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07/12/2022 | FRANCE | N°18/08688

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/08688


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 8 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08688 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CWE



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n°12/00716



APPELANT



M. [M] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Repré

senté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substituée par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08688 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CWE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n°12/00716

APPELANT

M. [M] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substituée par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

INTIMEE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Alexandra VELHO TOME, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Gaël BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière : Mme Victoria RENARD, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 5], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 8].

M. [M] [I] a été engagé par la société Sanofi Chimie selon contrat à durée déterminée du 21 octobre 2009 au 31 décembre 2010, avec reprise de son ancienneté au 21 juillet 2009, en qualité de pompier, en "remplacement d'un salarié dont le poste a été supprimé". Le contrat a été prolongé jusqu'au 30 avril 2011.

Il a été affecté tout au long de sa relation contractuelle sur le site de [Localité 8].

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 8] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 6], d'[Localité 5] et de [Localité 7].

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 18 mai 2012, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 2 920,31 euros d'indemnité de requalification ;

- 113 892,09 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 11 389,21 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 2 920,31 euros d'indemnité de requalification ;

- 5 840,62 euros d'indemnité de préavis ;

- 584,06 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 058,82 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 52 565,58 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 novembre 2014, le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur les sommes suivantes :

- 2 920,31 euros d'indemnité de requalification ;

- 2 920,31 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 5 840,62 euros d'indemnité de préavis et 584,06 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1 027,01 euros d'indemnité de licenciement ;

- 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié a été débouté du surplus de ses demandes et la société Sanofi Chimie condamnée aux dépens.

Appel a été interjeté par le salarié le 14 janvier 2015.

A l'audience du 30 mars 2016, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 26 juillet 2018, suivant acte de saisine du 9 juillet 2018.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, l'appelant demande l'infirmation sur le montant de l'indemnité de requalification, sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, et des condamnations subséquentes. Il prie en conséquence la cour de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul, d'ordonner sa réintégration. Il soutient la confirmation du jugement sur l'indemnité de licenciement, sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés y afférents. Sur les conséquences de la requalification et de la nullité, il prie la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 5 840,62 euros d'indemnité de requalification, en sus de la somme de 2 920,31 euros octroyée par le conseil ;

- 388 401,23 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 38 840,12 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 32 123,41 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible, en sus de la somme de 2 920,31 euros octroyée par le conseil de prud'hommes.

Subsidiairement, il soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l'infirmation sur le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il entend voir fixer à la somme de 14 601,55 euros en sus de la somme de 2 920,31 euros octroyée par le conseil de prud'hommes et celle de 117 964,03 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins la somme de 50 000 euros à ce titre.

Il s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, la société Sanofi Chimie demande l'infirmation partielle de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer au salarié la somme de 2 920,31 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive et conclut au rejet de la demande du salarié de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Subsidiairement, la société Sanofi demande la limitation du montant des dommages et intérêts à la somme de 2 920,31 euros.

Plus subsidiairement, elle conclut au rejet des demandes du salarié de réintégration, de rappels de salaires, de dommages et intérêts et de congés payés y afférents.

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et la condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, M. [M] [I] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

En tout état de cause, la société soutient la confirmation de la décision déférée pour le surplus et le rejet des autres demandes de l'appelant.

Enfin elle sollicite la condamnation de M. [I] à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée

L'employeur ne remet pas en cause la requalification en contrat à durée indéterminée de la relation contractuelle depuis le début de celle-ci.

Le salarié sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer une indemnité de requalification de 8 760,93 euros. L'employeur s'y oppose.

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l'absence d'explications et d'éléments de preuve de nature à justifier qu'il soit alloué au salarié une somme supérieure à un mois de salaire, la cour confirmera le jugement déféré.

2 : Sur le licenciement

2.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [M] [I] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et que la sanction édictée par l'article L. 1235-11 du code du travail invoquée par la partie adverse ne s'applique pas aux salariés ayant une ancienneté inférieure à deux ans. En tout état de cause, l'employeur oppose que la rupture en cause ne repose pas sur un motif économique.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Aux termes de l'article L. 1235-14, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à la nullité du licenciement prévues à l'article L. 1235-11.

L'interprétation littérale du dernier texte conduit à considérer que la sanction de la nullité ne s'applique pas sous deux conditions alternatives et non cumulatives : soit il s'agit du licenciement d'un salarié de moins de deux d'ancienneté, soit il s'agit d'un licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés.

Dès lors que la totalité de la relation de travail a été inférieure à deux ans, la nullité n'est pas encourue.

Par suite M. [M] [I] sera débouté de sa demande de nullité, de réintégration et de paiement des salaires échus depuis la rupture.

2.2 : Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l'absence de notification au salarié de la rupture et de sa cause, celle-ci s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [M] [I] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 14 601,55 euros de dommages-intérêts en réparation de la rupture. Il souligne en particulier que la société s'est enfermée dans une posture contentieuse, au lieu de reconnaître la requalification des contrats à durée déterminée, qu'elle a fait miroiter un contrat à durée indéterminée au salarié pour obtenir le renouvellement du contrat à durée déterminée et a abusé de sa situation de dépendance et de faiblesse.

La société Sanofi Chimie objecte que le salarié ne justifie pas de son préjudice et qu'il ne peut se prévaloir que d'une faible ancienneté inférieure à deux ans.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-5 du Code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L. 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [M] [I], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail une somme de 2 920,31 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les indemnités de préavis, l'indemnité de congés payés y afférents et l'indemnité de licenciement telles que fixées par le premier juge ne sont pas remises en cause par les parties et la décision déférée sera confirmée sur ces points.

3 : Sur la perte de chance de bénéficier d'un PSE

M. [M] [I] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 117 964,04 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte de chance de bénéficier du PSE adopté en 2010. Il soutient que ce PSE aurait dû lui être appliqué en ce que :

- celui-ci concernait tous les salariés de l'entreprise appartenant aux catégories professionnelles visées par le projet de licenciement économique sous-tendant ce plan, ce qui était son cas, puisqu'il s'agissait de supprimer des postes de logistique, sans restriction aux seuls salariés des établissements d'[Localité 5], [Localité 7] et Neuville, de sorte qu'il importe peu que lui-même fût affecté à celui de Vitry ;

- il était prévu d'appliquer les critères d'ordre des licenciements, ce qui concerne selon lui nécessairement l'ensemble des salariés de la société, en l'absence de restriction prévue par le PSE à cet égard ;

- il n'était pas prévu que les bénéficiaires du PSE de 2008 fûssent exclus du PSE de 2010, et en tout état de cause, le premier de ces plans ne prévoyait pas de licenciements à l'issue des suppressions de poste et ne lui a pas bénéficié de sorte qu'une telle exclusion eût constitué une inégalité de traitement ;

- la condition de présence dans l'effectif de la société au 28 février 2010 posée par le PSE de 2010 lui est inopposable dans la mesure où elle crée une inégalité de traitement, puisqu'il s'agissait de mettre en oeuvre le plan sur les années 2010 à 2014, alors que le contrat de travail de M. [M] [I] s'est déroulé du 21 juillet 2009 au 30 avril 2011, et qu'au surplus, le plan a dû être repris, après son annulation par le tribunal de grande instance de Nanterre.

La société Sanofi Chimie s'oppose à cette prétention car, selon elle, les termes mêmes du PSE de 2010 écartent de son bénéfice les salariés des établissements autres que ceux dont il était prévu la réduction des effectifs. L'employeur souligne que l'intéressé n'était pas touché par les mesures prévues sur les sites concernés et qu'aucun licenciement n'a finalement eu lieu, compte tenu du succès des mesures alternatives.

Sur ce

Le PSE de 2010 dispose dans son préambule, partie II du plan : "Ce plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi-Chimie en accompagnement des suppressions de postes sur les sites d'[Localité 5] (développement des procédés) - [Localité 7] - Neuville, pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrit à l'effectif au 28/02/2010" ou encore "Les mesures prévues dans le plan de sauvegarde pour l'emploi seront - sauf exceptions précisées dans le corps du texte- ouvertes à l'ensemble des salariés de Sanofi Chimie".

L'interprétation littérale de cette phrase implique qu'à l'occasion de la suppression de poste dans les établissements d'[Localité 5], [Localité 7] et Neuville, un plan de sauvegarde est adopté qui s'applique à l'ensemble des salariés de la société Sanofi Chimie.

Celui-ci poursuit en son chapitre 1 en énonçant que l'absorption de l'arrêt des activités sur les trois sites en cause se fera par des ouvertures de postes sur les différents sites, des redistributions d'activité entre les sites et des cessations anticipées d'activité proposées aux salariés éligibles volontaires. Ces trois possibilités concernent aussi les salariés non affectés par les trois sites litigieux, dans la mesure où ils peuvent être touchés par les redistributions d'activité et décider une cessation anticipée d'activité qui ouvrira des possibilités à leurs collègues d'[Localité 5], [Localité 7] et Neuville, dont les postes sont supprimés.

Bien plus, certaines mesures sont propres aux salariés d'établissements autres que les trois litigieux, comme tel est le cas, selon les pages 18, 21 et 22 du PSE, des offres fermes de reclassement, de la cessation anticipée d'activité et du calendrier des départs, qui varient selon que le site d'affectation des salariés, chaque site de la Sanofi Chimie étant pris en compte et pas seulement ceux d'[Localité 5], [Localité 7] et Neuville.

Le principe est que les salariés dont les emplois sont supprimés sur ces trois sites puissent quitter l'entreprise ou être reclassés sur un autre poste, le cas échéant libéré grâce à l'encouragement au départ ou par des jeux des mutations internes.

Dans cette logique, les critères d'ordre des licenciements, si la société avait dû en venir à une telle éventualité, devaient s'appliquer à tous les salariés, puisque des postes rendus vacants dans certains établissements à la suite d'un licenciement pouvaient permettre le reclassement d'un salarié d'un site affecté par les suppressions d'emploi. C'est pourquoi le PSE fixe les critères d'ordre des licenciements sans égard pour le lieu d'affectation des salariés concernés par ces ruptures.

Rien ne permet de penser, dans cet esprit, que les salariés auxquels s'appliquait le PSE de 2008 et notamment ceux du site de Vitry étaient écartés du bénéfice du PSE de 2010. Le premier plan n'avait pour objet que des transferts d'activité d'un site à l'autre avec modification de celle du site concerné, sans prévision de licenciements.

Aux termes du préambule de PSE de 2010 figurant page 17, "le plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi Chimie (...) pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrits à l'effectif au 28 février 2010".

Embauché le 21 octobre 2009, avec reprise d'ancienneté au 21 juillet 2009, M. [M] [I] remplit cette condition.

Toutefois, l'importance du préjudice né de l'impossibilité de bénéficier du PSE doit être relativisée.

D'abord rien ne permet d'affirmer que le salarié aurait bénéficié de la somme de 50 000 euros garanti par le PSE dans le cadre d'un licenciement. En effet, ce dernier aurait pu, comme de nombreux collègues, accepter les mesures de reclassement proposées, puisqu'aucun licenciement n'a eu lieu dans le cadre de la mise en oeuvre du PSE.

De plus en l'absence de tout élément produit par le salarié sur sa situation actuelle, l'importance du préjudice causé par la perte de chance de recourir aux différentes aides offertes par ce plan doit être considéré comme réduit, car rien ne permet d'affirmer que sa situation actuelle est moins favorable que celle résultant de ce possible reclassement.

Il n'en demeure pas moins qu'il a perdu une des opportunités, ce qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros.

4 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de confirmer le jugement déféré au titre des frais irrépétibles de première instance et de lui allouer une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et de rejeter les prétentions formées par la société de ce chef.

La société qui succombe en appel supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré uniquement sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer M. [M] [I] la somme de 10 000 euros en réparation de la perte de chance de bénéficier du PSE ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Rejette la demandes de la société Sanofi Chimie au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer M. [M] [I] la somme 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Sanofi aux dépens ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/08688
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.08688 ?
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