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30/11/2022 | FRANCE | N°20/01600

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 30 novembre 2022, 20/01600


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01600 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQB6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/00422



APPELANT



Monsieur [L] [B]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Repr

ésenté par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050



INTIMEES



SCP LE GUERNEVE-[T] prise en la personne de Maître [E] [T] es qualité d'administrateur judici...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01600 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQB6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/00422

APPELANT

Monsieur [L] [B]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

INTIMEES

SCP LE GUERNEVE-[T] prise en la personne de Maître [E] [T] es qualité d'administrateur judiciaire de la SAS GROSBILL

[Adresse 4]

[Localité 7]

DA signifiée à étude le 02 juin 2020

SCP [U] PARTNERS prise en la personne de Maître [Y] [U] es qualité d'administrateur judiciaire de la SAS GROSBILL

[Adresse 6]

[Localité 7]

DA signifiée à personne habilitée le 03 juin 2020

S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [I] [O], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS GROSBILL

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Benjamin DESAINT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES es qualité de mandataire liquidateur de la SAS GROSBILL

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Benjamin DESAINT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

Association AGS CGEA OUEST Prise en la personne de sa Directrice nationale, Madame [J] [K], domiciliée à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES MOYENS DES PARTIES :

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2015, M. [L] [B], né le 3 mars 1963, a été engagé par la SA Grosbill, devenue par la suite SAS Grosbill, en qualité de directeur général.

Son contrat prévoyait une rémunération mensuelle fixe brute de 16.666,67 euros, outre une part variable.

Le 19 octobre 2015, le conseil d'administration de la société l'a nommé directeur général. Lors de l'assemblée générale du 23 décembre 2015, à la suite d'un changement de statuts de la société, qui est devenue une société par actions simplifiée, M. [B] a été désigné président de celle-ci. Le 30 mai 2017, il a été révoqué de ce mandat.

La société Grosbill, qui avait pour activité la vente de matériel informatique en ligne et en magasin, appliquait la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager (IDCC 1686).

Un jour après la révocation de son mandat, par lettre du 31 mai 2017, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 juin, auquel il ne s'est pas présenté. Le 26 juin 2017, il a été licencié pour faute grave au motif qu'il aurait fait preuve de par son manque de rigueur et d'implication d'une incapacité à mettre en place les stratégies adéquates pour permettre un retour à l'équilibre et remettre la société sur la voie de croissance, qu'il aurait exercé parallèlement une activité de gérant de pizzeria sans avoir sollicité l'accord de son employeur et qu'il aurait entreposé au sein des locaux de la société de nombreuses palettes contenant divers mobiliers à des fins exclusivement personnelles.

Par jugements du 30 juin 2017, du 1er octobre 2018 et du 22 janvier 2019, la société Grosbill a été placée sous sauvegarde, en redressement puis en liquidation judiciaire, la SELAFA MJA et la SERARL ACTIS étant désignées ès qualité de mandataires liquidateurs.

Le 19 janvier 2018, contestant son licenciement et réclamant le paiement des sommes subséquentes ainsi que de dommages et intérêts pour licenciement brusque et vexatoire et un rappel de rémunération variable, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 18 novembre 2019, considérant que la désignation du salarié comme président avait entraîné la novation de son contrat en mandat, a déclaré les demandes irrecevables en l'absence de relation de travail salarié entre les parties.

Par déclaration du 21 février 2020, M. [B] a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 24 janvier précédent.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 mars 2022, M. [B], demande à la cour, infirmant le jugement et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- déclarer ses demandes recevables ;

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer au passif de la société Grosbill la somme de 166.666 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer au passif de la société Grosbill la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement brusque et vexatoire ;

- fixer au passif de la société Grosbill la somme de 50.000,01 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 5.000 euros de congés payés afférents ;

- fixer au passif de la société Grosbill la somme de 13.843,98 euros au titre de la mise à pied, outre 1.384,39 euros de congés payés afférents ;

- fixer au passif de la société Grosbill la somme de 7.241,23 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- fixer au passif de la société Grosbill la somme de 29.166 euros à titre de rappel de rémunération variable, outre 2.916 euros de congés payés afférents ;

- ordonner la remise des bulletins ainsi que des documents de fin de contrat (solde de tout compte, attestation Pôle Emploi et certificat de travail) conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- dire l'arrêt opposable aux AGS ;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation avec anatocisme ;

- fixer au passif de la société Grosbill la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel le 30 juillet 2020, la SELAFA MJA et la SERARL ACTIS ès qualité de mandataires liquidateurs de la société Grosbill demandent à la cour de :

- principalement, confirmer le jugement qui déclare irrecevables les demandes de M. [B] et, y ajoutant, le condamner au paiement de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- subsidiairement, si la cour retenait l'existence d'un contrat de travail, juger que le licenciement pour faute grave est fondé ;

- débouter M. [B] de ses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

- débouter M. [B] de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de congés payés afférents ;

- à titre infiniment subsidiaire, si le licenciement était jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, de prendre en considération une ancienneté intégrant la suspension du contrat du 19 octobre 2015 au 30 mai 2017 et débouter M. [B] de ses demandes indemnitaires en l'absence de preuve d'un préjudice ;

- en tout état de cause, débouter M. [B] de ses demandes au titre de la part variable ou en limiter le montant à 25.000 euros brut ;

- condamner M. [B] à lui payer 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et le débouter de sa demande formulée à ce titre.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 août 2020, l'AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter les demandes de fixation de créances et, en tout état de cause, de réduire aux seuls montants dûment justifiés les créances susceptibles d'être fixées à titre de salaires et d'indemnités.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur le contrat de travail

Il n'est pas contesté que M. [B] a été embauché selon contrat de travail du 1er octobre 2015 en qualité de directeur général.

1.1 : Sur la novation

Un contrat de travail peut être nové en mandat social lors de la nomination d'un salarié aux fonctions de dirigeant. Cependant, l'article 1273 devenu 1130 du code civil dispose que la novation ne se présume pas et que la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.

Or, au cas présent, il n'est ni démontré ni même allégué que les parties auraient eu la commune volonté de nover en sorte qu'il n'y a pas eu novation du contrat de travail, la décision du conseil devant être infirmée en ce qu'elle juge le contraire et déclare irrecevables les demandes de M. [B].

1.2 : Sur la suspension du contrat

Il est constant que le contrat de travail est suspendu de plein droit lorsque le lien de subordination juridique disparaît du fait du mandat social du salarié. Contrairement à la novation, la suspension joue donc indépendamment de toute manifestation de volonté. Il incombe alors à celui qui s'en prévaut de démontrer la suspension invoquée et d'établir que les activités de l'ancien salarié n'ont été que celles d'un mandataire social. En effet, il est constant que la qualité de salarié n'est pas incompatible avec l'existence d'un mandat social à condition que ce cumul laisse subsister le lien de subordination qui ne doit pas se confondre avec les directives que peut recevoir le mandataire de la part des associés ou du conseil d'administration et qui sont seulement la conséquence logique de son mandat. De plus, pour que le cumul soit possible, il faut que la dualité des fonctions soit perceptible, les fonctions salariées ne se confondant pas avec celles exercées au titre du mandat pour des raisons tenant à l'activité ou à la dimension de l'entreprise, ou encore à la nature de la direction technique.

Au cas présent, il n'existait pas de dualité de rémunérations ni de dualité de fonctions puisqu'une seule rémunération était versée et que les seules missions dont l'appelant avait la charge étaient celles de diriger, gérer et administrer la société Grosbill, ces missions correspondant uniquement à son mandat social, aucunes fonctions techniques distinctes n'étant exercées. Il n'existait en outre aucun lien de subordination distinct des directives que peut recevoir le mandataire de la part des associés ou du conseil d'administration dans la mesure où il ne rendait aucun compte sur son activité, si ce n'est sur son activité de mandataire social auprès de l'actionnaire unique. Il détenait en outre les pouvoirs de gestion et de direction les plus étendus tant au sein de l'entreprise que vis-à-vis des tiers.

Dès lors, les intimés, qui en ont la charge, démontrent suffisamment que le contrat de travail a été suspendu de plein droit du 19 octobre 2015, par la désignation de M. [B] comme directeur général de la SA Grosbill, jusqu'au 30 mai 2017, lorsque son mandat de président de la SAS Grosbill a été révoqué.

2 : Sur le rappel de prime annuelle et les congés payés afférents

Il est de principe qu'une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.

Par ailleurs, si l'employeur peut fixer unilatéralement et modifier les objectifs annuels dans le cadre de son pouvoir de direction sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord préalable du salarié, en revanche, il lui appartient de le faire en début d'exercice et non en cours d'exécution alors qu'il prend connaissance de leur niveau de réalisation. Il appartient à l'employeur de prouver qu'il a fixé les objectifs lorsque cela lui incombait.

Il est en outre constant que, lorsque les objectifs sont fixés unilatéralement par l'employeur, une communication tardive de ceux-ci les rend inopposables au salarié et qu'en cas d'inopposabilité la rémunération variable doit être versée intégralement à hauteur du bonus cible maximum.

Au cas présent, l'article 4 du contrat de travail stipule : 'Une partie variable vous sera attribuée, sous la forme d'une prime annuelle d'objectifs, dont le montant maximum atteignable est fixé à 50.000 euros brut par an. La première année cette partie variable sera garantie à hauteur de 80 %, soit 40.000 euros. Cette disposition ne pourra qu'être prolongée de droit lors de la seconde année sans pour autant être inférieure. La société Grosbill vous communiquera une lettre d'objectifs précisant les critères des objectifs à atteindre à la fin de la période de référence afin de bénéficier de la prime. Vous signerez et daterez la lettre d'objectifs précisant les critères des objectifs, accompagnée de la mention « remis en main propre contre décharge le XXX et bon pour accord ». En toute hypothèse, vous admettez expressément que la signature de la lettre d'objectifs déterminant les objectifs à atteindre implique que l'ensemble des moyens en vue de réaliser des objectifs ont été mis à disposition par la société, et que ceux-ci sont réalisables. Le versement de cette rémunération à caractère variable ne pourra intervenir avant la clôture des comptes de la société Grosbill.'

Cependant, aucune lettre fixant les objectifs n'a été communiquée au salarié en début d'exercice.

Il convient dès lors de condamner l'employeur au paiement de l'intégralité de la part variable de sa rémunération proratisée sur le temps de travail en 2017, préavis inclus, soit à hauteur de demande, la somme de 29.166 euros brut, outre 2.916 euros brut de congés payés afférents.

Le jugement de première instance sera complété en ce sens.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En outre, en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. La charge de la preuve de la connaissance tardive des faits incombe à l'employeur.

En l'espèce, la lettre de rupture du 26 juin 2017, qui fixe les limites du litige, vise différents griefs.

En premier lieu, il est reproché au salarié une incapacité à mettre en place des stratégies adéquates de nature à permettre d'espérer un retour à l'équilibre et à remettre la société sur la voie de la croissance, incapacité qui s'expliquerait en grande partie par un manque d'exemplarité, à la fois en termes d'implication et de rigueur dans le fonctionnement quotidien.

Il lui est également fait grief d'avoir en parallèle de son contrat qui le lui interdisait, exercé une activité de gérant de pizzeria, pour laquelle il n'aurait pas sollicité l'accord de sa direction.

Enfin, il lui est reproché l'entreposage au sein des locaux de la société de nombreuses palettes contenant divers mobiliers à des fins exclusivement personnelles.

Concernant le premier grief, compte tenu de l'emploi des termes 'manque d'exemplarité, d'implication et de rigueur', contrairement à ce que soutient le salarié, l'employeur se place sur le terrain de la négligence fautive et non de l'insuffisance professionnelle. Ce dernier, qui a donc la charge exclusive de la preuve ne démontre cependant aucunement les manques d'exemplarité, d'implication ou de rigueur dont il se prévaut en sorte que ce grief n'est pas établi, étant souligné que l'absence de réponse au commissaire aux comptes désormais invoquée dans les écritures des intimés n'est aucunement mentionnée dans la lettre de rupture qui fixe les limites du litige.

Concernant l'exercice d'une double activité, il n'est pas contesté que M. [B] a été gérant d'une pizzeria. Cependant, il ressort de l'extrait Kbis communiqué que la société en question a été cédée le 1er juin 2001 et que si la société n'a pas été dissoute à cette date, elle n'en pas moins cessé toute activité. Le seul fait que l'appelant en soit resté gérant ne pouvant caractériser l'exercice réel d'une activité parallèle à celle de directeur général de la société Grosbill, le grief n'est donc pas établi.

L'entreposage de palettes dans les locaux de la société, constaté par huissier, n'est pas contesté. Cependant, alors que le salarié soulève la prescription des faits fautifs et qu'il ressort de la facturation de cet entreposage à compter du 1er décembre 2015 que cette situation existait depuis cette date, l'employeur n'apporte pas la preuve qui lui incombe de sa connaissance plus tardive des faits dans les deux mois de l'engagement des poursuites. Dès lors, les faits étant prescrits, ce grief ne peut qu'être écarté.

Il ressort de ce qui précède qu'aucun des griefs invoqués par l'employeur ne pouvant être retenu, le licenciement de M. [B] est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement devant être complété en ce sens.

2.2 : Sur les conséquences de la rupture

Il est de principe que la durée du mandat social pendant laquelle le contrat de travail a été suspendu n'est pas prise en compte dans le calcul de l'ancienneté acquise en sorte que compte tenu de la suspension susmentionnée, l'ancienneté de M. [B] était de 3 mois et 15 jours, préavis inclus.

2.2.1 : Sur le rappel de salaire sur mise à pied et les congés payés afférents

En l'absence de faute grave, M. [B] ne pouvait pas être mis à pied. En conséquence, il convient de fixer au passif de la société Grosbill la somme de 13.843,98 euros brut à titre de rappel de salaire pendant cette période, outre 1.384,40 euros brut au titre des congés payés incidents.

Le jugement sera complété en ce sens.

2.2.2 : Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En application de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.

Au terme de l'article 34 de la convention collective applicable en l'espèce, en cas de licenciement non fondé sur une faute grave, le préavis des cadres est de deux mois.

Le salarié est donc en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis de deux mois de salaire soit une somme de 33.333,34 euros brut, majorée des congés payés afférents soit 3.333,33 euros.

Le jugement sera complété en ce sens.

2.2.3 : Sur l'indemnité de licenciement

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Néanmoins, en l'espèce, le salarié ne comptait pas une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur en sorte qu'il ne peut prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement.

La demande à ce titre sera rejetée et le jugement complété à ce titre.

2.2.4 : Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié, qui compte moins de deux années d'ancienneté peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Au cas présent, M. [B] qui fait état d'un préjudice moral du fait de son investissement non reconnu dans la société et démontre son absence de retour effectif à l'emploi entre la fin de son préavis et le 31 décembre 2017 se verra octroyer la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif

2.2.5 : Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il résulte de ces dispositions que l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant au seul caractère abusif du licenciement, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, M. [B] n'allègue ni ne démontre aucun préjudice distinct de celui d'ores et déjà indemnisé au titre de son licenciement abusif en sorte que sa demande à ce titre sera rejetée.

Le jugement sera complété en ce sens.

3 : Sur la garantie de l'AGS

La présente décision est opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie.

Le jugement sera complété en ce sens.

4 : Sur les documents sociaux

Il convient d'ordonner la remise des bulletins ainsi que des documents de fin de contrat (solde de tout compte, attestation Pôle Emploi et certificat de travail) conformes au présent arrêt dans les quinze jours de sa signification.

Il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte, cette demande devant être rejetée.

La décision sera complétée sur ces deux points.

5 : Sur les intérêts

Il résulte de l'article L.621-48 du code du commerce que le jugement de redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels.

Il convient dès lors d'assortir les condamnations de nature salariale des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation jusqu'au jugement de redressement judiciaire du 1er octobre 2018 avec capitalisation de ceux-ci le cas échéant.

6 : Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé sur les dépens qui seront à la charges de la SELAFA MJA et la SERARL ACTIS ès qualité de mandataires liquidateurs de la société Grosbill.

L'équité commande du fait de l'existence d'une procédure de liquidation judiciaire de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 18 novembre 2019 en toutes ses dispositions ;

- Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déclare les demandes recevables en l'absence de novation du contrat de travail ;

- Fixe au passif de la SAS Grosbill la somme de 29.166 euros brut à titre de rappel de rémunération variable, outre 2.916 euros brut de congés payés afférents ;

- Juge le licenciement de M. [L] [B] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Fixe au passif de la SAS Grosbill la somme de 13.843,98 euros brut à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied, outre 1.384,40 euros brut au titre des congés payés incidents.

- Fixe au passif de la SAS Grosbill la somme de 33.333,34 euros brut au titre du préavis, majorée des congés payés afférents soit 3.333,33 euros ;

- Rejette la demande d'indemnité de licenciement ;

- Fixe au passif de la SAS Grosbill la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- Rejette la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

- Juge la présente décision opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie.

- Ordonne la remise des bulletins ainsi que des documents de fin de contrat (solde de tout compte, attestation Pôle Emploi et certificat de travail) conformes au jugement à intervenir dans les quinze jours de la signification du présent arrêt ;

- Rejette la demande d'astreinte ;

- Dit que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation jusqu'au 1er octobre 2018 avec capitalisation de ceux-ci le cas échéant ;

- Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SELAFA MJA et la SERARL ACTIS ès qualité de mandataires liquidateurs de la société Grosbill aux dépens de la première instance et de l'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01600
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;20.01600 ?
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