Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08433 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFXL5
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Mars 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'EVRY - RG n° 22/00143
APPELANTE
S.C.I. KANELL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuel VAUTIER de la SELARL EVAVOCAT, avocat au barreau de MEAUX
INTIMES
S.C.S. FINAPARK IV prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et assistée par Me Jennifer BARANES de l'AARPI ADONIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P422
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES CHANTECLER représenté par son syndic en exercice, la SARL CLD IMMOBILIER,
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Jean-Sébastien TESLER de la SELARL AD LITEM JURIS, avocat au barreau d'ESSONNE
Assisté par Me David CHICH, avocat au barreau D'ESSONNE, substituant Me Jean-Sébastien TESLER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.
Suivant acte notarié du 11 décembre 2012, la SCI Kanell a acquis dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 6], 50 emplacements de stationnement numérotés : 919, 1002 à 1009, 1011 à 1020, 1051 à 1056, 1058, 1060 à 1062, 1064, 1067, 1136, 1137, 1139, 1141, 1143, 1145, 1147 à 1149, 1151 à 1154, 1156 à 1161.
Par acte notarié du 14 janvier 2021, la SCI Kanell a vendu à la société Finapark IV une partie de ces emplacements de garage, à savoir 18 emplacements numérotés : 1002 à 1009, 1136, 1137, 1139, 1141, 1143, 1145, 1147 à 1149 et 1161.
Par lettre du 18 février 2021, la société Finapark IV a informé le syndic de l'ensemble immobilier de son intention de fermer ses emplacements de stationnement à l'aide d'un système « Pandor » ultra léger, sans surcharge ni ancrage.
La société Finapark IV a procédé à la fermeture de l'un de ses emplacements (lot n°1161) ainsi que de neuf emplacements de la SCI Kanell (lots n° 1151 à 1154 et 1156 à 1160).
Par actes des 21 décembre 2021 et 5 janvier 2022, le syndicat des copropriétaires des squares Lamartine & Alfred de Musset, représenté par son syndic, la société CLD Immobilier, a fait assigner la SCI Kanell et la société Finapark IV devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry afin, notamment, d'obtenir leur condamnation à démonter et enlever du périmètre de la copropriété les boxes métalliques sur les emplacements de garage portant les numéros 1161, 1151 à 1154 et 1156 à 1160, outre les cloisons entreposées sur les emplacements 1002 à 1009, 1136, 1137 et 1138, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par ordonnance réputée contradictoire du 25 mars 2022, le juge des référés a :
constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite ;
ordonné à la société Finapark IV de remettre l'emplacement de garage du lot n° 1161 dans l'état dans lequel il se trouvait avant la réalisation des travaux consistant à installer un box métallique fermant la place de stationnement, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 90 jours ;
ordonné à la SCI Kanell de remettre les emplacements de garage des lots n° 1151 à 1154 et 1156 à 1160, dans l'état dans lequel ils se trouvaient avant la réalisation des travaux consistant à installer un box métallique fermant les places de stationnement, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 90 jours ;
condamné la société Finapark IV, sous les mêmes conditions d'astreinte, à enlever les cloisons entreposées sur les lots ne lui appartenant pas, soit notamment le lot numéro 1138 ;
rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
condamné la société Finapark IV à payer au syndicat des copropriétaires Chantecler, sis [Adresse 6], représenté par son syndic, la société CLD Immobilier, la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SCI Kanell à payer audit syndicat des copropriétaires la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Finapark IV et la SCI Kanell aux entiers dépens de l'instance en ce compris le coût des procès-verbaux de constat d'huissier de justice établis les 30 novembre 2021 et 14 décembre 2021.
Par déclaration du 26 avril 2022, la SCI Kanell a relevé appel de cette décision en critiquant ses dispositions relatives au constat de l'existence d'un trouble manifestement illicite, à la remise, sous astreinte, des emplacements de garage des lots numéro 1151 à 1154 et 1156 à 1160 en leur état antérieur et à sa condamnation au paiement des dépens et d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 août 2022, la SCI Kanell demande à la cour de :
in limine litis
juger qu'ayant été défaillante en première instance, elle conserve la faculté de soulever, devant la cour, l'incompétence du juge des référés saisi par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Chantecler pour connaître du litige ;
en conséquence,
juger que le juge des référés était incompétent au profit du juge du fond ;
y faisant droit,
infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau ;
débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Chantecler de l'ensemble de ses demandes et l'inviter à mieux se pourvoir, notamment devant le juge du fond ;
à titre principal,
infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau ;
juger que les emplacements sur lesquels les boxes ont été installés constituent des parties privatives appartenant respectivement aux sociétés Kanell et Finapark IV et, par voie de conséquence, que l'autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires n'était pas requise pour leur installation ;
en conséquence,
débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Chantecler de l'ensemble de ses demandes ;
à titre subsidiaire,
condamner la société Finapark IV à la garantir de toutes condamnations qui résulteraient du présent litige ;
en tout état de cause,
condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Chantecler à lui payer la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 septembre 2022, la société Finapark IV demande à la cour de :
à titre principal,
juger qu'il n'y a pas lieu à référé ;
infirmer l'ordonnance entreprise en ses dispositions :
ayant constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite ;
lui ayant ordonné, sous astreinte, de remettre l'emplacement de garage du lot n° 1161 dans l'état dans lequel il se trouvait avant la réalisation des travaux consistant dans l'installation d'un box métallique fermant la place de stationnement,
l'ayant condamnée, sous astreinte, à enlever les cloisons entreposées sur les lots ne lui appartenant pas, soit notamment le lot numéro 1138 ;
rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
l'ayant condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
et statuant à nouveau,
rejeter toutes les prétentions formulées à son encontre tant par la SCI Kanell que par le syndicat des copropriétaires ;
à titre subsidiaire,
condamner la SCI Kanell à la garantir de toutes éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
en toute hypothèse,
condamner in solidum la SCI Kanell et le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 septembre 2022, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
y ajoutant :
condamner in solidum la SCI Kanell et la société Finapark IV à lui verser une somme de 4.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du en cause d'appel ;
condamner la SCI Kanell aux entiers dépens d'appel.
La clôture de la procédure a été prononcée le 20 septembre 2022.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
La SCI Kanell soulève, à titre liminaire, l'incompétence du juge des référés pour statuer sur la demande du syndicat des copropriétaires, soutenant que le litige opposant les parties nécessite une interprétation du règlement de copropriété à laquelle il ne peut procéder.
Or, contrairement à ce que soutient l'appelante, la contestation qu'elle oppose tend, non pas au constat de l'incompétence du juge des référés, dont la compétence tant matérielle que territoriale n'est pas discutable, mais à faire juger son défaut de pouvoirs pour statuer sur les demandes du syndicat des copropriétaires.
Sur le trouble manifestement illicite
Selon l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.
Au cas présent, il est acquis que la société Finapark IV a procédé à la fermeture des emplacements de stationnement constituant le lot n°1161 lui appartenant et les lots n° 1151 à 1154 et 1156 à 1160 appartenant à la SCI Kanell, transformant ainsi ces emplacements en boxes et qu'elle a entreposé des cloisons sur d'autres emplacements, déterminés par le procès-verbal de constat du 14 décembre 2021 comme étant les lots 1002 à 1009 situés au 4ème étage et les lots 1136, 1137 et 1138 situés au 5ème étage.
Il est soutenu par ces sociétés que les emplacements de stationnement sont des parties privatives, que par suite, les travaux de boxage réalisés, qui sont des travaux d'aménagement de leurs lots privatifs, sont conformes à la destination de l'immeuble, ne portent aucune atteinte aux parties communes ou privatives, aucun empiétement n'étant réalisé sur celles-ci, ni à l'aspect extérieur de l'immeuble.
Elles en déduisent que les travaux litigieux ne nécessitaient aucune autorisation préalable de la copropriété et ne constituent ni trouble manifestement illicite ni dommage imminent.
Le règlement de copropriété précise, dans sa partie portant sur la description des lots, en page 17, à l'article relatif aux emplacements de stationnement, situés dans le garage entre les bâtiments A4 et B2, répartis sur cinq niveaux, du rez-de-chaussée au 4ème étage, que chacun d'eux consiste en la jouissance exclusive d'une fraction du sol du niveau de situation, délimitée par un tracé peint au sol et numérotée.
Il rappelle au B de son article VI, intitulé Composition des parties privées, que chacun des emplacements de garage privatifs consiste en la jouissance exclusive d'une fraction du niveau du garage où il se trouve, délimitée par un tracé peint au sol et numéroté.
Il énonce au B² de son article VII relatif aux parties communes spéciales à tous les copropriétaires dans le garage que celles-ci comprennent, notamment, le gros-oeuvre des planchers (dalles pleines en béton) et les bandes peintes sur le sol délimitant les emplacements, leur numérotage, et tous les panneaux de signalisation.
Enfin, il prévoit expressément, en page 54, que les parties communes ne pourront être modifiées ou aliénées sans le consentement des membres de l'assemblée des copropriétaires aux conditions de majorité prévues à l'article XVIII.
Il résulte de ces dispositions dépourvues de toute ambiguïté et ne nécessitant donc aucune interprétation, que les emplacements de stationnement litigieux constituent des parties communes à usage privatif.
Selon l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.
L'article 25 de ladite loi dispose que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant, notamment, l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble et conformes à la destination de celui-ci.
Ainsi, les travaux de transformation des emplacements de stationnement, parties communes à usage privatif, en boxes privatifs, en ce qu'ils portent sur des parties communes et en modifient à l'évidence l'aspect, le syndicat des copropriétaires faisant, de surcroît, observer que ces fermetures ont pour effet de créer une pénombre dans le garage, nécessitaient l'autorisation préalable de la copropriété.
La cour relève, au surplus, que lors de l'assemblée générale du 23 novembre 2016, le syndicat des copropriétaires a refusé d'autoriser certains copropriétaires, dont la SCI Kanell, à fermer leurs places de stationnement afin de les transformer en boxes et que cette décision, non remise en cause, s'impose à la SCI Kanell mais aussi à la société Finapark IV tenant ses droits de cette dernière.
La méconnaissance du règlement de copropriété et de la décision de l'assemblée générale des copropriétaires susvisée caractérise ainsi un trouble manifestement illicite.
C'est donc par une exacte appréciation des faits qui lui étaient soumis que le premier juge a ordonné aux sociétés Kanell et Finapark IV la remise en état des emplacements de stationnement et le retrait des cloisons entreposées par cette dernière afin de faire cesser ce trouble, étant observé que le moyen développé par la société Finapark IV relatif aux conséquences manifestement excessives qu'entraînerait la confirmation de la décision déférée, est sans pertinence dans cette procédure.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ces chefs.
Sur les appels en garantie
La SCI Kanell demande à être garantie par la société Finapark IV de toutes condamnations prononcées à son encontre en faisant valoir que cette dernière a, sans concertation avec elle, boxé neuf emplacements de stationnement lui appartenant.
La société Finapark IV sollicite également la garantie de la SCI Kanell qui lui aurait dissimulé, lors de la vente des lots, les résolutions de l'assemblée générales du 23 novembre 2016 et dont la responsabilité serait engagée pour manquement à son obligation d'information.
Or, l'appréciation des éventuelles fautes respectives de ces sociétés et du préjudice en résultant pour chacune d'elles ne relève pas des pouvoirs de la juridiction des référés. Il n'y a donc pas lieu à référé de ces chefs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.
Succombant en leurs prétentions, les sociétés Kanell et Finapark IV supporteront in solidum les dépens d'appel sans pouvoir prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Il sera alloué au syndicat des copropriétaires, contraint d'exposer de tels frais pour assurer sa défense, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en garantie formées par les sociétés Kanell et Finapark IV ;
Condamne in solidum les sociétés Kanell et Finapark IV aux dépens d'appel et à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Chantecler située [Adresse 6] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,