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07/12/2022 | FRANCE | N°18/08677

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/08677


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 9 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08677 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CVK



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n°12/01419



APPELANTE



Mme [G] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Repré

sentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substitué par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : J094



INTIMEE



SA SANOFI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08677 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CVK

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n°12/01419

APPELANTE

Mme [G] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substitué par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

INTIMEE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Alexandra VELHO TOME, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Gaël BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière : Mme Victoria RENARD, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 3], [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 6].

Mme [G] [Y] a été mise à disposition de la société Sanofi Chimie dans le cadre de contrats de mission entre le 22 février 2010 et le 21 mai 2010 en qualité de pompier, pour un accroissement temporaire d'activité. La mission a été prolongée jusqu'au 30 juin 2010.

Mme [G] [Y] a été engagée par la société Sanofi Chimie selon contrat à durée déterminée du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010, en qualité de pompier, en "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé". Le contrat a été prolongé jusqu'au 30 avril 2011.

Elle a été affectée tout au long de sa relation contractuelle sur le site de [Localité 6].

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 6] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 4], d'[Localité 3] et de [Localité 5].

L'intéressée a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 31 janvier 2012, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Elle demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 2 637,73 euros d'indemnité de requalification ;

- 97 596,01 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 9 759,60 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 2 637,73 euros d'indemnité de requalification ;

- 5 275,46 euros d'indemnité de préavis ;

- 527,55 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 31 652,76 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 novembre 2014, le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser à la demanderesse les sommes suivantes :

- 2 637,73 euros d'indemnité de requalification ;

- 2 637,73 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 5 275,46 euros d'indemnité de préavis et 527,55 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1 049,41 euros d'indemnité de licenciement ;

- 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée a été déboutée du surplus de ses demandes et la société Sanofi Chimie condamnée aux dépens.

Appel a été interjeté par la salariée le 13 janvier 2015.

A l'audience du 30 mars 2016, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 26 juillet 2018, suivant acte de saisine du 9 juillet 2018.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, l'appelante demande l'infirmation sur le refus de requalification des contrats de mission du 22 février 2010 au 30 juin 2010 en contrat à durée indéterminée, sur le montant de l'indemnité de requalification, sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, et des condamnations subséquentes. Elle prie en conséquence la cour de requalifier l'ensemble de la relation contractuelle allant du 22 février 2010 au 30 avril 2011, incluant les contrats de mission, en contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul, d'ordonner sa réintégration. Elle soutient la confirmation du jugement sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés y afférents. Sur les conséquences de la requalification et de la nullité, elle prie la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 5 275,46 euros d'indemnité de requalification, en sus de la somme de 2 637,73 euros octroyée par le conseil ;

- 350 818, 09 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont la salariée a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 35 081,81 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 29 015,03 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible, en sus de la somme de 2 637,73 euros octroyée par le conseil des prud'hommes.

Subsidiairement, elle soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l'infirmation sur le montant des dommages-intérêts pour rupture abusive, qu'elle entend voir fixer à la somme de 13 188,65 euros en sus de la somme de 2 637,73 euros accordée par le conseil des prud'hommes et celle de 114 290,49 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins la somme de 50 000 euros à ce titre.

Elle s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, la société Sanofi Chimie demande l'infirmation partielle de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer à Mme [G] [Y] la somme de 2 637,73 euros et le rejet de la demande de la salariée de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Subsidiairement, elle demande de limiter à la somme de 2 637,73 euros le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive.

Plus subsidiairement, elle conclut au rejet des demandes de la salariée de réintégration, de rappels de salaires, de dommages et intérêts et de congés payés y afférents.

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et la condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, Mme [G] [Y] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

En tout état de cause, la société soutient la confirmation de la décision déférée pour le surplus et le rejet des autres demandes de l'appelant.

Enfin elle sollicite la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur l'effet dévolutif de l'appel

La société Sanofi Chimie soulève l'absence de saisine de la cour, faute d'effet dévolutif de l'appel, en application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de l'appel, en ce que tout en se disant partiel, l'acte ne précisait pas les chefs de jugement contestés.

Mme [G] [Y] objecte qu'en l'état des textes applicables à l'époque de l'appel, la dévolution s'opérait pour le tout lorsque l'appel n'était pas limité à certains chefs et qu'en tout état de cause, la mention "appel partiel" figurant sur la déclaration d'acte portait implicitement sur les chefs du jugement défavorables à l'auteur du recours.

Sur ce

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l'appel du 13 janvier 2015, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En déclarant faire appel partiel sans plus de précision, l'auteur du recours entendait implicitement déférer à la cour tous les chefs de jugement qui ne lui donnaient pas satisfaction, ce qui correspond d'ailleurs au dispositif de ses conclusions.

Ainsi l'effet dévolutif joue à l'égard desdits chefs.

2 : Sur la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée

2.1 : Sur la requalification

Mme [G] [Y] sollicite la requalification du contrat de mission et de sa prolongation au double motif d'une part que l'emploi en cause est un emploi durable et permanent et d'autre part que la société ne démontre pas l'exactitude du motif de surcroît temporaire d'activité.

La société Sanofi Chimie répond que le motif de recours aux contrats de travail temporaire était un accroissement temporaire d'activité et plus précisément de pourvoir les postes de [Localité 5] destinés à être supprimés et dont les titulaires faisaient l'objet d'une mesure telle qu'un reclassement.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1251-5 le contrat de mission quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

L'article L. 1251-11 du contrat de travail dispose qu'un contrat de travail temporaire ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié et le départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou du comité social et économique.

Selon l'article L. 1251-40 du contrat de travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1251-5, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il s'est écoulé à peine un an et deux mois pendant lesquels la salariée a eu une relation de travail continue avec son employeur par une succession de contrats de travail temporaire et de contrats à durée déterminée pour remplacement de salarié absent ou assurer le remplacement d'un salarié dont le poste allait être supprimé.

Il ne peut en être déduit eu égard aux circonstances et à la brièveté de la période considérée, pendant laquelle Mme [G] [Y] a pu remplacer des salariés différents, qu'elle occupait durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Cependant le motif du recours au travail temporaire pour accroissement temporaire d'activité n'est pas justifié.

Par suite, la relation de travail ayant lié Mme [G] [Y] à la société Sanofi Chimie entre le 22 février 2010 et le 30 avril 2011 doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée.

2.2 : Sur l'indemnité de requalification

Mme [G] [Y] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 5 275,46 euros d'indemnité de requalification. L'employeur s'y oppose et entend voir limiter à un mois de salaire brut le montant de l'indemnité soit à la somme de 2 637,73 euros.

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l'absence d'explication et d'éléments de preuve de nature à justifier qu'il soit alloué au salarié une somme supérieure à un mois de salaire, la cour condamnera l'employeur à verser la somme de 2 593,29 euros correspondant à un mois de salaire.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la nullité du licenciement

Mme [G] [Y] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et dès lors que la rupture ne repose pas sur un motif économique et qu'en tout état de cause la nullité est exclue lorsque le salarié a moins de deux ans d'ancienneté.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Aux termes de l'article L. 1235-14, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à la nullité du licenciement prévues à l'article L. 1235-11.

L'interprétation littérale du dernier texte conduit à considérer que la sanction de la nullité ne s'applique pas sous deux conditions alternatives et non cumulatives : soit il s'agit du licenciement d'un salarié de moins de deux d'ancienneté, soit il s'agit d'un licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés.

Dès lors que le salarié avait moins de deux ans d'ancienneté, la nullité n'est pas encourue.

Par suite Mme [G] [Y] sera déboutée de sa demande de nullité, de réintégration et de paiement des salaires échus depuis la rupture.

3.2 : Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l'absence de lettre de licenciement notifiant au salarié la rupture et sa cause, celle-ci s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [G] [Y] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 13 188,65 euros de dommages-intérêts en réparation de la rupture. Il souligne en particulier que la société s'est enfermée dans une posture contentieuse, au lieu de reconnaître la requalification des contrats précaires, qu'elle a fait miroiter un contrat à durée indéterminée au salarié pour obtenir le renouvellement du contrat à durée déterminée et a abusé de sa situation de dépendance et de faiblesse.

La société Sanofi Chimie objecte que la salariée ne justifie pas de son préjudice et que le montant de l'indemnité doit être limité à la somme de 2 637,73 euros.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-5 du Code du travail, dans sa version en vigueur à la date de la rupture, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [G] [Y], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail une somme de 2 637,73 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les indemnités de licenciement, de préavis et l'indemnité de congés payés y afférents sollicitées par le salarié seront par conséquent accordées

4 : Sur la perte de chance de bénéficier d'un PSE

Mme [G] [Y] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 114 290,49 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte de chance de bénéficier du PSE adopté en 2010. Il soutient que ce PSE aurait dû lui être appliqué en ce que :

- celui-ci concernait tous les salariés de l'entreprise appartenant aux catégories professionnelles visées par le projet de licenciement économique sous-tendant ce plan, ce qui était son cas, puisqu'il s'agissait de supprimer des postes de logistique, sans restriction aux seuls salariés des établissements d'[Localité 3], [Localité 5] et [Localité 4], de sorte qu'il importe peu que lui-même fût affecté à celui de [Localité 6] ;

- il était prévu d'appliquer les critères d'ordre des licenciements, ce qui concerne selon lui nécessairement l'ensemble des salariés de la société, en l'absence de restriction prévue par le PSE à cet égard ;

- il n'était pas prévu que les bénéficiaires du PSE de 2008 fûssent exclus du PSE de 2010, et en tout état de cause, le premier de ces plans ne prévoyait pas de licenciements à l'issue des suppressions de poste et ne lui a pas bénéficié de sorte qu'une telle exclusion eût constitué une inégalité de traitement ;

- la condition de présence dans l'effectif de la société au 28 février 2010 posée par le PSE de 2010 lui est inopposable dans la mesure où elle crée une inégalité de traitement, puisqu'il s'agissait de mettre en oeuvre le plan sur les années 2010 à 2014, alors que le contrat de travail de Mme [G] [Y] s'est déroulé du 22 février 2010 au 30 avril 2011, et qu'au surplus, le plan a dû être repris, après son annulation par le tribunal de grande instance de Nanterre.

La société Sanofi Chimie s'oppose à cette prétention car, selon elle, les termes mêmes du PSE de 2010 écartent de son bénéfice les salariés des établissements autres que ceux dont il était prévu la réduction des effectifs et qu'ils fassent partie de ceux-ci en février 2010. L'employeur souligne que l'intéressée n'était pas touchée par les mesures prévues sur les sites concernés et qu'aucun licenciement n'a finalement eu lieu, compte tenu du succès des mesures alternatives.

Sur ce

Le PSE de 2010 dispose dans son préambule, partie II du plan : "Ce plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi-Chimie en accompagnement des suppressions de postes sur les sites d'[Localité 3] (développement des procédés) - [Localité 5] - [Localité 4], pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrit à l'effectif au 28/02/2010" ou encore "Les mesures prévues dans le plan de sauvegarde pour l'emploi seront - sauf exceptions précisées dans le corps du texte- ouvertes à l'ensemble des salariés de Sanofi Chimie".

L'interprétation littérale de cette phrase implique qu'à l'occasion de la suppression de poste dans les établissements d'[Localité 3], [Localité 5] et [Localité 4], un plan de sauvegarde est adopté qui s'applique à l'ensemble des salariés de la société Sanofi Chimie.

Celui-ci poursuit en son chapitre 1 en énonçant que l'absorption de l'arrêt des activités sur les trois sites en cause, se fera par des ouvertures de postes sur les différents sites, de redistributions d'activité entre les sites et des cessations anticipées d'activité proposées aux salariés éligibles volontaires. Ces trois possibilités concernent aussi les salariés non affectés par les trois sites litigieux, dans la mesure où ils peuvent être touchés par les redistributions d'activité et décider une cessation anticipée d'activité qui ouvrira des possibilités à leurs collègues d'[Localité 3], [Localité 5] et [Localité 4], dont les postes sont supprimés.

Bien plus, certaines mesures sont propres aux salariés d'établissements autres que les trois litigieux, comme tel est le cas, selon les pages 18, 21 et 22 du PSE, des offres fermes de reclassement, de la cessation anticipée d'activité et du calendrier des départs, qui varient selon que le site d'affectation des salariés, chaque site de la société Sanofi Chimie étant pris en compte et pas seulement ceux d'[Localité 3], [Localité 5] et [Localité 4].

Le principe est que les salariés dont les emplois sont supprimés sur ces trois sites puissent quitter l'entreprise ou être reclassés sur un autre poste, le cas échéant libéré grâce à l'encouragement au départ ou par des jeux des mutations internes.

Dans cette logique, les critères d'ordre des licenciements, si la société avait dû en venir à une telle éventualité, devaient s'appliquer à tous les salariés, puisque des postes rendus vacants dans certains établissements à la suite d'un licenciement pouvaient permettre le reclassement d'un salarié d'un site affecté par les suppressions d'emploi. C'est pourquoi le PSE fixe les critères d'ordre des licenciements sans égard pour le lieu d'affectation des salariés concernés par ces ruptures.

Rien ne permet de penser, dans cet esprit, que les salariés auxquels s'appliquait le PSE de 2008 et notamment ceux du site de [Localité 6] étaient écartés du bénéfice du PSE de 2010. Le premier plan n'avait pour objet que des transferts d'activité d'un site à l'autre avec modification de celle du site concerné, sans prévision de licenciements.

Aux termes du préambule de PSE de 2010 figurant page 17, "le plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi Chimie (...) pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrits à l'effectif au 28 février 2010".

Embauchée le 22 février 2010, Mme [G] [Y] remplit cette condition.

Toutefois, l'importance du préjudice né de l'impossibilité de bénéficier du PSE doit être relativisée.

D'abord rien ne permet d'affirmer que la salariée aurait bénéficié de la somme de 50 000 euros garanti par le PSE dans le cadre d'un licenciement. En effet, cette dernière aurait pu, comme de nombreux collègues, accepter les mesures de reclassement proposées, puisqu'aucun licenciement n'a eu lieu dans le cadre de la mise en oeuvre du PSE.

De plus en l'absence de tout élément produit par la salariée sur sa situation actuelle, l'importance du préjudice causé par la perte de chance de recourir aux différentes aides offertes par ce plan reste réduit.

Il n'en demeure pas moins qu'elle a perdu des opportunités, ce qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros.

4 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de confirmer le jugement déféré au titre des frais irrépétibles de première instance et de lui allouer une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et de rejeter les prétentions formées par la société de ce chef.

La société qui succombe en appel supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Constate l'effet dévolutif de l'appel sur tous les chefs de jugement défavorables à Mme [G] [Y] ;

Infirme le jugement déféré sauf sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer Mme [G] [Y] la somme de 10 000 euros en réparation de la perte de chance de bénéficier du PSE .

Confirme pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Rejette la demandes de la société Sanofi Chimie au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer Mme [G] [Y] la somme 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Sanofi aux dépens ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/08677
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.08677 ?
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