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07/12/2022 | FRANCE | N°17/07986

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 décembre 2022, 17/07986


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 10 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07986 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PW6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRÉTEIL - RG n° 14/00376





APPELANT



Monsieur [U] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100



INTIMEE



SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exerc...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07986 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PW6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRÉTEIL - RG n° 14/00376

APPELANT

Monsieur [U] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

INTIMEE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 3], [Localité 6], [Localité 5] et [Localité 7].

M. [U] [P] a été embauché par la société Sanofi Chimie selon contrat à durée déterminée du 1er février 2012 au 31 octobre 2012, en qualité d'opérateur de fabrication, pour "remplacement d'un salarié dont le poste est supprimé". Ce contrat a été renouvelé par avenant jusqu'au 31 décembre 2013, pour "remplacement de M. [X] dans l'attente de la suppression de son poste", en qualité de technicien.

Il a été affecté tout au long de sa relation contractuelle auprès de l'établissement de [Localité 6].

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société a fait l'objet d'un premier plan de sauvegarde pour l'emploi en 2008, dans le cadre d'un projet de reconversion du site de [Localité 7] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c'est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d'un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 5], d'[Localité 3] et de [Localité 6].

L'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 6 février 2014, aux fins d'obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d'un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l'emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 2 938,55 euros d'indemnité de requalification ;

- 85 217,95 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

- 8 521,80 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

- 2 938,55 euros d'indemnité de requalification ;

- 5 877,10 euros d'indemnité de préavis ;

- 587,71 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 232,50 euros de rappel de prime d'habillage et de déshabillage ;

- 2 322,00 euros de rappel de prime de douche ;

- 3 477,17 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 29 385,50 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en formation de départage du 4 mai 2017, la relation de travail entre M. [P] et la société Sanofi Chimie entre le 1er février 2012 et le 31 décembre 2013 a été requalifiée en contrat à durée indéterminée, la demande de nullité du licenciement a été rejetée, la rupture à la fin de la période précédente a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur les sommes suivantes :

- 2 660,55 euros d'indemnité de requalification ;

- 942,47 euros d'indemnité de licenciement ;

- 5 321,10 euros d'indemnité de préavis et 532,11 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 10 642,19 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a rappelé que l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement portent intérêt au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et que le surplus des sommes allouées est assorti des intérêts au taux légal à compter de la décision.

Le conseil a ordonné l'exécution provisoire de la décision pour ses dispositions qui n'en bénéficient pas dans les conditions des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne mensuelle brute des trois derniers salaires à la somme de 2 660,55 euros, les charges sociales devant être déduites pour le recouvrement des créances salariales.

Le conseil a rejeté les autres demandes et condamné la société Sanofi Chimie aux dépens.

Appel a été interjeté par le salarié le 8 juin 2017.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 19 avril 2022, le salarié demande l'infirmation de la décision déférée sur le montant de l'indemnité de requalification, sur le rejet des demandes au titre de la prime d'habillage et de déshabillage et de la prime de douche, sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, et des condamnations subséquentes.

Il prie la cour de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul et d'ordonner sa réintégration. Il soutient la confirmation du jugement sur le principe et le quantum de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférents. Il prie en conséquence la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 5 321,10 euros d'indemnité de requalification, en sus de la somme de 2 660,55 euros octroyée par le conseil ;

- 268 715,55 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

- 26 871,55 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 21 284,41 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible, en sus de la somme de 10 642,19 euros octroyée par le conseil des prud'hommes ;

- 5 043,23 euros au titre de la prime d'habillage et de déshabillage ;

- 5 048,39 euros au titre de la prime de douche.

Subsidiairement, il soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l'infirmation sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il entend voir fixer à la somme de 21 284,41 euros en sus de la somme de 10 642,19 euros accordée par le conseil des prud'hommes et celle de 119 908,25euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un PSE, ou à tout le moins la somme de 50 000 euros à ce titre.

Il s'oppose aux prétentions adverses et demande l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 4 mai 2022, la société Sanofi Chimie demande à la cour de dire n'y avoir lieu à statuer à raison de l'absence d'effet dévolutif de l'appel de M. [P].

Subsidiairement, elle demande la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et s'oppose à l'ensemble des prétentions adverses.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande le rejet des demandes du salarié de réintégration, de rappels de salaires et de dommages et intérêts y afférents.

Encore plus subsidiairement, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et le condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu'à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, M. [U] [P] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

En tout état de cause, la société soutient l'irrecevabilité ou le rejet de la demande d'indemnité de congés payés afférents au rappel de salaire.

Enfin elle sollicite la condamnation du salarié à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 mai 2022.

MOTIFS

1 : Sur l'effet dévolutif de l'appel

La société Sanofi Chimie soulève l'absence de saisine de la cour, faute d'effet dévolutif de l'appel, en application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de l'appel, en ce que tout en se disant partiel, l'acte ne précisait pas les chefs de jugement contestés.

M. [U] [P] objecte qu'en l'état des textes applicables à l'époque de l'appel, la dévolution s'opérait pour le tout lorsque l'appel n'était pas limité à certains chefs et qu'en tout état de cause, la mention "appel partiel" figurant sur la déclaration d'acte portait implicitement sur les chefs du jugement défavorables à l'auteur du recours.

Sur ce

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l'espèce, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En déclarant faire appel partiel sans plus de précision, l'auteur du recours entendait implicitement déférer à la cour tous les chefs de jugement qui ne lui donnait pas satisfaction, ce qui correspond d'ailleurs au dispositif de ses conclusions.

Ainsi l'effet dévolutif joue à l'égard desdits chefs.

2 : Sur la requalification des contrats précaires

La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n'est pas remise en cause en appel.

Le salarié sollicite l'allocation d'une indemnité de requalification de 5 321,10 euros en sus de la somme accordée en première instance.

L'employeur demande la confirmation du jugement.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Celui-ci s'entend comme étant le dernier mois de salaire.

Il convient d'allouer au vu des circonstances de la cause une indemnité de licenciement supérieure ou égale à un mois de salaire, c'est-à-dire au montant du salaire de décembre 2013.

Au vu des circonstances de la cause et du bulletin de paie de décembre 2013, il convient de confirmer le jugement déféré.

3 : Sur la prime d'habillage et de déshabillage et la prime de douche

M. [U] [P] demande la condamnation de la société Sanofi Chimie à lui payer une prime d'habillage et de déshabillage et une prime de douche, sur le fondement des articles L. 3121-3 et R. 4228-8 du Code du travail. Il ajoute à l'obligation légale imposée à l'employeur de lui verser de telles primes, l'égalité de traitement par rapport aux salariés qui travaillaient sur le site de [Localité 7], qui ont droit à de telles primes pour l'exercice des mêmes fonctions, alors que tel ne serait pas le cas des salariés qui comme lui travaillaient à [Localité 6].

La société Sanofi Chimie oppose qu'il n'est pas démontré que les métiers occupés par les salariés de [Localité 7] et de [Localité 6] étaient les mêmes et qu'en tout état de cause, lorsque les salariés de ce dernier établissement devaient se changer ou prendre des douches, cela se faisait pendant le temps de travail, de sorte qu'ils se trouvaient de ce fait rémunérés.

Sur ce

Lorsque des salariés sont placés dans une situation identique au regard d'un avantage, l'employeur qui n'attribue cet avantage qu'à une seule catégorie doit justifier cette différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le salarié estime qu'ayant une activité identique à celle des salariés travaillant dans un autre établissement de la société Sanofi Chimie à savoir celui de [Localité 7], il doit être indemnisé de la même manière au titre du temps d'habillage et de déshabillage et du temps de douche.

Le salarié se compare ainsi à des salariés d'un autre établissement, ayant la même qualification que lui, à savoir celle d'opérateur de fabrication, mais pas nécessairement le même poste que le sien, qui consiste en la conduite de fabrication de produits chimiques, requérant un équipement individuel de sécurité, tels que des chaussures de sécurité, blouses, gants et lunettes de sécurité.

Il ne rapporte pas la preuve que les salariés de cet autre établissement avaient des fonctions comparables à la sienne.

Il n'en demeure pas moins qu'aux termes de l'article L. 3121-3 du Code du travail, dans sa version en vigueur au présent litige, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties, poursuit le texte, sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.

Il ressort du règlement intérieur de l'établissement de [Localité 6] que les membres du personnel se voient mis à leur disposition des moyens de protection individuels tels que lunettes, blouses, gants, masques, chaussures, vêtements et combinaisons de travail, qui ne doivent en aucun cas être portés ou emportés à l'extérieur de l'établissement. Un vestiaire individuel est fourni à chaque salarié.

Il s'en déduit que ceux-ci devaient utiliser une tenue de sécurité et qu'ils devaient se changer pour prendre leur travail.

En l'absence de dispositions contractuelles ou conventionnelles assimilant le temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, ce temps doit être considéré comme pris préalablement à la prise de poste et doit être rémunéré.

Aucune convention ou accord collectif de travail ou disposition du contrat de travail, convention collective, de branche, d'entreprise ou d'établissement, usage ne prévoit les modalités de la rémunération du temps ainsi passé par le salarié.

Au vu des éléments peu précis qui lui sont apportés par M. [U] [P] à cet égard, la cour fixe à la somme de 250 euros le rappel de rémunération.

S'agissant du temps de douche, aux termes de l'article L. 3121-2 du Code du travail en cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche en application de l'article R. 4228-9 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif.

Toutefois, le règlement intérieur de l'établissement de [Localité 6] dispose que des douches sont mises à la disposition des salariés effectuant des travaux insalubres ou salissants, et que le temps nécessaire à la douche fait totalement partie du temps de travail.

Il s'ensuit que l'intéressé ne peut prétendre à aucune rémunération à cet égard.

4 : Sur le licenciement

4.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [U] [P] soutient qu'eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l'article L. 1235-11 du code du travail.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n'est pas encourue, en l'absence d'atteinte à une liberté fondamentale et dès lors que la sanction édictée par l'article L. 1235-11 du code du travail invoquée par la partie adverse ne s'applique pas aux salariés ayant une ancienneté inférieure à deux ans. En tout état de cause, l'employeur oppose que la rupture en cause ne repose pas sur un motif économique.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l'époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Aux termes de l'article L. 1235-14, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à la nullité du licenciement prévues à l'article L. 1235-11.

L'interprétation littérale du dernier texte conduit à considérer que la sanction de la nullité ne s'applique pas sous deux conditions alternatives et non cumulatives : soit il s'agit du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté, soit il s'agit d'un licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés.

Dès lors que le contrat à durée déterminée requalifié liant les parties a duré moins de deux ans, la nullité n'est pas encourue.

Par suite M. [U] [P] sera débouté de sa demande de nullité, de réintégration et de paiement des salaires échus depuis la rupture.

4.2 : Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l'absence de lettre de licenciement notifiant au salarié la rupture et sa cause, celle-ci s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [U] [P] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 21 284,41 euros de dommages-intérêts en réparation de la rupture. Il souligne en particulier que la société s'est enfermée dans une posture contentieuse, au lieu de reconnaître la requalification des contrats à durée déterminée, qu'elle a fait miroiter un contrat à durée indéterminée au salarié pour obtenir le renouvellement du contrat à durée déterminée et a abusé de sa situation de dépendance et de faiblesse. Il entend voir confirmer le jugement sur les indemnités de licenciement, de préavis et d'indemnité de congés payés y afférents.

La société Sanofi Chimie objecte que le salarié ne justifie pas de son préjudice lié à la rupture sans cause réelle et sérieuse et qu'il ne peut se prévaloir que d'une faible ancienneté inférieure à deux ans. Elle demande la confirmation sur les indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1235-5 du Code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L. 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [U] [P], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail une somme de 10 642,19 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférents, la cour au vu des demandes concordantes des parties, confirmera le jugement déféré.

5 : Sur la perte de chance de bénéficier d'un PSE

M. [U] [P] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme des dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte de chance de bénéficier du PSE adopté en 2010. Il soutient que ce PSE aurait dû lui être appliqué en ce que :

- celui-ci concernait tous les salariés de l'entreprise appartenant aux catégories professionnelles visées par le projet de licenciement économique sous-tendant ce plan, ce qui était son cas, puisqu'il s'agissait de supprimer des postes de logistique, sans restriction aux seuls salariés des établissements d'[Localité 3], [Localité 6] et [Localité 4], de sorte qu'il importe peu que lui-même fût affecté à celui de Vitry ;

- il était prévu d'appliquer les critères d'ordre des licenciements, ce qui concerne selon lui nécessairement l'ensemble des salariés de la société, en l'absence de restriction prévue par le PSE à cet égard ;

- il n'était pas prévu que les bénéficiaires du PSE de 2008 fûssent exclus du PSE de 2010, et en tout état de cause, le premier de ces plans ne prévoyait pas de licenciements à l'issue des suppressions de poste et ne lui a pas bénéficié de sorte qu'une telle exclusion eût constitué une inégalité de traitement ;

- la condition de présence dans l'effectif de la société au 28 février 2010 posée par le PSE de 2010 lui est inopposable dans la mesure où elle crée une inégalité de traitement, puisqu'il s'agissait de mettre en oeuvre le plan sur les années 2010 à 2014, alors que le contrat de travail de M. [U] [P] s'est déroulé du 1er février 2012 au 31 octobre 2012, et qu'au surplus, le plan a dû être repris, après son annulation par le tribunal de grande instance de Nanterre.

La société Sanofi Chimie s'oppose à cette prétention car, selon elle, les termes mêmes du PSE de 2010 écartent de son bénéfice les salariés des établissements autres que ceux dont il était prévu la réduction des effectifs et qu'ils fassent partie de ceux-ci en février 2010. L'employeur souligne que l'intéressé n'était pas touché par les mesures prévues sur les sites concernés et qu'aucun licenciement n'a finalement eu lieu, compte tenu du succès des mesures alternatives.

Sur ce

Aux termes du préambule de PSE de 2010 figurant page 17, "le plan de sauvegarde de l'emploi définit l'ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi Chimie (...) pour autant qu'ils remplissent la condition nécessaire d'avoir été inscrits à l'effectif au 28 février 2010".

Embauché le 1er février 2012, M. [U] [P] ne remplit pas cette condition.

Certes, il est de principe que si le plan social peut contenir des mesures réservées à certains salariés et en exclure par conséquent d'autres notamment à raison de la date, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables.

En l'espèce, l'exclusion des salariés embauchés postérieurement au début de l'élaboration du PSE est un motif pertinent. En effet, comme l'explique ce plan, il tendait à une réduction des effectifs de l'entreprise, à cette date, en fonction du projet de plan directeur des années 2010-2014 qui recherche une adaptation de l'entreprise à l'environnement pharmaceutique mondial. Les mesures prévues étaient fonction des effectifs à cette date, qui est celle du début des consultations des institutions représentatives. Les embauches postérieures, telle que celle de M. [U] [P], sont décidées en fonction de ces objectifs et n'ont pas lieu d'être adaptées à ces objectifs, contrairement à ceux dont l'embauche précède la réorganisation et l'adaptation.

Certes par ordonnance du 12 août 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a constaté l'insuffisance et l'irrégularité de la procédure d'information-consultation initiée le 31 mars 2010 et a enjoint à la société Sanofi de recommencer la procédure dès l'origine avec l'établissement des catégories professionnelles concernées par la restructuration ou la transformation de leurs postes de travail, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 31 août 2010.

Il s'agissait néanmoins de la poursuite d'une projet fondé sur la situation des effectifs à l'origine des négociations en février 2010 et non d'une reprise totale du projet. Ainsi l'exemplaire du PSE édité pour une réunion du comité d'entreprise du 20 octobre 2010, date bien postérieure à l'ordonnance précitée, maintient le critère de l'appartenance aux effectifs en février 2010.

M. [U] [P] ne peut par conséquent invoquer utilement une perte de chance causée par la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable dont il aurait pu profiter s'il était resté dans l'entreprise. En effet, il n'avait pas vocation à bénéficier du PSE.

En conséquence, la demande de dommages-intérêts pour perte de chances d'en bénéficier du fait de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée.

6 : Sur les intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Reprenant les motifs du premier juge sur les intérêts, la cour confirme la décision déférée sur ce point.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de confirmer le jugement déféré au titre des frais irrépétibles de première instance et de rejeter les demandes formées de ce chef par l'une et l'autre des parties, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le salarié, partie succombante sur la quasi totalité de ses demandes d'infirmation en appel, verra les dépens d'appel mis à sa charge.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Constate l'effet dévolutif de l'appel sur tous les chefs de jugement défavorables à M. [U] [P] ;

Infirme le jugement déféré uniquement sur la prime d'habillage et de déshabillage ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [U] [P] la somme de 250 euros de prime d'habillage et de déshabillage ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [U] [P] aux dépens d'appel dont le recouvrement pourra être directement poursuivi par Maître Sandrine Losi, - Capstant LMS, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 17/07986
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;17.07986 ?
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