La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2022 | FRANCE | N°20/03749

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 30 novembre 2022, 20/03749


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03749 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB52Y



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/00613



APPELANTE



S.A.S. TEREOS PARTICIPATIONS prise en la personne de ses représentants lÃ

©gaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Catherine DAVICO-HOARAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053



INTIME



Monsie...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03749 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB52Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/00613

APPELANTE

S.A.S. TEREOS PARTICIPATIONS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Catherine DAVICO-HOARAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

INTIME

Monsieur [Y] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2] (SUISSE)

Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [Y] [P], né le 7 mars 1983, a été engagé par la SAS Tereos Participations, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2015 en qualité de directeur des risques de marchés.

La société Tereos participations, filiale du groupe Tereos, qui emploie habituellement plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des sucreries, sucreries-distilleries et raffineries de sucre (IDCC 2728).

La rémunération contractuelle annuelle fixe et forfaitaire de M. [P] était de 110.000 euros, versée en douze mensualités de 9.166,66 euros, à laquelle s'ajoutait une part variable.

Le contrat de travail intégrait une clause de non-concurrence. L'article 8 du contrat de travail stipulait ainsi : 'Compte tenu des fonctions que vous exercerez, vous aurez accès à des informations et données relatives à notre stratégie, nos clients et notre politique commerciale vous conférant un savoir-faire spécifique lié au c'ur de métier de l'entreprise. Vous vous engagez postérieurement à la rupture de son contrat de travail, et quelles qu'en soient la cause et/ou les modalités à vous abstenir :

- de vous engager, directement ou indirectement, à titre salarié ou non, au service d'entreprises concurrentes ou dont l'activité se rapporte à celles de votre Business Unit de rattachement.

- de créer, directement ou indirectement, ou de prendre une participation majoritaire dans le capital d'une entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de votre Business Unit de rattachement.

Compte tenu de la nature des activités de Tereos, cette abstention devra être respectée en France pendant une durée de 1 an après la cessation de votre contrat de travail. Cette abstention devra être respectée en France et dans tout pays où Tereos est implanté au moment de votre départ. En contrepartie du strict respect de cette abstention dans les conditions de durée et de zone susvisées, Tereos vous versera mensuellement 50% de votre salaire brut moyen des douze derniers mois. Cette somme donnera lieu à prélèvements sociaux et émission d'un bulletin de paie. Tereos se réserve la possibilité de réduire la durée d'application de la présente clause ou de renoncer purement et simplement à ses bénéfices et application en informant le Salarié de ce choix par courrier en recommandé avec AR notifié au plus tard à la fin du contrat de travail.».

Le contrat de travail a pris fin le 24 août 2018, à la suite d'un message de M. [P] rappelant un courrier de démission antérieur du 20 avril précédent reçu le 24 suivant.

Par courrier du 31 août 2017, la société Tereos participations a libéré M. [P] de sa clause de non-concurrence.

Le 25 janvier 2019, sollicitant le paiement de la contrepartie financière de cette clause et les congés payés afférents, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.

Par jugement du 18 mai 2020, le conseil a condamné la société Tereos participations à payer 74.244,36 euros d'indemnité de non-concurrence, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation, outre 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a en revanche rejeté la demande au titre des congés afférents ainsi que la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par déclaration du 25 juin 2020, la société Tereos participations a fait appel de cette décision notifiée le 2 précédent.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 septembre 2022, la société Tereos participations, demande à la cour d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- débouter M. [P] de toutes ses demandes ;

- condamner M. [P] à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamner M. [P] à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 septembre 2022, M. [P] demande à la cour :

- principalement, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il rejette sa demande de versement de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité de non-concurrence, et statuant à nouveau, de condamner la société Tereos participations à lui payer une indemnité compensatrice de congés payés de 7.424,4 euros à ce titre ;

- subsidiairement, si la cour devait considérer qu'il a violé la clause de non-concurrence à compter de son embauche au sein de la société Alvean, de condamner la société Tereos participations à lui payer 7.606,88 euros brut au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et 760,69 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- en tout état de cause, de condamner la société Tereos participations à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur la renonciation tardive à la clause de non-concurrence

Le salarié ne doit pas être laissé dans l'incertitude du sort d'une clause de non-concurrence et particulièrement de savoir s'il peut ou non accepter un nouvel emploi. Dès lors, lorsqu'un employeur entend renoncer à l'application d'une clause de non-concurrence, il doit notifier sa décision au salarié dans le délai et selon les modalités prévus par la convention collective ou le contrat de travail. A défaut, sauf à établir une violation de la clause, il doit payer la totalité de l'indemnité compensatrice de non-concurrence au salarié qui n'a pas à établir un préjudice s'agissant de la simple application de dispositions contractuelles qui ne peuvent s'analyser en clause pénale.

Au cas présent, le contrat de travail stipule en son article 8 que la levée de la clause de non-concurrence doit en toute hypothèse intervenir par courrier en recommandé avec accusé de réception notifié au plus tard à la fin du contrat de travail.

Il est par ailleurs constant que la démission résulte d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail. En outre, c'est la date de première présentation à l'employeur du courrier de démission qui lui fait produire effet. En l'absence de formalisme, il n'existe aucun destinataire privilégié de la démission. Elle produit ainsi tous ses effets, peu important que le destinataire ait ou non reçu délégation de pouvoir du chef d'entreprise. Le salarié démissionnaire peut décider de prolonger la durée de son délai-congé d'un commun accord avec son employeur ou de manière unilatérale sans qu'il puisse s'en déduire de rétractation de sa démission sauf à rendre celle-ci équivoque ce qui suppose néanmoins que la volonté préalable de démissionner n'ait pas été clairement exprimée et que le salarié se ravise dans un bref délai pour faire connaître son intention véritable.

Au cas présent, M. [P] soutient qu'il a démissionné de ses fonctions au sein de la société Tereos présentations par courrier du 20 avril 2017, présenté le 24 suivant et que cette démission a pris effet le 24 août suivant compte tenu du préavis de trois mois au cours duquel il a pris ses congés payés.

Au soutien de cette allégation, il produit un courrier du 20 avril 2017 et un accusé de réception présenté au siège social de la société le 24 avril et signé.

Alors qu'il incombe à celui qui l'allègue de démontrer que le contenu d'un courrier recommandé n'est pas conforme à ce qui est invoqué, la société Tereos est défaillante à prouver que ce courrier recommandé présenté le 24 était vide ou qu'il contenait autre chose que la lettre de démission du salarié datée du 20 précédent.

Par ailleurs, au regard de ce qui précède, il importe peu que le courrier de démission ait été envoyé au siège social de la société, seule adresse figurant sur le contrat de travail et non à l'adresse de l'établissement au sein duquel M. [P] travaillait. Il incombait en effet à l'employeur de prendre toute mesure utile pour que ce courrier parvienne à son destinataire, son éventuelle carence sur ce point ne pouvant être opposée au salariée.

Enfin, alors qu'aux termes de ce courrier, la volonté du salarié de démissionner était claire et non équivoque, il ne saurait se déduire de son comportement ultérieur et notamment de la prolongation du préavis du fait des congés payés pris par le salarié ou de son absence d e réaction à l'augmentation de sa rémunération que ce dernier a rétracté sa démission.

Dès lors, il convient de considérer que le contrat de travail a pris fin le 24 août 2017 à l'issu du préavis prolongé, étant souligné que lorsque le salarié a le jour-même rappelé cette échéance à sa hiérarchie, cette dernière, tout en manifestant de l'étonnement, n'a aucunement contesté l'effectivité de ce terme.

En application de la clause contractuelle, qui prévoit que la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir avant la fin du contrat, il incombait donc à l'employeur de lever la clause litigieuse avant le 24 août 2017.

Or, l'employeur n'a levé cette clause que le 31 suivant soit une semaine plus tard et ce malgré la demande immédiate en ce sens du salarié qui ne saurait aucunement, contrairement à ce que soutient l'employeur, s'analyser comme valant renonciation à se prévaloir de l'absence de levée de celle-ci. Dès lors, il doit une contrepartie financière au salarié.

2 : Sur la violation de la clause de non-concurrence pendant sa durée d'application

Si en cas de levée tardive, l'intégralité de l'indemnité de non-concurrence est due, dans l'hypothèse où la clause de non-concurrence a été violée par la suite, la contrepartie financière n'est pas due pendant la période concernée.

La charge de la preuve de la violation d'une clause de non-concurrence repose sur l'ancien employeur qui s'en prévaut, en démontrant qu'il exerce effectivement la même activité que le nouvel employeur. Pour qu'il y ait violation de la clause de non-concurrence, il faut que l'entreprise au service de laquelle le salarié est passé soit en situation réelle de concurrence avec celle qu'il a quittée. En outre, sauf stipulations contraires, une clause de non-concurrence est limitée à l'activité de l'employeur et ne porte pas sur celle des autres filiales du groupe.

En l'espèce, aux termes des stipulations contractuelles, le salarié devait 's'abstenir de s'engager, directement ou indirectement, à titre salarié ou non, au service d'entreprises concurrentes ou dont l'activité se rapporte à celles de son business unit de rattachement et de créer, directement ou indirectement, ou de prendre une participation majoritaire dans le capital d'une entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de son business unit de rattachement. Compte tenu de la nature des activités de Tereos, cette abstention devra être respectée en France pendant une durée de 1 an après la cessation de votre contrat de travail'.

Or, alors que son contrat prenait fin le 24 août précédent, M. [P] a été embauché le 1er novembre 2017 en qualité de directeur des risques de la société Alvean dont l'activité est la logistique afférente aux transports et stockage de sucre ainsi que son négoce.

Dès lors, alors qu'il ressort des attributions énumérées dans son contrat de travail que le salarié était directeur des risques de marchés au niveau du groupe Tereos et non au sein de la seule société Tereos participations, que la clause contractuelle concerne les activités de Tereos, nom du groupe, et prohibe l'exercice d'activités se rapportant, concurrentes ou similaires à celles exercées par le salarié dans le cadre de son domaine d'activité opérationnelle et stratégique à savoir la gestion des risques de l'ensemble du groupe, que ce groupe intègre une filiale, Tereos commodities, qui exerce une activité similaire à une des activités essentielles d'Alvean à savoir le négoce et la distribution de sucre, son embauche au même poste de directeur des risques de marchés au sein d'Alvean caractérise une violation de son obligation de non-concurrence en sorte que la contrepartie financière de celle-ci n'est due que du 24 août au 31 octobre 2017.

Il convient dès lors d'allouer à M. [P] une somme de 7.606, 88 euros à titre d'indemnité de non-concurrence.

Le jugement sera confirmé sur le principe de cette indemnité mais infirmé sur son quantum.

Il est de principe que la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence a une nature de complément de salaire en sorte que les congés payés afférents sont dus.Il convient dès lors de condamner l'employeur au paiement de 760,69 euros à ce titre.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande de ce chef.

Ces sommes étant de nature salariale, elles porteront intérêt au taux légal à compter de la signature par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

Il convient par ailleurs d'ordonner la remise d'un bulletin de paie conforme au présent arrêt dans les quinze jours de sa signification.

Le jugement sera complété en ce sens.

3 : Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Compte tenu du sens de la présente décision, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4 : Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

En cause d'appel, les dépens seront également supportés par la société Tereos participations.

L'équité commande par ailleurs de condamner l'employeur au paiement de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement du 18 mai 2020 du conseil de prud'hommes de Paris sauf sur le montant de la somme allouée à titre d'indemnité de non-concurrence ainsi que sur le rejet de la demande au titre des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne la SAS Tereos participations à payer à M. [Y] [P] la somme de 7.606, 88 euros à titre d'indemnité de non-concurrence, outre 760,69 euros au titre de congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter de la signature par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

- Ordonne la remise d'un bulletin de paie conforme au présent arrêt sous quinzaine de la signification du présent arrêt ;

- Condamne la SAS Tereos participations à payer à M. [Y] [P] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne la SAS Tereos participations aux dépens de l'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03749
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;20.03749 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award