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07/12/2022 | FRANCE | N°18/05291

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 18/05291


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05291 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PZS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 12/01424





APPELANT



Monsieur [X] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]


>représenté par Me Isabelle JONQUOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0459





INTIMEE



SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05291 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PZS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 12/01424

APPELANT

Monsieur [X] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Isabelle JONQUOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0459

INTIMEE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Alexandra VELHO TOME, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 et par Me Lucie TEXIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2169

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DECHANVILLE, président

Madame Anne-Gael BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 5], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 8].

M. [X] [L] a été mis à disposition de la société Sanofi Chimie dans le cadre de plusieurs contrats de missions entre le 19 mars 2007 et le 31 mars 2007, puis entre le 1er avril 2007 et le 27 décembre 2007, en qualité d'agent de production, sur le site de [Localité 8], pour un accroissement temporaire d'activité puis pour remplacer un salarié muté, M. [P].

M. [X] [L] a été engagé par la société Sanofi Chimie selon contrat à durée déterminée du 14 janvier 2008 au 31 décembre 2008, en qualité d'opérateur de fabrication, en raison d'un accroissement temporaire d'activité, sur le site de [Localité 7].

M. [L] a conclu un second contrat à durée déterminée avec la société Sanofi Chimie du 5 janvier 2009 au 5 janvier 2010, avec reprise d'ancienneté au 14 janvier 2008, en qualité d'agent de production, en "remplacement d'un salarié dont le poste a été supprimé", sur le site de [Localité 8]. Le contrat a été prolongé jusqu'au 4 janvier 2011.

M. [L] a conclu un troisième contrat à durée déterminée avec la même société du 5 janvier 2011 au 31 décembre 2011, en qualité d'agent de production, en "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé", sur le site de [Localité 8]. Le contrat a été prolongé jusqu'au 30 avril 2012.

Il a donc été affecté successivement sur le site de [Localité 8] du 19 mars 2007 au 27 décembre 2007 puis du 5 janvier 2009 au 30 avril 2012 et sur le site de [Localité 7] du 14 janvier 2008 au 31 décembre 2008.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 8] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 6], d'[Localité 5] et de [Localité 7].

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 18 mai 2012, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 2 598,94 euros d'indemnité de requalification ;

- 70 171,38 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 7 017,14 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 2 598,94 euros d'indemnité de requalification ;

- 5 197,88 euros d'indemnité de préavis ;

- 519,79 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 4 132,31 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 62 374,56 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 novembre 2014, le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur les sommes suivantes :

- 2 598,94 euros d'indemnité de requalification ;

- 23 390,46 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5 197,88 euros d'indemnité de préavis et 519,79 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 3 508,57 euros d'indemnité de licenciement ;

- 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié a été débouté du surplus de ses demandes et la société Sanofi Chimie condamnée aux dépens.

Appel a été interjeté par le salarié le 13 janvier 2015.

A l'audience du 30 mars 2016, l'affaire a été radiée. Elle a été réinscrite au rôle le 24 avril 2018.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, l'appelant demande l'infirmation sur la date d'effet de la requalification, sur le montant des indemnités accordées, sur la nullité du licenciement et des condamnations subséquentes. Il prie en conséquence la cour de prononcer la requalification des contrats d'intérim et des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse. Sur les conséquences de la requalification et de la nullité, il prie la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 50 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;

- 6 685,42 euros au titre du préavis et 668,54 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 6 685,42 euros au titre de l'indemnité de requalification ;

- 6 685,42 euros ou, subsidiairement, 5 181,19 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en complément de la somme accordée par les premiers juges.

Il demande également à la cour d'ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'une fiche de paie conformes à l'arrêt à intervenir, ainsi que la condamnation de l'intimée aux entiers dépens.

Par conclusions déposées à l'audience et visées par le greffier le 24 mai 2022, la société Sanofi Chimie demande à la cour l'infirmation partielle de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamné à payer à M. [X] [L] les sommes de :

- 3 508,57 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 23 390,46 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 5 197,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 519,79 euros au titre des congés payés incidents.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de limiter les condamnations à hauteur de :

- 3 970,73 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 19 254,73 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 6 228,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 622,86 euros au titre des congés payés incidents.

Elle demande également de confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour infirmerait le jugement du chef de l'indemnité de requalification, elle demande de limiter à la somme de 3 114,30 euros le montant de l'indemnité de requalification.

En tout état de cause, la société sollicite la condamnation de M. [L] aux dépens de première instance et d'appel.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

M. [X] [L] ne sollicite pas en cause d'appel de dommages-intérêts pour perte de chance.

1 : Sur la requalification des contrats précaires

1.1 : La requalification

La société Sanofi Chimie ne conteste pas la requalification des contrats à durée déterminée à compter du 5 janvier 2009, mais s'oppose à la requalification des contrats de mission conclus avec l'entreprise de travail temporaire, en soulignant que l'employeur est la société de travail temporaire. Il soutient que les contrats de mission sont fondés sur des motifs légaux.

M. [X] [L] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a requalifié que les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et non les contrats de mission. Il fait grief à ceux-ci de se référer à des motifs inexacts. Il soutient que les contrats précaires ont servi à pourvoir un emploi durable et permanent.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1251-5 du Code du travail le contrat de mission quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Aux termes de l'article L 1251-6 du Code du travail sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission" et seulement dans certains cas précis et notamment les suivants :

1° Remplacement d'un salarié, en cas :

a) d'absence ;

d) de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s'il existe ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise"

Selon l'article L. 1251-40 du contrat de travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance notamment des dispositions des articles L. 1251-5 à L 1251-7 et L. 1251-10 à L 1251-11, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Le premier contrat de mission qui est du 19 mars 2007 donne pour motif : "accroissement temporaire d'activité. Justifications précises : lié à la formation au poste de travail".

L'employeur estime que l'utilisation d'un salarié de l'entreprise à former M. [X] [L] créait un accroissement temporaire d'activité.

Le terme « accroissement temporaire d'activité » correspond à une augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise.

Il est constant qu'il s'agissait de former M. [X] [L] à occuper son emploi dans le cadre de contrats futurs.

L'embauche d'une personne à former n'est pas une tâche correspondant à un accroissement temporaire d'activité, mais la cause d'un accroissement temporaire d'activité, qui aurait dû amener non pas l'immobilisation d'un salarié en contrat à durée indéterminée pour former M. [X] [L], mais l'embauche d'une personne sous contrat précaire pour remplacer la personne chargée de la formation en cause.

En l'espèce, le motif visé au contrat ne correspond pas une réponse à un surcroît temporaire d'activité, mais constitue en soi un surcroît temporaire d'activité, auquel l'employeur a pu faire face sans recourir à un contrat précaire.

En tout état de cause, l'embauche d'un salarié pour pouvoir l'utiliser par la suite dans le cadre de contrats précaires ne constitue pas une activité habituelle de l'entreprise.

En conséquence, le motif du contrat de mission du 19 mars 2007 est irrégulier et doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ainsi que toute la relation de travail qui a suivi.

Par suite ces contrats de mission et les contrats à durée déterminée qui les ont suivis doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Sanofi Chimie.

1.2 : L'indemnité de requalification

Le salarié sollicite l'allocation d'une indemnité de requalification de 6 685,42 euros correspondant selon lui au salaire du mois d'avril 2012.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 2 598,94 euros.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Celui-ci s'entend comme étant le dernier mois de salaire.

Il convient d'allouer au vu des circonstances de la cause une indemnité de requalification limitée au montant du salaire d'avril 2012.

L'analyse du bulletin de paie correspondant conduit à fixer le salaire de ce mois, y compris le quart de l'indemnité de fin d'année versée au titre du premier trimestre en avril, à la somme de 3 114,30 euros.

2 : Sur le licenciement

2.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [X] [L] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et dès lors que la rupture en cause ne repose pas sur un motif économique.

Sur ce

Il ne saurait être admis que soit contournée la réglementation des PSE en permettant l'évitement de ce plan au moyen de licenciements économiques obtenus par le biais de pseudo contrats à durée déterminée devant être requalifiés légalement en contrat à durée indéterminée et dont la rupture serait traitée comme une fin de contrat précaire.

Lorsque les ruptures des contrats à durée déterminée requalifiés en contrat à durée indéterminée s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs pour motif économique dont elles sont l'une des modalités, ces ruptures doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi.

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

Ce texte a pour objet d'empêcher l'évincement des règles imposant la mise en place d'un PSE.

Aux termes de l'article L. 1233-61 du Code du travail dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

Ces textes sont intégrés dans le chapitre du code du travail relatif au licenciement pour motif économique.

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition quelle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

De l'aveu même de la société Sanofi Chimie, les contrats précaires requalifiés en contrat à durée indéterminée ont été conclus en vue d'accompagner la mise en oeuvre du PSE de 2010 lié à une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, et qui a permis d'éviter les licenciements de salariés en contrat à durée indéterminée, en leur substituant des départs anticipés et des reclassements externes et internes.

Il en résulte que la cause de la rupture est économique et plus précisément trouve sa source comme l'indique le PSE dans la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

Ce PSE s'appliquait à tous les salariés de l'entreprise et non pas seulement à ceux des établissements restructurés puisqu'il dispose dans son préambule, partie II du plan : "Ce plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi-Chimie en accompagnement des suppressions de postes sur les sites d'[Localité 5] (développement des procédés) - [Localité 7] - [Localité 6], pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrits à l'effectif au 28/02/2010" ou encore "Les mesures prévues dans le plan de sauvegarde pour l'emploi seront - sauf exceptions précisées dans le corps du texte- ouvertes à l'ensemble des salariés de Sanofi Chimie".

Dès lors que ces ruptures de contrats précaires s'inscrivaient dans l'organisation du PSE, la condition posée par l'article L. 1235-10 tenant au projet de licenciement de plus 10 salariés au moins dans un délai d'un mois est remplie. Au demeurant, les parties n'ont pas émis d'objection sur ce point.

Il s'ensuit que la rupture du contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée trouve sa cause dans un motif économique et remplit les conditions voulues d'effectifs et de nombre de licenciements envisagés sur une période d'un mois.

Le licenciement est donc nul en application de l'article L. 1235-10 du Code du travail.

2.2 : Sur les conséquences financières

M. [X] [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser en application de l'article L. 1235-11 du Code du travail une indemnité de 50 000 euros, compte tenu de ce qu'après la rupture, il n'a occupé dans un premier temps que des emplois d'intérimaire, avant d'être embauché, le 22 août 2017 seulement, en contrat à durée indéterminée. Il sollicite au titre de l'indemnité de licenciement, la somme de 6 685,42 euros, soit l'équivalent de deux mois de salaire, en application de dispositions de la convention collective énoncées en faveur des salariés ayant plus de deux mois d'ancienneté. Subsidiairement, il estime l'indemnité de licenciement à la somme de 5 181,19 euros calculée sur la base d'une ancienneté de 5 ans et deux mois et d'un salaire de référence de 3 342,71 euros.

L'intéressé sollicite en outre une indemnité de préavis de deux mois soit la somme de 6 685,42 euros ainsi que l'indemnité de congés payés y afférents.

La Société Sanofi Chimie objecte que depuis la fin du dernier contrat à durée déterminée litigieux, l'intéressé a occupé différents emplois et ne justifie pas avoir en cherché activement. Elle entend voir limiter les dommages-intérêts à la somme de 19 254,73 euros. Sur l'indemnité de licenciement, l'employeur oppose que la convention collective ne prévoit une indemnité de deux mois que dans le cas d'un licenciement économique. Il évalue l'indemnité de licenciement à la somme de 3 970,73 euros sur la base d'une ancienneté de 4 ans et trois mois et d'un salaire de référence de 3 114,28 euros. Partant du même salaire mensuel, il propose une indemnité de préavis de 6 228,60 euros, ainsi que l'indemnité de congés payés y afférents de 622,86 euros.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

S'agissant des dommages-intérêts pour licenciement nul, l'analyse des pièces et notamment des certificats de Pôle Emploi, de l'attestation Pôle Emploi et des contrats de mission versés aux débats conduit la cour à lui allouer la somme de 38 000 euros.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, le salarié soutient qu'il a droit en application de la convention collective à deux mois de salaire en cas d'ancienneté supérieure à deux ans, sans même donner l'article sur lequel il se fonde ainsi lestement. Il a été relevé que la rupture valait licenciement économique, de sorte qu'il sera alloué à l'intéressé en prenant pour référence la moyenne des salaires des douze derniers mois qui est de 3 161,46 euros supérieure au dernier salaire qui s'évalue à la somme de 3 114,30 euros, une indemnité de 6 322,92 euros.

Enfin l'indemnité de préavis calculée sur la base du salaire qu'aurait perçu l'intéressé s'il avait travaillé sera fixée à la somme de 6 228,30 euros (3 114.30 x 2). La société sera également condamnée verser à M. [X] [L] la somme de 622,83 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné la délivrance des documents de fin de contrat sollicités dans les conditions prévues au dispositif, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner l'employeur qui succombe à verser à M. [X] [L] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel. L'employeur sera débouté de ces chefs pour le même motif. Il sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré uniquement sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance, sur la demande de la société Sanofi Chimie au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

Infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Requalifie la relation de travail entre M. [X] [L] et la société Sanofi Chimie du 19 mars 2007 au 30 avril 2012 en contrat de travail à durée indéterminée ;

Déboute M. [X] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [X] [L] les sommes suivantes :

- 3 114,30 euros d'indemnité de requalification ;

- 6 228,30 euros d'indemnité de préavis ;

- 622,83 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 6 322,92 euros d'indemnité de licenciement ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant ;

Dit que la fin de la relation de travail produit les effets d'un licenciement nul ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [X] [L] la somme de 38 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Ordonne la délivrance d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'une feuille de paie conformes au présent contrat dans le mois de la signification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte ;

Condamne la société Sanofi Chimie aux dépens d'appel ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/05291
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;18.05291 ?
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