La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2022 | FRANCE | N°22/09257

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 décembre 2022, 22/09257


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09257 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFZV4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2022 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 21/50361





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 7], prise en la personne de

Madame la Maire de [Localité 7], Mme [Y] [I], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Adresse 5]



Représentée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avoc...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09257 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFZV4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2022 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 21/50361

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 7], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 7], Mme [Y] [I], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

Substitué à l'audience par Me Claire LITAUDON, avocat au barreau de PARIS,

INTIMES

M. [C] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Mme [K] [F] épouse [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés par Me Nadine RAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0412

Assistés par Me Thierry YGOUF DE VARESE, avocat au barreau de CAEN

S.A.S. BNB MOTION, RCS de PARIS n°827 924 820

[Adresse 2]

[Localité 3]

Défaillante, signifiée le 21.06.2022 à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par actes d'huissier de justice des 19 et 30 octobre 2020, la Ville de [Localité 7] a fait assigner les époux [Z] et la société Bnb Motion devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation concernant un appartement situé [Adresse 1] (3ème étage, bâtiment A, escalier 1, porte 1001, lot n°9) et demandait de voir :

- à titre principal,

condamner in solidum M. et Mme [Z] à une amende civile de 50.000 euros dont le produit lui sera versé conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

condamner la société Bnb Motion une amende civile de 50.000 euros dont le produit lui sera versé conformément aux dispositions de l'article L.651-2 précité ;

- à titre subsidiaire,

condamner in solidum M. et Mme [Z] à une amende civile de 50.000 euros dont le produit lui sera versé conformément aux dispositions de l'article L.651-2 précité ;

- en tout état de cause,

ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal fixer et qui s'en réservera la liquidation ;

condamner in solidum les défendeurs à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [Z] ont demandé à titre principal le rejet des demandes et à titre subsidiaire la limitation de l'amende civile à un euro, la condamnation de la société Bnb Motion à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, outre la condamnation de tout succombant à lui verser 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Bnb Motion n'a pas constitué avocat devant le premier juge.

Par jugement réputé contradictoire du 13 avril 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le président du tribunal judiciaire de Paris, a :

- débouté la Ville de [Localité 7] de ses demandes ;

- condamné la Ville de [Localité 7] à verser à M. et Mme [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 7] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 9 mai 2022, la Ville de [Localité 7] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 30 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 7] demande à la cour, au visa de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, de l'article 492-1 du code de procédure civile, de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L.632-1 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation modifiée par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme et de l'article 378 du code de procédure civile, de :

in limine litis,

- surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation saisie du pourvoi n°X2221797 ;

au fond,

- la juger recevable en son appel ainsi qu'en ses conclusions et l'y en juger bien fondée ;

- infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 13 avril 2022 par le vice-président au tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du président du tribunal (N°RG 21/50361) en ce que le juge :

- l'a déboutée de ses demandes ;

- l'a condamnée à verser à M. et Mme [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux dépens ;

statuant de nouveau,

à titre principal,

- juger que M. et Mme [Z] et la société Bnb Motion ont enfreint les dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation en changeant l'usage et en louant pour de courtes durées l'appartement situé au 3ème étage du bâtiment A, escalier 1, porte 1001 de l'immeuble du [Adresse 1] (constituant le lot n° 9) ;

- et condamner M. et Mme [Z] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- et condamner la société Bnb Motion à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé ;

à titre subsidiaire,

- juger que M. et Mme [Z] et Bnb Motion ont enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courtes durées l'appartement situé au 3ème étage du bâtiment A, escalier 1, porte 1001 de l'immeuble du [Adresse 1] (constituant le lot n° 9) ;

- et condamner in solidum M. et Mme [Z] et la société Bnb Motion à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

en tout état de cause,

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé au 3ème étage du bâtiment A, escalier 1, porte 1001 de l'immeuble du [Adresse 1] (constituant le lot n° 9), sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- débouter M. et Mme [Z] et la société bnb Motion de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner in solidum M. et Mme [Z] et la société Bnb Motion à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum M. et Mme [Z] et la société Bnb Motion aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La Ville de [Localité 7] soutient en substance :

- qu'il est d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de cassation saisie du pourvoi n°X2221797 formé contre des arrêts rendus par la cour d'appel de Paris et notamment l'arrêt du 15 septembre 2022 rendu sur des faits similaires à la présente espèce et portant sur la force probante d'une fiche H2 portant mention d'une occupation par le propriétaire ;

- que la décision de première instance lui a imposé à tort de rapporter la preuve de l'occupation du logement au 1er janvier 1970 ; que seul l'usage d'habitation est à prouver à cette date en vertu de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- que l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 est prouvé notamment par la fiche H2 remplie par les consorts [L] [G] en qualité de propriétaires du bien, le 1er septembre 1970, qui précise que le local est occupé par le propriétaire, avec mention de pièces et annexes affectées exclusivement à l'habitation d'une surface totale de 42 m² alors que celle relative à l'usage professionnel n'est pas renseignée ; que le fait la rubrique 2.4 ne soit pas remplie signifie que le bien a été acquis avant 1967 ;

- que, pour conforter ses dires, elle verse aux débats un extrait de l'annuaire téléphonique de 1968 faisant apparaître M. « [L] D. », un extrait du registre des hypothèques mentionnant, dans la partie désignation de l'immeuble, que le lot 9 est un logement au 3ème étage et que le bien a été attribué après partage à « [L] » en 1966, le relevé de propriétaire sur lequel figure la lettre H dans la case Af pour affectation, la fiche cadastrale, la taxe d'habitation de 2019 et un contrat de prestations de services pour le dénommé logement ;

- que le bien litigieux ne constitue pas la résidence principale des loueurs en ce qu'ils résident à [Localité 6], au Japon, ce qui est confirmé par le fait que M. [Z] y était en détachement depuis 2018 et jusqu'au 1er octobre 2020 ; qu'ils sont donc expratriés au sens juridique du terme, ne pouvant avoir de résidence principale en France et ne démontrant pas des attaches dans le domicile familial ;

- que le bien est en location sur le site Airbnb ; que M. [Z] a reconnu l'existence d'un site internet proposant le logement en location de courte durée au cours des six derniers mois, qu'il a transmis les historique de réservation Airbnb, la taxe d'habitation en secondaire de 2019 et l'acte de vente ; que le contrat de gestion communiqué précise qu'il s'agit de gestion locative de type location saisonnière et qu'ainsi les propriétaires avaient connaissance des locations illicites et qu'ils en ont tiré un avantage personnel ;

- qu'est responsable du fait fautif le propriétaire qui change l'usage du bien ou qui a connaissance du changement d'usage de son bien et le locataire, si les circonstances de l'espèce démontrent qu'il devait nécessairement avoir connaissance de la violation des dispositions d'ordre public, qu'ainsi chaque contrevenant doit être condamné à une amende civile d'un montant de 50. 000 euros ;

- que le montant versé par Airbnb sur une période de janvier à décembre 2019 est de 37.194,70 euros et que le montant ainsi perçu depuis octobre 2018 s'élèverait à la somme de 60.052 euros alors que le gain en location régulière n'aurait été que de 19.206 euros et que la compensation nécessaire au changement d'usage aurait été de 84.000 euros.

Dans ses conclusions remises le 06 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les époux [Z] demande à la cour, au visa des articles L.631-7 et L.631-7-1 du code de la construction et de l'habitat, de l'article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1988, de l'article L. 324-1-1 du code de tourisme, des articles 1112-1 et suivants du code civil, de :

- débouter la Ville de [Localité 7] de sa demande de sursis à statuer ;

à titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris dans toutes ses dispositions ;

- débouter la Ville de [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

à titre subsidiaire,

- limiter le montant de l'amende civile dont ils seraient redevables à un montant maximum de 1 euro ;

- débouter la Ville de [Localité 7] de sa demande de retour à l'habitation des locaux transformés et l'astreinte en résultant ;

- condamner la société Bnb Motion à les garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre ;

en tout état de cause,

- condamner toute partie succombante à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les consorts [Z] soutiennent en substance :

- que la demande de sursis à statuer n'est pas fondée, la Cour de cassation s'étant déjà prononcée, après consultation de la Cour de justice de l'Union Européenne, sur la force probante de la fiche H2 ;

- que l'infraction aux dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation n'est pas constituée en ce que ce même article prévoit que l'autorisation préalable pour un changement d'usage des locaux destinés à l'habitation n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur ; que les expatriés pour raisons professionnelles sont exemptés de toute autorisation de changement d'usage ; qu'il en est de même pour la déclaration préalable prévue par l'article L.324-1-1 II du code du tourisme et que même si le III du même article ajoute que la déclaration est obligatoire dans les communes où l'autorisation prévue à l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation est obligatoire, dans ce cas la déclaration indique si le meublé constitue la résidence principale du loueur ;

- que le local litigieux n'a été donné à la location saisonnière que de 2018 au mois d'octobre 2020 en raison de la mission de longue durée au Japon confiée à M. [Z] et qu'ils ont rejoint ce logement dès leur retour du Japon ; que le fait que le logement litigieux constitue leur résidence principale est attesté par des attestations qu'ils produisent et notamment une de l'employeur de M. [Z], les bulletins de salaire ou l'assignation délivrés à cette adresse, de même que par la déclaration en ligne, faite conformément à l'article L.324-1-1 du code de tourisme effectué le 29 juillet 2018 indiquant que le local constitue sa résidence principale ;

- que la Ville de [Localité 7] ne rapporte pas la preuve de l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 car les documents transmis par la Ville de [Localité 7] sont postérieurs à cette date, que la fiche H2 ne vaut que pour sa date de souscription, comme a pu le reconnaître la jurisprudence et qu'elle ne pose en aucun cas une présomption lorsque les prescriptions posées par le décret de 1969 ont été respectées ; que les mentions figurant sur la fiche H2 ne permettent de fournir que des renseignements utiles à l'évaluation de la propriété, à l'exception du montant du loyer au 1er janvier 1970 et qui en l'espèce n'est pas renseigné ;

- que le reste des pièces fournies par la Ville de [Localité 7] sont insuffisantes pour prouver l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 et notamment que, comme l'a reconnu la jurisprudence et en l'espèce, le juge de première instance, l'absence de mention de travaux postérieurement au 1er janvier 1970 dans le relevé cadastral, la lettre H dans la case Af du relevé de propriété, l'extrait du fichier des hypothèques contenant le nom de « [L] » comme propriétaire, ou encore l'extrait de l'annuaire sans mention de l'adresse exacte, ne permettent pas de prouver que le local était à usage d'habitation au 1er janvier 1970 ;

- qu'ils sollicitent à titre subsidiaire la garantie de la société Bnb Motion s'ils venaient à être condamnés ; qu'ils ont conclu avec celle-ci un contrat de prestation de service, qu'elle se retrouvait donc à leur égard débitrice d'une obligation d'information, notamment sur la réglementation en vigueur, cette information étant déterminante de leur consentement ; que c'est la société Bnb Motion qui a toujours procédé aux mises en location et qu'elle était responsable de la gestion de celles-ci et indiquent que celle-ci lui avait certifié n'avoir nullement besoin d'une autorisation pour pouvoir mettre en location son logement pendant plusieurs années pour des locations de courtes durées, de façon répétée ;

- que subsidiairement l'amende ne saurait être supérieure à 1 euro car les revenus perçus sont similaires à ceux auxquels ils auraient pu prétendre en location classique, qu'ils ont procédé à ces locations de bonne foi, seulement le temps du détachement au Japon de M. [Z] et que, depuis le retour en France, ils occupent à nouveau leur appartement.

La société Bnb Motion n'a pas constitué avocat.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, il sera rappelé que la société Bnb Motion n'a pas constitué avocat.

En vertu de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la partie intimée qui ne conclut pas est réputée s'être appropriée les motifs du premier juge.

De surcroît, en application de l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne fera droit aux demandes de la partie appelante que si elle les estime régulières, recevables et bien fondées.

Sur la demande de sursis à statuer

En application de l'article 378 du code de procédure civile, il peut être sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Une bonne administration de la justice commande de traiter les justiciables de manière égale, en statuant sur leur litige en l'état des textes et de la jurisprudence applicables au moment où la cour est saisie.

Tel ne serait pas le cas s'il était sursis à statuer en l'attente de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la question en débat de la force probante d'une fiche H2 portant mention d'une occupation par le propriétaire pour démontrer l'usage d'habitation au 1er janvier 1970.

La demande de sursis à statuer sera par conséquent rejetée.

Sur l'infraction reprochée

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des [Localité 4], de la [Localité 8] et du [Localité 9]. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 7] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

En l'espèce, les parties s'opposent sur les éléments de preuve à apporter par la Ville de [Localité 7] de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de [Localité 7], pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation.

La fiche H2 a été ici remplie le 1er septembre 1970 (pièce 3).

Elle ne mentionne pas de date d'acquisition du bien, ce dont il se déduit uniquement que le local aurait été acheté il y a plus de trois ans par rapport à sa date d'établissement.

Elle décrit le local comme un appartement à usage exclusif d'habitation de 42 m² et fait état d'une occupation par les propriétaires, les époux [L], sans donc mention d'un locataire et d'un loyer au 1er janvier 1970.

Si ces mentions ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, elles ne suffisent cependant à établir un usage d'habitation au 1er janvier 1970, étant observé :

- qu'aux termes de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le local doit être affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d'affectation à un usage d'habitation ;

- que la mention de l'occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l'hypothèse de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l'occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant acquise dès le 1er janvier 1970 ;

- qu'au demeurant, comme le souligne d'ailleurs habituellement la Ville de [Localité 7], la preuve à apporter n'est pas celle de l'occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l'affectation du bien à un usage d'habitation à cette date de référence ;

- que de même, si le local est décrit sur la fiche comme étant à usage exclusif d'habitation, cette description ne vaut qu'à la date à laquelle la fiche est renseignée, soit au 1er septembre 1970.

Si la Ville de [Localité 7] soutient que l'établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas non plus une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).

La présomption d'usage d'habitation au 1er janvier 1970 telle qu'alléguée ne résulte ainsi ni de ces textes ni, par ailleurs, d'aucun autre texte.

Au surplus, il faut constater :

- que les annuaires téléphoniques de 1968 et de 1969 (pièce 11), qui mentionnent que M. [L] occupe l'immeuble, ne sont pas de nature à établir l'usage du bien au 1er janvier 1970 ;

- que le registre des hypothèques (pièce 11) précise simplement que le bien a été attribué après un partage à un dénommé "[L]" en 1966, sans que cette pièce ne fasse état de l'usage du bien en cause ;

- que les autres pièces produites (relevé de propriété, fiche cadastrale, taxe d'habitation de 2019, contrat de prestations de service) sont postérieures au 1er janvier 1970, ne pouvant donc déterminer l'usage du bien au 1er janvier 1970.

Aucun autre élément probant n'est versé aux débats, s'agissant de la preuve de l'usage d'habitation, qui n'apparaît donc pas établi au 1er janvier 1970.

Aussi, sans se prononcer sur les autres moyens soulevés, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Ville de [Localité 7] de sa demande, faute pour celle-ci d'établir l'usage d'habitation du bien conformément au code de la construction et de l'habitation.

Sur les autres demandes

Le sort des frais et dépens a été exactement réglé par le premier juge, de sorte qu'il y a lieu également de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Partie succombante en appel, la Ville de [Localité 7] devra indemniser les intimés pour les frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de sursis à statuer ;

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la Ville de [Localité 7] à verser à M. [C] [Z] et à Mme [K] [F] épouse [Z] pris ensemble la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la Ville de [Localité 7] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/09257
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;22.09257 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award