La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2022 | FRANCE | N°16/15421

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 06 décembre 2022, 16/15421


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRET DU 06 DECEMBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15421 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZIDS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/10294



APPELANT



Monsieur [O] [X] [P] Notaire, membre de la SELARL [O] [X] [P],

BERTRAND SAVOURE, PAUL ANDRE SOREAU et MURIEL CARPON, notaires associés,

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Thomas RONZEAU de la SCP RONZEAU ET ASSOCIES, avocat ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 06 DECEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15421 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZIDS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/10294

APPELANT

Monsieur [O] [X] [P] Notaire, membre de la SELARL [O] [X] [P], BERTRAND SAVOURE, PAUL ANDRE SOREAU et MURIEL CARPON, notaires associés,

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Thomas RONZEAU de la SCP RONZEAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

INTIMEE

Madame [A] [F]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Bernard VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre chargée du rapport, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 06 décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première présidente de chambre, et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

M. [M] [E] et Mme [A] [F] se sont mariés le [Date mariage 7] 1983, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage préalable à leur union.

En 1988, [Z] et [N] [F] ont successivement consenti une donation-partage à leur fille [A] [F]. Au décès de [N] [F], le [Date décès 1] 1989, son conjoint survivant, [Z] [F] a opté pour l'usufruit de la totalité de la succession de son épouse par acte du 8 septembre 1989. Par acte du 7 juillet 1998, il a abandonné l'usufruit jusqu'alors conservé au profit de sa fille.

Par jugement du 18 décembre 2001, le tribunal de grande instance de Versailles a homologué le changement du régime matrimonial des époux [E]-[F], conformément aux termes d'un acte reçu le 29 juin 2001 par M. [O] [X] [P], par lequel ceux-ci ont adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts avec convention préciputaire.

Selon l'article 6 de l'acte modificatif du régime matrimonial, les époux ont mis en communauté l'intégralité de leurs biens et droits mobiliers et immobiliers propres et de leurs passifs à l'exception des actifs suivants :

- un portefeuille de titres ouvert au nom de Mme [A] [F] auprès de Vega Finance Paris d'un montant de 152 450 euros,

- un portefeuille de titres ouvert au nom de Mme [A] [F] auprès du Crédit Lyonnais d'un montant de 5 800 000 euros,

- la nue propriété de la moitié indivise d'une maison située à Croissy.

Les époux ont déclaré que la mise en communauté portait sur un montant d'actif de 45 700 000 euros à la date du 31 mai 2001, qu'elle ne donnera lieu à aucune récompense à la charge de la communauté qui poursuivra notamment le remboursement de tous les prêts en cours et que cette mise en communauté est constitutive d'un avantage matrimonial.

Dans l'état du patrimoine de M. et Mme [E], annexé à cet acte, ces derniers ont certifié que :

- M. [E] ne dispose d'aucun patrimoine propre,

- le patrimoine propre de Mme [F] est composé de la nue-propriété de la moitié indivise d'une maison située à Croissy et de plusieurs portefeuilles de titres et d'un contrat d'assurance-vie, l'ensemble étant évalué à 5l 682 940 euros,

- le patrimoine de la communauté est composé d'un appartement (studio) situé [Adresse 9] d'une valeur de 152 450 euros et d'un porte-feuille de titres d'une valeur de 396 368 euros.

Par arrêt du 5 février 2015, la cour d'appel de Versailles, sur recours à l'encontre d'un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles du 28 février 2013, a notamment prononcé le divorce de M. [E] et Mme [F] aux torts exclusifs de l'époux et jugeant que l'article 265 du code civil, dans sa rédaction issue du la loi du 26 mai 2004, pose le principe que le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et qu'il ne prévoit la faculté pour les époux de reprendre les biens qu'ils auront apportés à la communauté que si le contrat de mariage le prévoit, a alloué à l'époux une avance sur sa part de communauté de 5 000 000 euros.

Le pourvoi à l'encontre de cet arrêt a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 6 juillet 2016.

La liquidation du régime matrimonial et le partage des biens de la communauté entre époux a été effectué par acte du 28 juin 2017.

Le 8 juillet 2014, Mme [F], recherchant la responsabilité du notaire pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde à l'occasion de son changement de régime matrimonial ayant occasionné, pour elle, la perte de la moitié de ses apports en communauté, a saisi le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 15 juin 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties,

- condamné M. [O] [X] [P] à payer à Mme [A] [F] la somme de 7 000 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [X] [P] à payer à Mme [F] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [X] [P] aux dépens.

Par déclaration du 13 juillet 2016, M. [X] [P] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 5 novembre 2019, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement du 15 juin 2016 en ce qu'il a retenu un défaut de conseil et d'information de M. [X] [P] ainsi qu'une perte de chance, évaluée à trois sur quatre, en résultant pour Mme [F] d'introduire, dans l'acte de changement de régime matrimonial, une clause de reprise des apports en cas de rupture du lien matrimonial,

avant-dire-droit sur l'évaluation du préjudice,

- ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder Me [C] [H], notaire, aux fins, d'une part, de reconstituer la masse à partager et les droits de chacun des époux au moment du divorce si une clause de reprise des apports avait été prévue au contrat de mariage, et d'autre part, de déterminer la situation financière et patrimoniale de chacun des époux à la date du prononcé définitif de leur divorce, en cas de stipulation d'une clause de reprise des apports dans l'acte de changement de régime matrimonial conclu en 2001, et son évolution dans un avenir prévisible au regard notamment de leurs droits à la retraite,

- réservé les dépens.

Saisie d'un pourvoi contre cet arrêt par M. [X] [P], la Cour de cassation a, par arrêt du 5 novembre 2020, saisi le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le point de savoir si les dispositions de la loi du 26 mai 2004 étaient de nature à méconnaître la garantie des droits proclamés par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, lequel, par décision du 29 janvier 2021, a écarté ce grief d'inconstitutionnalité.

Par un arrêt du 29 septembre 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi par une décision non spécialement motivée au motif que le moyen invoqué n'était manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

L'expert a déposé son rapport à la cour le 2 novembre 2021.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 16 septembre 2022, M. [O] [X] [P] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel et ses demandes,

y faisant droit,

- infirmer le jugement du 15 juin 2016 en ce qu'il a considéré qu'il a engagé sa responsabilité civile professionnelle et l'a condamné à payer à Mme [F] la somme de 7 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger n'y avoir lieu d'entériner les conclusions du rapport de Me [H] du 28 octobre 2021, qui ne permet pas de déterminer quels auraient été réellement les droits de Mme [F] en présence d'une clause de reprise des apports dans l'acte du 29 juin 2001 et que ses droits auraient été supérieurs à ceux résultant de l'acte liquidatif du 28 juin 2017,

- juger qu'en présence d'une clause de reprise des apports, Mme [F] n'aurait repris aucun des biens propres apportés, ceux-ci ayant disparu au moment de la liquidation du régime matrimonial,

subsidiairement,

- juger qu'à défaut pour Mme [F] de rapporter la preuve des biens qui auraient été subrogés aux biens apportés, il y a lieu de faire application du principe de présomption de communauté,

- juger que Mme [F] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice certain, réel et actuel, indemnisable par le notaire, qui résulterait de la perte de chance d'introduire dans l'acte de changement de régime matrimonial, une clause de reprise des apports,

- juger que la chance perdue du fait de l'absence d'insertion dans l'acte d'une clause de reprise des apports est nulle,

en conséquence,

- débouter Mme [F] divorcée [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- débouter Mme [F] de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 13 180 263 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter Mme [F] de sa demande résultant de l'application du taux d'inflation,

- débouter Mme [F] de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [F] de sa demande tendant à voir mettre à sa charge le montant des honoraires de l'expert, qui s'élèvent à 18 650 euros,

- juger que Mme [F] supportera la charge des honoraires de M. [H], expert, et, en tant que de besoin, la condamner au paiement de cette somme,

- condamner Mme [F] épouse [E] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [F] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Thomas Ronzeau qui pourra les recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 6 septembre 2022, Mme [A] [F] demande à la cour de :

sur l'appel principal,

- déclarer irrecevable la demande de M. [X] [P] tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que M. [X] [P] a engagé sa responsabilité civile professionnelle,

faisant droit à son appel incident,

- condamner M. [X] [P] à l'indemniser à hauteur de 13 180 263 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- débouter M. [X] [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires,

- condamner M. [X] [P] à lui payer une indemnité de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais d'expertise avancés par la concluante, soit la somme de 18 650 euros.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2022.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme [F]

La cour a considéré que compte tenu des objectifs poursuivis par M. et Mme [E] d'optimisation fiscale et de protection du conjoint survivant, en l'espèce l'époux, après dix-huit ans de vie commune, avec mise en commun des patrimoines mobiliers et immobiliers et insertion d'une clause préciputaire large, l'appréciation des premiers juges devait être confirmée en ce qu'ils ont retenu que l'introduction d'une clause de reprise des apports en cas de rupture du lien matrimonial, qui aurait protégé l'épouse, seule à apporter des biens et ce, à hauteur de 45 700 000 euros, avait trois chances sur quatre d'être adoptée par les parties à l'acte.

Elle a estimé que l'évaluation du préjudice résultant de cette perte de chance pour Mme [F] suppose, d'une part, de reconstituer la masse à partager et les droits de chacun des époux au moment du divorce si une clause de reprise des apports avait été prévue au contrat de mariage, et, d'autre part, Mme [F] ne contestant pas devoir alors une prestation compensatoire à son ex-époux, de connaître la situation financière et patrimoniale de chacun des époux à la date du prononcé définitif de leur divorce ainsi que leur évolution dans un avenir prévisible au regard notamment de leur droits à la retraite et qu'une expertise était nécessaire.

Mme [F] soutient à bon droit que l'arrêt du 5 novembre 2019 est irrévocable en ce qu'il a jugé que M. [X] [P] a engagé sa responsabilité civile professionnelle et la demande de ce dernier tendant à l'infirmation du jugement à ce titre est irrecevable pour se heurter à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour du 5 novembre 2019 qui a confirmé le jugement du 15 juin 2016 en ce qu'il a retenu un défaut de conseil et d'information de M. [X] [P] et fixé le préjudice de Mme [F], né de la perte de chance aux trois quarts de ce qu'elle aurait pu recevoir en présence d'une clause de reprise de ses apports.

Le seul débat concerne l'assiette du préjudice subi par Mme [F], sur laquelle s'applique le pourcentage de perte de chance définitivement retenu.

Sur l'évaluation du préjudice

L'appelant soutient que Mme [F] ne démontre pas qu'en présence de la clause litigieuse, lui auraient été attribués des droits d'un montant supérieurs aux droits résultant de l'acte du 28 juin 2017 soit la somme de 19 735 900 euros et ne rapporte donc pas la preuve d'un préjudice indemnisable, certain et réel, la chance perdue n'étant à l'origine d'aucun préjudice indemnisable puisque l'assiette de ce préjudice est nulle.

Il fait valoir à ce titre que :

- aucuns des biens partagés en 2017 ne correspondent aux biens que Mme [F] dit avoir seule apportés le 29 juin 2001,

- à plusieurs reprises dans son pré-rapport, l'expert a insisté sur le fait que n'ont pu être déterminés ni l'emploi des produits financiers apportés à la communauté, ni les revenus procurés par les placements et acquis à la communauté, ces éléments indispensables n'ayant pas été produits par Mme [F], défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe,

- la cour ne peut entériner les conclusions du rapport définitif de l'expert qui se fonde sur des suppositions incontestablement erronées et qui violent les règles légales en matière de preuve et le principe de présomption de communauté,

- depuis la date de leur mariage, le 8 juillet 1983, les époux étaient soumis au régime de la communauté légale de sorte que les fruits des placements et les revenus des époux sont entrés dans la masse active de communauté à partager, pendant plus de 30 années de vie commune,

- la carence de Mme [F] dans l'administration de la preuve qui lui incombe, ne permet pas de déterminer de façon certaine quels éléments de l'actif commun proviennent des fruits des placements, communs et propres, par nature communs, et quels biens seraient subrogés à des biens propres,

- il ne peut sérieusement être prétendu que le couple aurait consommé tous les fruits de placement portant sur plusieurs dizaines de millions d'euros, produits pendant près de 30 ans,

- il est fort probable que compte tenu de la forte baisse des marchés boursiers au niveau mondial, le patrimoine des époux [E] s'est déprécié fortement et qu'une fraction importante du patrimoine commun reconstitué provienne des économies sur les revenus des propres,

- les investissements, placements ou achats, faits à partir des fruits générés pendant 17 ans, sont communs et n'auraient pas été sujets à reprise même en présence d'une clause de reprise des apports,

- sur la base d'un intérêt de 3 % par an appliqué à l'apport de 45 700 000 euros, le montant des intérêts s'élève à 23 307 000 euros sans capitalisation des intérêts et à 29 835 137 euros avec capitalisation des intérêts, sur une durée de 17 ans,

- la cour doit s'interroger sur la définition de la clause de reprise des apports et la question de la reprise en nature ou en valeur,

- la clause de reprise mentionnée à l'article 265 du code civil depuis la loi du 23 juin 2006 ne concerne que les biens conservés en nature, au vu des travaux parlementaires, le rapporteur de la loi ayant proposé de confirmer l'efficacité de la clause alsacienne de reprise des apports de biens en cas de divorce contenue dans un contrat de mariage, laquelle est systématiquement définie dans le jurisclasseur comme permettant une reprise en nature des biens apportés,

- la clause de reprise ne concerne que les biens conservés en nature, en l'absence de texte prévoyant une subrogation et les biens apportés en communauté en 2001 n'existaient plus à la date des effets du divorce,

- subsidiairement, si la cour considère que l'article 1406 du code civil, prévoyant la subrogation réelle est applicable, à défaut de preuve de cette subrogation, il y a lieu de faire application du principe de présomption de communauté des articles 1401 et 1402 du code civil,

- subsidiairement, il ne peut être pris en compte dans l'évaluation du prétendu préjudice, la valeur de biens que les époux, de façon transactionnelle, ont convenu de maintenir dans l'indivision et le montant important des donations faites par les époux au profit de leurs enfants, en juin 2003, a nécessairement diminué la masse active de la communauté,

- l'expert a proposé de soustraire de l'actif dit commun à la date du 31 mai 2017, date de la jouissance divise, le patrimoine commun tel que déclaré dans l'acte de changement de régime de 2001 et composé d'avoirs bancaires et d'un appartement [Adresse 9], ce qui est évidemment erroné,

- très subsidiairement, si par impossible la cour devait considérer que, pour des motifs d'équité, tous les fonds dont la subrogation n'a pas été prouvée ne peuvent être considérés comme communs, elle ne pourrait raisonnablement considérer que moins de la moitié de ces fonds communs proviendrait du placement des actifs et seraient des biens communs non susceptibles de reprise,

- plus subsidiairement, elle devrait au minimum prendre en considération les revenus des biens d'un montant de 23 307 000 euros,

- l'appréciation de l'existence du préjudice allégué par Mme [F] doit nécessairement tenir compte de la prestation compensatoire conséquente au vu de la grande disparité des fortunes des époux après la liquidation, que l'on peut estimer entre 10 et 15 millions d'euros, qui aurait été versée si la quasi-totalité du patrimoine commun lui avait été attribuée à la suite du divorce,

- une condamnation à des dommages et intérêts donne lieu à l'application du taux d'intérêt légal et l'application du taux d'inflation sollicité par Mme [F] est infondé.

Mme [F] soutient que :

- la variation du montant de sa demande, qui a au demeurant toujours pris en considération la donation-partage faite à ses enfants le 10 juin 2003, est liée à l'évolution de la procédure rendant nécessaire son actualisation à savoir la signature de l'acte de liquidation de la communauté le 28 juin 2017 et la vente des biens qui avaient été maintenus en indivision,

- M. [X] [P] critique les conclusions expertales en reprenant son argumentation écartée par l'expert dans son rapport,

- aucun texte n'interdit la reprise en valeur des biens apportés à la communauté et la pratique notariale le prévoit, depuis longtemps, conformément au principe de liberté des conventions matrimoniales,

- compte tenu de la valeur négligeable de la communauté à la date de l'apport, de l'absence d'apport de M. [E] et de la nature des biens apportés, à savoir principalement des actifs financiers qui font l'objet d'arbitrages multiples et dont la traçabilité ne peut être assurée, le notaire avait le devoir de proposer soit une clause de reprise d'apport à la valeur des biens apportés à la date de l'entrée en communauté, soit une clause de reprise d'apport en valeur au prorata de la valeur des biens apportés par rapport à la valeur de la communauté au jour de l'apport, clause utilisée par la pratique notariale,

- ne pas prévoir une reprise à la valeur au jour de l'apport priverait d'efficacité la clause de reprise d'apport dont l'objet est de protéger l'époux apporteur,

- elle n'avait pas à justifier de la traçabilité des remplois des biens apportés et ce reproche est d'autant plus injustifié qu'elle n'a pas de compétence financière particulière et ne gérait pas elle-même les biens apportés en communauté, constitués essentiellement d'actifs financiers, qui sont, par nature, à la différence des biens immobiliers, des actifs fongibles dont la traçabilité se révèle impossible à déterminer, compte tenu de l'ancienneté des faits et l'expert a apprécié en toute objectivité le caractère propre du patrimoine qu'elle aurait repris, sans porter atteinte à la présomption de communauté,

- si comme le prétend M. [X] [P], la communauté s'était enrichie d'un intérêt théorique de 3 % par an, cet enrichissement aurait été observé lors du partage alors qu'il est établi que la communauté s'est appauvrie de façon sensible dans la mesure où elle s'élevait à 46 279 308 euros après la réalisation des apports en communauté le 29 juin 2001 et à 37 999 900 euros à la date de l'acte de liquidation de la communauté du 28 juin 2017,

- l'expert a retenu, à bon droit, qu'il convenait pour déterminer ses biens propres si une clause de reprise d'apport avait été prévue, de soustraire de l'actif commun à la date du 31 mai 2017, date de la jouissance divise, le patrimoine commun tel que déclaré dans l'acte de changement de régime matrimonial,

- l'argumentation adverse tirée de la présomption de communauté et du prétendu enrichissement lié aux revenus communs, est inopérante,

- il n'y a pas lieu de retenir, comme le propose M. [X] [P] à titre très subsidiaire, sans aucun fondement juridique ou financier à l'appui de cette approche, que la moitié des biens serait des biens communs non susceptibles de reprise et que l'autre moitié serait des biens propres,

- l'assiette de son préjudice doit être fixée à 17 912 304 euros, conformément aux conclusions de l'expert, avant déduction de la prestation compensatoire dont elle aurait pu être redevable en cas de stipulation d'une clause de reprise d'apport, qu'elle évalue à un montant de 1 096 050 en application de la 'méthode de M. [B] [U]',

- son préjudice s'élève, au 28 juin 2017, à la somme de 12 612 191 euros (17 912 304 - 1 096 050) x 3/4), le pourcentage de la perte de chance devant s'appliquer après déduction de la prestation compensatoire, dans la mesure où elle n'en aurait été redevable qu'en cas de stipulation d'une clause de reprise d'apport,

- cette somme doit être actualisée la date de l'arrêt sur la base d'un taux d'inflation de 4,5 % à la somme de 13 180 263 euros.

Sur l'évolution du patrimoine des époux

Le 8 septembre 2002, les époux ont créé la Sci Vojim moyennant l'apport de 50 000 euros chacun et cette Sci est détentrice d'un immeuble au Vésinet constituant le domicile conjugal acquis pour un montant de 3 353 880 euros et dont la valeur a été fixée à titre transactionnel et forfaitairement à 5 000 000 euros dans l'acte de partage, lequel immeuble a été attribué à l'époux.

Le 3 octobre 2004, a été créée la Sci Persim moyennant un apport de 1 100 euros par chacun des époux laquelle a acquis un immeuble à Croissy sur Seine le 21 décembre 2004 pour un montant de 960 000 euros au moyen d'un emprunt in fine de 1 021 054 euros, non remboursé au moment du partage. Ce bien est resté en indivision jusqu'à sa vente pour un montant de 1 360 000 euros selon attestation notariale du 26 décembre 2017. Ce prix a permis le remboursement du prêt in fine et le paiement de l'impôt de plus-value de 30 553 euros et les comptes de liquidation de la société mentionnent un boni de 308 393 euros tel que retenu par l'expert. 

La Sci LBS a été créée le 25 septembre 2007 par les époux qui ont effectué chacun un apport de 650 000 euros. Elle a acquis le 26 octobre suivant une villa à [Localité 10], qui aux termes de l'acte de partage est restée en indivision jusqu'à sa vente le 14 janvier 2020 pour un montant de 1 600 000 euros.

Aux termes d'une donation-partage du 10 juin 2003, les époux [E] ont donné à leurs deux enfants la pleine propriété d'une somme de 600 000 euros et la nue-propriété de valeurs mobilières détenues auprès de la banque Crédit suisse pour un montant de 4 517 175 euros, la valeur de l'usufruit réservé étant de 3 011 450 euros.

Grâce à cette donation-partage, ont été créées, le 7 mai 2005, quatre sociétés civiles de porte-feuilles de titres dont :

- deux (les sociétés Olitop et Sitop) ont été constituées entre [G] [E] né le [Date naissance 3] 1987 et M. et Mme [E], moyennant des apports en numéraire de 4 000 euros au total par les parents et de 34 209 euros en nue-propriété par [G] [E] et en usufruit par ses parents et l'apport en nature de la nue-propriété par le fils et l' usufruit par ses parents de valeurs mobilières pour des montants de 3 084 432 euros et 1 001 600 euros,

- deux (les sociétés Simis et Sinad) ont été constituées entre [L] [E] née le [Date naissance 2] 1991 et ses parents moyennant des apports en numéraire de 4 000 euros au total par les parents et de 34 217 euros en nue-propriété par [L] [E] et en usufruit par ses parents et l'apport en nature de la nue-propriété par la fille et l'usufruit par ses parents de valeurs mobilières pour des montants de 3 084 428 euros et 1 001 600 euros.

A la date de la jouissance divise, les avoirs financiers dépendant de la communauté partagés ont été valorisés pour un montant de 16 614 201 euros.

En revanche, sont restés en indivision dans l'attente de leur rachat les contrats d'assurance vie en co-souscription qui ne pouvaient être attribués à l'un ou à l'autre des époux. L'expert les a chiffrés à la somme de 8 267 749 euros, une fois leur rachat effectué.

Sur les modalités de la reprise des biens propres

Les parties s'accordent pour considérer, comme l'a fait l'expert, que la première question à trancher est celle de savoir si la clause de reprise des apports en cas de divorce aurait prévu une reprise en nature ou en valeur.

Les clauses de reprise des biens propres en cas de divorce existaient dans la pratique notariale à la date de la modification du régime matrimonial de Mme [F] et étaient soumises à la liberté contractuelle.

La référence à l'introduction en 2006 d'une disposition nouvelle dans l'article 265 du code civil permettant de prévoir dans le contrat de mariage la reprise des biens que les époux auront apportés à la communauté et aux débats précédant l'adoption de cette disposition est inopérante puisque la cour doit statuer en l'état du droit en 2001.

L'article 1406 prévoit que forment aussi des propres, par l'effet de la subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi, conformément aux articles 1434 et 1435.

Le but d'une telle clause est d'exclure les biens apportés à la communauté ou ceux qui leur ont été subrogés et si les biens ont été aliénés sans subrogation de les reprendre en valeur.

L'expert a indiqué que 'la clause habituellement retenue par la pratique notariale stipule tant une reprise en nature des biens propres ou ceux qui ont été substitués qu'une reprise en valeur, en cas d'aliénation des biens propres'.

L'objectif de cette clause de reprise dont il est fait grief au notaire de ne pas l'avoir prévue était de protéger Mme [F] qui apportait un patrimoine conséquent en cas de dissolution du régime matrimonial.

Compte-tenu de la nature des apports effectués par Mme [F] à la communauté constitués uniquement de portefeuilles de titres financiers voués à faire l'objet d'arbitrages multiples, le notaire était tenu, pour préserver efficacement ses droits, de proposer une clause ainsi rédigée.

L'expert a d'ailleurs relevé à juste titre que ' réduire la clause de reprise des apports à la reprise des seuls biens se retrouvant en nature au jour de la liquidation, ainsi que Maître [X] [P] et ses conseils le soutiennent, équivaudrait à vider de son sens l'adoption d'une telle clause'.

Sur la reconstitution de l'actif propre et sa valeur

En vertu de l'article 1401 du code civil, la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres.

Selon l'article 1402 du même code, tout bien meuble ou immeuble est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi.

L'article 1406 prévoit quant à lui que forment aussi des propres, par l'effet de la subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi, conformément aux articles 1434 et 1435.

M. [X] [P] invoque inutilement la présomption de communauté au motif que les biens partagés en 2017 ne correspondent pas aux biens propres apportés en 2001 et que Mme [F] ne justifie pas de leur remploi alors qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir conservé les justificatifs des emplois ou valorisations des placements financiers dont la gestion était assurée par son époux puisque ceux-ci étaient devenus communs à compter de 2001 de sorte qu'elle n'avait pas à se soucier de conserver les justificatifs de remploi des titres dont la gestion nécessitait des arbitrages fréquents.

Il ne peut pas davantage lui être reproché de ne pas avoir produit à l'expert les relevés de comptes à l'appui des arbitrages effectués alors que l'ancienneté de plus de dix ans des opérations ne lui permettait pas de les obtenir auprès des banques, comme l'a reconnu l'expert dans son rapport définitif.

La date des effets du divorce et donc de la dissolution de la communauté est fixée à la date de l'ordonnance de non-conciliation soit le 25 mars 2010.

Dès lors et, comme l'a indiqué de manière pertinente l'expert, les fruits des biens propres apportés dont la nature de biens communs n'est pas contestable n'ont pu contribuer à l'enrichissement du patrimoine que durant la période allant du 29 juin 2001 au 25 mars 2010 soit pendant neuf ans et non 17 ans comme le soutient l'appelant.

Les acquisitions de la maison du Vésinet et de la maison de [Localité 10] en 2002 et 2007 ont été effectuées avant que n'aient pu être thésaurisés les fruits des fonds propres employés à cet effet et elles n'ont procuré aucun revenu s'agissant des résidences principale et secondaire en France des époux.

De même, les apports financiers tombés en communauté étant constitués uniquement de titres ont subi les aléas du marché boursier, M. [X] [P] reconnaissant lui même que compte tenu de la forte baisse des marchés boursiers au niveau mondial, le patrimoine des époux [E] s'est probablement déprécié fortement.

Jusqu'en 2005, le couple était expatrié à Singapour où M. [E], ingénieur, travaillait pour la société Danone et il n'est aucunement justifié que Mme [F] ait exercé la profession de vétérinaire qu'elle a repris depuis son retour en France en qualité d'enseignante.

Il ne ressort pas de l'acte liquidatif que les époux aient été propriétaires de biens meubles ou immobiliers détenus à l'étranger comme le suggère l'appelant et l'actif de la communauté tel qu'établi dans l'acte du 28 juin 2017, en ce compris les biens communs restés en indivision et vendus ou rachetés depuis (contrat d'assurance vie au nom des deux époux, parts sociales de la Sci persim et de la Sci LBS et [Adresse 9]) apparaît bien inférieur à l'actif global de la communauté au 29 juin 2001 de sorte qu'il s'en déduit que celle-ci ne s'est pas enrichie.

Dès lors, au vu de cette absence d'enrichissement et compte tenu de l'aisance financière du couple induisant un niveau de vie élevé, des droits de succession(s) en report d'imposition qui étaient encore à la charge de Mme [F] pour un montant de 87 710 euros pour l'année 2014, des impôts et prélèvements fiscaux inhérents aux revenus professionnels et fruits des placements, des charges induites par le patrimoine immobilier et des dépenses générales de la famille, le couple ayant eu deux enfants nés en 1987 et 1991, il doit être considéré que le couple a consommé l'intégralité de ses revenus professionnels et des fruits des placements.

L'expert a estimé que ' l'importance du patrimoine propre de Mme [F] apporté à la communauté (60 fois le montant des avoirs communs), reconnu par M. [E] lors de l'établissement de l'acte de changement de régime matrimonial, et la faible composition de la communauté à cette même époque autorisent à conclure que le patrimoine a été constitué grâce à l'apport du produit de la cession des titres Photonetics reçus par Mme [F] de son père'.

La cour constate toutefois que l'immeuble acquis en 2004 par la Sci Persim dont le capital social était de 2 000 euros l'a été grâce à un prêt in fine entièrement remboursé par le prix de vente de l'immeuble, de sorte que les parts sociales de cette société doivent être considérés comme un acquêt de communauté postérieur à la modification du régime matrimonial.

Compte-tenu de l'importance des placements financiers apportés à la communauté par Mme [F], de la faiblesse des biens communs des époux, de l'absence de patrimoine propre de M. [E] à la date de la modification du régime matrimonial des époux et de l'absence d'économies réalisées par le couple sur ses revenus, la cour considère que les biens communs autres que ceux existant au jour de la modification du régime matrimonial et les parts sociales de la Sci Persim ont été acquis grâce aux biens propres apportés par Mme [F].

En conséquence, la cour valide les conclusions de l'expert judiciaire en ce qu'il a retenu que la valeur des biens propres de Mme [F] devait être calculée en soustrayant de l'actif dit commun à la date du 31 mai 2017 le patrimoine commun tel que déclaré avant la modification du régime matrimonial des époux en 2001, y ajoutant que le boni de liquidation des comptes de clôture de la Sci Persim, acquêt de communauté, doit également être déduit.

- sur le calcul de la reprise

L'actif commun a été calculé par l'expert à partir de la masse active figurant dans l'acte du 28 juin 2017 soit 28 149 500 euros.

M. [X] [P] reproche à tort à l'expert de ne pas avoir déduit la donation-partage faite aux enfants alors que seuls ont été retenus dans l'actif commun la valeur de la pleine propriété des 200 parts dépendant de la communauté et de l'usufruit des autres parts des sociétés Olitop, Sitop, Simis et Sinad telle qu'estimée dans l'acte de partage, après transaction intervenue entre les parties de manière forfaitaire à la somme de 5 763 922 euros.

L'expert a effectué à juste titre les correctifs suivants en supprimant l'indemnité d'occupation du bien sis au Vésinet mis à la charge de Mme [F] pour un montant de 637 500 euros et ajoutant les montants des biens communs restés en indivision jusqu'à leur vente ou rachat :

- le boni de liquidation de la société Persim : 308 393 euros,

- les parts sociales de la société LBS après vente de l'immeuble : 1 604 734 euros,

- les contrats d'assurance-vie en co-souscription rachetés: 8 267 749 euros,

- les biens et droits immobiliers [Adresse 9] vendu: 307 024 euros.

De cet actif commun s'élevant à la somme de 37 999 900 euros, il convient de soustraire non seulement le patrimoine commun tel que déclaré avant la modification du régime matrimonial des époux en 2001 mais également le boni de liquidation des comptes de la Sci Persim d'un montant de 308 393 euros correspondant à un acquêt de communauté postérieur à 2001.

Le patrimoine commun en 2001 était composé d'un studio situé [Adresse 9] d'une valeur de 152 450 euros, vendu le 12 février 2018 pour un montant de 316 800 euros, et d'un porte-feuille de titres détenu auprès du Crédit lyonnais et de la City banque à Singapour d'une valeur de 396 368 euros.

A la date de jouissance divise soit le 31 mai 2017, les avoirs dépendant de la communauté visés dans l'acte liquidatif ne mentionnent aucun titre détenu à la City banque de Singapour et des titres détenus au Crédit Lyonnais pour un montant de 988 940 euros, sans distinction possible entre ceux détenus par la communauté avant l'apport de biens par Mme [F] en 2001 et ceux apportés à cette date, soit un portefeuille titres Crédit Lyonnais de 20 500 000 euros.

A défaut de connaître le montant exact des titres, la cour entérinera le calcul de l'expert, inutilement critiqué par l'appelant, qui a retenu leur valeur en 2001 à laquelle il a ajouté le prix de vente de l'immeuble, frais déduits, pour un montant de 307 024 euros pour fixer la valeur du patrimoine commun antérieur à la somme de 703 392 euros.

La somme totale de 1 011 785 euros doit être soustraite.

Les biens propres s'élèvent donc à la somme de 36 988 115 euros (37 999 900-1 011 785).

En conséquence, les droits de Mme [F] dans la masse à partager se seraient élevés à la somme de 37 494 007 euros (36 988 115 +1 011 785/2) au lieu de la somme de 19 735 900 euros qu'elle a perçue soit une différence préjudiciable de 17 758 107 euros.

Mme [F] admet qu'en cas de clause de reprise de ses apports, elle aurait été redevable d'une prestation compensatoire à son ex-époux laquelle a pour objet de compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, comme l'énonce l'article 270 du code civil et non niveler les niveaux de fortune des époux, comme le soutient M. [X] [P].

L'époux était âgé de 56 ans à la date du 5 février 2015, date de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles et percevait une somme de 650 euros par mois au titre de sa rente invalidité / accident sans que soient connus ses revenus antérieurs et ses droits à la retraite prévisibles.

Sur cette base, M. [X] [P] a calculé que cette pension se serait élevée à :

- 2 661 734 euros en application de la méthode des 20%,

- 7 486 128 euros en application de la méthode du tiers,

- 1 194 000 euros en application de la méthode [B] [U], prônée par Mme [F].

Soit une moyenne de 3 780 621 euros sans connaître les revenus et droits à retraite de l'intéressé.

Au vu de ces éléments, cette prestation compensatoire est fixée à la somme de 3 000 000 euros que Mme [F] avait offert dans le cadre du divorce ainsi qu'il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles.

En conséquence, le préjudice de Mme [F] au titre de la perte de chance retenue par la cour s'élève à la somme de 11 068 580 euros [( 17 758 107- 3 000 000) x 3/4].

Cette somme calculée sur la base de valeurs fixées principalement en 2017 doit être réactualisée au jour où la cour statue sur la base du convertisseur franc-euro publié par l'INSEE, mesurant l'érosion monétaire due à l'inflation, à la somme de 11 640 489 euros, en infirmation du jugement sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d'appel doivent incomber à, M. [X] [P] partie perdante, lequel est également condamné à payer à Mme [F] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'arrêt mixte du 5 novembre 2019,

Déclare irrecevable la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la responsabilité de M. [O] [X] [P] est engagée,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [O] [X] [P] à payer à Mme [A] [F] la somme de 7 000 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Condamne M. [O] [X] [P] à payer à Mme [A] [F] la somme de 11 640 489 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne M. [O] [X] [P] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,

Condamne M. [O] [X] [P] à payer à Mme [A] [F] la somme de 10 000 euros euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 16/15421
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;16.15421 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award