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07/12/2022 | FRANCE | N°19/09354

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 19/09354


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 DECEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09354 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CATAE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/01601



APPELANT



Monsieur [Y] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représ

enté par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K103



INTIMEE



SAS HOTEL PARIS BELGRAND

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Julie DE LA FOURNIER...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 DECEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09354 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CATAE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/01601

APPELANT

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K103

INTIMEE

SAS HOTEL PARIS BELGRAND

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Julie DE LA FOURNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1973

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [Y] [W] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 août 2013, à temps partiel à hauteur de 16 heures par semaine, par la société Hôtel Belgrand en qualité de «Réceptionniste/Veilleur de nuit», Niveau I, échelon 1.

Ce contrat était soumis à la convention collective «Hôtels ' Cafés ' Restaurants».

A la suite de la transmission universelle du patrimoine de la société Hôtel Belgrand à la société Hipotel Paris intervenue le 12 septembre 2014, le contrat de travail a été transféré à la société Hipotel Paris, aux droits de laquelle se trouve la société Hôtel Paris Belgrand.

M.[Y] [W] a démissionné le 30 novembre 2014.

Il prenait la gérance de la société Presthôtel et devenait prestataire de services de la société Hôtel Paris Belgrand.

Le donneur d'ordre a cessé de faire travailler le prestataire de service à la fin du mois de juin 2017.

Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 01 mars 2018 aux fins de voir juger que la démission du 30 novembre 2014 est nulle et constater qu'il a été soumis à une seule relation de travail avec la société Hôtel Paris Belgrand du 2 août 2013 et le 30 juin 2017 et requalifier celle-ci en contrat à temps plein. Il sollicite en conséquence :

- un rappel de salaire de 5 132 euros au titre de l'année 2014 outre 513 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- un rappel de salaire de 2 619 euros au titre de l'année 2015 outre 261 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- un rappel de salaires 2 619 euros au titre de l'année 2016 outre 261 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- un rappel dc salaires de 2 661 euros au titre de l'année 2016 outre 266 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- un rappel de salaire pour heures supplémentaires de 4 094,06 euros au titre de l'année 2014 outre 490 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- un rappel de salaire pour heures supplémentaires de 15 881 euros au titre de l'année 2015, outre 1 588 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- un rappel de salaire pour heures supplémentaires de 20 606 euros au titre de l'année 2016 outre 2 060 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- un rappel de salaire pour heures supplémentaires de 7 273 euros au titre de l'année 2017, outre 727 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- un somme de 30 000 euros de dommages et intéréts en réparation du préjudice physique et du trouble familial et personnel subis du fait de la violation de l'ensemble des règles relatives à la durée du travail ;

- une somme de 30 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral durant l'intégralité

de sa relation de travail ;

- une indemnité de travail dissimulée de 19 440 euros.

Il demandait en outre la requalification la fin de la relation de travail en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et l'allocation en conséquence des sommes suivantes :

- 6 480 euros d'indemnité de préavis ;

- 648 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 3 105 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 38 880 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement 12 960 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre, il sollicitait la condamnation de la société Hôtel Paris Belgrand à payer rétroactivement les cotisations sociales 'employé et employeur', notamment de retraite et de chômage sur les divers salaires et à lui remettre un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Enfin, il demandait les intéréts au taux légal sur ces sommes et la capitalisation de ceux-ci, outre la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec mise des dépens à la charge de la société adverse.

La défenderesse s'opposait à ces prétentions et sollicitait la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du demandeur aux dépens.

Par jugement en date du 19 mars 2019, le Conseil de Prud'hommes de Paris a rejeté l'ensemble des demandes.

Le jugement a été notifié le 2 septembre 2019.

Par déclaration au greffe en date du 18 septembre 2019, le salarié a régulièrement interjeté appel contre le jugement qui lui avait été notifié le 2 septembre précédent.

Par conclusions remises par le réseau le réseau virtuel des avocats le 24 janvier 2022, l'appelant prie la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens, de confirmer sur le rejet de la demande de l'intimée.

Statuant à nouveau, il reprend ses demandes de première instance, sous réserve de l'évolution de leur montant comme suit :

- 4.155,19 euros, de rappel de salaire au titre de l'année 2014 outre 415,52 euros de congés payés afférents ;

- rappel de salaire pour heures supplémentaires de :

' 4.094,06 euros pour l'année 2014, outre 409,41 euros de congés payés afférents ;

' 14.468,91 euros pour l'année 2015, outre 1.446,89 euros de congés payés afférents ;

' 18.377,95 euros pour l'année 2016, outre 1.837,79 euros de congés payés afférents ;

' 5.758,19 euros pour l'année 2017, outre 575,82 euros de congés payés afférents ;

- 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice physique et du trouble familial et personnel subis à la suite de la violation de l'ensemble des règles relatives à la durée du travail ;

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

- 6.480 euros d'indemnité de préavis ;

- 648 euros d'indemnité congés payés afférents au préavis ;

- 3.105 euros d'indemnité de licenciement ;

- 38.880 euros d'indemnité pour licenciement nul ou subsidiairement 16.200 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 19.440 euros d'indemnité pour travail dissimulé.

Enfin il prétendait à la régularisation des cotisations sociales employés et employeurs, mais avec fixation d'une astreinte de 50 euros par jour de retard.

Enfin il précisait qu'il entendait voir les indemnités produire intérêts de plein droit à compter de la saisine du conseil pour les créances salariales ainsi que les indemnités de licenciement et à compter du prononcé pour les autres condamnations, le tout avec capitalisation. Il limitait sa demande au titre des frais irrépétibles à la somme de 3 000 euros.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 21 janvier 2022, l'intimée prie la cour de confirmer le jugement déféré et subsidiairement de limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1 320,04 euros et l'indemnité compensatrice de congés payés afférents à la somme de 132 euros et de juger que les intérêts au taux légal ne sauraient être dus que depuis la réception de la convocation de la société devant le bureau de conciliation sur toutes les sommes à caractère de salaires ou accessoires de salaire et uniquement à compter de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire.

Elle sollicite la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2022.

MOTIFS :

1 : Sur la poursuite du contrat de travail après la démission

M. [Y] [W] soutient que la démission est nulle dès lors : que l'employeur l'y a contraint indirectement dans le but de dissimuler son activité qu'il aurait poursuivie sous le statut d'auto entrepreneur ; qu'il a poursuivi son activité malgré la prétendue rupture ; qu'il était dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la société Hôtel Paris Belgrand qui était son seul client ; qu'il était rémunéré en fonction du nombre d'heures effectuées au mois le mois, et non après chaque prestation de service, de sorte qu'il n'existait pas de variation importante d'heures d'un mois à l'autre. Il prétend qu'une partie de son travail était rémunéré en liquide.

La société Hôtel Paris Belgrand répond que le nombre d'heures effectuées chaque mois étaient variable, que les dates de factures ne sont pas celles de la réalisation des prestations correspondantes qui sont souvent établies avec un grand retard, que ces factures ne correspondent pas à celle demeurées en la possession de la société et sont fausses et que les relevés horaires sur lesquels il fonde ses heures supplémentaires sont inconnus de la direction.

Sur ce

Aux termes de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Aux termes de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

Aucun élément du dossier ne vient accréditer l'existence de pressions de l'employeur susceptibles de vicier le consentement du salarié lorsqu'il a démissionné.

Il est néanmoins de principe que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et

non équivoque de rompre le contrat de travail en ce qu'elle doit être l'expression d'une volonté libre et réfléchie.

Il est également de principe, que dès lors que la démission résulte d'une volonté claire et non équivoque, la rétractation du salarié est sans effet. Elle est subordonnée à l'accord de l'employeur qui n'est pas tenu de l'accepter.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de la persistance d'un contrat au-delà de la démission, il appartient au salarié qui invoque ce contrat d'en rapporter la preuve.

Il ne peut être retenu que la société Presthôtel a été créée pour permettre la reprise du travail salarié de M. [Y] [W] puisque cette société a été constituée le 16 mai 2011.

Mais surtout, il résulte des articles L. 1221 - 1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Aucune pièce du dossier ne vient illustrer un seul des éléments qui caractérise le lien de subordination.

Il s'ensuit que la démission a bien mis fin à la relation contractuelle et que la cessation de la collaboration entre la société Hôtel Paris Belgrand et la société Presthôtel ne saurait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'égard de M. [W].

Par suite les demandes en paiement des indemnités de rupture et de délivrance des documents de fin de contrat liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse seront rejetées.

2 : Sur la demande de rappel de salaire au titre de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein et des heures supplémentaires et l'indemnité de travail dissimulé

2.1 : Sur le rappel de salaire au titre de la requalification

M. [Y] [W] sollicite la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein du 2 août 2013 au 30 juin 2017 à raison du dépassement de la durée légale de travail et en conséquence le paiement de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés y afférents, correspondant à la différence entre le salaire perçu et le salaire dû au titre d'un temps plein. Il demande aussi un rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées de juillet 2014 à juin 2017.

La Société Hôtel Paris Belgrand soulève la prescription triennale de l'action en paiement de salaire et conteste les heures revendiquées au-delà de la durée contractuelle de travail.

Sur ce

Selon l'article 3 du contrat de travail liant les parties, le salarié était tenu d'effectuer 16 heures par semaine.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures effectuées, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il est en outre constant qu'un tableau établi par le salarié durant la procédure prud'homale ou après celle-ci peut constituer un élément suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, le salarié produit un tableau des heures effectuées chaque jour à compter du 1er juillet 2014 combiné à un relevé de pointage des heures travaillées qui donne les heures et les fins de prise de poste. Ainsi le salarié fournit des éléments suffisamment précis des heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Celui-ci se borne à critiquer l'origine et la partialité des documents produits, sans donner d'éléments en sens contraire, de sorte que les heures revendiquées par le salarié doivent être retenues.

Il en ressort que dés la semaine du 1er juillet 2014 la durée légale de travail a été dépassée, puisque le temps de travail effectué atteint 63 heures et que l'intéressé a effectué des heures supplémentaires au-delà de 35 heures.

Ainsi la requalification en contrat à temps complet doit être prononcée à compter du 1er juillet et l'allocation d'heures supplémentaires étaient encourues.

Cependant l'action en paiement de salaires à raison de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet est soumise à la prescription de l'action en paiement de salaire, de même que l'action en paiement des heures supplémentaires revendiquées.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du Code du travail, l'action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit à l'expiration d'un délai de trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

Il s'ensuit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié peut agir dans les trois ans de cette rupture, en paiement des sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

Dés lors que la saisine du conseil des prud'hommes le 1er mars 2018 est intervenue plus de trois ans après la démission, l'action en paiement des salaires antérieurs au 1er mars 2015 est prescrite et en particulier l'action en paiement des salaires échus antérieurement à la démission du 30 novembre 2014 sera déclarée prescrite.

Dés lors que la démission a mis fin au contrat de travail, toute demande en paiement de rappels de salaire au titre de la période postérieure à la période prescrite, soit au 1er mars 2015, ne peut qu'être rejetée.

Les demandes de régularisation auprès des organismes sociaux de cotisations relatives à la retraite et au chômage seront rejetées, l'employeur n'étant pas tenu de payer des cotisations sur des salaires qui ne sont pas dus.

2.2 : Sur le travail dissimulé

M. [Y] [W] sollicite l'allocation de la somme de 19 440 euros d'indemnité de travail dissimulé en ce qu'il faisait bien plus d'heures que ce qui était stipulé contractuellement tant avant la démission, qu'après, alors que le contrat de travail se poursuivait au point d'effectuer un temps complet augmenté d'heures supplémentaires.

La société Hôtel Paris Belgrand objecte que ni l'élément intentionnel, ni l'élément matériel de l'infraction ne sont démontrés.

Sur ce

S'agissant des heures de travail antérieures à la démission du 30 novembre 2014, l'article L. 8221-5 du Code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Dés lors que l'existence d'un contrat de travail est écartée en ce qui concerne la période postérieure à la démission, le travail dissimulé est exclu en ce qu'il est fondé par M. [Y] [W] sur la dissimulation entre le 1er décembre 2014 et le 30 juin 2017 de son emploi salarié sous couvert d'un contrat de prestation de service et sur la réduction de 50 % de la rémunération des heures effectuées comme autoentrepreneur au moyen de leur paiement en liquide.

S'agissant de la période écoulée entre le 1er juillet 2014 et la démission du 30 novembre 2014, il a été démontré que l'intéressé a effectué des heures qui ne figuraient pas sur les bulletins de paie correspondants.

Aucune explication notamment sur l'organisation de l'entreprise n'est fournie de nature à convaincre de l'élément intentionnel requis pour retenir le travail dissimulé.

Par suite la demande d'indemnité y afférente sera rejetée.

3 : Sur la demande de dommages-intérêts pour violation des règles relatives à la durée du travail

M. [Y] [W] sollicite l'allocation de la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice physique et du trouble familial causé par le non respect de la durée maximale de travail effectif quotidien, la durée maximale hebdomadaire de travail, le recours abusif au travail de nuit, le non-respect du repos quotidien hebdomadaire, le non respect du droit au repos compensateur du travail de nuit, entre juillet 2014 et juin 2017.

La Société Hôtel Paris Belgrand objecte que les éléments produits par l'intéressé sont inopérants, dès lors qu'il appuie sa demande sur des plannings établis par lui-même et sur des attestations rédigées par deux personnes en procès avec l'employeur.

Sur ce

Selon le tableau et la feuille de pointage retenus par la cour établissent que les règles légales et conventionnelles relatives au temps de repos quotidien et hebdomadaire et aux durées maximales de travail quotidienne et hebdomadaire au repos compensateur pour travail de nuit, prescrites par la convention collective applicable et les articles L. 3121-18, L. 3121-20, L. 3122-1, L. 3131-1 du Code du travail ont été méconnues.

En tout état de cause, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a respecté ces règles qui relèvent de son obligation de sécurité, ce qu'il ne fait pas.

Toutefois, la cour ne peut retenir ces manquements que pour la période brève écoulée de juillet 2014 au 30 novembre 2014, durant laquelle a couru le contrat de travail.

Au vu des éléments fournis par le salarié, le préjudice subi par le salarié pour sa santé physique et dans sa vie personnelle et familiale sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 2 000 euros.

4 : Sur le harcèlement moral

M. [Y] [W] demande la condamnation de la société à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du harcèlement moral dont il dit avoir été victime caractérisé par le non paiement des heures travaillées, le volume horaire indécent, le travail dissimulé, le manquement à la réglementation relative à l'hygiène et la sécurité et plus généralement en raison d'un contexte de travail hostile, dégradant et humiliant, fait de menaces sur son titre de séjour.

La société Hôtel Paris Belgrand demande que soit écarté l'enregistrement clandestin d'une conversation qu'il a eue avec M. [U] représentant son employeur et que les soi-disant pressions exercées sur le salarié n'étaient pas prouvées et qu'il avait démissionné sans réserve.

Sur ce

Aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La prise en charge par les pompiers le 25 avril 2017 est inopérante, dès lors que le contrat de travail avait pris fin à cette date depuis plusieurs mois et que l'intervention était causée par deux jours de stress qui ne peuvent être reliés à la période antérieure à la démission, la copie de l'attestation produite à l'appui de la demande en cause sous le numéro 19 est illisible. Les témoignages de MM. [B] et [H] sont des affirmations dont on ne sait comment les auteurs ont pu les constater, ni dans quelle mesure elles se rapportent à la période étudiée antérieure à novembre 2014.

Le document intitulé 'enregistrement des aveux de M. [U]' doit être écarté, indépendamment du mode déloyal prétendu de l''enregistrement de dires d'une personne au cours d'une conversation téléphonique sans l'en informer. En effet, il ne présente aucune garantie sur la manière dont cet enregistrement a été transcrit, ni sur son authenticité.

Il reste qu'il est établi qu'entre le 1er juillet 2014 et le 30 novembre 2015, M. [W] a travaillé plus de 35 heures par semaine sans respect des temps de pause et de repos prescrits par les textes précités, sans paiement des heures supplémentaires.

Ces éléments permettent de faire présumer un harcèlement moral.

L'employeur n'apporte aucun élément étranger à tout harcèlement pour justifier ses agissements.

Le harcèlement moral sera retenu, mais le préjudice en résultant a déjà été indemnisé au titre de la violation des règles sur la durée de travail. Par suite le demande de dommages-intérêts correspondante sera rejetée.

5 : Sur les intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les sommes qui sont toutes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées. Il sera ordonné la capitalisation des intérêts courus pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, ainsi qu'il l'est demandé.

Il apparaît équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la société qui succombe à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et de rejeter la demande de ce chef au titre de frais irrépétibles de première instance.

Pour les mêmes motifs, la société Hôtel Paris Belgrand sera déboutée de ses propres demandes de ce chef et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement sauf sur les demandes de M. [Y] [W] en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet, sur la demande de rappel de salaire au titre de la période antérieure au 1er mars 2015 et de dommages-intérêts pour violation des règles sur la durée de travail ;

Requalifie le contrat de travail à temps partiel du 2 août 2013 en contrat à temps complet ;

Déclare irrecevables les demandes de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés y afférents relatifs à la période antérieure au 1er mars 2015 ainsi que les demandes de régularisation ;

Condamne la société Hôtel Paris Belgrand payer à M. [Y] [W] la somme 2 000 euros en réparation de la violation des règles sur la durée du travail avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du Code du travail ;

Condamne la société Hôtel Paris Belgrand aux dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Hôtel Paris Belgrand à payer à M. [Y] [W] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande de la société Hôtel Paris Belgrand au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Hôtel Paris Belgrand aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/09354
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;19.09354 ?
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