La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2022 | FRANCE | N°18/02633

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 01 décembre 2022, 18/02633


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 01 DECEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02633 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DEL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 14/00186





APPELANTE



SARL STAMEX, représentée par la SELAFA MJA prise en la personne de Me [N] [W] ès qu

alités de mandataire liquidateur

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me William LASKIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1373





INTIMÉE



Madame [T] [G]

[...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 01 DECEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02633 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DEL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 14/00186

APPELANTE

SARL STAMEX, représentée par la SELAFA MJA prise en la personne de Me [N] [W] ès qualités de mandataire liquidateur

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me William LASKIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1373

INTIMÉE

Madame [T] [G]

[Adresse 3]

[Localité 6]

née le 25 Janvier 1975 à MONTREUIL-SOUS-BOIS (93500)

Représentée par Me François Nicolas WOJCIKIEWICZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B0289

PARTIE INTERVENANTE

Association AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre .

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Julie CORFMAT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de péaffectation sur poste, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme [T] [G] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er décembre 2000 en qualité d'employée polyvalente au sein de la société Stamex, modifié par avenant du 1er mars 2006.

Jusqu'en 2012, la société avait pour associés :

- Mme [L] épouse [G] (735 parts) ;

- Mme [T] [G] (255 parts) ;

- Mme [C] [G] (255 parts) ;

- Mme [U] [G] (255 parts).

Le 20 décembre 2012, la société Stamex détenue par les consorts [G] a été cédée à la société Euroline Finance et Service et à Monsieur [M]. Les parties avaient conclu que le contrat de Mme [T] [G] serait maintenu.

Le 13 septembre 2013, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement pour faute grave devant se tenir le 26 septembre 2013 et a été mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre notifiée le 4 octobre 2013, Mme [G] a été licenciée pour faute grave.

Contestant le bien fondé de son licenciement, elle a saisi le Conseil de prud'hommes de Bobigny le 15 janvier 2014 qui par jugement en date du 14 décembre 2017 a :

- dit le licenciement de Mme [G] [T] pour motif réel et sérieux,

- fixé la moyenne de salaire sur 3 mois à 2772,28 euros,

- condamné la société Stamex à payer à Mme [G] [T] les sommes suivantes :

- 8316,87 euros, à titre d'indemnité de préavis,

- 831,68 euros à titre de congés payés afférents,

- 7564,27 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1877,37 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied,

- 1500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappeléque les créances de nature salariale porteront intérêts de droit à compter de la date de reception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 20/01/14, et les créances à caratère indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement,

- ordonné la remise des documents sociaux,

- débouté les parties du surplus,

- condamné la société Stamex aux dépens.

La société Stamex a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 8 février 2018.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 27 septembre 2018, la société Stamex demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 14 décembre 2017 en ce qu'il n'a pas retenu l'existence de fautes graves commises par Mme [G] ;

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 14 décembre 2017 en ce qu'il a condamné la société Stamex à verser à Mme [G]:

8316,87 euros à titre d'indemnité de préavis ;

831,68 euros à titre de congés payés afférents ;

7564,27 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

1877,37 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied ;

1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau :

- dire et juger que le licenciement de Mme [G] repose sur des fautes graves ;

- dire et juger que la société Stamex n'est redevable ni de l'indemnité de préavis, ni de l'indemnité légale de licenciement, ni du salaire correspondant à la période de mise à pied ;

- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [G] à verser à la société Stamex la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Mme [G] aux entiers dépens.

La société Stamex a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 26 juin 2019 suivi d'une liquidation judiciaire en date du 11 septembre 2019, Me [W] [N] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 11 avril 2021, Mme [G] demande à la cour de :

- dire et juger Mme [T] [G] recevable et bien fondée en son appel incident, ses conclusions et demandes,

- débouter la société Stamex représentée par son liquidateur de toutes ses demandes,

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné la société STAMEX à payer à Mme [T] [G], outre les intérêts légaux à compter de la demande, soit le 15 janvier 2014, les sommes suivantes, et condamner la société Stamex en la personne de son liquidateur Maître [W] [N] de la SELAFA MJA, et ordonner l'inscription au passif privilégié de la liquidation, des sommes suivantes :

o Indemnité compensatrice de préavis : 8.316,87 €

o Indemnité de congés-payés sur préavis : 831,68 €

o Indemnité légale de licenciement : 7.564,27 €

o Rappel de salaires sur mise à pied : 1.877,37 €

- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté Mme [G] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- dire et juger que le licenciement de Mme [T] [G] est sans cause réelle ni sérieuse.

Mme [G] sollicite la condamnation de la société Stamex en la personne de son liquidateur Maître [W] [N] de la SELAFA MJA, et l'inscription au passif privilégié de la liquidation :

o de la somme de 23.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

o à la remise d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes du 1er décembre 2000 au 4 janvier 2014 sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de la décision,

o à la remise des bulletins de paie du mois de novembre 2013, décembre 2013 et janvier 2014 sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de la décision,

o de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

o des entiers dépens des instances.

- dire et juger que l'arrêt sera rendu commun et opposable à l'AGS-CGEA Ile-de-France Est, qui prendra en charge les sommes à payer à Mademoiselle [G] lui incombant.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 9 mars 2021, l'AGS demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny en ce qu'il n'a pas retenu l'existence de fautes graves commises par Mme [G],

- infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a condamné la société Stamex à payer à Mme [G] [T] les

sommes suivantes :

o 8316.87 euros a titre d'indemnité de préavis,

o 831,68 euros a titre de conges payes afférents,

o 7564,27 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

o 1877,37 euros à titre de rappel de salaires sur mise a pied,

o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- confirmer le jugement rendu le 14 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de

Bobigny en ce qu'il a débouté Mme [G] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger irrecevables les demandes de condamnation et débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- donner acte à l'AGS CGEA IDF EST de ce qu'elle s'en rapporte aux arguments, fins,

moyens et conclusions du Mandataire liquidateur et de la société défenderesse,

- dire et juger que le licenciement de Mme [G] repose sur des fautes graves,

- dire et juger que la société Stamex n'est redevable ni de l'indemnité de préavis, ni de

l'indemnité légale de licenciement, ni du salaire correspondant à la période de mise à pied,

- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement de Mme [G] repose sur une cause réelle et

sérieuse et la débouter de la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse,

En tout état de cause,

- dire et juger que l'AGS I.D.F. EST ne devra procéder à l'avance des éventuelles créances

visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions

résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L 3253-21 du nouveau code du travail, et notamment dans la limite du plafond 6,

- constater, vu les dispositions de l'article L.622-28 du Code de commerce, que les intérêts

ont nécessairement été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective,

- donner acte à l'AGS CGEA IDF EST de ce qu'elle n'est pas concernée par la remise de

documents,

- donner acte à l'AGS CGEA IDF EST de ce que sa garantie n'est pas acquise pour les

demandes formulées au titre de l'article 700 du CPC en application des dispositions de l'article 3253-6 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS

CGEA IDF EST.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs écritures susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été close par ordonnance en date du 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La faute grave, privative de l'indemnité de licenciement et du préavis, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve des faits constitutifs de la faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge d'apprécier au vu des éléments de preuve produits si les faits invoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige sont établis, imputables au salarié et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En vertu de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales, l'employeur ayant à charge de rapporter la preuve qu'il a eu connaissance des faits fautifs moins de deux mois avant le déclenchement de la procédure de licenciement.

La société Stamex représentée désormais par son liquidateur, qui entend arguer d'une faute grave, supporte exclusivement la charge de prouver que la salariée a commis - dans les termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige- délibérémément des faits excluant son maintien dans l'entreprise et si un doute demeure il doit profiter à la salariée.

En l'espèce, Mme [G] a été licenciée en ces termes:

' Au cours de l'entretien préalable et en en présence de votre conseiller, je vous ai fait part des faits qui m'avaient amené à envisager votre licenciement pour faute grave et j'ai recueilli vos explications qui ne m'ont pas conviancu.

- Sur le dossier informatique:

Suite à une panne informatique qui a eu lieu début juillet 2013, nous avons perdu une partie de nos données complètes sur le système 'TRANSX'. Vous vous êtes portée volontaire pour ressaisir les informations: dossiers et factures de vente afin que nous puissions récupérer dans les meilleurs délais la main pour pouvoir facturer nos clients. J'ai constaté à mon retour de congés fin août que la ressaisie des dossiers n'avait pas été complète et qu'il manquait notamment la saisie des achats prévisionnels.

D'autre part vous m'avez remis une liste de dossiers que vous n'aviez pas retrouvés, jetant la suspicion sur vos collègues , or finalement nous avons réussi à les localiser: il suffisait de chercher.

Je vous rappelle que je vous ai demandé si pour ce dossier vous aviez besoin d'aide en demandant à [F] de se joindre à vous et vous avez refusé son aide.

De ce fait toute la facturation des mois de juillet et août en a été décalée ainsi que les règlements clients et nous a mis dans une situation délicate.

Lors de l'entretien préalable vous avez reconnu vous êtes portée volontaire mais indiqué ne pas être parvenue à faire le nécessaire en raison de l'absence d'un autre salarié.

Vous avez également reconnu ne pas avoir informé votre hiérarchie de l'état d'avancement du dossier.

- Sur le dossier Master Gamer:

Ce dossier, un dossier de matériel publicitaire à monter et expédier, était de la responsabilité de Monsieur [Z] qui gère habituellement la logistique et ce client.

Vous vous êtes appropriée l'initiative de la réalisation, vous instaurant en chef d'équipe, outrepassant ainsi vos fonctions sans la moindre instruction ou confirmation de ma part, en faisant des observations sur le manque d'organisation du travail, le manque de temps pour réaliser le travail et le manque d'implication de vos collègues pour venir en aide et tout ceci devant la cliente, dont vous avez accepté la présence pendant toute la durée du travail et qui a ainsi pu mesurer nos difficultés internes .. Ce qui lui a permis par la suite de faire valoir nos manquements et j'ai du lui consentir une remise importante pour qu'elle consente à nous confier à nouveau ses dossiers.

Lors de l'entretien préalable, vous avez simplment indiqué que l'organisation du travail n'était pas de votre ressort. Or j'étais en congés et avais donné des instructions à d'autres salariés, instructions que vous avez ignorées.

-Highwood et Sarl Sam:

Ces clients vous ont appelé pour demander des prix et des renseignements sur un dossier en cours et vous leur avez répondu que vous n'aviez pas le temps de vous occuper d'eux et avez mis fin à la conversation.

Lors de l'entretien, vous avez admis les connaître en tant que Clients et les avoir eu au téléphone mais vous avez contesté les faits.

- Attitude générale

Je vous reproche vis-à-vis de vos collègues en général une attitude beaucoup trop directive voire autoritaire et blessante.

Plusieurs salariés se sont plaints auprès de moi de votre attitude à leur égard.

Certains salariés et clients m'ont également signalé une attitude désagréable avec les clients et les sous traitants.

Plus grave, vous avez à plusieurs reprises critiqué ouvertement la nouvelle direction de Stamex contestant mon autorité et tenu des propos démotivants devant les autres salariés mais également des clients.

Pour ne citer que quelques exemples, ' on va droit au dépôt de bilan' , ' si on n'est pas payé à la fin du mois ce sera votre faute ', ' Monsieur [M] ne paie pas les heures supplémentaires (devant un client)'.

J'ai à de nombreuses reprises attiré votre attention sur votre attitude vous invitant à plus de mesure mais vous avez refusé de prendre en compte ces rappels à l'ordre.

- La caisse:

Los de votre venue au bureau le 13 septembre, vous m'avez remis une boite contenant des espèces. Je n'étais absolument pas au courant de l'existence de cette caisse.

Vous avez prétendu lors de l'entretien avoir encaissé des ventes 'non déclarées' à ma demande, ce qui est totalement faux.

Enfin, je vous rappelle que lors de la reprise de votre contrat de travail dans le cadre de la cession de Stamex vous m'aviez indiqué maîtriser parfaitement l'outil informatique utilisé au sein de la société et être très au courant du suivi des dossiers et des clients.

Or force est de constater que c'est loin d'être le cas!

Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.

Ces faits sont constitutifs d'une fautre grave qui ne nous permet pas de vous maintenir dans l'entreprise pendant la durée de votre préavis...'.

Il doit être constaté que les termes de la lettre de licenciement ne permettent pas de dater les griefs tenant à 'Highwood et Sarl Sam ' et à l'attitude générale de la salariée. Il sera également relevé que les termes des attestations versées par l'employeur au soutien de sa démonstration, qu'ils émanent de collègues sous la subordination de l'employeur, de clients ou de sous-traitants, faisant état de l'attitude de Mlle [G] ou de ses critiques à l'égard de la société, ne permettent pas plus de dater les faits reprochés et ne visent aucun fait précis et vérifiable. A titre d'exemples, Mme [O] indique ' Je peux témoigner du comportement agressif , autoritaire et irrespectueux lors de ses appels téléphoniques', M. [P] ' de part son autoritarisme exacerbé et son manque de respect continuel à l'égard de ses collègues, Mle [G] constitue une entrave au travail d'équipe qui est le nôtre' etc.

Ainsi, les attestations insuffisamment circonstanciées sur la date des constatations comme sur la teneur des propos ou du comportement de la salariée, se trouvent dépourvues de valeur probante suffisante alors que Mme [G] verse aux débats de nombreuses attestations de clients vantant ses qualités, d'une ex-collègue ayant pu apprécier sa capacité et ses compétences et les attestations de gérants de société qui viennent contredire les termes des autres témoignages.

S'agissant du dossier 'Highwood'et de la 'Sarl Sam' visés dans la lettre de licenciement sans précision de date, la salariée démontre ne pas avoir eu de contact avec ces clients et ce aux termes de deux attestations du représentant de la Sarl Sam et du responsable pour la France des achats et des ventes de la société Highwood venant contedire les propos prêtés par l'employeur.

Il s'évince de ce constat alors que l'employeur ne démontre pas que ces faits ont été connus moins de deux mois avant le licenciement, un doute sur la réalité des deux griefs liés à l'attitude générale de la salariée et à 'Highwood ' et la ' la SARL Sam'.

Il sera ajouté que la lettre adressée par M. [H] en date du 22 février 2013 dénonçant l'attitude harcèlante de Mme [G] à l'égard de ses collègues se rapporte en tout état de cause à des faits prescrits pour être dénoncés plus de deux mois avant le licenciement.

S'agissant des autres griefs, il n'est pas contesté que Mme [G] s'est portée volontaire pour resaissir durant l'été 2013 les dossiers informatiques suite à une panne infomatique. Il est également constant que cette fonction n'entrait pas dans ses attributions telles qu'elles ressortent du descriptif de son poste et à supposer qu'elle participait de ses attributions le défaut de saisie relèverait de l'insuffisance professionnelle.

En effet, Mme [G] a été engagée par la société Stamex en qualité d'employée polyvalente à l'affrêtement-taxateur, statut employé. Son poste était ainsi défini: ' réceptionner et prendre en charge les appels téléphoniques des clients, s'employer à trouver des transporteurs qui seront chargés par la société Stamex d'exécuter les ordres transmis par les clients et de traiter les conditions d'intervention des dits transporteurs.

Appliquer aux opérations de transport les barêmes de prix déterminés à l'avance.

Et plus généralement de traiter et organiser les opérations élémentaires de transport confiées par les clients et de suivre l'exécution des livraisons'.

Par un avenant en date du 1er mars 2006, son poste était ainsi défini: ' Melle [G] exercera les fonctions d'employé polyvalente à l'affrêtement-taxateur-commis en douane relevant de la catégorie ingénieurs et cadres groupe 1 coefficient 100 de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport'.

L'employeur lui reproche de ne pas avoir accompli complètement cette mission et de ne pas l'avoir tenu au courant ni d'avoir avisé la comptable de l'état d'avancement de la saisie informatique de données nécessaires à la facturation. Il se prévaut de ce que la salariée aurait reconnu ne pas avoir avisé sa hiérarchie lors de l'entretien préalabale. Toutefois, le compte rendu de l'entretien préalable produit par la salariée s'avère insuffisamment circonstancié et non équivoque pour constituer 'l'aveu' de la commission de faits imputables dans les termes de la lettre du licenciement. En effet, la réponse de la salariée est ainsi indiquée ' refus aide proposée: non. la comptable a classé les dossiers par ordre numérique et a saisi tous les achats fournisseurs. Une seule numérotation de dossier d'où un risque d'erreur si plusieurs intervenants à la saisie. Saisie des achats réalisés avant panne informatique Pas tous resaissis car non notés par collègues sur leurs dossiers à l'origine. Comptable informée de ce problème et OK car factures fournisseurs déjà saisie une première fois et déja contrôlé. Manque de dossiers: informations transmises à plusieurs reprises à M. [M] et Mme [X] et constat de celle ci puisqu'elle a classé les dossiers'.

Si l'employeur lui reproche de ne pas avoir informé sa hiérarchie, il ne précise pas les instructions données dans le cadre de cette saisie évoquant -sans le démontrer pour autant- des conséquences pour l'entreprise de cette saisie incomplète. Il verse à cet égard l'attestation de Mme [X], comptable, qui confirme que Mme [G] n'a pas complété la saisie de dossiers et achats pour laquelle elle s'était portée volontaire, ce qui a entrainé le décalage de la facturation.

Toutefois, il ressort de l'échange de courriers électroniques que Mme [G] avisait M. [M] le 14 août 2013 de la difficulté d'imprimer les factures, que M. [M] demandait plus d'explication le 21 août sur certains dossiers et chargeait Mme [X] alors en copie du message de contrôler si les dossiers correspondaient à des factures saisies en comptabilité.

Il s'évince du tout que l'employeur n'établit pas que la salariée, qui s'est portée volontaire pour accomplir une fonction qui ne relevait pas du descriptif de son poste, a commis délibérément une faute ou a fait preuve d'insubordination en ne respectant pas les instructions -par ailleurs non communiquées-données par son employeur.

ll existe au regard de ces éléments à tout le moins un doute quant au caractère suffisamment sérieux de ce motif de licenciement. Ce grief ne sera pas retenu.

S'agissant du reproche lié à la gestion de l'opération Master Games intervenue durant le mois d'août 2013, il est patent à la lecture de l'attestation établie par M. [Z] que celui-ci était plus spécifiquement chargé du montages des box publicitaires . Il fait état de ce que Mme [G] a décidé de prendre les commandes de l'opération sans en avoir reçu l'ordre par M.[M]. Mme [X] indique que pour le chantier Master Game, Mme [G] a voulu se comporter comme une dirigeante, reprenant une attitude déjà relevée, ne tenant aucun compte des instructions données par téléphone par M. [M], essayant d'imposer sa propre organisation, ce qui a créé des conflits , et a enfin essayé de décourager les personnes prêtes à rester le soir en claironnant qu'il était de notoriété publique que M. [M] ne payait pas les heures supplémentaires (devant la cliente). Selon Mme [X], Mme [G] ne parvenait pas à oublier son ancien statut et ne supportait pas d'être dirigée.

Il en ressort que Mme [G], qui ne le conteste pas, a participé à cette opération. Elle fait état dans ses écritures du contexte et des circonstances dans lesquelles elle est intervenue reprochant à son employeur tout compte fait sa mauvaise organisation. En réponse à la lettre de licenciement, elle indiquait que son employeur avait établi un devis insuffisant eu égard au travail à fournir et en personnel prévu sans pour autant contester les griefs évoqués. Lors de l'entretien préalable elle répondait aux reproches faits par l'employeur ' oeuvrer pour la bonne marche de l'entreprise. A Mi journée la cliente a signifié à M. [M] le manque d'organisation et manque de personnel'.

Toutefois, les pièces versées se rejoignent pour faire état de l'intervention de Mme [G] dans les conditions évoquées alors qu'elle n'en avait pas reçu l'instruction. Il s'en évince en l'absence d'élement hors ses allégations suffisamment probant que ce grief est établi.

Enfin, l'employeur lui reproche d'avoir tenu une caisse en espèces et de lui avoir indiqué qu'elle maîtrisait l'informatique alors que tel n'est pas le cas. Il ne produit pour autant à l'appui de son argumentation aucun élément probant permettant de connaître ses instructions qu'il aurait pu donner et caractériser les fautes reprochées.

Du tout il s'évince qu'est établi le grief se rapportant à la gestion de l'opération Master Games qui doit être rapproché d'une remise en cause plus large de la position de dirigeant par Mme [G] de M. [M]. Quel que soit le contexte dans lequel le litige s'inscrit suite à la cession de parts entre la famille [G] et M. [M], les manifestations de la salariée de ne pas se conformer aux directives légitimes de son employeur caractérisent une insubordination constituant elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ce dernier fait valoir à juste titre dans la lettre de licenciement que cette insubordination est également, au regard des circonstances l'ayant entouré, révélatrice d'une mise en cause de la stratégie de la société, y compris face à la clientèle.

Toutefois, l'échec de l'employeur à établir partie des griefs suffit à exclure la qualification de faute grave, rien ne permettant de se convaincre que la poursuite du contrat de travail s'avérait impossible.

Il y a lieu au regard de l'ensemble de ces éléments de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Les premiers juges ont tiré les exactes conséquences de leurs constatations en allouant le salaire de la mise à pied et les indemnités légales de rupture. Toutefois, la société Stamex ayant été placée en liquidation judiciaire, il convient d'infirmer le jugement et de fixer aux montants demandés non contestés dans leur quantum les créances au passif de la liquidation, toutefois en rappelant que la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux.

Dans les limites légales et réglementaires, les créances fixées au profit de Mme [G] seront garanties par l'AGS.

Le liquidateur devra remettre les documents sociaux conformes au présent arrêt sans qu'il soit ncessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Les dépens seront supportés par la SELAFA MJA en la personne de Maître [W] [N]. Par suite de la situation économique de la société, toutes les demandes de frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [G] [T] pour cause réelle et sérieuse;

L'INFIRMANT pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE au passif de la procédure de liquidation judiciiare de la société Stamex les sommes suivantes :

-8316,87 euros, à titre d'indemnité de préavis,

-831,68 euros à titre de congés payés afférents,

-7564,27 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

-1877,37 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied,

ORDONNE à Maître [W] [N] de la SELAFA MJA es qualités de mandataire liquidateur de la société Stamex de remettre à Mme [G] [T] les bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation de pôle emploi conformes au présent arrêt;

Rappelle que le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny en date du 11 septembre 2019 qui a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Stamex a arrêté le cours des intérêts légaux;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF EST dans les limites de sa garantie légal , laquelle ne comprend pas l'indemnité de procédure , et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disposnibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires;

DIT que les dépens seront supportés par la SELAFA MJA en la personne de Maître [W] [N] en qualité de liquidateur de la société Stamex.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/02633
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;18.02633 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award