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07/12/2022 | FRANCE | N°18/08248

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/08248


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08248 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ABI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2016 - Conseil de Prud'hommes- Formation paritaire de Créteil - RG n°17/01517



APPELANTE



SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice<

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[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020



INTIME



Monsieur [T] [R]

[Adresse 1]

[Loc...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08248 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ABI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2016 - Conseil de Prud'hommes- Formation paritaire de Créteil - RG n°17/01517

APPELANTE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

INTIME

Monsieur [T] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 5], [Localité 8], [Localité 7] et [Localité 9].

M. [T] [R] a été mis à disposition de la société Sanofi Chimie dans le cadre d'un contrat de mission entre le 5 septembre 2007 et le 28 mai 2008, pour remplacer un salarié absent, M. [V] [Z], sur le site de [Localité 8].

M. [T] [R] a été embauché par la société Sanofi Chimie selon contrat à durée déterminée du 1er septembre 2008 au 31 août 2009, avec reprise d'ancienneté à compter du 2 juin 2008, en qualité d'agent de production, pour "remplacement d'un salarié dont le poste a été supprimé", sur le site de [Localité 9]. Ce contrat a été prolongé jusqu'au 31 août 2010.

M. [T] [R] a conclu un second contrat à durée déterminée avec la même société du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2011, en qualité d'agent de production, en "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé", sur le site de [Localité 9].

M. [R] a conclu un troisième contrat à durée déterminée avec la même société du 9 janvier 2012 au 30 septembre 2012, en qualité d'opérateur de fabrication, en "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé", sur le site de [Localité 8]. Ce contrat été renouvelé jusqu'au 31 décembre 2013, pour un motif de "remplacement de M. [S]" et en qualité de technicien.

Il a donc été affecté successivement sur le site de [Localité 8] du 5 septembre 2007 au 28 mai 2008, puis sur le site de [Localité 9] du 1er septembre 2008 au 31 décembre 2011, puis à nouveau sur le site de [Localité 8] du 9 janvier 2012 au 31 décembre 2013.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société Sanofi Chimie a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi (PSE) en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 9] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 7], d'[Localité 5] et de [Localité 8].

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 23 juin 2014, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 10 409,13 euros d'indemnité de requalification ;

- 120 081,75 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 12 008,18 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1 392,20 euros de rappel de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 2 160,00 euros de rappel de prime de douche ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 10 904,13 euros d'indemnité de requalification ;

- 10 904,13 euros d'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- 8 281,50 euros d'indemnité de préavis ;

- 828,15 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 10 588,91 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- 62 111,25 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 décembre 2016, le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur, dont la moyenne des salaires est fixée à 3 881,59 euros, les sommes suivantes :

- 3 881,59 euros d'indemnité de requalification ;

- 3 881,59 euros d'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- 7 763,18 euros d'indemnité de préavis et 776,31 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 640,62 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- 1 392,35 euros de compensation financière d'habillage et de déshabillage ;

- 2 160,00 euros de rappel sur la prime de douche ;

- 27 500,00 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 50 000,00 euros d'indemnité réparatrice de la perte de chance de bénéficier du PSE ;

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes de Créteil a ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité de la décision en application de l'article 515 du code de procédure civile, débouté le salarié du surplus de ses demandes, condamné la société Sanofi Chimie aux dépens et ordonné les intérêts légaux.

Appel a été interjeté par la société Sanofi Chimie le 18 janvier 2017.

A l'audience du 31 octobre 2017, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 12 juillet 2018, suivant acte de saisine du 9 juillet 2018.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mai 2022, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié l'ensemble de la relation contractuelle sans distinguer les contrats de mission d'intérim des contrats à durée déterminée, fixé le salaire de référence à la somme de 3 881,59 euros et condamné la société au paiement de diverses sommes au salarié au titre :

- de l'indemnité de requalification ;

- de l'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents ;

- de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

- des rappels de prime d'habillage et de déshabillage et de douche ;

- des dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE ;

- de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, la société Sanofi Chimie demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter le salarié de sa demande de requalification des contrats de mission d'intérim en contrat à durée indéterminée, de rappels de prime d'habillage et de déshabillage et de prime de douche, de fixer le salaire de M. [R] à la somme de 2 328,88 euros et de limiter à de plus justes proportions les condamnations, lesquelles ne devront pas excéder les sommes suivantes :

- 2 328,88 euros au titre de l'indemnité de requalification ;

- 4 657,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 465,77 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférent ;

- 3 900,64 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 13 973,28 euros au titre de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Subsidiairement, l'appelante demande, le cas échéant, la limitation des condamnations aux sommes maximales suivantes :

- 3 881,59 euros au titre de l'indemnité de requalification ;

- 7 763,18 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 776,31 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférent ;

- 6 497,78 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 23 289,54 euros au titre de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;

- 253,40 euros au titre du rappel de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 1 884,96 euros au titre du rappel au titre des deux primes d'habillage et de déshabillage et de douche ;

En tout état de cause, la société soutient l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de congés payés afférents au rappel de salaire, le rejet des demandes de réintégration, de rappel de salaires et des dommages et intérêts y afférents, d'indemnité pour inobservation de la procédure, de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE, le rejet des autres demandes du salarié ainsi que la confirmation de la décision déférée pour le surplus.

Subsidiairement, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et la condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, M. [T] [R] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Enfin elle sollicite la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dont le recouvrement pourra en être poursuivi par Me Sandrine Losi, Capstan LMS, conformémemnt à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel de des avocats le 20 avril 2022, l'intimé demande l'infirmation de la décision déférée sur les montants de l'indemnité de requalification, de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférent, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité pour inobservation de la procédure et de la prime d'habillage et de déshabillage et de douche, sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, et des condamnations subséquentes.

Il prie en conséquence la cour de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul, d'ordonner sa réintégration et de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 11 644,77 euros d'indemnité de requalification ;

- 7 763,18 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 776,32 euros de congés payés afférents ;

- 451,48 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, outre la somme de 6406,20 euros déjà versée en exécution du jugement de première instance ;

- 11 644,77 euros d'indemnité pour irrégularité de procédure ;

- 392 040,59 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 39 204,06 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 19 079,10 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible, en sus de la somme de 27 500,00 euros octroyée par le conseil des prud'hommes ;

- 7 677,70 euros de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 7 677,70 euros de prime de douche.

Subsidiairement, il soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l'infirmation sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il entend voir fixer à la somme de 19 079,10 euros en sus de la somme de 27 500,00 euros accordée par le conseil des prud'hommes et celle de 115 322,46 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a accordé au salarié la somme de 50 000 euros à ce titre.

Il s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 mai 2022.

MOTIFS

1 : Sur la requalification des contrats précaires

La requalification de la relation de travail contractée sous contrat à durée déterminée entre le 2 juin 2008 et le 31 décembre 2013 en contrat à durée indéterminée n'est pas contestée.

Le salarié sollicite l'allocation d'une indemnité de requalification de 11 644,77 euros.

L'employeur conclut à la limitation de cette indemnité à la somme de 2 328,88 euros représentant selon lui un mois de salaire.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Celui-ci s'entend comme étant le dernier mois de salaire.

Il convient d'allouer, au vu du bulletin de paie de décembre 2013, et des circonstances de la cause de confirmer le jugement.

2 : Sur la prime d'habillage et de déshabillage et la prime de douche

M. [T] [R] demande la condamnation de la société Sanofi Chimie à lui payer une prime d'habillage et de déshabillage et une prime de douche, sur le fondement des articles L. 3121-3 et R. 4228-8 du Code du travail. Il ajoute à l'obligation légale imposée à l'employeur de lui verser de telles primes, l'égalité de traitement par rapport aux salariés qui travaillaient sur le site de [Localité 9], qui ont droit à de telles primes pour l'exercice des mêmes fonctions, alors que tel ne serait pas le cas des salariés qui comme lui travaillaient, à une certaine période à [Localité 8].

La société Sanofi Chimie oppose qu'il n'est pas démontré que les métiers occupés par les salariés de [Localité 9] et de [Localité 8] étaient les mêmes et qu'en tout état de cause, lorsque les salariés de ce dernier établissement devaient se changer ou prendre des douches, cela se faisait pendant le temps de travail, de sorte qu'ils se trouvaient de ce fait rémunérés.

Sur ce

Lorsque des salariés sont placés dans une situation identique au regard d'un avantage, l'employeur qui n'attribue cet avantage qu'à une seule catégorie doit justifier cette différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le salarié estime qu'ayant une activité identique à celle des salariés travaillant dans un autre établissement de la société Sanofi Chimie à savoir celui de [Localité 9], il doit être indemnisé de la même manière au titre du temps d'habillage et de déshabillage et du temps de douche.

Le salarié se compare ainsi à des salariés d'un autre établissement, ayant la même qualification que lui, à savoir celle d'opérateur de fabrication, mais pas nécessairement le même poste que le sien, qui consiste en la conduite de fabrication de produits chimiques, requérant un équipement individuel de sécurité, tels que des chaussures de sécurité, blouse, gants et lunettes de sécurité.

Il ne rapporte pas la preuve que les salariés de cet autre établissement avaient des fonctions comparables à la sienne.

Il n'en demeure pas moins qu'aux termes de l'article L. 3121-3 du Code du travail, dans sa version en vigueur au présent litige, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties, poursuit le texte, sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.

Il ressort du règlement intérieur de l'établissement de [Localité 8] comme de [Localité 9], que les membres du personnel voient mis à leur disposition des moyens de protection individuels tels que lunettes, blouses, gants, masques, chaussures, vêtements et combinaisons de travail, qui ne doivent en aucun cas être portés ou emportés à l'extérieur de l'établissement. Un vestiaire individuel est fourni à chaque salarié.

Il s'en déduit que ceux-ci devaient utiliser une tenue de sécurité et qu'ils devaient se changer pour prendre leur travail.

En l'absence de dispositions contractuelles ou conventionnelles assimilant le temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, ce temps doit être considéré comme pris préalablement à la prise de poste et doit être rémunéré.

Aucune convention ou accord collectif de travail ou disposition du contrat de travail, convention collective, de branche, d'entreprise ou d'établissement, usage ne prévoit les modalités de la rémunération du temps ainsi passé par le salarié.

Au vu des éléments peu précis qui lui sont apportés par M. [T] [R] à cet égard, la cour fixe à la somme de 253,40 euros le rappel de rémunération.

S'agissant du temps de douche, aux termes de l'article L. 3121-2 du Code du travail en cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche en application de l'article R. 4228-9 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif.

Toutefois, le règlement intérieur de l'établissement de [Localité 8], comme de [Localité 9] dispose que des douches sont mises à la disposition des salariés effectuant des travaux insalubres ou salissants, et que le temps nécessaire à la douche fait totalement partie du temps de travail.

Il s'ensuit que l'intéressé ne peut prétendre à aucune rémunération à cet égard.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [T] [R] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et dès lors que la sanction édictée par l'article L. 1235-11 du code du travail invoquée par la partie adverse ne s'applique pas aux salariés ayant une ancienneté inférieure à deux ans. En tout état de cause, l'employeur oppose que la rupture en cause ne repose pas sur un motif économique.

Sur ce

Il ne saurait être admis que soit contournée la réglementation des PSE en permettant l'évitement de ce plan au moyen de licenciements économiques obtenus par le biais de pseudo contrats à durée déterminée devant être requalifiés légalement en contrat à durée indéterminée et dont la rupture serait traitée comme une fin de contrat précaire.

Lorsque les ruptures des contrats à durée déterminée requalifiés en contrat à durée indéterminée s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs pour motif économique dont elles sont l'une des modalités, ces ruptures doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi.

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

Ce texte a pour objet d'éviter le contournement des règles imposant la mise en place d'un PSE.

Aux termes de l'article L. 1233-61 du Code du travail dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

Ces textes sont intégrés dans le chapitre du code du travail relatif au licenciement pour motif économique.

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition quelle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

De l'aveu même de la société Sanofi Chimie, les contrats précaires requalifiés en contrat à durée indéterminée ont été conclus en vue d'accompagner la mise en oeuvre du PSE de 2010 lié à une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, et qui a permis d'éviter les licenciements de salariés en contrat à durée indéterminée, en leur substituant des départs anticipés et des reclassements externes et internes.

Il en résulte que la cause de la rupture est économique et plus précisément trouve sa source comme l'indique le PSE dans la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

Ce PSE s'appliquait à tous les salariés de l'entreprise et non pas seulement à ceux des établissements supprimés puisqu'il dispose dans son préambule, partie II du plan : "Ce plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi-Chimie en accompagnement des suppressions de postes sur les sites d'[Localité 5] (développement des procédés) - [Localité 8] - [Localité 6], pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrit à l'effectif au 28/02/2010" ou encore "Les mesures prévues dans le plan de sauvegarde pour l'emploi seront - sauf exceptions précisées dans le corps du texte- ouvertes à l'ensemble des salariés de Sanofi Chimie".

Dès lors que ces ruptures de contrats précaires s'inscrivaient dans l'organisation du PSE, la condition posée par l'article L. 1235-10 tenant au projet de licenciement de plus 10 salariés au moins dans un délai d'un mois est remplie. Au demeurant, les parties n'ont pas émis d'objection sur ce point.

Il s'ensuit que la rupture du contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée trouve sa cause dans un motif économique et remplit les conditions voulues d'effectifs et de nombre de licenciements envisagés sur une période d'un mois.

Le licenciement est donc nul en application de l'article L. 1235-10 du Code du travail.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Il appartient à l'employeur de démontrer l'impossibilité de réintégrer le salarié dans sn emploi ou dans un emploi équivalent, au sein de l'entreprise, cette obligation ne s'étendant pas au groupe.

L'analyse des plans de sauvegarde de l'emploi de 2008 et 2010 révèle l'existence de plusieurs établissements en dehors de ceux qui ont été restructurés. Il n'est pas démontré qu'au-delà du changement intervenu dans le fonctionnement de certains de ces établissements, aucune réintégration n'était possible. La reconversion de certains salariés des établissements réorganisés tels que celui de Vitry n'exclut pas que des postes équivalents à celui du salarié fûssent encore disponibles.

Par suite il sera ordonné la poursuite du contrat de travail.

3.2 : Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du PSE

Le salarié n'a formulé de demande de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du PSE, qu'à défaut de reconnaissance de ce que la rupture valait licenciement nul.

Dés lors, la condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation de cette perte de chance, doit être infirmé, puisque la cour reconnait cette nullité et ordonne la poursuite du contrat de travail.

3.3 : Sur les conséquences financières

M. [T] [R] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser des dommages-intérêts à parfaire au titre des salaires échus entre la rupture et la réintégration, outre l'indemnité de congés payés y afférents, à parfaire également.

La Société Sanofi Chimie oppose que le salarié ne peut réclamer à titre de rappel de salaire plus que ce dont il a été privé et qu'il doit déduire des salaires réclamés les salaires et revenus de remplacement qu'il a perçus depuis la rupture. Enfin la société estime que l'intéressé n'a pas droit à des congés payés puisqu'il demande les salaires perçus sur des années entières qui recouvrent nécessairement les congés payés.

Sur ce

Dès lors que le salarié sollicite sa réintégration, ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et d'indemnité de congés payés y afférents ne peuvent qu'être rejetées.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Il en résulte que doivent être déduits de la réparation du préjudice subi les revenus qu'il a tirés d'une autre activité et le revenu de remplacement qui lui a été servi pendant cette période.

Sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d'éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il conserve ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail.

Avant dire droit sur le montant de l'indemnité due il convient donc d'enjoindre au salarié de justifier de ses périodes de chômage et de travail entre la rupture et le jour de clôture qui sera fixé au dispositif et de chiffrer en conséquence son préjudice.

Il sera statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens à l'issue de cette réouverture des débats.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du PSE, de nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, sur les demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour procédure irrégulière, d'indemnité pour perte de chance et de prime d'habillage et de déshabillage ;

Confirme le jugement déféré sur l'indemnité de requalification ;

Statuant à nouveau ;

Dit que la fin de la relation de travail produit les effets d'un licenciement nul ;

Ordonne la réintégration de M. [T] [R] ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande subsidiaire en paiement de dommages-intérêts pour perte de chances de bénéficier du PSE ;

Condamne la société Sanofi Chimie à verser à M. [T] [R] la somme de 253,40 euros d'indemnité d'habillage et de déshabillage ;

Déboute M. [T] [R] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour perte de chances de bénéficier du PSE, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement, d'indemité pour procédure irrégulière, d'indemnité pour perte de chance et de prime de douche ;

Avant dire droit ;

Enjoint à M. [T] [R] de justifier dans un délai de quatre mois de sa situation professionnelle et de ses revenus tels que salaires et indemnités de chômage perçus entre le licenciement et le jour de la production ;

Enjoint à M. [T] [R] de conclure avant le 26 avril 2023 ;

Enjoint à la société Sanofi Chimie de conclure avant le 30 août 2023 ;

Fixe la clôture au 7 février 2024 ;

Renvoie l'affaire à l'audience du 26 mars 2024 à 13 heures 30, salle Louise HANON 2-H-01 ;

Dit que le présent arrêt vaut convocation ;

Réserve les dépens ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/08248
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.08248 ?
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