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07/12/2022 | FRANCE | N°19/08504

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 19/08504


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 DECEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08504 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANTW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/00337



APPELANT



Monsieur [U] [E] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Repr

ésenté par Me Stéphanie WIMART, avocat au barreau de PARIS, toque : E1254



INTIMEE



SARL LA GUARDIA SECURITY

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel PIRE, avo...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 DECEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08504 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANTW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/00337

APPELANT

Monsieur [U] [E] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphanie WIMART, avocat au barreau de PARIS, toque : E1254

INTIMEE

SARL LA GUARDIA SECURITY

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel PIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R28

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL La Guardia Security assure la protection des biens et des personnes essentiellement dans les locaux de sociétés clientes en ayant recours à des salariés agents de sécurité incendie dits SSIAP et des agents de sécurité dit ADS. Elle compte une quarantaine de salariés.

M. [U] [E] [N] a été embauché par cette société suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'agent de sécurité incendie SSIAP 1 (Niveau 3 ' Échelon 2' Coefficient 140), à compter du 1er janvier 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de prévention et de sécurité.

Le 13 avril 2016, M. [N] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis a pris acte de la rupture par lettre du 18 mai 2016.

Dans le dernier état de ses écritures, il sollicitait du conseil la condamnation de la défenderesse à lui verser les sommes suivantes :

- 18 291,60 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 431,88 euros d'indemnité de licenciement ;

- 1 524,30 euros d'indemnité de préavis ;

- 152,43 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 4 882,39 euros de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2016 au 18 mai 2016 ;

- 488,23 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 7 134,35 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 713,43 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 9 145,80 euros d'indemnité de travail dissimulé ;

- 6 097,20 euros de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée du travail ;

- 80,40 euros de dommages-intérêts pour non-respect du repos compensateur de nuit ;

- 577 euros de remboursement de frais de transport ;

- 1 524,30 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

- 200 euros de dommages-intérêts en réparation du défaut de transmission de l'attestation de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie ;

- 1 524,30 euros de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur aux dispositions relatives aux congés payés ;

- 1 252,96 euros d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation de ceux-ci.

Enfin il demandait la condamnation de la société à lui remettre une attestation Pôle Emploi et des bulletins de paie conformes au jugement attendu à peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

La société s'opposait à ces prétentions et sollicitait l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 2 mai 2019, il a été conféré à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur les sommes suivantes :

- 6 200 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- 431,88 euros d'indemnité de licenciement ;

- 1 524,30 euros d'indemnité de préavis ;

- 1 200 euros d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres prétentions de l'une et l'autre des parties étaient rejetées.

La décision a rappelé que les créances salariales portaient intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, soit du 20 avril 2016, et les créances à caractère indemnitaire à compter du prononcé du jugement.

Les autres demandes de l'une et l'autre des parties ont été rejetées.

Par déclaration du 25 juillet 2019, M. [N] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 octobre 2019, M. [N] demande l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a rejeté une partie de ses demandes et a fixé à la somme de 1 200 euros l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Il reprend l'intégralité de ses prétentions de première instance, sauf à élever l'indemnité au titre des frais irrépétibles à la somme de 3 000 euros.

L'intimée entend voir infirmer le jugement sur les condamnations prononcées à son encontre et prie la cour de rejeter toutes les demandes adverses. Elle sollicite l'allocation de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur l'exécution du contrat

1.1 : Sur les heures supplémentaires

1.1.1 : Sur le rappel de salaire

M. [U] [E] [N] demande un rappel de salaire en rémunération des 572,5 heures supplémentaires réalisées selon lui entre janvier 2015 et février 2016 en niant tout système de repos compensateur, dont il dit n'avoir jamais été informé et qui en tout état de cause n'a jamais été mis en place dans les conditions prévues par la loi.

La SARL La Guardia Security répond que les heures supplémentaires effectuées étaient compensées par des heures de récupération selon des modalités admises par tous dans l'entreprise. De plus il relève que le calcul du salarié est erroné notamment en réclamant pour les mois où toutes les heures effectuées ont été payées, non seulement les majorations prévues par l'article L. 3121-36 du Code du travail, mais aussi les salaires de base dont il a pourtant bénéficié.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 3121-24 du Code du travail, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues par l'article L. 3121-22 par un repos compensateur équivalent. Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical non assujetties à l'obligation annuelle de négocier prévue à l'article L 2242-1, ce remplacement peut être mis en place par l'employeur à condition que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, s'ils existent, ne s'y opposent pas.

Il est constant qu'une telle modalité de compensation des heures supplémentaires a été mise en place dans l'entreprise unilatéralement par l'employeur et qu'il n'y a pas de délégués syndicaux au sein de celle-ci, ni de comité d'entreprise.

Il n'est pas établi pour autant que les délégués du personnel aient été consultés sur ces modalités et aient pu de manière éclairée émettre un avis manifestant qu'ils ne s'y opposaient pas en toute connaissance de cause.

Par suite, ces compensations sont nulles et ne sauraient porter atteinte au droit du salarié à se voir payer les heures supplémentaires effectuées.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Un tableau établi par le salarié durant la procédure prud'homale ou après celle-ci peut constituer un élément suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, le salarié apporte à l'appui de sa demande des tableaux précis notant pour chaque jour les heures supplémentaires effectuées avec les horaires de prise de poste et de fin de travail, tandis que l'employeur admet que des heures supplémentaires ont été effectuées en faisant valoir que sur certains bulletins de paie, certaines apparaissent avoir été payées et d'autres remplacées par des repos compensateurs, avec paiement de majorations.

Au vu de ces éléments et des critiques précitées et pertinentes de l'employeur, les heures supplémentaires doivent être admises à hauteur d'une rémunération de 4 000 euros outre 400 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

1.1.2 : Sur l'indemnité de travail dissimulé

L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'employeur a pu se croire couvert par les repos compensateurs, c'est-à-dire par des repos accordés à M. [U] [E] [N], mais figurant sur les bulletins de paie comme travaillés, de sorte que l'intention de se soustraire à l'obligation de mentionner les heures effectuées sur les bulletins de paie n'est pas démontrée.

La demande de paiement d'une indemnité de travail dissimulée sera rejetée.

1.2 : Sur le rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2016 au 18 mai 2016

M. [U] [E] [N] sollicite l'allocation de la somme de 4 882,39 euros de rappel de salaire au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2016 et le 18 mai 2016, outre 488,23 euros d'indemnité de congés payés y afférents, au motif qu'il a été mis en temps partiel sans avenant, tandis qu'en avril il ne lui a pas été envoyé de 'planning'.

La SARL La Guardia Security répond que le temps partiel a été stipulé par échange de courriers entre les parties.

Sur ce

Le passage d'un temps partiel à un temps complet est un élément essentiel du contrat de travail et s'analyse comme une modification du contrat de travail.

La modification de contrat par l'employeur pour quelque cause que ce soit nécessite l'accord du salarié.

L'accord exprès du salarié pour le passage à un temps partiel n'est pas établi par un quelconque échange de courriers.

C'est donc à bon droit que M. [U] [E] [N] sollicite le paiement du rappel de salaire correspondant au manque à gagner par rapport à ce qu'il aurait perçu si le temps complet avait été maintenu.

La SARL La Guardia Security sera condamnée à lui verser à ce titre la somme demandée et l'indemnité de congés payés y afférents.

1.3 : Sur la durée du travail

M. [U] [E] [N] sollicite le paiement de la somme de 6 097,20 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective et plus précisément de ses dispositions relatives à la durée de travail, en ce que l'employeur aurait méconnu la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures, la durée maximale quotidienne de 12 heures et le repos quotidien minimal de 11 heures consécutives.

La SARL La Guardia Security reconnaît que les limites légales ont parfois été dépassées. Toutefois, elle observe en premier lieu qu'elle n'a fait que répondre aux pressions du salarié qui entendait travailler au maximum. En second lieu, elle objecte que M. [U] [E] [N] exagère les violations de ces limites en ce qu'il interprète mal les dispositions légales et conventionnelles applicables.

Sur ce

Même à supposer que ce fût sur demande du salarié que les limites de temps de travail prescrites par les textes pour préserver sa santé, n'aient pas été respectées, l'employeur n'en a pas moins méconnu ses obligations à son égard.

Il lui appartient de prouver qu'il a respecté ces obligations qui trouvent leur source dans la protection de la sécurité du salarié.

Aux termes de l'article 5 de l'avenant du 23 septembre 1987 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, la semaine de travail ne peut excéder 4 fois 12 heures, soit 48 heures et sur douze semaines consécutives, elle ne peut excéder 46 heures. Un jour de repos minimum est ménagé après toute période de 48 heures de service.

Le salarié fait une interprétation erronée de ce texte, en ce qu'il invoque des manquements en prenant pour référence des semaines de sept jours pouvant commencer en cours de semaine civile et non les seules semaines civiles.

Aux termes de l'article L. 3121-24 du Code du travail la durée quotidienne de travail effectif ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.

Le salarié fait une interprétation erronée de ce texte, en ce qu'il invoque des manquements en prenant pour référence des périodes de 24 heures et non les jours calendaires.

Aux termes de l'article D. 3121-189 du Code du travail une convention ou un accord collectif étendu ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement peut prévoir le dépassement de la durée quotidienne de travail effectif à plus de douze heures.

Aux termes de l'article L. 3131-1 du Code du travail tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives.

Ces règles, même interprétées exactement, permettent de retenir des manquements pendant une année environ.

Pour autant c'est de manière fallacieuse que le salarié trouve dans ces manquements l'origine d'un arrêt de travail du 30 décembre 20015 pour gonalgie post traumatique.

Au vu de ces éléments, le préjudice subi par l'intéressé pour sa santé sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 3 000 euros.

1.4 : Sur le repos compensateur de nuit

M. [U] [E] [N] sollicite l'allocation de la somme de 80,40 euros pour non-respect du repos compensateur de nuit, alors qu'il est travailleur de nuit au sens de l'art L. 3122-29 du Code du travail pour avoir travaillé entre 21 heures et 6 heures au moins deux fois par semaine.

La SARL La Guardia Security oppose qu'il a bien obtenu 250 heures de repos compensateur.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 3122-39 du code du travail dans sa version en vigueur applicable à la période litigieuse comprise entre janvier 2015 et février 2016, les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont employés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale.

Aux termes de l'article L. 3122-29 du Code du travail dans la version applicable à l'espèce, tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit.

Le tableau des heures de travail effectuées la nuit fourni par le salarié n'est pas contesté.

La SARL La Guardia Security soutient vainement que les repos compensateurs accordés au salarié correspondaient à l'application de ces textes, alors qu'il développe aussi qu'il s'agissait de la contrepartie des heures supplémentaires.

Dans ces conditions, faute par l'employeur de prouver s'être libéré de l'obligation de contrepartie du travail de nuit par des repos compensateurs ou des compensations salariales, il sera fait droit à la demande M. [U] [E] [N] en paiement de la somme de 80,40 euros.

1.5 : Sur les frais de transport

M. [U] [E] [N] sollicite le paiement de la somme de 577 euros en remboursement de son abonnement de transport mensuel utilisé pour se rendre à son travail et qui ne lui aurait jamais été remboursée.

La SARL La Guardia Security répond que l'intéressé ne justifie avoir acheté une carte orange qu'en novembre et décembre 2015, que le reste du temps il a utilisé son véhicule personnel et qu'en tout état de cause, il ne peut obtenir ledit remboursement faute d'avoir satisfait à l'obligation de présenter son titre lorsqu'il l'utilisait.

Sur ce

Deux relevés de compte bancaire démontrent M. [U] [E] [N] a fait un achat de 70 euros auprès de la RATP en novembre et décembre 2015. Dés lors qu'il n'est pas établi qu'un tel achat a eu lieu pendant le reste de la relation contractuelle et que le salarié ne justifie pas que ce paiement a trait à une carte de transport pour se rendre au travail, son droit à remboursement n'est pas démontré et il sera débouté.

1.6 : Sur l'indemnité au titre de la tenue de travail

M. [U] [E] [N] sollicite le paiement de la somme de 200 euros en remboursement de sa tenue de travail, en faisant valoir qu'alors qu'un uniforme était obligatoire selon la convention collective et le contrat de travail, il n'a jamais reçu d'indemnisation de ce chef.

La SARL La Guardia Security objecte qu'aucune tenue de travail spécifique n'était demandée en dehors d'une cravate fournie par l'employeur gracieusement et du port d'un insigne.

Sur ce

Aux termes de l'article 5 de l'annexe 4 de la convention collective nationale du 15 février 1985, l'exercice de la fonction d'agent d'exploitation entraîne l'obligation formelle du port de l'uniforme sur les postes d'emploi fixes ou intinérants toute la durée du service.

Selon l'article 4 du contrat de travail, le salarié doit impérativement porter sa tenue dans son intégralité sauf dispense écrite.

Le versement d'une prime d'habillage signifie que le salarié était indemnisé pour le temps passé à s'habiller et se déshabiller à l'occasion de son travail,

Ces éléments ne permettent pas de conclure que l'intéressé portait, en pratique, au-delà des principes généraux découlant du contrat ou de la convention collective une tenue spécifique. Par suite, faute de justifier d'un préjudice, M. [U] [E] [N] sera débouté de ce chef.

1.7 : Sur la prise de congés payés

M. [U] [E] [N] sollicite le paiement de la somme de 1 524,30 euros d'indemnité au titre des congés payés qu'il n'a pu prendre pendant toute la période d'exécution du contrat et pour lesquels l'employeur a versé la somme de 1 701,74 euros en appliquant la règle du dixième. Il sollicite en outre la somme de 1 524,30 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral en réparation de l'absence d'octroi de congés payés au cours du contrat.

L'employeur objecte qu'elle n'a jamais demandé de congés payés et qu'en tout état de cause, il n'a pas travaillé tout en étant rémunéré au mois d'août 2015.

Reprenant le calcul de M. [U] [E] [N] sur la base de 42 jours de congés payés dus, la cour fera droit à la demande en paiement de la somme de 1 252,96 euros.

M. [U] [E] [N] ne saurait obtenir de dommages-intérêts complémentaires, puisqu'il ressort des motifs qui précèdent qu'il a bénéficié d'un mois de repos en août 2015, en contrepartie des heures supplémentaires, pour lesquelles la cour lui attribue une rémunération.

1.8 : Sur le défaut de transmission d'une attestation de salaire à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie

Une attestation de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie établit qu'au 21 mars 2016, celle-ci n'avait toujours pas reçu l'attestation de salaire relative à l'arrêt de travail du salarié du 31 décembre 2015 au 6 janvier 2016, ce qui n'a pu que retarder l'indemnisation du salarié par cet organisme et justifie l'allocation de la somme de 200 euros.

1.9 : Sur le comportement déloyal de l'employeur

M. [U] [E] [N] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 1 524,30 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral né de la déloyauté de la société.

Les motifs qui précèdent ne permettent pas de déceler un préjudice spécifique différent de ceux pour lesquels une indemnité est allouée. Il sera donc débouté sur ce point.

2 : Sur la rupture du contrat

2.1 : Sur la prise d'acte

M. [U] [E] [N] fonde sa demande tendant à voir dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur les manquements suivants de l'employeur : non-paiement d'heures supplémentaires, non-respect des dispositions relatives au temps de travail, non-remboursement des frais de transport, absence de fourniture de travail, absence de conclusion d'un contrat de travail à temps partiel, non-respect des dispositions relatives au travail de nuit, absence de prise des congés payés, griefs ci-avant étudiés au titre des demandes d'indemnité, à quoi s'ajoutent le changement abusif et constant des plannings, l'absence de fourniture de travail en avril 2016, l'affectation de l'intéressé à des fonctions d'ADS, alors qu'il était SSIAP, la prise en charge financière par le salarié lui-même de ses frais de formation et l'absence de visite médicale d'embauche.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire d'une démission. Il incombe au salarié, qui les invoque, de caractériser des manquements suffisamment graves de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc pour justifier la rupture du contrat de travail. Le juge n'est pas tenu par les motifs invoqués dans le courrier valant prise d'acte mais doit apprécier l'intégralité des manquements invoqués par le salarié.

S'agissant du grief tiré du changement incessant de planning, l'article 3 de l'accord du 18 mai 1993 relatif à la durée et l'aménagement du temps de travail, toute modification du planning doit être portée par écrit à la connaissance du salarié au moins une semaine à l'avance avant son entrée ne vigueur, ce délai pouvant être réduit avec l'accord exprès du salarié concerné, et le refus du salarié d'assurer un ou des services supplémentaires ne pouvait entraîner de sanctions d'aucune nature, toute disposition contraire étant nulle de plein droit.

Il apparaît que ce délai n'a été méconnu que quatre fois en février 2016, sans que M. [U] [E] [N] ne refuse. Par suite aucune faute ne peut être retenue contre la SARL La Guardia Security.

S'agissant de l'absence de fourniture de travail en avril 2016, ceci s'explique selon une lettre du salarié du 11 mars 2016, par les circonstances à savoir le refus par le salarié du planning de mars précédent. Il ne peut en être déduit un préjudice pour M. [U] [E] [N] qui a été normalement rémunéré pour cette période relativement courte.

S'agissant de l'affectation de celui-ci à des fonctions d'ADS sans être titulaire de la carte professionnelle requise, contrairement à ce que prétend le salarié, aucune sanction pénale n'était encourue par lui, au regard des articles L. 617-7 et L. 617.8 du Code de la sécurité sociale, puisque ces textes ne créent des contraventions qu'à l'encontre de l'employeur qui recourt à un salarié non muni d'une telle carte et du salarié qui est embauché pour l'occupation d'un tel emploi sans être muni de ladite carte. M. [U] [E] [N] n'a pas été embauché pour un tel poste.

C'est à tort que le salarié reproche à l'employeur de ne pas l'avoir rémunéré le temps d'une formation comme SSIAP 2, alors qu'il était SSIAP 1, dès lors qu'il n'apparaît pas que la société ait été consultée préalablement et l'ait autorisé à la suivre, dans le cadre de ses obligations patronales liées à la formation des salariés.

S'agissant de l'absence de visite médicale d'embauche, si l'employeur ne justifie pas l'avoir organisé, le salarié ne saurait l'invoquer utilement comme cause de rupture aux torts de l'employeur seize mois plus tard sans alléguer de préjudice particulier.

Il reste que parmi les autres griefs, tous étudiés au titre des demandes d'indemnité, la cour a retenu le non-paiement d'heures supplémentaires, le non respect des temps de travail hebdomadaire et quotidien ainsi que les temps de repos, la mise en place d'un temps partiel sans avenant portant modification du contrat de travail et l'absence de repos compensateur du travail de nuit. Ce sont des manquements qui, pris dans leur ensemble, et même compte tenu de l'absence d'opposition du salarié face à ces errements, rendent la poursuite du contrat de travail impossible.

Ainsi la prise d'acte de rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.2 : Sur les conséquences financières de la rupture

Les demandes d'indemnité de licenciement, de préavis et d'indemnité de congés payés y afférents qui ne font l'objet d'aucune critique sur leurs montants seront accueillies.

Aux termes de l'article L 1235-5 du Code du travail, dans sa version en vigueur à l'époque de la rupture, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [U] [E] [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 1 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.3 : Sur la délivrance des documents de fin de contrat

Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné la délivrance des documents de fin de contrat sollicités dans les conditions prévues au dispositif, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte.

3 : Sur les intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les sommes allouées de nature contractuelle, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, soit du 20 avril 2016. Les autres sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées. Il sera ordonné la capitalisation des intérêts courus pour une année entière ainsi qu'il l'est demandé, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Il est équitable au retard de l'article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour les mêmes motifs, la SARL La Guardia Security sera débouté de ses prétentions de ces chefs et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré sauf sur les demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis, d'indemnité de travail dissimulé, d'une indemnité de transport, de dommages-intérêts pour déloyauté, de dommages-intérêts pour congés payés non pris ;

Condamne la SARL La Guardia Security à payer à M. [U] [E] [N] les sommes suivantes :

- 1 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 152,43 euros d'indemnité de congés payés afférents au préavis ;

- 4 882,39 euros de rappel de salaire ;

- 488,23 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 4 000 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 400 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 3 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect des temps de travail ;

- 80,40 euros au titre du repos de nuit ;

- 200 euros pour retard dans la transmission des attestations d'arrêt maladie à la CPAM ;

- 1 252,96 euros de rappel d'indemnité de congés payés ;

Rejette la demande de M. [U] [E] [N] au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Les sommes allouées de nature contractuelle, porteront intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016 et les autres sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées ;

Ordonne la capitalisation des intérêts courus pour une année entière ainsi qu'il l'est demandé, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne la délivrance par la SARL La Guardia Security à M. [U] [E] [N] d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt dans le délai d'un mois à compter de la notification de celui-ci sans fixation d'une astreinte ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SARL La Guardia Security aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/08504
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;19.08504 ?
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