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07/12/2022 | FRANCE | N°18/08244

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/08244


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08244 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ABE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 17/01516





APPELANTE



SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en

exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020



INTIME



Monsieur [R] [X]

[Adresse 2]

...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08244 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ABE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 17/01516

APPELANTE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

INTIME

Monsieur [R] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 5], [Localité 8], [Localité 7] et [Localité 9].

M. [R] [X] a été embauché par la société Sanofi Chimie selon contrat à durée déterminée du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, en qualité d'agent de production pour "remplacement d'un salarié dont le poste a été supprimé". Il était affecté sur le site de [Localité 9].

Il a ensuite été mis à la disposition de la société Sanofi Winthrop Industrie dans le cadre de plusieurs contrats de missions discontinus conclus avec la société Manpower entre le 4 juillet 2012 et le 30 août 2013 en raison d'accroissements temporaires d'activité ou de remplacements de salariés absents.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société Sanofi Chimie a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi (PSE) en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 9] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 7], d'[Localité 5] et de [Localité 8].

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 23 juin 2014, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, et la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 7 777,41 euros d'indemnité de requalification ;

- 90 736,45 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 9 073,65 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 307,67 euros de rappel de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 7 777,41 euros d'indemnité de requalification ;

- 7 777,41 d'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- 5 184,94 euros d'indemnité de préavis ;

- 518,49 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 333,22 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- 23 332,23 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 307,67 euros de rappel de primes d'habillage et de déshabillage ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La défenderesse s'est opposée à ces prétentions et a sollicité l'allocation de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 décembre 2016, "le contrat à durée déterminée" a été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur, dont la moyenne des salaires était fixée à 2 592,47 euros, les sommes suivantes :

- 2 592,47 euros d'indemnité de requalification ;

- 2 592,47 euros d'indemnité pour inobservation de la procédure ;

- 5 184,94 euros d'indemnité de préavis et 518,49 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 333,22 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- 2 592,47 euros "au titre de l'inobservation de la procédure" ;

- 307,67 euros de compensation financière du temps d'habillage et de déshabillage ;

- 19 552,00 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 50 000,00 euros d'indemnité réparatrice de la perte de chance de bénéficier du PSE ;

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes de Créteil a ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité de la décision en application de l'article 515 du code de procédure civile, débouté le salarié du surplus de ses demandes, condamné la société Sanofi Chimie aux dépens et accordé les intérêts légaux.

Appel a été interjeté par la société Sanofi Chimie le 18 janvier 2017.

A l'audience du 31 octobre 2017, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 12 juillet 2018, suivant acte de saisine du 9 juillet 2018.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mai 2022, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié l'ensemble de la relation contractuelle sans distinguer les contrats de missions des contrats à durée déterminée, fixé le salaire de référence à la somme de 2 592,47 euros et condamné la société au paiement de diverses sommes au salarié au titre :

- des indemnités pour inobservation de la procédure ;

- de l'indemnité de requalification ;

- de l'indemnité compensatrice de préavis et des de congés payés y afférents ;

- de l'indemnité légale de licenciement ;

- de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

- des rappels de prime d'habillage et de déshabillage ;

- des dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE ;

- de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, la société Sanofi Chimie demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter le salarié de ses demandes de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et de dommages et intérêts pour licenciement abusif. En outre, elle sollicite la fixation du salaire de M. [X] à la somme de 2 481,17 euros et la limitation à de plus justes proportions des condamnations, lesquelles ne devront pas excéder les montants suivants :

- 2 481,17 euros d'indemnité de requalification,

- 4 962,34 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 496,23 euros d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

- 761,13 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 2 481,17 euros d'indemnité pour inobservation de la procédure.

Subsidiairement, l'appelante demande, le cas échéant, la limitation des condamnations aux sommes maximales suivantes :

- 2 481,17 euros au titre des dommages intérêts pour rupture abusive,

- 2 653,15 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 5 306,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 530,63 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférent,

- 829,64 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 2 653,15 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 2 653,15 euros au titre de l'indemnité pour inobservation de la procédure

- 1 924,23 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

En tout état de cause, la société soutient l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de congés payés afférents au rappel de salaire, le rejet des demandes de réintégration, de rappel de salaires et des dommages et intérêts y afférents, de rappel de prime d'habillage et de déshabillage, et de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE, le rejet des autres demandes du salarié ainsi que la confirmation de la décision déférée pour le surplus.

Subsidiairement, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et la condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, M. [R] [X] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Enfin elle sollicite la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dont le recouvrement pourra en être poursuivi par Me Sandrine Losi, Capstan LMS conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 19 avril 2022, l'intimé demande l'infirmation de la décision déférée sur le salaire de référence, sur les montants de l'indemnité de requalification, de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité pour inobservation de la procédure, de la prime d'habillage et de déshabillage, sur la nullité du licenciement, et sur la demande de réintégration ainsi que des condamnations subséquentes.

Il prie en conséquence la cour de fixer le salaire de référence à la somme de 2 683,14 euros, de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul, d'ordonner sa réintégration et de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 8 049,42 euros d'indemnité de requalification ;

- 5 366,28 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 536,62 euros de congés payés y afférent ;

- 3 353,91 euros, à titre principal, ou 1 006,17 euros, à titre subsidiaire, d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 8 049,42 d'indemnité pour irrégularité de procédure ;

- 279 046,56 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 27 904,65 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 12 245,68 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible, en sus de la somme de 19 952,00 euros octroyée par le conseil des prud'hommes ;

- 7 401,55 euros ou, subsidiairement 2 220,46 euros, de prime d'habillage et de déshabillage.

Subsidiairement, il soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l'infirmation sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il entend voir fixer à la somme de 12 245,68 euros en sus de la somme de 19 952,00 euros accordée par le conseil des prud'hommes et celle de 114 880,82 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins de 50 000 euros comme l'a jugé le conseil des prud'hommes.

Il s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 mai 2022.

MOTIFS

1 : Sur la requalification des contrats précaires

1.1 : La requalification

La société Sanofi Chimie ne conteste pas la requalification du contrat à durée déterminée conclu

le 1er octobre 2009, mais s'oppose à la requalification des vingt-six contrats de mission conclus avec la société Manpower entre le 4 juillet 2012 et le 30 août 2013, en soulignant que l'entreprise utilisatrice était une autre société du groupe Sanofi.

M. [R] [X] soutient l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a requalifié que le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Il estime qu'il s'est agi de pourvoir un emploi durable et permanent de la société et qu'en outre l'employeur ne prouve pas la véracité des motifs de recours mentionnés sur les contrats litigieux.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1251-5 le contrat de mission quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

L'article L. 1251-11 du contrat de travail dispose qu'un contrat de travail temporaire ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié et le départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou du comité social et économique ou un accroissement temporaire d'activité.

Selon l'article L. 1251-40 du contrat de travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance notamment des dispositions de l'article L. 1251-5 et L. 1251-10 à L 1251-11, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Dès lors que les contrats de mission concernaient une autre entreprise utilisatrice que la société Sanofi Chimie, la requalification à l'égard de cette dernière ne peut qu'être rejetée.

1.2 : L'indemnité de requalification

Le salarié sollicite l'allocation d'une indemnité de requalification de 8 042,42 euros représentant selon lui le dernier salaire versé.

L'employeur retient quant à lui comme salaire la somme de 2 481,17 euros et conclut donc aussi à l'infirmation du jugement qui a retenu une indemnité de requalification de 2 592,47. Subsidiairement, la société Sanofi Chimie demande la fixation de cette indemnité à la somme de 2 653,15 euros représentant la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Celui-ci s'entend comme étant le dernier mois de salaire.

Il convient d'allouer au vu des circonstances de la cause une indemnité de licenciement limitée à un mois de salaire, c'est-à-dire au montant du salaire de septembre 2010.

Le salaire de septembre tel qu'il ressort du bulletin de paie correspondant et dont il convient d'exclure les éléments de rémunération liés à la rupture de la relation de travail, s'évalue à la somme de 2 429,40 euros. Si l'on y ajoute le douzième de la prime de fin d'année, soit la somme de 149,20 euros, ledit salaire doit être fixé à la somme de 2 578,60 euros.

2 : Sur la prime d'habillage et de déshabillage et la prime de douche

M. [R] [X] demande la condamnation de la société Sanofi Chimie à lui payer la somme de 7 401,55 euros de prime d'habillage et de déshabillage, dans le cas où l'ensemble des contrats précaires seraient requalifiés en contrat à durée indéterminée et 2 220,46 euros dans le cas où seul le contrat à durée déterminée serait requalifié. Il estime que le changement de vêtements lui prenant une heure par jour et que l'indemnité de 0,37 euros par jour qu'il percevait était par conséquent insuffisante.

La société Sanofi Chimie oppose qu'il a été rempli de ces droits et que cette prétention doit être rejetée.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 3121-3 du Code du travail, dans sa version en vigueur au présent litige, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties, poursuit le texte, sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.

Il est constant que le salarié devait utiliser une tenue spécifique.

Au vu des éléments peu précis qui sont apportés par M. [R] [X] à cet égard, la cour estime que la contrepartie qu'il a reçue est satisfactoire.

Sa demande sera donc rejetée.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [R] [X] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et dès lors que la sanction édictée par l'article L. 1235-11 du code du travail invoquée par la partie adverse ne s'applique pas aux salariés ayant une ancienneté inférieure à deux ans. En tout état de cause, l'employeur oppose que la rupture en cause ne repose pas sur un motif économique.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Aux termes de l'article L. 1235-14, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à la nullité du licenciement prévues à l'article L. 1235-11.

L'interprétation littérale du dernier texte conduit à considérer que la sanction de la nullité ne s'applique pas sous deux conditions alternatives et non cumulatives : soit il s'agit du licenciement d'un salarié de moins de deux d'ancienneté, soit il s'agit d'un licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés.

Dès lors que le contrat à durée déterminée requalifié liant les parties s'est écoulé du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, le salarié avait moins de deux ans d'ancienneté et la nullité n'est pas encourue.

Par suite M. [R] [X] sera débouté de sa demande de nullité, de réintégration et de paiement des salaires échus depuis la rupture.

3.2 : Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l'absence de lettre de licenciement notifiant au salarié la rupture et sa cause, celle-ci s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [R] [X] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 32 197,68 euros de dommages-intérêts en réparation de la rupture. Il souligne en particulier que la société s'est enfermée dans une posture contentieuse, au lieu de reconnaître la requalification des contrats à durée déterminée, qu'elle a fait miroiter un contrat à durée indéterminée au salarié pour obtenir le renouvellement du contrat à durée déterminée et a abusé de sa situation de dépendance et de faiblesse. Il entend voir évaluer l'indemnité de licenciement à la somme de 3 353,91 euros si les contrats de mission étaient requalifiés au même titre que le contrat à durée déterminée, et à défaut à la somme de 1 006,17 euros. Il demande l'allocation de la somme de 5 366,28 euros d'indemnité de préavis outre la somme de 536,62 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

Enfin, il prétend à la somme de 8 049,42 euros d'indemnité en réparation de l'irrégularité de la procédure de licenciement.

La société Sanofi Chimie objecte que le salarié ne justifie pas de son préjudice lié à la rupture sans cause réelle et sérieuse et qu'il ne peut se prévaloir que d'une faible ancienneté inférieure à deux ans. Elle limite l'indemnité de licenciement à la somme de 761,13 euros, l'indemnité de préavis à la somme de 4 962,34 euros et l'indemnité de congés payés y afférents à la somme de 496,34 euros.

Sur ce

L'absence de procédure de licenciement a causé un préjudice qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 300 euros.

Aux termes de l'article L. 1235-5 du Code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L. 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [R] [X], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail une somme de 2 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, le salaire moyen des trois derniers mois est de 2 654,84 euros, en évaluant le salaire de septembre, ainsi qu'exposé ci-dessus.

Reprenant les calculs précis de l'employeur, la cour fixe l'indemnité de licenciement à la somme de 761,13 euros, l'indemnité de préavis à la somme de 5 306,30 euros et l'indemnité de congés payés y afférents à la somme de 530,63 euros.

4 : Sur la perte de chance de bénéficier d'un PSE

M. [R] [X] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 114 880,82 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte de chance de bénéficier du PSE adopté en 2010. Il soutient que ce PSE aurait dû lui être appliqué en ce que :

- celui-ci concernait tous les salariés de l'entreprise appartenant aux catégories professionnelles visées par le projet de licenciement économique sous-tendant ce plan, ce qui était son cas, puisqu'il s'agissait de supprimer des postes de logistique, sans restriction aux seuls salariés des établissements d'[Localité 5], [Localité 8] et [Localité 6], de sorte qu'il importe peu que lui-même fût affecté à celui de Vitry ;

- il était prévu d'appliquer les critères d'ordre des licenciements, ce qui concerne selon lui nécessairement l'ensemble des salariés de la société, en l'absence de restriction prévue par le PSE à cet égard ;

- il n'était pas prévu que les bénéficiaires du PSE de 2008 fûssent exclus du PSE de 2010, et en tout état de cause, le premier de ces plans ne prévoyait pas de licenciements à l'issue des suppressions de poste et ne lui a pas bénéficié de sorte qu'une telle exclusion eût constitué une inégalité de traitement ;

- la condition de présence dans l'effectif de la société au 28 février 2010 posée par le PSE de 2010 lui est inopposable dans la mesure où elle crée une inégalité de traitement, puisqu'il s'agissait de mettre en oeuvre le plan sur les années 2010 à 2014, alors que le contrat de travail de M. [R] [X] s'est déroulé du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, et qu'au surplus, le plan a dû être repris, après son annulation par le tribunal de grande instance de Nanterre.

La société Sanofi Chimie s'oppose à cette prétention car, selon elle, les termes mêmes du PSE de 2010 écartent de son bénéfice les salariés des établissements autres que ceux dont il était prévu la réduction des effectifs et qu'ils fassent partie de ceux-ci en février 2010. L'employeur souligne que l'intéressé n'était pas touché par les mesures prévues sur les sites concernés et qu'aucun licenciement n'a finalement eu lieu, compte tenu du succès des mesures alternatives.

Sur ce

Le PSE de 2010 dispose dans son préambule, partie II du plan : "Ce plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi-Chimie en accompagnement des suppressions de postes sur les sites d'[Localité 5] (développement des procédés) - [Localité 8] - [Localité 6], pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrit à l'effectif au 28/02/2010" ou encore "Les mesures prévues dans le plan de sauvegarde pour l'emploi seront - sauf exceptions précisées dans le corps du texte- ouvertes à l'ensemble des salariés de Sanofi Chimie".

L'interprétation littérale de cette phrase implique qu'à l'occasion de la suppression de poste dans les établissements d'[Localité 5], [Localité 8] et [Localité 6], un plan de sauvegarde est adopté qui s'applique à l'ensemble des salariés de la société Sanofi Chimie.

Celui-ci poursuit en son chapitre 1 en énonçant que l'absorption de l'arrêt des activités sur les trois sites en cause, se fera par des ouvertures de postes sur les différents sites, des redistributions d'activité entre les sites et des cessations anticipées d'activité proposées aux salariés éligibles volontaires. Ces trois possibilités concernent aussi les salariés non affectés par les trois sites litigieux, dans la mesure où ils peuvent être touchés par les redistributions d'activité et décider une cessation anticipée d'activité qui ouvrira des possibilités à leurs collègues d'[Localité 5], [Localité 8] et [Localité 6], dont les postes sont supprimés.

Bien plus, certaines mesures sont propres aux salariés d'établissements autres que les trois litigieux, comme tel est le cas, selon les pages 18, 21 et 22 du PSE, des offres fermes de reclassement, de la cessation anticipée d'activité et du calendrier des départs, qui varient selon que le site d'affectation des salariés, chaque site de la société Sanofi Chimie étant pris en compte et pas seulement ceux d'[Localité 5], [Localité 8] et [Localité 6].

Le principe est que les salariés dont les emplois sont supprimés sur ces trois sites puissent quitter l'entreprise ou être reclassés sur un autre poste, le cas échéant libéré grâce à l'encouragement au départ ou par des jeux des mutations internes.

Dans cette logique, les critères d'ordre des licenciements, si la société avait dû en venir à une telle éventualité, devaient s'appliquer à tous les salariés, puisque des postes rendus vacants dans certains établissements à la suite d'un licenciement pouvaient permettre le reclassement d'un salarié d'un site affecté par les suppressions d'emploi. C'est pourquoi le PSE fixe les critères d'ordre des licenciements sans égard pour le lieu d'affectation des salariés concernés par ces ruptures.

Rien ne permet de penser, dans cet esprit, que les salariés auxquels s'appliquait le PSE de 2008 et notamment ceux du site de [Localité 9] étaient écartés du bénéfice du PSE de 2010. Le premier plan n'avait pour objet que des transferts d'activité d'un site à l'autre avec modification de celle du site concerné, sans prévision de licenciements.

Aux termes du préambule de PSE de 2010 figurant page 17, "le plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi Chimie (...) pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrits à l'effectif au 28 février 2010".

Embauché le 1er octobre 2009, M. [R] [X] remplit cette condition.

Toutefois, l'importance du préjudice né de l'impossibilité de bénéficier du PSE doit être relativisée.

D'abord rien ne permet d'affirmer que le salarié aurait bénéficié de la somme de 50 000 euros garanti par le PSE dans le cadre d'un licenciement. En effet, ce dernier aurait pu, comme de nombreux collègues, accepter les mesures de reclassement proposées, puisque aucun licenciement n'a eu lieu dans le cadre de la mise en oeuvre du PSE.

De plus en l'absence de tout élément produit par le salarié sur sa situation actuelle, l'importance du préjudice causé par la perte de chance de recourir aux différentes aides offertes par ce plan reste réduit.

Il n'en demeure pas moins qu'il a perdu des opportunités, ce qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros.

5 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de confirmer le jugement déféré au titre des frais irrépétibles de première instance et de rejeter les demandes formées de ce chef par l'une et l'autre des parties, au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société Sanofi Chimie partie succombante en première instance verra les dépens exposés devant le conseil des prud'hommes mis à sa charge.

Le salarié qui succombe en appel supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré uniquement sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, sur les demandes de nullité du licenciement, de réintégration et de paiement des salaires à compter de la rupture jusqu'à la réintégration, de prime d'habillage et de déshabillage et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme pour le surplus ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [R] [X] les sommes suivantes :

- 2 578,60 euros d'indemnité de requalification ;

- 761,13 euros d'indemnité de licenciement ;

- 5 306,30 euros d'indemnité de préavis ;

- 530,63 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 300 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du PSE ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [R] [X] aux dépens d'appel dont le recouvrement pourra être directement poursuivi par Maître Sandrine Losi, - Capstant LMS, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/08244
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.08244 ?
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