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07/12/2022 | FRANCE | N°18/08695

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/08695


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 11 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08695 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CWQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 17/01520





APPELANTE



SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant l

égal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020





INTIME



Monsieur [W] [U]

[Adresse ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08695 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CWQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 17/01520

APPELANTE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

INTIME

Monsieur [W] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 5], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 8].

M. [W] [U] a été mis à disposition de la société Sanofi Chimie dans le cadre d'un contrat de mission du 6 juillet 2010 au 30 septembre 2010, en qualité d'opérateur blocs stériles. Ce même contrat semble s'être poursuivi du mois de novembre 2010 au mois de janvier 2010.

M. [W] [U] a été embauché par la société Sanofi Chimie selon contrat à durée déterminée du 7 février 2011 au 6 février 2012, en qualité de technicien d'atelier, pour "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé". Ce contrat a été prolongé jusqu'au 30 juin 2012.

Il était affecté tout au long de sa relation contractuelle sur le site de [Localité 7].

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société Sanofi Chimie a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi (PSE) en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 8] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 6], d'[Localité 5] et de [Localité 7].

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 23 juin 2014, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 22 044, 96 euros d'indemnité de requalification ;

- 193 229,22 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 19 322,92 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 325,28 euros de rappel de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 2 160,00 euros de rappel de prime de douche ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 2 361,84 euros d'indemnité de requalification ;

- 2 361,94 euros d'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- 4 722,80 euros d'indemnité de préavis ;

- 472,28 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 325,28 euros de rappel de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 2 160,00 euros de rappel de prime de douche ;

- 1 416,84 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 18 300,08 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 décembre 2016, le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur, dont la moyenne des salaires est fixée à 2 361,84 euros, les sommes suivantes :

- 2 361,84 euros d'indemnité de requalification ;

- 2 361,84 euros d'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- 4 722,80 euros d'indemnité de préavis et 472,28 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1 416,84 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 325,28 euros de compensation financière d'habillage et de déshabillage ;

- 2 160,00 euros de rappel sur la prime de douche ;

- 18 300,08 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 50 000,00 euros d'indemnité réparatrice de la perte de chance de bénéficier du PSE ;

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes de Créteil a ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité de la décision en application de l'article 515 du code de procédure civile, débouté le salarié du surplus de ses demandes, condamné la société Sanofi Chimie aux dépens et ordonné les intérêts légaux.

Appel a été interjeté par la société Sanofi Chimie le 18 janvier 2017.

A l'audience du 31 octobre 2017, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 26 juillet 2018, suivant acte de saisine du 9 juillet 2018.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mai 2022, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié l'ensemble de la relation contractuelle sans distinguer les contrats de missions d'intérim des contrats à durée déterminée et de condamner la société au paiement de diverses sommes au salarié au titre :

- de l'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

- des rappels de prime d'habillage et de déshabillage ;

- du rappel de prime de douche ;

- des dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE ;

-de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, la société Sanofi Chimie demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter le salarié de sa demande de requalification des contrats d'intérim en contrat à durée indéterminée, de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, de sa demande au titre des rappels de primes d'habillage et de déshabillage et de prime de douche et de limiter à de plus justes proportions l'indemnité d'inobservation de procédure, laquelle ne devrait pas excéder la somme de 2 361,84 euros.

Subsidiairement, l'appelante demande, le cas échéant, la limitation des condamnations aux sommes maximales suivantes :

- 2 361,84 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 242,88 euros au titre du rappel de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 1 826,88 euros pour le rappel au titre des deux primes.

En tout état de cause, la société soutient l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de congés payés afférents au rappel de salaire, le rejet des demandes de réintégration, de rappel de salaires et des dommages et intérêts y afférents et de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE, le rejet des autres demandes du salarié ainsi que la confirmation de la décision déférée pour le surplus.

Subsidiairement, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et la condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, M. [W] [U] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Enfin elle sollicite la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dont le recouvrement pourra en être poursuivi par Me Sandrine Losi, Capstan LMS, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtueldes avocats le 19 avril 2022, l'intimé demande l'infirmation de la décision déférée sur les montants de l'indemnité de requalification, de l'indemnité pour inobservation de la procédure et de la prime d'habillage, de déshabillage et de douche, sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, et des condamnations subséquentes.

Il prie en conséquence la cour de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul, d'ordonner sa réintégration et de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 4 723,68 euros d'indemnité de requalification, en sus de la somme de 2 361,84 euros octroyée par le conseil de prud'hommes ;

- 7 085,52 euros d'indemnité pour irrégularité de procédure ;

- 281 058,96 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 28 105,90 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 10 042,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible, en sus de la somme de 18 300,08 euros octroyée par le conseil des prud'hommes ;

- 4 153,75 euros de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 4 158,00 euros au titre de la prime de douche.

Subsidiairement, il soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l'infirmation sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il entend voir fixer à la somme de 10 042,00 euros en sus de la somme de 18 300,08 euros accordée par le conseil des prud'hommes et celle de 110 703,92 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a accordé au salarié la somme de 50 000 euros à ce titre.

Il s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 mai 2022.

MOTIFS

1 : Sur la requalification des contrats précaires

1.1 : La requalification

La société Sanofi Chimie ne conteste pas la requalification du contrat à durée déterminée, mais s'oppose à la requalification des contrats de mission conclus, en soulignant que l'employeur est la société de travail temporaire et qu'il s'est agi de remplacer des salariés absents dont il donne les identités.

M. [W] [U] soutient l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a requalifié que le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Il reproche à l'employeur de ne pas démontrer la véracité du motif de recours allégué. Il soutient que les contrats précaires ont servi pourvoir un emploi durable et permanent.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1251-5 le contrat de mission quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

L'article L. 1251-11 du contrat de travail dispose qu'un contrat de travail temporaire ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié et le départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou du comité social et économique ou un accroissement temporaire d'activité.

Selon l'article L. 1251-40 du contrat de travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance notamment des dispositions de l'article L. 1251-5 et L. 1251-10 à L 1251-11, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Les contrats de missions et notamment le premier d'entre eux portent mention comme motif de l'accroissement temporaire d'activité.

La justification donnée par l'employeur ne correspond pas à ce motif, puisqu'il explique qu'il s'agissait d'accompagner les suppressions de postes en remplaçant des salariés ayant quitté leur poste dans le cadre notamment d'un reclassement, d'une mutation ou d'un départ anticipé.

Par suite ces contrats de mission doivent être requalifié en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Sanofi Chimie.

1.2 : L'indemnité de requalification

Le salarié sollicite l'allocation d'une indemnité de requalification de 7 085,52 euros.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 2 361,84 euros.

Sur ce

Aux termes de l'article L 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Celui-ci s'entend comme étant le dernier mois de salaire.

Il convient d'allouer au vu des circonstances de la cause une indemnité de licenciement limitée à un mois de salaire au minimum, c'est-à-dire au montant du salaire de juin 2012.

Le jugement sera confirmé.

2 : Sur la prime d'habillage et de déshabillage et la prime de douche

M. [W] [U] demande la condamnation de la société Sanofi Chimie à lui payer la somme de 4 153,75 euros de prime d'habillage et de déshabillage et 4 158 euros au titre de la prime de douche, sur le fondement des articles L. 3121-3 et R. 4228-8 du Code du travail. Il ajoute à l'obligation légale imposée à l'employeur de lui verser de telles primes, l'égalité de traitement par rapport aux salariés qui travaillaient sur le site de [Localité 8], qui ont droit à de telles primes pour l'exercice des mêmes fonctions, alors que tel ne serait pas le cas des salariés qui comme lui travaillaient à [Localité 7].

La société Sanofi Chimie oppose qu'il n'est pas démontré que les métiers occupés par les salariés de [Localité 8] et de [Localité 7] étaient les mêmes et qu'en tout état de cause, lorsque les salariés de ce dernier établissement devaient se changer ou prendre des douches, cela se faisait pendant le temps de travail, de sorte qu'ils se trouvaient de ce fait rémunérés.

Sur ce

Lorsque des salariés sont placés dans une situation identique au regard d'un avantage, l'employeur qui n'attribue cet avantage qu'à une seule catégorie doit justifier cette différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le salarié estime qu'ayant une activité identique à celle des salariés travaillant dans un autre établissement de la société Sanofi Chimie à savoir celui de [Localité 8], il doit être indemnisé de la même manière au titre du temps d'habillage et de déshabillage et du temps de douche.

Le salarié se compare ainsi à des salariés d'un autre établissement, ayant la même qualification que lui, à savoir celle d'opérateur de fabrication, mais pas nécessairement le même poste que le sien, qui consiste en la conduite de fabrication de produits chimiques, requérant un équipement individuel de sécurité, tels que des chaussures de sécurité, blouse, gants et lunettes de sécurité.

Il ne rapporte pas la preuve que les salariés de cet autre établissement avaient des fonctions comparables à la sienne.

Il n'en demeure pas moins qu'aux termes de l'article L. 3121-3 du Code du travail, dans sa version en vigueur au présent litige, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties, poursuit le texte, sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.

Il ressort du règlement intérieur de l'établissement de [Localité 7] que les membres du personnel se voient mis à leur disposition des moyens de protection individuels tels que lunettes, blouses, gants, masques, chaussures, vêtements et combinaisons de travail, qui ne doivent en aucun cas être portés ou emportés à l'extérieur de l'établissement. Un vestiaire individuel est fourni à chaque salarié.

Il s'en déduit que ceux-ci devaient utiliser une tenue de sécurité et qu'ils devaient se changer pour prendre leur travail.

En l'absence de dispositions contractuelles ou conventionnelles assimilant le temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, ce temps doit être considéré comme pris préalablement à la prise de poste et doit être rémunéré.

Aucune convention ou accord collectif de travail ou disposition du contrat de travail, conventions collective, de branche, d'entreprise ou d'établissement, usage ne prévoit les modalités de la rémunération du temps ainsi passé par le salarié.

Au vu des éléments peu précis qui lui sont apportés par M. [W] [U] à cet égard, la cour fixe à la somme de 242,88 euros le rappel de rémunération.

S'agissant du temps de douche, aux termes de l'article L. 3121-2 du Code du travail en cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche en application de l'article R. 4228-9 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif.

Toutefois, le règlement intérieur de l'établissement de [Localité 7] dispose que des douches sont mises à la disposition des salariés effectuant des travaux insalubres ou salissants, et que le temps nécessaire à la douche fait totalement partie du temps de travail.

Il s'ensuit que l'intéressé ne peut prétendre à aucune rémunération à cet égard.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [W] [U] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et dès lors que la sanction édictée par l'article L. 1235-11 du code du travail invoquée par la partie adverse ne s'applique pas aux salariés ayant une ancienneté inférieure à deux ans. En tout état de cause, l'employeur oppose que la rupture en cause ne repose pas sur un motif économique.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Aux termes de l'article L. 1235-14, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à la nullité du licenciement prévues à l'article L. 1235-11.

L'interprétation littérale du dernier texte conduit à considérer que la sanction de la nullité ne s'applique pas sous deux conditions alternatives et non cumulatives : soit il s'agit du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté, soit il s'agit d'un licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés.

Dès lors que le contrat à durée déterminée requalifié liant les parties a duré moins de deux ans, la nullité n'est pas encourue.

Par suite M. [W] [U] sera débouté de sa demande de nullité, de réintégration et de paiement des salaires échus depuis la rupture.

3.2 : Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l'absence de lettre de licenciement notifiant au salarié la rupture et sa cause, celle-ci s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [W] [U] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 28 342,08 euros de dommages-intérêts en réparation de la rupture. Il souligne en particulier que la société s'est enfermée dans une posture contentieuse, au lieu de reconnaître la requalification des contrats à durée déterminée, qu'elle a fait miroiter un contrat à durée indéterminée au salarié pour obtenir le renouvellement du contrat à durée déterminée et a abusé de sa situation de dépendance et de faiblesse. Il entend voir confirmer le jugement sur l'indemnité de préavis, l'indemnité de congés payés y afférents et l'indemnité de licenciement.

Enfin, il prétend à la somme de 11 777,61 euros d'indemnité en réparation de l'irrégularité de la procédure de licenciement.

La société Sanofi Chimie objecte que le salarié ne justifie pas de son préjudice lié à la rupture sans cause réelle et sérieuse et qu'il ne peut se prévaloir que d'une faible ancienneté inférieure à deux ans. Elle limite les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 2 361,84.

Sur ce

L'absence de procédure de licenciement a causé un préjudice qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 300 euros.

Aux termes de l'article L. 1235-5 du Code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L. 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [W] [U], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail une somme de 2 361,84 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférents, la cour au vu des bulletins de paie la cour confirme le jugement.

4 : Sur la perte de chance de bénéficier d'un PSE

M. [W] [U] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme des dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte de chance de bénéficier du PSE adopté en 2010. Il soutient que ce PSE aurait dû lui être appliqué en ce que :

- celui-ci concernait tous les salariés de l'entreprise appartenant aux catégories professionnelles visées par le projet de licenciement économique sous-tendant ce plan, ce qui était son cas, puisqu'il s'agissait de supprimer des postes de logistique, sans restriction aux seuls salariés des établissements d'[Localité 5], [Localité 7] et [Localité 6], de sorte qu'il importe peu que lui-même fût affecté à celui de Vitry ;

- il était prévu d'appliquer les critères d'ordre des licenciements, ce qui concerne selon lui nécessairement l'ensemble des salariés de la société, en l'absence de restriction prévue par le PSE à cet égard ;

- il n'était pas prévu que les bénéficiaires du PSE de 2008 fûssent exclus du PSE de 2010, et en tout état de cause, le premier de ces plans ne prévoyait pas de licenciements à l'issue des suppressions de poste et ne lui a pas bénéficié de sorte qu'une telle exclusion eût constitué une inégalité de traitement ;

- la condition de présence dans l'effectif de la société au 28 février 2010 posée par le PSE de 2010 lui est inopposable dans la mesure où elle crée une inégalité de traitement, puisqu'il s'agissait de mettre en oeuvre le plan sur les années 2010 à 2014, alors que le contrat de travail de M. [W] [U] s'est déroulé du 1er février 2011 au 31 janvier 2012, et qu'au surplus, le plan a dû être repris, après son annulation par le tribunal de grande instance de Nanterre.

La société Sanofi Chimie s'oppose à cette prétention car, selon elle, les termes mêmes du PSE de 2010 écartent de son bénéfice les salariés des établissements autres que ceux dont il était prévu la réduction des effectifs et qu'ils fassent partie de ceux-ci en février 2010. L'employeur souligne que l'intéressé n'était pas touché par les mesures prévues sur les sites concernés et qu'aucun licenciement n'a finalement eu lieu, compte tenu du succès des mesures alternatives.

Sur ce

Aux termes du préambule de PSE de 2010 figurant page 17, "le plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi Chimie (...) pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrits à l'effectif au 28 février 2010".

Embauché le 6 juillet 2010, M. [W] [U] ne remplit pas cette condition.

Certes, il est de principe que si le plan social peut contenir des mesures réservées à certains salariés et en exclure par conséquent d'autres notamment à raison de la date, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables.

En l'espèce, l'exclusion des salariés embauchés postérieurement au début de l'élaboration du PSE est un motif pertinent. En effet, comme l'explique ce plan, il tendait à une réduction des effectifs de l'entreprise, à cette date, en fonction du projet de plan directeur des années 2010-2014 qui recherche une adaptation de l'entreprise à l'environnement pharmaceutique mondial. Les mesures prévues étaient fonction des effectifs à cette date, qui est celle du début des consultations des institutions représentatives. Les embauches postérieures, telle que celle de M. [W] [U], sont décidées en fonction de ces objectifs et n'ont pas lieu d'être adaptées à ces objectifs, contrairement à ceux dont l'embauche précède la réorganisation et l'adaptation.

Certes par ordonnance du 12 août 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a constaté l'insuffisance et l'irrégularité de la procédure d'information-consultation initiée le 31 mars 2010 et a enjoint à la société Sanofi de recommencer la procédure dès l'origine avec l'établissement des catégories professionnelles concernées par la restructuration ou la transformation de leurs postes de travail, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 31 août 2010.

Il s'agissait néanmoins de la poursuite d'une projet fondé sur la situation des effectifs à l'origine des négociations en février 2010 et non d'une reprise totale du projet. Ainsi l'exemplaire du PSE édité pour une réunion du comité d'entreprise du 20 octobre 2010, date bien postérieure à l'ordonnance précitée, maintient le critère de l'appartenance aux effectifs en février 2010.

M. [W] [U] ne peut par conséquent invoquer utilement une perte de chance causée par la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable dont il aurait pu profiter s'il était resté dans l'entreprise. En effet, il n'avait pas vocation à bénéficier du PSE.

En conséquence, la demande de dommages-intérêts pour perte de chances d'en bénéficier du fait de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée.

5 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de confirmer le jugement déféré au titre des frais irrépétibles de première instance et de rejeter les demandes formées de ce chef par l'une et l'autre des parties, au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société Sanofi Chimie partie succombante verra les dépens mis à sa charge.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré uniquement sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, sur les demandes de nullité du licenciement, de réintégration et de paiement des salaires à compter de la rupture jusqu'à la réintégration et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme pour les demandes de requalification et en paiement d'une indemnité de requalification, de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, de dommages-intérêts pour perte de chance et de prime d'habillage et de déshabillage et de prime de douche ;

Statuant à nouveau ;

Requalifie la relation de travail entre le 6 juillet 2010 et le 30 juin 2012 en contrat à durée indéterminée ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [W] [U] les sommes suivantes :

- 300 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

- 242,88 euros de prime d'habillage et de déshabillage ;

Rejette les demandes de dommages-intérêts pour perte de chance et d'indemnité pour le temps de douche ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [W] [U] aux dépens d'appel dont le recouvrement pourra être directement poursuivi par Maître Sandrine Losi, - Capstant LMS, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/08695
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.08695 ?
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