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07/12/2022 | FRANCE | N°18/08682

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/08682


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08682 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CVX



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 12/01464



APPELANT



M. [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté

par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substituée par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08682 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CVX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 12/01464

APPELANT

M. [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substituée par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

INTIMEE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Alexandra VELHO TOME, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Gaël BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière : Mme Victoria RENARD, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 5], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 8].

M. [Z] [C] a été mis à la disposition de la société Sanofi Chimie en qualité d'opérateur de fabrication selon contrat de mission du 11 juillet 2011 au 31 octobre 2011 pour "accroissement temporaire d'activité lié à la réorganisation de la production". Il a passé avec l'entreprise utilisatrice un contrat à durée déterminée du 20 octobre 2011 et couvrant la période du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2012 en qualité d'opérateur de fabrication pour "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé".

Il a été affecté tout au long de cette relation de travail entre le 11 juillet 2011 et le 31 octobre 2012 à l'établissement de [Localité 7].

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimique.

La société a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 8] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 6], d'[Localité 5] et de [Localité 7].

Par lettre du 6 août 2012, l'employeur écrivait au salarié : "Nous accusons réception de votre courrier du 2 juillet 2012 par lequel vous nous faites part de votre volonté de mettre fin de manière anticipée au contrat à durée déterminée qui vous lie à la société. Nous vous confirmons que vous serez libre de tout engagement à l'égard de la société le vendredi 31 août 2012 au soir".

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 31 mai 2012, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration dans l'entreprise et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 2708,33 euros d'indemnité de requalification ;

- 56 874,93 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 5 687,49 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 2 708,33 euros d'indemnité de requalification ;

- 5 416,66 euros d'indemnité de préavis ;

- 541,67 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 32 499,96 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La défenderesse s'opposait à ces prétentions.

Par jugement du 12 novembre 2014, le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur les sommes suivantes :

- 2 708,33 euros d'indemnité de requalification ;

- 5 416,66 euros d'indemnité de préavis et 541,67 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de dommages-intérêts pour perte de chance a été rejetée.

Appel a été interjeté par le salarié le 13 janvier 2015.

A l'audience du 30 mars 2016, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 28 juillet 2018, suivant acte de saisine du 9 juillet 2018.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, l'appelant demande l'infirmation de la décision déférée sur l'absence de requalification des contrats de missions en contrat à durée indéterminée, sur le rejet de la demande de nullité du licenciement, de réintégration, et les condamnations subséquentes. Il prie en conséquence la cour de requalifier la rupture en licenciement nul, d'ordonner sa réintégration et de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 311 457,95 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 31 145,79 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 32 499,96 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible.

Subsidiairement, il soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l'infirmation sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il entend voir fixer à la somme de 16 249,98 euros en sus de la somme de 2 660,74 euros accordée par le conseil des prud'hommes et celle de115 208,29 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins la somme de 50 000 euros à ce titre.

Il s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, la société Sanofi Chimie demande la confirmation de la décision entreprise. A titre subsidiaire elle entend voir limiter à la somme de 2 708,33 euros le montant des dommages-intérêts pour rupture abusive. Encore plus subsidiairement, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et la condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée. La société demande qu'il soit enjoint à M. [Z] [C] de justifier de ces revenus à soustraire du rappel de salaire dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

En tout état de cause, la société soutient la confirmation de la décision déférée pour le surplus et le rejet des autres demandes de l'appelant.

Enfin elle sollicite la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel.

MOTIFS

1 : Sur la requalification de la relation de travail

1.1 : Sur la cause de requalification

Le salarié reproche au jugement de n'avoir requalifié en contrat à durée indéterminée que les contrats à durée déterminée qui ont couru du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2012 et non les contrats de travail temporaire qui ont couru avant cette période et dans le même trait de temps, à savoir du 11 juillet 2011 au 31 octobre 2011. Il soutient que ces contrats avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice et que le motif de recours à savoir le surcroît d'activité n'est pas démontré.

La société Sanofi Chimie répond que le motif de recours aux contrats de travail temporaire et contrats à durée déterminée était un accroissement temporaire d'activité et plus précisément de pourvoir les postes de [Localité 7] destinés à être supprimés et dont les titulaires faisaient l'objet d'un mesure telle qu'un reclassement.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1251-5 le contrat de mission quelque soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

L'article L. 1251-11 du contrat de travail dispose qu'un contrat de travail temporaire ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié et le départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou du comité social et économique.

Selon l'article L. 1251-40 du contrat de travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1251-5 , ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il s'est certes écoulé quinze mois pendant lesquels le salarié a eu une relation de travail continue avec son employeur par une succession de quatre contrats de travail temporaire puis à durée déterminée du 11 juillet 2011 au 31 octobre 2012, pour remplacer des salariés qui quittaient leur poste dans le cadre de mesures de mesures d'accompagnement préalablement la suppression de leur activité.

Il ne peut en être déduit, eu égard aux circonstances et à la brièveté de la période considérée pendant laquelle il a pu remplacer des salariés différents, qu'il occupait durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Cependant les explications données par l'employeur pour justifier l'accroissement temporaire d'activité et liée à la réorganisation de l'entreprise ne coïncident pas avec l'accroissement temporaire d'activité et au surplus ne sont étayées par aucun élément de preuve. En effet les considérations générales sur le fonctionnement de la société qui entendait fermer des établissements et recourir à des contrats précaires pour accompagner le reclassement des salariés touchés par cette réorganisation, n'ont pas trait au cas précis de M. [Z] [C].

Par suite, la totalité de la relation de travail ayant lié M. [Z] [C] à la société Sanofi Chimie entre le 11 juillet 2011 au 31 août 2012 doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée.

1.2 : Sur l'indemnité de requalification

M. [Z] [C] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 8 124,99 euros d'indemnité de requalification. L'employeur s'y oppose et entend voir confirmer l'allocation de la somme de 2 708,33 euros fixée par le conseil des prud'hommes.

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l'absence d'explications et d'éléments de preuve de nature à justifier qu'il soit alloué à M. [Z] [C] une somme supérieure à un mois de salaire, la cour confirmera le jugement déféré.

2 : Sur le licenciement

2.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [Z] [C] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et que la sanction édictée par l'article L. 1235-11 du code du travail invoquée par la partie adverse ne s'applique pas aux salariés ayant une ancienneté inférieure à deux ans. En tout état de cause, l'employeur oppose que la rupture en cause ne reposent pas sur un motif économique.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Aux termes de l'article L. 1235-14, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à la nullité du licenciement prévues à l'article L. 1235-11.

L'interprétation littérale du dernier texte conduit à considérer que la sanction de la nullité ne s'applique pas sous deux conditions alternatives et non cumulatives : soit il s'agit du licenciement d'un salarié de moins de deux d'ancienneté, soit il s'agit d'un licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés.

Dès lors que le premier contrat à durée déterminée liant les parties remonte au 11 juillet 2011 et que le dernier contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée a pris fin le 31 août 2012, à la suite d'une rupture anticipée d'un commun accord entre les parties, le salarié avait moins de deux ans d'ancienneté et la nullité n'est pas encourue.

Par suite M. [Z] [C] sera débouté de sa demande de nullité, de réintégration et de paiement des salaires échus depuis la rupture.

2.2 : Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [Z] [C] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser des dommages-intérêts en réparation de la rupture. Il souligne en particulier que la société s'est enfermée dans une posture contentieuse, au lieu de reconnaître la requalification des contrats à durée déterminée, qu'elle a fait miroiter un contrat à durée indéterminée au salarié pour obtenir le renouvellement du contrat à durée déterminée et a abusé de sa situation de dépendance et de faiblesse.

La société Sanofi Chimie objecte que le salarié ne justifie pas de son préjudice et qu'il ne peut se prévaloir que d'une faible ancienneté inférieure à deux ans.

Sur ce

Certes en principe en l'absence de lettre de licenciement notifiant au salarié la rupture et sa cause, celle-ci s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, en l'espèce, le contrat n'a pas pris fin à l'issue du dernier contrat à durée déterminée, soit le 31 octobre 2012, mais par anticipation le 31 août 2012 à la demande du salarié qui avait écrit à la société en ces termes : "En effet, ayant trouvé un emploi en contrat à durée indéterminée, la loi du 17 janvier 2002 m'autorise à mettre fin à notre collaboration. Comme l'oblige la loi je respecterai un préavis d'un mois. La fin de mon contrat sera donc effective le 31 août 2012".

Par lettre du 6 août 2012, l'employeur a donné son accord.

Ainsi cette rupture, à la demande du salarié, s'analyse comme une démission, et, en tout état de cause, n'a causé aucun préjudice au salarié qui verra sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive rejetée.

L'octroi de l'indemnité de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférents ne faisant l'objet d'appel ni de part, ni d'autre, la cour n'en est pas saisie.

3 : Sur la perte de chance de bénéficier d'un PSE

M. [Z] [C] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte de chance de bénéficier du PSE adopté en 2010. Il soutient que ce PSE aurait dû lui être appliqué en ce que :

- il était prévu d'appliquer les critères d'ordre des licenciements, ce qui concerne selon lui nécessairement l'ensemble des salariés de la société, en l'absence de restriction prévue par le PSE à cet égard ;

- il n'était pas prévu que les bénéficiaires du PSE de 2008 fûssent exclus du PSE de 2010, et en tout état de cause, le premier de ces plans ne prévoyait pas de licenciements à l'issue des suppressions de poste et ne lui a pas bénéficié de sorte qu'une telle exclusion eût constitué une inégalité de traitement ;

- la condition de présence dans l'effectif de la société au 28 février 2010 posée par le PSE de 2010 lui est inopposable dans la mesure où elle crée une inégalité de traitement, puisqu'il s'agissait de mettre en oeuvre le plan sur les années 2010 à 2014, alors que le contrat de travail de M. [Z] [C] s'est déroulé du 11 juillet 2011 au 31 août 2012, et qu'au surplus, le plan a dû être repris, après son annulation par le tribunal de grande instance de Nanterre.

La société Sanofi Chimie s'oppose à cette prétention car, selon elle, le PSE de 2010 limitait son bénéfice aux salariés qui faisaient partie des effectifs en février 2010. L'employeur souligne que l'intéressé n'était pas touché par les mesures prévues sur les sites concernés et qu'aucun licenciement n'a finalement eu lieu, compte tenu du succès des mesures alternatives.

Sur ce

Aux termes du préambule du PSE de 2010 figurant page 17, "le plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi Chimie (...) pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrits à l'effectif au 28 février 2010".

Embauché le 11 juillet 2011, M. [Z] [C] ne remplit pas cette condition.

Il en va d'autant plus ainsi que l'employeur impute la perte chance à un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être retenue s'agissant de ce salarié qui a donné sa démission.

Certes, il est de principe que si le plan social peut contenir des mesures réservées à certains salariés et en exclure par conséquent d'autres notamment à raison de la date, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables.

En l'espèce, l'exclusion des salariés embauchés postérieurement au début de l'élaboration du PSE est un motif pertinent. En effet, comme l'explique ce plan, il tendait à une réduction des effectifs de l'entreprise, à cette date, en fonction du projet de plan directeur des années 2010-2014 qui recherche une adaptation de l'entreprise à l'environnement pharmaceutique mondial. Les mesures prévues étaient fonction des effectifs à cette date, qui est celle du début des consultations des institutions représentatives. Les embauches postérieures, telle que celle de M. [Z] [C], sont décidées en fonction de ces objectifs et n'ont pas lieu d'être adaptées à ces objectifs, contrairement à ceux dont l'embauche précède la réorganisation.

Si, par ordonnance du 12 août 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a constaté l'insuffisance et l'irrégularité de la procédure d'information-consultation initiée le 31 mars 2010 et a enjoint à la société Sanofi de recommencer la procédure dès l'origine avec l'établissement des catégories professionnelles concernées par la restructuration ou la transformation de leurs postes de travail, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 31 août 2010.

Il s'agissait néanmoins de la poursuite d'une projet fondé sur la situation des effectifs à l'origine des négociations en février 2010 et non d'une reprise totale du projet. Ainsi l'exemplaire du PSE édité pour une réunion du comité d'entreprise du 20 octobre 2010, date bien postérieure à l'ordonnance précitée, maintient le critère de l'appartenance aux effectifs en février 2010.

M. [Z] [C] ne peut par conséquent invoquer utilement une perte de chance causée par la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable dont il aurait pu profiter s'il était resté dans l'entreprise. En effet, il n'avait pas vocation à bénéficier du PSE.

Le salarié n'ayant aucune vocation à se voir appliquer ce plan, la demande de dommages-intérêts pour perte de chances d'en bénéficier du fait de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée.

4 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de confirmer le jugement déféré au titre des frais irrépétibles et de rejeter les demandes formées de ce chef par l'une et l'autre des parties au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.

Le salarié qui succombe en appel sur l'essentiel supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Se déclare non saisie d'un appel sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés y afférents ;

Infirme le jugement déféré uniquement sur la demande de requalification de la relation de travail ;

Statuant à nouveau ;

Requalifie la relation de travail ayant lié M. [Z] [C] à la société Sanofi Chimie entre le 11 juillet 2011 et le 31 août 2012 en contrat à durée indéterminée ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [Z] [C] aux dépens d'appel dont le recouvrement pourra être directement poursuivi par Maître Sandrine Losi, - Capstant LMS, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/08682
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.08682 ?
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