La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2022 | FRANCE | N°22/10025

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 décembre 2022, 22/10025


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 01 DECEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10025 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3YP



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Avril 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/55945





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de

[Localité 6], Mme [P] [V], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentée et assistée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOC...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 01 DECEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10025 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3YP

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Avril 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/55945

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [P] [V], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

INTIMEE

S.A.R.L. E+PNE, RCS de PARIS n°491 491 726, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

Substituée à l'audience par Me Hugo GATTERRE, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Octobre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit délivré le 7 juin 2019, la ville de [Localité 6] a fait assigner la société E+PNE devant le président du tribunal de grande instance de Paris - devenu tribunal judiciaire de Paris - saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 4]).

Par ordonnance du 16 septembre 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov.2018, n° 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Le 22 septembre 2020 la Cour de justice de 1' Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18). Le 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, jugeant notamment que la réglementation locale de la ville de [Localité 6] sur le changement d'usage était conforme à la réglementation européenne.

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la ville de [Localité 6] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 11 mars 2022.

La ville de [Localité 6] a sollicité la condamnation de la société E+PNE au paiement :

' d'une amende civile de 50.000 euros au titre des dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

' d'une amende civile de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 du code du tourisme pour défaut de publication du numéro d'enregistrement ;

' d'une amende civile de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 IVdu code du tourisme ;

' et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de [Localité 6] conformément aux dispositions de l`article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

' dont les produits lui seront intégralement versés ;

' de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 6] ainsi qu'aux entiers dépens.

La société E+PNE a conclu au débouté, contestant l'usage d'habitation du bien au 1er janvier 1970, et subsidiairement à la limitation de l'amende à un montant symbolique.

Par ordonnance contradictoire du 13 avril 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en la forme des référés, a :

- condamné la société E+PNE à payer une amende civile de trois mille euros 3.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 6] au titre de l'article L.65 l-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- condamné la société E+PNE à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné la société E+PNE aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 21 mai 2022, la ville de [Localité 6] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 septembre 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société E+PNE à payer la somme de 3.000 euros à titre d'amende civile et le confirmer dans ses autres dispositions ;

- dire et juger la société E+PNE irrecevable dans sa demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel et en tout cas l'en débouter ;

- débouter la société E+PNE de l'ensemble de ses demandes ;

et statuant à nouveau de ce chef,

- condamner la société E+PNE à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de [Localité 6] conformément à l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- condamner la société E+PNE au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouverts ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile par Me Mathieu.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 30 septembre 2022, la société E+PNE demande à la cour de :

- déclarer mal fondé l'appel de la ville de [Localité 6] ;

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter la ville de [Localité 6] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal,

- juger que la ville de [Localité 6] ne justifie pas de l'usage d'habitation de l'appartement au 1er janvier 1970 ;

En conséquence,

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et débouter la ville de [Localité 6] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- juger que la société E+PNE n'a pas tiré d'avantage des revenus perçus au titre des locations litigieuses que ce qu'elle aurait tiré au titre de locations classiques ;

- juger que la société E+PNE a régularisé la situation avant même que la ville de [Localité 6] ne prenne attache avec elle ;

En conséquence,

- confirmer le jugement dont appel ;

En tout état de cause,

- condamner la ville de [Localité 6] à payer la société E+PNE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Mengeot, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de constater que la société E+PNE ne soulève pas la caducité de la déclaration d'appel dans ses dernières écritures, les prétentions de l'appelante sur ce point étant ainsi sans objet.

Sur le fond, les parties s'opposent d'abord sur la preuve de l'usage habitation du bien en cause au 1er janvier 1970, condition de l'infraction, ensuite sur le montant de l'amende, la Ville considérant insuffisante l'amende de 3.000 euros prononcée en première instance.

Il convient de rappeler qu'en application des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation et conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à la ville de [Localité 6] d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

L'intimée soutient que la Ville, qui avait versé au débat deux fiches H2 en première instance, n'en verse plus qu'une datée du 19 octobre 1970, de sorte qu'elle n'est pas de nature à justifier que l'appartement objet des locations litigieuses était affecté à l'usage d'habitation au 1er janvier 1970. Elle n'explique toutefois pas en quoi cette fiche H2 du 19 octobre 1970 n'établit pas l'usage d'habitation au 1er janvier 1970.

Ladite fiche, remplie le 19 octobre 1970, décrit le bien concerné comme un appartement à usage d'habitation, dont le propriétaire est la société immobilière de la Plaine Monceau et qui est occupé par un locataire, Mlle [N], moyennant un loyer annuel au 1er janvier 1970 de 21.600 francs. Or, comme l'a exactement jugé le tribunal, la mention d'un loyer au 1er janvier 1970 établit que l'appartement faisait l'objet d'un bail d'habitation à cette date et qu'il était donc bien affecté à usage d'habitation au 1er janvier 1970.

La première condition de l'infraction est donc remplie et il n'est pas contesté que le bien ne constitue pas la résidence principale de la société E+PNE, la seconde condition de l'infraction étant donc également remplie.

S'agissant de la matérialité de l'infraction, à savoir l'existence de locations de courtes durées à une clientèle de passage, elle ressort des constatations opérées par la ville de [Localité 6] et est reconnue par la société E+PNE sur la période du 1er novembre 2016 au 30 octobre 2018, période d'infraction qui a été retenue par le premier juge sur la base des constatations de la Ville et notamment les commentaires laissés par les locataires de passage. La ville de [Localité 6] soutient elle- même que le bien a fait l'objet de locations illicites depuis le 1er novembre 2016 et l'intimée justifie par la production d'un bail de droit commun avoir loué son appartement de manière classique à compter du 30 octobre 2018.

Il est donc bien établi que l'infraction a duré deux ans.

La société E+PNE soutient que les gains qu'elle a tirés de ces deux années de location illicite sont de 111.135,84 euros et non de 140.486 euros comme affirmé par l'appelante, soit un gain inférieur à celui de 126.000 euros qu'elle aurait tiré d'une location classique.

Toutefois, si les gains réalisés sont à prendre en compte pour fixer l'amende, ils ne sont pas les seuls éléments déterminants, l'amende ayant aussi pour objet de lutter contre la pénurie de logements destinés à la location dans certaines zones du territoire national comme la ville de [Localité 6], cet objectif de la réglementation constituant un motif d'intérêt général.

En l'espèce, la ville de [Localité 6] soutient à raison qu'en prononçant une amende de 3.000 euros le premier juge n'a pas suffisamment tenu compte de cet objectif d'intérêt général qui exige le prononcé d'une amende suffisamment dissuasive.

Compte tenu de la durée conséquente de l'infraction et des gains avancés, mais aussi du retour à la location licite avant même le constat de la ville de [Localité 6], compte tenu aussi de ce que la société E+PNE ne fournit aucun élément sur sa situation financière, il sera prononcé à son encontre une amende de 20.000 euros. L'ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef.

L'ordonnance sera confirmée sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dont elle a fait une juste appréciation.

Perdant en appel, la société E+PNE sera condamnée aux dépens de cette instance et à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 1000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise sur le montant de l'amende prononcée à l'encontre de la société E+PNE,

Confirme l'ordonnance pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société E+PNE au paiement d'une amende civile de 20.000 euros, dont le produit sera reversé à la ville de [Localité 6],

Condamne la société E+PNE aux dépens de l'instance d'appel et à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 1.000 euros au titre des ses frais irrépétibles exposés en appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/10025
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;22.10025 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award