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07/12/2022 | FRANCE | N°18/08246

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/08246


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 9 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08246 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ABG



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 15/00591



APPELANT



M. [W] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]


r>Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substituée par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08246 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ABG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 15/00591

APPELANT

M. [W] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substituée par Me Abdelkader HAMIDA de l'AARPI VAUGHAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

INTIMEE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Alexandra VELHO TOME, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Gaël BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière : Mme Victoria RENARD, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 5], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 8].

M. [W] [R] a été mis à disposition de la société Sanofi Chimie selon divers contrats de mission au motif du remplacement de salarié absent, à savoir M. [I], du 9 février 2009 au 22 juillet 2009, M. [C], du 23 juillet 2009 au 30 septembre 2009, M. [B] du 2 septembre 2009 au 14 septembre 2009, M. [U] du 15 septembre 2009 au 19 septembre 2009, M. [P] du 20 septembre 2009 au 27 septembre 2009 et enfin M. [Y] du 28 septembre 2009 au 30 septembre 2009.

M. [R] a de nouveau été mis à disposition de la même société en remplacement "partiel pour une partie des tâches de Mr [C]" du 1er octobre 2009 au 31 juillet 2010 et du 2 août 2010 au 31 décembre 2010.

Il a également été mis à disposition de Sanofi Chimie du 1er octobre 2010 au 30 avril 2011, pour un accroissement temporaire d'activité "lié à la réorganisation de la production".

Il a été affecté tout au long de ces diverses relations contractuelles à l'établissement de [Localité 7] et en qualité d'opérateur de fabrication.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 8] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 6], d'[Localité 5] et de [Localité 7].

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 18 mai 2012, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 2 488,59 euros d'indemnité de requalification ;

- 107 009,37 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 10 700,94 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 2 488,59 euros d'indemnité de requalification ;

- 4 977,18 euros d'indemnité de préavis ;

- 497,72 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 29 863,08 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 novembre 2014, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes, dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mis les éventuels dépens à la charge du salarié et débouté la société Sanofi Chimie de sa demande reconventionnelle.

Appel a été interjeté par le salarié le 14 janvier 2015.

A l'audience du 31 octobre 2017, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 12 juillet 2018, suivant acte de saisine du 9 juillet 2018.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, l'appelant demande l'infirmation de la décision déférée.

Il prie en conséquence la cour de fixer le salaire de référence à hauteur de 1 813,65 euros, de requalifier l'intégralité de la relation de travail qui s'est écoulée du 9 février 2009 au 30 avril 2011 en contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul et d'ordonner sa réintégration. Sur les conséquences de la rupture, de la requalification et de la nullité, il prie la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 5 440,95 euros d'indemnité de requalification ;

- 3 627,30 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 362,73 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis;

- 1 224,21 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 5 440,95 euros au titre de l'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- 239 401,80 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 23 940,18 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 21 763,80 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible.

Subsidiairement, il soutient la condamnation de la société Sanofi Chimie au paiement de la somme de 21 763,80 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 96 504,22 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins la somme de 50 000 euros à ce titre.

Il sollicite également la condamnation de la société Sanofi Chimie au paiement de la somme de 3 811,50 euros au titre de la prime d'habillage et de déshabillage et de 3 811,50 euros au titre de la prime de douche.

Il s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, la société Sanofi Chimie demande la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire elle entend voir limiter à la somme de 1 813,15 euros le montant de l'indemnité de requalification, limiter à la somme maximale de 1 813,65 euros l'indemnité pour inobservation de la procédure. Si la requalification devait aboutir à une ancienneté supérieure à deux ans, elle demande le rejet de la demande du salarié d'indemnité pour inobservation de la procédure, la limitation de l'indemnité conventionnelle de licenciement à 1 224,21 euros et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 881,90 euros.

Plus subsidiairement, si la cour devait infirmer du chef de nullité du licenciement, elle conclut au rejet de demandes du salarié de rappels de salaires, de congés payés et de dommages et intérêts y afférents.

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et la condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, M. [W] [R] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Elle demande également la limitation à la somme de 237,60 euros du montant de rappel de prime d'habillage et de déshabillage et à la somme de 1 776,06 euros le rappel au titre des deux primes de douche et d'habillage et déshabillage.

En tout état de cause, la société soutient la confirmation de la décision déférée pour le surplus et le rejet des autres demandes de l'appelant.

Enfin elle sollicite la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur la prime d'habillage et de déshabillage et le prime de douche

M. [W] [R] demande la condamnation de la société Sanofi Chimie à lui payer la somme de 3 811,50 euros de prime d'habillage et de déshabillage et le même montant au titre de la prime de douche, sur le fondement des articles L. 3121-3 et R. 4228-8 du Code du travail. Il ajoute à l'obligation légale imposée à l'employeur de lui verser de telles primes, l'égalité de traitement par rapport aux salariés qui travaillaient sur le site de [Localité 8], qui ont droit à de telles primes pour l'exercice des mêmes fonctions.

La société Sanofi Chimie oppose qu'il n'est pas démontré que les métiers occupés par les salariés de [Localité 8] et de [Localité 7] étaient les mêmes et qu'en tout état de cause, lorsque les salariés de ce dernier établissement devaient se changer ou prendre des douches, cela se faisait pendant le temps de travail, de sorte qu'ils se trouvaient de ce fait rémunérés.

Sur ce

Lorsque des salariés sont placés dans une situation identique au regard d'un avantage, l'employeur qui n'attribue cet avantage qu'à une seule catégorie doit justifier cette différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le salarié estime qu'ayant une activité identique à celle des salariés travaillant dans un autre établissement de la société Sanofi Chimie à savoir celui de [Localité 8], il doit être indemnisé de la même manière au titre du temps d'habillage et de déshabillage et du temps de douche.

Le salarié se compare ainsi à des salariés d'un autre établissement, ayant la même qualification que lui, à savoir celle d'opérateur de fabrication, mais pas nécessairement le même poste que le sien, qui consiste en la conduite de fabrication de produits chimiques, requérant un équipement individuel de sécurité, tels que des chaussures de sécurité, blouse, gants et lunettes de sécurité.

Il ne rapporte pas la preuve que les salariés de cet autre établissement avaient des fonctions comparables à la sienne.

Il n'en demeure pas moins qu'aux termes de l'article L. 3121-3 du Code du travail, dans sa version en vigueur au présent litige, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties, poursuit le texte, sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.

Il ressort du règlement intérieur de l'établissement de [Localité 7] que les membres du personnel se voient mis à leur disposition des moyens de protection individuels tels que lunettes, blouses, gants, masques, chaussures, vêtements et combinaisons de travail, qui ne doivent en aucun cas être portés ou emportés à l'extérieur de l'établissement. Un vestiaire individuel est fourni à chaque salarié.

Il s'en déduit que ceux-ci devaient utiliser une tenue de sécurité et qu'ils devaient se changer pour prendre leur travail.

En l'absence de dispositions contractuelles ou conventionnelles assimilant le temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, ce temps doit être considéré comme pris préalablement à la prise de poste et doit être rémunéré.

Aucune convention ou accord collectif de travail ou disposition du contrat de travail, conventions collective, de branche, d'entreprise ou d'établissement, usage ne prévoit les modalités de la rémunération du temps ainsi passé par le salarié.

Au vu des éléments peu précis qui lui sont apportés par M. [W] [R] à cet égard, la cour fixe à la somme de 237,60 euros le rappel de rémunération.

S'agissant du temps de douche, aux termes de l'article L. 3121-2 du Code du travail en cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche en application de l'article R. 4228-9 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif.

Toutefois, le règlement intérieur de l'établissement de [Localité 7] dispose que des douches sont mises à la disposition des salariés effectuant des travaux insalubres ou salissants, et que le temps nécessaire à la douche fait totalement partie du temps de travail.

Il s'ensuit que l'intéressé ne peut prétendre à aucune rémunération à cet égard.

2 : Sur la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée

2.1 : Sur la cause de requalification

Le salarié reproche au jugement de n'avoir requalifié en contrat à durée indéterminée que les contrats à durée déterminée et non les contrats de travail temporaire qui ont couru avant dans le même trait de temps. Il soutient que ces contrats avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. Il en veut pour preuve en premier lieu que les premiers contrats signés le 19 mai 2009 pour un début d'activité le 9 février 2009, étaient censés servir au remplacement d'un salarié absent, partiellement, ce qui serait inexact et qu'ils étaient irréguliers, l'employeur ne justifiant pas de la véracité du motif du recours au contrat d'intérim. En second lieu, il soutient que le dernier motif consistant dans le surcroît temporaire d'activité est incompatible avec l'occupation d'un poste qui est en voie d'être supprimé pour remplacer le titulaire qui fait l'objet d'une mesure d'accompagnement dans le cadre d'un PSE.

La société Sanofi Chimie répond que le motif de recours aux contrats de travail temporaire était un surcroît temporaire d'activité et non de pourvoir un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Il résulte du principe "à travail égal salaire égal", dont s'inspirent les articles L 1242-14, L 1242-15, L 2261-22.9, L 2271-1.8° et L 3221-2 du Code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail pour travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique nerveuse.

En application de l'article 1315 du Code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Sur ce

La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n'est pas remise en cause en appel.

Aux termes de l'article L. 1251-40 du Code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Aux termes de l'article L. 1251-6 du Code du travail il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée mission et seulement dans certains cas, dont le remplacement d'un salarié absent ou un surcroît temporaire d'activité.

Le premier contrat de mission signé vise comme motif le remplacement d'un salarié absent en la personne de M. [I]. Pour tout justificatif l'employeur verse aux débats un document interne, soit une preuve qu'il se constitue à lui-même et donc inopérante. Par suite ce premier contrat doit donc être requalifié, ainsi que la chaîne des contrats précaires qui suit.

2.2 : Sur l'indemnité de requalification

M. [W] [R] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer une indemnité de requalification de 5 440,95 euros. L'employeur s'y oppose.

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l'absence d'explications et d'éléments de preuve de nature à justifier qu'il soit alloué à M. [W] [R] une somme supérieure à un mois de salaire, la cour lui allouera la somme de 1 813,65 euros.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [W] [R] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail. Il sollicite la nullité du licenciement et sa réintégration.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et que la rupture ne repose pas sur un motif économique. Subsidiairement, l'employeur objecte qu'aucune réintégration n'est possible dans ses établissements, qu'en particulier le dernier site où l'intéressé a travaillé, celui de [Localité 7] est fermé, alors qu'en tout état de cause, aucun poste équivalent à celui du salarié n'est disponible. Il en veut pour preuve que les salariés du centre de [Localité 8] ont été contraints de suivre une formation de reconversion de plus de deux ans pour assurer les nouveaux postes créés en sons sein

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-10 du Code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nulle.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Il est constant selon les écritures des parties qu'au moins dix salariés placés dans la même situation que M. [W] [R] dans une même période de trente jours ont été licenciés du fait d'une requalification de leurs contrats de travail précaires en contrat à durée indéterminée.

Par suite, le licenciement est nul.

Il appartient à l'employeur de démontrer l'impossibilité de réintégrer le salarié dans son emploi ou dans un emploi équivalent, au sein de l'entreprise, cette obligation ne s'étendant pas au groupe.

L'analyse des plans de sauvegarde de l'emploi de 2008 et 2010 révèle l'existence de plusieurs établissements en dehors de ceux qui ont été restructurés. Il n'est pas démontré qu'au-delà du changement intervenu dans le fonctionnement de certains de ces établissements, aucune réintégration n'était possible. La reconversion de certains salariés des établissements réorganisés tels que celui de [Localité 8] n'exclut pas que des postes équivalents à celui de M. [W] [R] fûssent encore disponibles.

Par suite il sera ordonné la poursuite du contrat de travail.

3.2 : Sur les conséquences financières

M. [W] [R] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser les somme de 239 401,80 euros de dommages-intérêts à parfaire au titre des salaires échus entre la rupture et la réintégration, 23 940,18 euros d'indemnité de congés payés y afférents, à parfaire également.

La société Sanofi Chimie oppose que le salarié ne peut réclamer à titre de rappel de salaire plus que ce dont il a été privé et qu'il doit déduire des salaires réclamés les salaires et revenus de remplacement qu'il a perçus depuis la rupture. Enfin la société estime que l'intéressé n'a pas droit à des congés payés puisqu'il demande les salaires perçus sur des années entières qui recouvrent nécessairement les congés payés.

Sur ce

Il doit être observé de manière liminaire, que dès lors que le salarié sollicite sa réintégration, sa demande dommages-intérêts et d'indemnité de congés payés y afférents ne peuvent qu'être rejetées.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Il en résulte que doivent être déduits de la réparation du préjudice subi les revenus qu'il a tirés d'une autre activité et le revenu de remplacement qui lui a été servi pendant cette période.

Sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d'éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il conserve ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail.

Avant dire droit sur le montant de l'indemnité due il convient donc d'enjoindre au salarié de justifier de ses périodes de chômage et de travail entre la rupture et le jour de la production des éléments ainsi fournis et de chiffrer en conséquence son préjudice.

Il sera statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens à l'issue de cette réouverture des débats.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Statuant sur les demandes nouvelles en appel en paiement de rémunération au titre du temps de douche, d'habillage et de déshabillage ;

Rejette la demande de rémunération au titre du temps de douche ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [W] [R] la somme de 237,60 euros au titre de la rémunération du temps d'habillage et de déshabillage ;

Infirme le jugement déféré sur la requalification, sur l'indemnité de requalification, sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, sur les demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de congés payés y afférents ;

Statuant à nouveau ;

Requalifie la relation de travail entre M. [W] [R] et la société Sanofi Chimie du 9 avril 2009 au 30 avril 2011 ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [W] [R] la somme de 1 813,65 euros d'indemnité de requalification ;

Déboute M. [W] [R] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement ;

Déclare le licenciement nul ;

Ordonne la réintégration de M. [W] [R] au sein de la société Sanofi Chimie ;

Avant dire droit pour le surplus ;

Enjoint à M. [W] [R] de justifier dans un délai de quatre mois de sa situation professionnelle et de ses revenus tels que salaires et indemnités de chômage perçus entre le licenciement et le jour de la production ;

Enjoint à M. [W] [R] de conclure avant le 26 avril 2023 ;

Enjoint à la société Sanofi Chimie de conclure avant le 30 août 2023 ;

Renvoie l'affaire à l'audience du 26 mars 2024 à 13 heures 30, salle Louise HANON 2-H-01 ;

Dit que le présent arrêt vaut convocation ;

Réserve les dépens ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/08246
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.08246 ?
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