Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 1er DECEMBRE 2022
(n° 2022/ , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08275 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMUR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F18/00296
APPELANT
Monsieur [S] [M]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Claire NIETO-LÉTHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1060
INTIMEES
Maître [U] [H] mandataire liquidateur de la société DENTAL-O
[Adresse 7]
[Localité 2]
Non comparant, non représenté
SARL KITVIEW
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Marie-laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936
Association AGS CGEA [Localité 3] UNEDIC Délégation AGS CGEA représentée par sa Directrice, dûment habilitée [W] [Z],
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
- réputé contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,
- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [S] [M] a été engagé par la SARL Dental-O par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 3 avril 2017, en qualité de chef des ventes, statut cadre, position 2.1, coefficient 115, moyennant une rémunération annuelle brute de base de 50 000 euros, outre une part variable de 20 000 euros sur atteinte des objectifs définis annuellement, pour un temps de travail hebdomadaire de 35 heures. M. [M] bénéficiait également d'un véhicule de fonction. Dans le dernier état des relations contractuelles, sa rémunération brute mensuelle de base s'établissait à la somme de 4 166,67 euros.
Par jugement du 24 Janvier 2018, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a ouvert la procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la société Dental-O, Me [U] [H], étant désigné en qualité de liquidateur.
Par courrier du 1er février 2018, M. [M] a été convoqué par Me [H] ès qualités à un entretien préalable à un licenciement pour motifs économiques fixé au 6 février 2018 auquel il ne s'est pas présenté. Par courrier du 6 février 2018, Me [H] ès qualités a adressé à M. [M] les documents afférents au contrat de sécurisation professionnelle. Puis, par courrier du 8 février 2018, il lui a notifié son licenciement pour motif économique suite à la cessation d'activité de l'entreprise et l'a dispensé de ses obligations liées à la clause de non-concurrence. Le 19 février 2018, M. [M] a signé le contrat de sécurisation professionnelle. Son contrat de travail a pris fin le 27 février 2018.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseils et la société Dental-O occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Par jugement du 18 avril 2018, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a désigné la SAS [H]-Goic et associés, prise en la personne de Me [U] [H], mandataire judiciaire, en remplacement de Me [H].
Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun par requête enregistrée au greffe le 18 mai 2018, aux fins d'obtenir la fixation de sa créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de son employeur et obtenir la condamnation solidaire de la SARL Kitview en qualité de co-employeur et le versement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 11 juin 2019, auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Melun, section encadrement, a :
- débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la société Kitview de ses demandes ;
- débouté Me [U] [H], liquidateur judiciaire de la société Dental-O, de ses demandes ;
- débouté l'AGS CGEA de ses demandes ;
- dit le jugement opposable à l'AGS CGEA ;
- laissé les dépens à la charge respective de chacune des parties.
M. [M] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 18 juillet 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 5 septembre 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [M] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- dire et juger que la société Kitview est son co-employeur ;
- dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- en conséquence, fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Dental-O aux sommes suivantes et déclarer la société Kitview solidairement responsable du paiement de ces sommes en sa qualité de co-employeur :
* indemnités liées au licenciement :
' à titre principal, 9 252,61 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
' à titre subsidiaire, 3 500 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement pour motif économique ;
* 1 223,27 euros au titre du rappel sur indemnité légale de licenciement,
* 16 079,82 euros au titre du rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis,
* 1 607,98 euros au titre du rappel de congés payés afférents au préavis,
* 15 000 euros au titre du bonus annuel 2017,
* 1 500 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 400 euros au titre du bonus annuel 2018,
* 340 euros au titre des congés payés afférents,
* 8 500 euros au titre des primes de résultat,
* 850 euros au titre des congés payés afférents,
* 14 887,02 euros au titre des heures supplémentaires,
* 1 488,70 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 656,94 euros au titre de l'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos,
* 2 118,21 euros au titre de l'indemnité de temps de déplacement,
* 57 159,64 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte au droit au respect de la vie privée,
* 3 300 euros à titre d'indemnité pour utilisation professionnelle du domicile pendant 11 mois,
* 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande et ordonner la capitalisation des intérêts ;
- ordonner la remise des documents de fin de contrat corrigés, sous astreinte à hauteur de 150 euros par document et par jour de retard ;
- condamner les sociétés Dental-O et Kitview aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 12 décembre 2019, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Kitview demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de condamner M. [M] à lui verser une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 13 décembre 2019, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'association AGS CGEA [Localité 3] demande à la cour de :
A titre principal,
- prononcer la nullité du contrat de travail de M. [M] ;
A titre subsidiaire,
- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes ;
A titre très subsidiaire,
- fixer au passif de la liquidation les créances retenues ;
- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L. 3253-19 du code du travail et dans la limite du plafond 5 toutes créances brutes confondues ;
- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que l'indemnité pour travail dissimulé et l'indemnité pour atteinte à la vie privée ;
- exclure de l'opposabilité à l'AGS l'astreinte ;
- rejeter la demande d'intérêts légaux ;
- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
La SAS [H]-Goic et associés, prise en la personne de Me [U] [H], ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Dental-O, lequel s'est vu signifier la déclaration d'appel par procès-verbal du 14 octobre 2019 signifié à personne habilitée n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu. La présente décision est réputée contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 septembre 2022.
MOTIVATION :
Sur la demande de nullité du contrat de travail :
L'AGS soutient que le contrat de travail de M. [M] est nul dès lors qu'il a été conclu en période suspecte et qu'il a entraîné un alourdissement des charges de la société Dental-O alors que rien ne justifiait l'embauche de M. [M].
M. [M] est resté taisant sur cette demande.
L'article L. 632-1 du code de commerce prévoit que '.:
'- Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :
1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;
2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie [...]'
C'est vainement que l'AGS soulève sur ce fondement la nullité du contrat de travail dès lors qu'elle ne présente aucune pièce à l'appui de ses allégations se contentant d'affirmer, sans le démontrer, que rien ne justifiait l'embauche de M. [M].
La cour rejette la demande en nullité du contrat de travail présentée par l'AGS.
Sur l'exécution du contrat de travail :
Sur le co emploi :
La situation de co-emploi peut se caractériser par l'existence d'un lien de subordination du salarié à l'égard de la société dont il est soutenu qu'elle a la qualité de co-employeur. Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
M. [M] soutient que la société Kitview était co employeur avec la société dental-O en invoquant le lien de subordination qui l'unissait à la société Kitview et l'immixtion anormale de cette société dans la gestion de la société Dental-O. Il fait ainsi valoir que :
- il existait une confusion de direction entre les deux sociétés puisque la société Kitview dont le gérant était M. [C] [J] était en réalité dirigée par son père M. [O] [J], lui-même gérant de Dental-O, celui-ci se présentant comme le DG et directeur R&D de cette entreprise, contrôlant le comité de direction du groupe Orqual comprenant la société Kitview dont il choisit les membres et organise le fonctionnement,
- il existait une communauté de gestion entre les deux sociétés dès lors que tous les ordres et directives de gestion ou RH étaient donnés par M. [O] [J] indifféremment au personnel des deux sociétés parfois dans les mêmes e-mails, que M. [J] imposait à toute l'équipe commerciale comprenant donc des salariés de Dental-O et de Kitview de partager en permanence leur position, le secrétaire comptable de Kitview ayant admis dans un mail que la demande venait de '[O]', qu'il effectuait des recrutements pour la société Kitview, que les contrats de travail des salariés Dental-O et Kitview étaient rédigés sur le même modèle et contenaient des clauses identiques, qu'il se prononçait sur le paiement des heures supplémentaires réclamées par une salariée de Kitview et enfin qu'il avait fixé le montant des primes devant être versées aux commerciaux sans distinction entre ceux embauchés par l'une ou l'autre des sociétés, ses engagements unilatéraux ayant même été contractualisés ultérieurement dans les contrats des commerciaux directement embauchés par Kitview.
- il existait une confusion de fonctionnement entre les deux sociétés puisque lui-même encadrait des salariés de Kitview comme de Dental-O et qu'il avait d'ailleurs sous sa responsabilité [C] [J] dirigeant de Kitview, qu'il travaillait concrètement pour Kitview puisqu'il était placé dans les mêmes conditions que les salariés de cette dernière, présenté aux candidats et aux nouveaux salariés comme le chef des ventes France de Kitview qu'il devait même devenir directeur de l'équipe commerciale du groupe Orqual, membre du comité de direction et prendre la tête de Kitview, qu'il disposait d'une voiture mise à sa disposition par la société Kitview et d'une adresse professionnelle au nom du groupe Orqual, que lors des salons commerciaux, il disposait de badges l'identifiant expressément comme appartenant au groupe Orqual ou à la société Kitview, qu'il signait les offres commerciales sur papier à en-tête du groupe Orqual et qu'après son licenciement pour motif économique M. [J] a tenté de lui faire intégrer Kitview pour vendre les mêmes produits, que les offres commerciales adressées par les commerciaux des société Kitview et Dental-O étaient identiques, ses clients n'étant même pas informés de l'existence de la société Dental-O et que toutes les équipes commerciales qu'elles appartiennent à Kitview ou Dental-O utilisaient le même logiciel et intervenaient à la suite ou en commun sur les mêmes dossiers,
- il existait une confusion d'activité entre les deux sociétés puisque les commerciaux sans distinction étaient chargés de vendre les mêmes produits dans les mêmes conditions, que le fait que l'activité de ces deux sociétés ne se confonde pas totalement n'exclut pas qu'elles agissaient dans le même but et dans le seul intérêt de Kitview au détriment de Dental-O qui n'était qu'une coquille vide et n'encaissait aucune facture, la société Kitview étant d'ailleurs dans l'incapacité de produire une quelconque refacturation par la société Dental-O d'un produit Kitview.
La société Kitview de son côté conteste la notion de co emploi invoquée par M. [M] en faisant valoir que :
- aucun contrat de travail n'a été conclu entre elle et M. [M], seul M. [J], gérant de la société Dental-O lui donnait ses instructions et le rémunérait, il n'est démontré aucun lien de subordination entre lui et la société Kitview,
- il n'existe pas de groupe Orqual, il ne s'agit que d'un nom commercial utilisé par des entités juridiques distinctes, et le rapport Viacto RH mentionne le groupe Orqual à tort alors qu'il ne s'agit pas d'un groupe tel que défini par l'ordonnance 2017-1718 du 20 décembre 2017,
- il n'existe aucun lien capitalistique entre les société Dental-O et Kitview, dont les dirigeants ne sont pas les mêmes et aucun élément n'établit le caractère fictif de la gérance par M. [C] [J] de la société Dental-O,
- il n'existe aucune confusion d'activité entre les deux sociétés puisque la société Dental-O distribuait les logiciels que seule la société Kitview éditait sur supports,
- M. [M] ne démontre pas l'immixtion de la société Dental-O dans la gestion économique et sociale de l'activité de la société Kitview ni l'inverse,
- dans son mail du 31 mars 2017, M. [O] [J], gérant de la société Dental-O a simplement indiqué que M. [M] était le « patron de l'équipe commerciale du groupe Ortal », ne visant que la direction des six commerciaux de plusieurs sociétés juridiquement distinctes, si M. [M] encadrait des commerciaux salariés de plusieurs sociétés, il ne démontre pas qu'il exerçait sur eux un pouvoir disciplinaire, qu'il les embauchait et leur donnait des instructions,
- le fait que M. [M] produise une facture de garage établie au nom de la société Kitview n'établit pas qu'il dépendait de cette dernière sur le plan social ni qu'il en était le collaborateur,
- M. [M] ne démontre pas que la société Dental O ne facturait pas directement les clients et que le produit des vente était encaissé par la société Kitview ni que Dental-O percevait régulièrement des versements de la part de Kitview pour assurer l'ensemble de ses frais de fonctionnement et notamment le paiement des salaires,
- il ne peut être reproché au gérant de la société Dental-O d'avoir proposé à M. [M] d'être embauché suite à son licenciement par la société Kitview ou dans le cadre d'un nouveau contrat.
La cour considère au vu de ce qui précède que M. [M] sur qui repose la charge de la preuve ne démontre pas la situation de co emploi qu'il invoque entre les sociétés Dental-O et Kitview, que la gérance par M. [C] [J] de la société Kitview était purement fictive et que l'activité de cette dernière société ne s'exerçait en réalité qu'au profit de la société Dental-0 ou l'inverse ni l'immixtion permanente de la société Kitview dans la gestion économique et sociale de la société Dental-O. Il ne démontre pas davantage l'existence d'un lien de subordination entre lui et la société Kitview puisqu'au contraire, tous les éléments qu'il verse aux débats, démontrent qu'il recevait ses ordres et instructions du gérant de la société Dental-O son employeur, qu'il importe peu qu'il soit chargé de l'encadrement de commerciaux appartenant à des sociétés juridiquement distinctes, et qu'il soit commercialement fait référence au groupe Orqual dès lors que rien n'établit l'existence d'un groupe de sociétés au sens juridique du terme ni qu'il avait le pouvoir d'embaucher les salariés des autres sociétés ou exerçait un pouvoir disciplinaire sur eux. Enfin la cour relève que les deux sociétés avaient des activités différentes comme le rappelle l'employeur, l'une éditant un support que l'autre distribuait ce qui justifie les liens étroits entre elles mais non une confusion d'activité. Enfin, M. [M] sur qui repose la charge de la preuve ne peut pas valablement reprocher à la société Kitview de ne pas produire des éléments relatifs à la re facturation alléguée et observe qu'il ne produit aucun élément relatif au paiement des salaires des employés de la société Dental-O par la société Kitview.
Le jugement est confirmé sur ce point. M. [M] est débouté de l'ensemble des demandes qu'il présentait à l'encontre de la société Kitview.
Sur les heures supplémentaires :
M. [M] sollicite l'infirmation du jugement qui l'a débouté de la demande qu'il présentait au titre des heures supplémentaires en expliquant qu'il a accompli des heures de travail qui ne lui ont pas été rémunérées au-delà de son temps de travail contractuel de 35 heures hebdomadaires.
L'AGS conclut au débouté.
La cour rappelle qu'il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [M] verse aux débats ses plannings Pipepdrive, outil utilisé pour indiquer ses horaires de travail, ainsi qu'un décompte des horaires effectués et ses compte-rendus activité journaliers tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments. Aucun élément n'est communiqué ni allégué par l'employeur sur la réalité des horaires effectués par M. [M]. La cour fait en conséquence droit à la demande présentée par celui-ci et fixe sa créance au passif de la société Dental-O à hauteur de la somme de 14'887,02 euros outre 1 488,70 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de ce chef de demande.
Sur la contrepartie obligatoire en repos :
En application de l'article L. 3120'30 du code du travail, toute heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent conventionnel ou réglementaire ouvre droit à une contrepartie en repos. Sauf disposition conventionnelle plus favorable, cette contrepartie est équivalente dans les entreprises de moins de 20 salariés à 50 % des heures accomplies au-delà du contingent conformément à l'article L. 3121'38 du code du travail. Aux termes de l'article 33 de la convention collective le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 130 heures.
Il est par conséquent fait droit quant à son principe à la demande présentée par M. [M] au titre des 266,25 heures effectuées au-delà du contingent de sorte que la cour fixe au passif de la liquidation de la société Dental-O sa créance indemnitaire à ce titre mais dans la limite de la somme de 1 500 euros suffisant à réparer son préjudice.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
Le caractère intentionnel de la dissimulation alléguée n'étant pas établi, la cour déboute M. [M] de la demande qu'il présente au titre du travail dissimulé et le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l'indemnité au titre du temps de déplacement :
M. [M] sollicite une somme de 2 118,21 euros à titre d'indemnité pour le temps de déplacement qu'il a accompli, versant aux débats ses billets d'avion et ses plannings établissant selon lui 154,22 heures de trajet jamais indemnisées. L'article L3 1121'4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif sauf s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail. La cour observe que M. [M] ne justifie pas de la réalité de son domicile ni du temps de trajet habituel entre celui-ci et le lieu de travail de sorte que sa demande indemnitaire est rejetée. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la rémunération variable :
M. [M] réclame la condamnation de l'employeur à lui verser au prorata de sa présence une somme de 15'000 euros au titre de sa rémunération variable pour l'année 2017 et 3 400 euros au titre de l'année 2018.
Le contrat de travail prévoyait dans son article 6 que M. [M] percevrait une somme de 20'000 euros sur atteinte des objectifs définis annuellement. Il n'est pas justifié au dossier que les objectifs lui ont été fixés pour l'année 2017 ni pour l'année 2018 de sorte que le maximum de la rémunération variable est du au prorata de la présence de M. [M] dans l'entreprise. La cour fixe donc sa créance à ce titre aux sommes de 15'000 euros au titre de l'année 2017 outre 1 500 euros au titre des congés payés afférents et 3 400 euros au titre de l'année 2018 outre 340 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ces chefs de demande.
Sur les primes de résultat :
M. [M] fait valoir que l'équipe commerciale bénéficiait de primes ponctuelles versées en fin de mois récompensant les résultats accomplis lors des salons commerciaux et les ventes de nouveaux produits : commissions en cas de participation à des salons commerciaux, commissions en cas de vente des nouveaux produits « 33 shape » 500 euros bruts pour chaque vente d'un produit et 1 000 euros brut quand l'acheteur est un prospect. Il s'appuie sur des mails de M. [J] en date du 21 mars 2017 adressés à Mme [N] [J] faisant mention de ces chiffres. La cour considère cependant ces éléments insuffisants pour établir le droit de M. [M] au paiement de ces primes alors qu'il ne justifie pas être destinataire des mails visés dans ses écritures et faire partie du personnel concerné. Il est débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages intérêts pour atteinte au droit au respect de la vie privée :
M. [M] fait valoir qu'à compter du mois de novembre 2017, M. [J] a imposé à l'ensemble des salariés disposant d'un téléphone de service de partager leur position GPS en permanence et ce jusqu'en janvier 2018 sans aucune justification ni déclaration du dispositif à la CNIL et sollicite une somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de l'atteinte à sa vie privée.
En l'absence de justification de déclaration du dispositif à la CNIL la cour considère la faute de l'employeur établie et fixe à ce titre la créance de M. [M] à la somme de 1 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur l'indemnité pour utilisation professionnelle du domicile M. [M] :
M. [M] fait valoir qu'il a travaillé à domicile et n'a disposé d'aucun local professionnel mis à sa disposition de sorte qu'il réclame l'indemnité de sujétion de 300 euros par mois qui était selon lui accordée aux commerciaux. La cour observe que son contrat de travail prévoyait dans son article cinq que « M. [S] [M] exercera ses fonctions en Home Office dans un premier temps, et dans les locaux de l'agence parisienne dans un second temps, dès que celle-ci sera démarrée. »
Si la réalité de son travail à domicile est établie et si l'employeur ne démontre pas que cette situation a cessé, M. [M] n'apporte aucun élément de nature à justifier que l'indemnité contractuellement prévue ou usuellement versée était de 300 euros par mois et ses bulletins de salaire n'en font aucunement mention. En conséquence, la cour fixe sa créance à ce titre au passif de la liquidation de la société Dental-0 à hauteur de la somme de 1 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur la rupture du contrat de travail :
M. [M] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison du non-respect de l'obligation de reclassement par l'employeur mais, à cet égard, la cour relève que le licenciement ayant été motivé par la cessation d'activité de l'entreprise et la cour ne retenant pas que la société Dental-O faisait partie d'un groupe, le reclassement était impossible de sorte que la violation alléguée n'est pas établie. La demande présentée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de ce chef de demande.
Sur les demandes présentées à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement et de rappel d'indemnité compensatrice de préavis :
La cour observe qu'aucun moyen n'est présenté dans les conclusions de M. [M] à l'appui de ces chefs de demandes de sorte qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile ses demandes sont rejetées. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de ces chefs de demande.
Sur l'indemnité au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement :
M. [M] fait valoir que le liquidateur lui a notifié son licenciement pour motif économique par un courrier recommandé du 8 février 2018 deux jours après la date prévue pour l'entretien préalable manquant ainsi à l'obligation d'attendre sept jours ouvrables après la date prévue pour l'entretien avant d'expédier la lettre de licenciement prévue par l'article L. 1233'15 du code du travail s'agissant d'un licenciement pour motif économique concernant moins de 10 salariés.
L'article L 1233'15 du code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que « lorsque l'employeur décide de licencier un salarié pour motif économique, qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable de licenciement auquel le salarié a été convoqué [...] ». Si M. [M] justifie que la lettre lui notifiant les motifs de son licenciement a effectivement été expédiée moins de sept jours à compter de la date prévue pour l'entretien préalable, il n'en demeure pas moins qu'il ne justifie pas du préjudice qu'il aurait subi en conséquence étant rappelé que la société Dental-O cessait son activité et que M. [M] a accepté le CSP. Il est débouté de sa demande et le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l'intervention de l'AGS :
La présente décision est opposable à l'AGS qui doit sa garantie dans les conditions légales.
Sur les autres demandes :
La cour rappelle que l'ouverture de la procédure collective de la société Dental-O a arrêté le cours des intérêts. Il n'y a pas lieu à capitalisation des intérêts.
Le liquidateur ès qualités devra remettre à M. [M] une attestation pour Pôle emploi, un solde de tout compte rectifié eu égard à la solution du litige, conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte. Cette dernière demande est rejetée.
La société Dental-O en liquidation judiciaire prise en la personne de la selarl [H]-Goic ès qualités de liquidateur, partie perdante supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [S] [M] de ses demandes de rappel de salaire au titre des bonus annuels 2017 et 2018, heures supplémentaires et congés payés afférents, indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos, dommages-intérêts pour atteinte au droit au respect de la vie privée, indemnité pour temps de déplacement,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
FIXE la créance de M. [S] [M] au passif de la société Dental-O à hauteur des sommes suivantes :
- 15'000 euros à titre de bonus annuel 2017 outre 1 500 euros au titre des congés payés afférents,
- 3 400 euros à titre de rappel de bonus annuel 2018 outre 340 au titre des congés payés afférents,
- 14'887,02 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 1 488,70 euros au titre des congés payés afférents,
- 1 500 euros à titre d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos,
- 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour atteinte au droit au respect de la vie privée,
- 1 000 euros à titre d'indemnité pour utilisation professionnelle du domicile,
ORDONNE la remise de l'attestation pour pôle emploi et du solde de tout compte rectifié, conformes à la présente décision,
DÉCLARE la présente décision opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie légale,
DÉBOUTE l'AGS de sa demande de nullité du contrat de travail,
DÉBOUTE M. [S] [M] du surplus de ses demandes,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties,
LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Dental-O en liquidation judiciaire représentée par la selarl [H]-Goic prise en la personne de Me [U] [H] ès qualités de liquidateur.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE