre boutique, les 'philosophes', laissant la possibilité de vols de bouteilles ceux-ci, à les supposer établis, sont sans lien avec l'excédent de consommations au bar constaté par rapport aux encaissements. Et il en va de même du mode d'enregistrement prétendument archaïque de la caisse, au seul motif qu'il y aurait une touche 'divers' permettant de taper les articles sans référence.

La Cour, au vu de ce qui précède, considère que les éléments caractérisant une soustraction du produit de vente et de consommations sont établis par l'employeur, justifiant qu'il soit mis fin immédiatement au contrat de travail. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur les condamnations prononcées à ce titre, à savoir indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaires correspondant à la mise à pied, et dommages et intérêts pour préjudice lié aux circonstances brutales et intimidantes du licenciement, l'employeur n'ayant pas outrepassé, au vu des pièces produites, les modalités d'une procédure pour faute grave. Pour le même motif, le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral du fait des circonstances vexatoires du licenciement

Sur le rappel de salaires

En vertu des dispositions de l'article L 3242-1 du code du travail, la rémunération des salariés est mensuelle et indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois. La rémunération mensuelle est une moyenne calculée sur la base de l'horaire hebdomadaire légal ou contractuel de travail et ne dépend pas du nombre de jours travaillés dans le mois. Elle se calcule en multipliant la rémunération horaire par les 5/12èmes de la durée légale de travail.

En l'espèce, il est constant que l'horaire contractuel de Mme [T] était de 18 heures par semaine en sorte qu'elle aurait dû être payée chaque mois 78 heures. C'est bien cette absence de mensualisation qui explique que, certains mois, Mme [T] a été payée moins que 78 heures, et non pas, comme le prétend la société en raison de ses absences, aucune n'étant mentionnée au demeurant sur les bulletins de paie.

La mensualisation étant une obligation de l'employeur, le jugement doit donc être confirmé sur le rappel de salaires et les congés payés afférents à ce rappel de salaires

Sur le travail dissimulé

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de d'indemnité pour travail dissimulé. Contrairement à ce qu'elle prétend, les heures dépassant la durée moyenne de 78 heures par mois ne sont pas des heures complémentaires mais le résultat de l'absence de mensualisation, laquelle ne peut caractériser à elle seule, une intention de dissimulation.

Sur les périodes de repos obligatoires et travail de nuit

Il n'est pas contesté par l'entreprise que, compte tenu de ses horaires de travail, Mme [T] était considérée comme travailleur de nuit au sens des dispositions de la convention collective applicable, (avenant du 5 février 2007) laquelle prévoit que si la durée journalière dépasse 8 heures par jour, le salarié doit bénéficier d'une période de repos d'une durée au moins équivalente au nombre d'heures effectuées au-delà de cette limite, d'un temps de pause ainsi que de compensations en repos compensateur équivalant à 1 % de repos par heure de travail effectuée pendant la période de nuit (22 heures-7 heures).

Il est constant que Mme [T] n'a jamais bénéficié de ces dispositions. L'employeur prétend qu'elles ne sont pas applicables au temps partiel sans justifier de cette dérogation, qui n'est pas prévue par le texte, et il fait valoir, de façon inopérante, que Mme [T] commençait à travailler à 16h30 en prenant une pause d'une demi-heure en début de service, sans contester que les horaires de travail au titre desquels elle était rémunérée étaient 17 heures-22 heures.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de la salariée à ce titre, le montant des dommages et intérêts étant toutefois porté à 3.500 Euros compte tenu de l'importance et de la durée du non respect pas l'employeur des dispositions de la convention collective.

Sur l'indemnité de transport

L'article 12.5 de l'avenant du 5 février 2007 précité dispose que l'employeur devra s'assurer que le travailleur de nuit dispose d'un moyen de transport entre son domicile et l'entreprise.

Celle-ci ne présente aucune observation à ce titre dans ses écritures ; or compte tenu de l'horaire auquel la salariée finissait son service, il lui appartenait de prendre en charge les frais de taxi, Mme [T] expliquant, sans être contredite, que l'entreprise n'a respecté cette obligation qu'à compter de janvier 2018 et seulement pour une journée de travail. Au vu des éléments chiffrés que fait valoir Mme [T], il convient de lui allouer à ce titre une somme de 2.400 Euros, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur la violation de l'obligation de sécurité

Mme [T] fait valoir qu'outre le non respect par l'employeur des dispositions sur le travail de nuit, notamment temps de pause et non paiement de frais de transport, elle n'a bénéficié de visites médicales qu'une seule fois par an, jusqu'à son accident du travail le 16 mai 2017 ayant entraîné un arrêt maladie de deux mois et demi, au lieu de deux fois comme prévu par la convention collective pour les travailleurs de nuit. Aussi, le non respect par l'employeur de ses obligations à ce titre a-t-il causé à la salariée un préjudice qui a été justement réparé par le Conseil de Prud'hommes à hauteur de 1.000 Euros

Sur les avantages en nature

Les avantages en nature, y compris l'indemnité compensatrice pour repas non pris, n'ont pas à être comptabilisés lorsque le salarié n'est pas présent. Contrairement à ce que prétend Mme [T], cette indemnité n'est donc pas due en cas d'absence et de congés payés. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il fait droit à la demande de la salariée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Madame [W] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement et d'indemnité pour travail dissimulé, et en ce qu'il a fait droit aux demandes de rappel de salaires et congés payés afférents pour la période d'août à novembre 2015 et de janvier à avril 2016, de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;

Dit que le licenciement de Madame [T] est fondé sur une faute grave ;

Déboute Madame [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts du fait des cirdonstances brutales et intimidantes du licenciement, rappel de salaires pendant la mise à pied, avantages en nature nouriture et indemnité compensatrice de repas non pris ;

Dit n'y avoir lieu à remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage payés à Madame [T] ;

Condamne la Société LA BELLE HORTENSE à payer à Madame [T] les sommes suivantes :

- 3.500 Euros à titre de dommages et intérêts pour les périodes de repos obligatoires et repos compensateurs au titre du travail de nuit ;

- 2.400 Euros de dommages et intérêts pour préjudice causé par l'absence de moyens de transport assuré par l'employeur au titre du travail de nuit.

Ordonne à la la Société LA BELLE HORTENSE de remettre à Madame [T] les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la présente décision ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prescrites par l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 19/10855
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;19.10855 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award