La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2022 | FRANCE | N°18/08661

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/08661


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08661 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CUJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 12/01590



APPELANT



M. [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté p

ar Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substituée par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PARI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08661 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CUJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 12/01590

APPELANT

M. [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substituée par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

INTIMEE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Alexandra VELHO TOME, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Gaël BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière : Mme Victoria RENARD, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 5], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 8].

M. [C] [F] a été mis à disposition de la société Sanofi Chimie dans le cadre d'un contrat de travail temporaire, en qualité d'agent de production pour le remplacement d'un salarié absent, du 11 au 31 août 2008. Il a ensuite été embauché par l'entreprise utilisatrice selon contrat à durée déterminée du 1er septembre 2008 pour une période de douze mois, en qualité de technicien de production pour "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé". Ce contrat a été renouvelé par acte du 15 juin 2009 jusqu'au 31 août 2010. Par contrat à durée déterminée du 1er septembre 2010, M. [C] [F] a été engagé par le même employeur comme agent de production, pour le même motif que le précédent et sur la période du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011. Il a été affecté tout au long de ces diverses relations contractuelles à l'établissement de [Localité 8].

Selon contrat du 1er avril 2011, l'intéressé a été mis à la disposition de la société Sanofi Chimie dans le cadre d'une mission de travail temporaire du 1er avril 2011 au 31 juillet 2011 en qualité de technicien d'atelier, pour "absence ou suspension temporaire d'un salarié, suite à la réorganisation du service de production". Un nouveau contrat de mission a été conclu avec lui pour le même motif que le précédent, pour la période du 1er août 2011 au 31 octobre 2011. Il était affecté sur le site de [Localité 7].

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 8] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 6], d'[Localité 5] et de [Localité 7].

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 15 juin 2012, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 4 234,20 euros d'indemnité de requalification ;

- 148 197 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 14 819,70 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 4 234,20 euros d'indemnité de requalification ;

- 8 468,40 euros d'indemnité de préavis ;

- 846,84 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 4 255,37 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 101 620,80 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 novembre 2014, le "contrat à durée déterminée" a été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur les sommes suivantes :

- 4 234,20 euros d'indemnité de requalification ;

- 25 405,20 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- 8 468,40 euros d'indemnité de préavis et 846,84 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 3 281,51 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié a été débouté du surplus de ses demandes et condamné aux dépens.

Appel a été interjeté par le salarié le 13 janvier 2015.

A l'audience du 30 mars 2016, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 26 juillet 2018, suivant acte de saisine du 9 juillet 2018.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, l'appelant demande l'infirmation de la décision déférée sur le rejet de sa demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, sur le montant de l'indemnité de requalification, sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, et des condamnations subséquentes. Il prie en conséquence la cour de requalifier l'intégralité de la relation de travail qui s'est écoulée du 11 août 2008 au 30 avril 2012 en contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul, d'ordonner sa réintégration. Il soutient la confirmation du jugement sur l'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférents. Sur les conséquences de la requalification et de la nullité, il prie la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 8 468,40 euros d'indemnité de requalification, en sus de la somme de 4 234,20 euros octroyée par le conseil ;

- 740,98 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, en sus de la somme de 3 281,51 euros octroyée par le conseil

- 537 743,40 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 53 774,34 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 25 405,20 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible, en sus de la somme de 2 660,74 euros octroyée par le conseil des prud'hommes.

Subsidiairement, il soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l'infirmation sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il entend voir fixer à la somme de 25 405,20 euros en sus de la somme de 25 405,20 euros accordée par le conseil des prud'hommes et celle de 135 044,60 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins la somme de 50 000 euros à ce titre.

Il s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, la société Sanofi Chimie demande à la cour de dire n'y avoir lieu à statuer à raison de l'absence d'effet dévolutif de l'appel. Subsidiairement, elle demande l'infirmation partielle de la décision entreprise, en ce qu'elle l'a condamné à verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et s'oppose à l'ensemble des prétentions adverses. A titre infiniment subsidiaire la société entend voir limiter à la somme de 20 398,68 euros le montant des dommages-intérêts pour rupture abusive. Encore plus subsidiairement, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et la condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, M. [C] [F] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

En tout état de cause, la société soutient la confirmation de la décision déférée pour le surplus et le rejet des autres demandes de l'appelant.

Enfin elle sollicite la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur l'effet dévolutif de l'appel

La société Sanofi Chimie soulève l'absence de saisine de la cour, faute d'effet dévolutif de l'appel, en application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de l'appel, en ce que tout en se disant partiel, l'acte ne précisait pas les chefs de jugement contestés.

M. [C] [F] objecte qu'en l'état des textes applicables à l'époque de l'appel, la dévolution s'opérait pour le tout lorsque l'appel n'était pas limité à certains chefs et qu'en tout état de cause, la mention "appel partiel" figurant sur la déclaration d'acte portait implicitement sur les chefs du jugement défavorables à l'auteur du recours.

Sur ce

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l'appel du 13 janvier 2015, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En déclarant faire appel partiel sans plus de précision, l'auteur du recours entendait implicitement déférer à la cour tous les chefs de jugement qui ne lui donnait pas satisfaction, ce qui correspond d'ailleurs au dispositif de ses conclusions.

Ainsi l'effet dévolutif joue à l'égard desdits chefs.

2 : Sur la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée

2.1 : Sur la cause de requalification

Le salarié reproche au jugement de n'avoir requalifié en contrat à durée indéterminée que les contrats à durée déterminée qui ont couru du 15 septembre 2008 au 30 avril 2012 et non les contrats de travail temporaire qui ont couru avant et après cette période et dans le même trait de temps, à savoir du 11 août 2008 au 31 août 2008 et du 1er avril 2011 au 31 octobre 2011. Il soutient que ces contrats avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice et qu'ils étaient irréguliers pour ne pas porter mention du salarié absent remplacé.

La société Sanofi Chimie répond que le motif de recours aux contrats de travail temporaire et contrats à durée déterminée était le remplacement de salariés dont l'absence est justifiée et non de pourvoir un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1251-40 du Code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Le contrat de mission du 11 août 2008 est stipulé pour le remplacement d'un salarié absent en la personne de M. [I] [N]. L'employeur produit un document informatique interne qui énumère les absences du salarié remplacé entre le 27 mai et le 1er novembre 2008. Rien de démontre l'exactitude de ce tableau, notamment la production d'arrêts maladie. Ce premier contrat doit donc être requalifié.

L'article L. 1242-2 du contrat de travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié et le départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou du comité social et économique.

Aux termes de l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif et notamment les mentions énumérées par ce texte ; qu'à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Selon l'article L. 1245-1 du contrat de travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat à durée déterminée conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12 alinéa 1, L. 1242-11 alinéa 1, L. 1242-3 et L. 1242-4 du même code.

Le contrat suivant celui précédemment analysé du 1er septembre 2008, est stipulé pour "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé", mais ne donne pas l'identité du salarié dont le poste serait ainsi supprimé.

Il ressort certes du procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 8 octobre 2010 qu'il a été proposé lors des réunions du comité central d'entreprise du 21 septembre 2010 et du 8 octobre 2010 de recourir à des contrats à durée déterminée pour anticiper les départs de salariés affectés à d'autres postes dans le cadre de la restructuration de l'entreprise. Cependant ces documents ne font pas état du nom du salarié que M. [C] [F] devait remplacer en vue de la suppression du poste du premier. La preuve n'est pas rapportée de la véracité du motif en cause.

Par suite, la relation de travail ayant lié M. [C] [F] à la société Sanofi Chimie entre le 11 août 2008 et le 31 octobre 2011 doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée.

2.2 : Sur l'indemnité de requalification

M. [C] [F] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer une indemnité de requalification de 8 468,40 euros en sus de la somme de 4 234,20 euros accordée par le conseil des prud'hommes. L'employeur s'y oppose.

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l'absence d'explication et d'éléments de preuve de nature à justifier qu'il soit alloué à M. [C] [F] une somme supérieure à un mois de salaire, la cour confirmera le jugement déféré.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [C] [F] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail. Il sollicite la nullité du licenciement et sa réintégration.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et dès lors que la rupture ne repose pas sur un motif économique. Subsidiairement, l'employeur objecte qu'aucune réintégration n'est possible dans ses établissements, qu'en particulier le dernier site où l'intéressé a travaillé, celui de [Localité 7] est fermé, alors qu'en tout état de cause, aucun poste équivalent à celui du salarié n'est disponible. Il en veut pour preuve que les salariés du centre de [Localité 8] ont été contraints de suivre une formation de reconversion de plus de deux ans pour assurer les nouveaux postes créés en sons sein

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-10 du Code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nulle.

Aux termes de l'article L.1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Il est constant selon les écritures des parties qu'au moins dix salariés placés dans la même situation que M. [C] [F] dans une même période de trente jours ont été licenciés du fait d'une requalification de leurs contrats de travail précaires en contrat à durée indéterminée.

Par suite, le licenciement est nul.

Il appartient à l'employeur de démontrer l'impossibilité de réintégrer le salarié dans son emploi ou dans un emploi équivalent, au sein de l'entreprise, cette obligation ne s'étendant pas au groupe.

L'analyse des plans de sauvegarde de l'emploi de 2008 et 2010 révèle l'existence de plusieurs établissements en dehors de ceux qui ont été restructurés. Il n'est pas démontré qu'au-delà du changement intervenu dans le fonctionnement de certains de ces établissements, aucune réintégration n'était possible. La reconversion de certains salariés des établissements réorganisés tels que celui de [Localité 8] n'exclut pas que des postes équivalents à celui de M. [C] [F] fûssent encore disponibles.

Par suite il sera ordonné la poursuite du contrat de travail.

3.2 : Sur les conséquences financières

M. [C] [F] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser les somme de 537 743,40 euros de dommages-intérêts à parfaire au titre des salaires échus entre la rupture et la réintégration, 53 774,34 euros d'indemnité de congés payés y afférents, à parfaire également. Il demande l'augmentation de l'indemnité de licenciement accordée par le premier juge qui n'aurait pas pris en compte de la date d'ancienneté qui remonte au 11 août 2008.

La société Sanofi Chimie oppose que le salarié ne peut réclamer à titre de rappel de salaire plus que ce dont il a été privé et qu'il doit déduire des salaires réclamés les salaires et revenus de remplacement qu'il a perçus depuis la rupture. Enfin la société estime que l'intéressé n'a pas droit à des congés payés puisqu'il demande les salaires perçus sur des années entières qui recouvrent nécessairement les congés payés.

Sur ce

Dès lors que le salarié sollicite sa réintégration, sa demande de complément d'indemnité de licenciement ne peut qu'être rejetée.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Il en résulte que doivent être déduits de la réparation du préjudice subi les revenus qu'il a tirés d'une autre activité et le revenu de remplacement qui lui a été servi pendant cette période.

Sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d'éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il conserve ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail.

Avant dire droit sur le montant de l'indemnité due il convient donc d'enjoindre au salarié de justifier de ses périodes de chômage et de travail entre la rupture et le jour de la production des éléments ainsi fournis et de chiffrer en conséquence son préjudice.

Il sera statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens à l'issue de cette réouverture des débats.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Constate l'effet dévolutif de l'appel sur tous les chefs de jugement défavorables à M. [C] [F] ;

Confirme le jugement déféré sur l'indemnité de requalification ;

Infirme le jugement déféré sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, sur les demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents d'indemnité de licenciement ;

Statuant à nouveau ;

Déboute M. [C] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement ;

Dit que la fin de la relation de travail s'analyse comme un licenciement nul ;

Ordonne la réintégration de M. [C] [F] ;

Avant dire droit ;

Enjoint à M. [C] [F] de justifier dans un délai de quatre mois de sa situation professionnelle et de ses revenus tels que salaires et indemnités de chômage perçus entre le licenciement et le jour de la production ;

Enjoint à M. [C] [F] de conclure avant le 26 avril 2023 ;

Enjoint à la société Sanofi Chimie de conclure avant le 30 août 2023 ;

Renvoie l'affaire à l'audience du 26 mars 2024 à 13 heures 30, salle Louise HANON 2-H-01 ;

Dit que le présent arrêt vaut convocation ;

Réserve les dépens ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/08661
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.08661 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award