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30/11/2022 | FRANCE | N°19/10213

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 30 novembre 2022, 19/10213


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10213 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYPT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 17/01647





APPELANTE



Madame [O] [J] [Z] [W] épouse [K]

[Adresse 7]

[Localité 6]
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Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480







INTIMÉS



Maître [I] [B] ès qualités de mandataire liquidateur de la SA SLH INGENIERIE

[Adresse 5]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10213 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYPT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 17/01647

APPELANTE

Madame [O] [J] [Z] [W] épouse [K]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMÉS

Maître [I] [B] ès qualités de mandataire liquidateur de la SA SLH INGENIERIE

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représenté par Me Jean PRINGAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2539

ASSOCIATION UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS

SAS BETEM SLH

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Lisa PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0813

Société GSC

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Lisa PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0813

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1991, Mme [K] a été engagée en qualité de chef d'agence par la société Sexer [S], en dernier lieu dénommée SLH INGENIERIE, ladite société appliquant la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Mme [K] a également exercé le mandat de directeur général de la société du 13 décembre 2002 au 31 janvier 2008, puis le mandat de président du conseil d'administration de la société à compter du 31 janvier 2008, mandat qu'elle a cumulé avec celui de directeur général du 5 juillet 2010 au 14 juin 2012.

Par jugement du 3 février 2016, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SLH INGENIERIE.

Par jugement du 23 novembre 2016, le tribunal de commerce de Créteil a arrêté un plan de cession de la société SLH INGENIERIE en faveur de la société BETEM INGENIERIE et a autorisé le licenciement pour motif économique de 27 salariés devant intervenir dans le délai d'un mois à compter de la date du prononcé du jugement.

Suivant courrier recommandé du 21 décembre 2016, Mme [K] a été licenciée pour motif économique par l'administrateur judiciaire de la société SLH INGENIERIE, l'intéressée ayant accepté, le 3 janvier 2017, le contrat de sécurisation professionnelle lui ayant été proposé.

Par jugement du 8 février 2017, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société SLH INGENIERIE et nommé Maître [B] en qualité de liquidateur.

Suivant contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période courant du 16 janvier au 31 juillet 2017, Mme [K] a été engagée par la société BETEM SLH en qualité de directrice du développement, le contrat ayant fait l'objet d'un avenant de renouvellement jusqu'au 30 juin 2018.

N'ayant pas été réglée des sommes figurant sur le bulletin de paie lui ayant été délivré pour la période du 1er au 12 janvier 2017, date de la rupture de son contrat de travail, et s'estimant insuffisamment remplie de ses droits, Mme [K] a saisi la juridiction prud'homale le 4 décembre 2017 aux fins de voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SLH INGÉNIERIE et d'obtenir la garantie de l'AGS, les sociétés BETEM SLH et GSC ayant été mises en cause en cours de procédure à la demande de Maître [B], ès qualités.

Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Créteil a :

- mis hors de cause l'AGS CGEA ILE DE FRANCE EST,

- débouté Mme [K] de ses demandes pécuniaires,

- dit que le contrat de Mme [K] se poursuit au sein de la société BETEM SLH,

- débouté Maître [B], en sa qualité de liquidateur de la société SLH lNGENlERlE, de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les sociétés BETEM SLH et GSC de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné les sociétés BETEM SLH et GSC aux dépens comprenant les éventuels frais d'exécution en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 octobre 2019, Mme [K] a interjeté appel du jugement.

Par déclaration du 10 octobre 2019, les sociétés BETEM SLH et GSC ont interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 15 décembre 2020, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel a ordonné la jonction des procédures d'appel et dit qu'elles se poursuivront sous le n°19/10213.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er avril 2022, Mme [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS CGEA IDF EST et l'a déboutée de ses demandes pécuniaires et, statuant à nouveau,

à titre principal,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SLH INGENIERIE aux sommes suivantes :

- 69 522,16 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 199,09 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 12 janvier 2017,

- 1 998,63 euros à titre de rappel de prime de vacances,

- 12 496,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- dire que la décision à intervenir est opposable à l'AGS et qu'elle doit garantir sa créance totale dans la limite du plafond légal fixé à 78 456 euros,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait jugé que son contrat a été suspendu à compter du 13 décembre 2002,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SLH INGENIERIE aux sommes suivantes :

- 32 709,24 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 3 199,09 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 12 janvier 2017,

- 1 998,63 euros à titre de rappel de prime de vacances,

- 12 496,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- dire que la décision à intervenir est opposable à l'AGS et qu'elle doit garantir sa créance totale dans la limite du plafond légal fixé à 78 456 euros,

à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait jugé que son embauche par la société BETEM SLH est intervenue en fraude de l'article L. 1224-1 du code du travail,

- dire que son contrat de travail a été transféré à la société BETEM SLH avec reprise de son ancienneté à compter du 1er janvier 1991,

en tout état de cause,

- déclarer les sociétés BETEM SLH et GSC mal fondées en leurs appels incidents et les en débouter,

- condamner les défendeurs aux dépens qui seront recouvrés par la société BDL AVOCATS conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 mars 2020, Maître [B], ès qualités, demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant,

- prononcer, en tant que de besoin, sa mise hors de cause,

- condamner les sociétés BETEM SLH et GSC à lui payer, chacune, la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés BETEM SLH et GSC en tous les dépens,

à titre subsidiaire,

- dire que le contrat de travail de Mme [K] a été suspendu du 13 décembre 2002 (nomination en qualité de directrice générale) jusqu'à la date du prononcé de la liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Créteil, soit le 8 février 2017, et que l'ancienneté acquise dont elle peut se prévaloir au titre de son contrat de travail est de 11,96 années,

- fixer la créance de Mme [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société SLH INGENIERIE aux sommes suivantes :

- indemnité légale de licenciement : 7 820/5 x 11,96 = 18 705,44 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés : 12 496,54 euros,

- salaire du 1er au 12 janvier 2017 : 3 199,09 euros,

- débouter Mme [K] du surplus de ses demandes et la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mai 2022, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Est demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- prononcer sa mise hors de cause,

à titre subsidiaire, sur sa garantie,

- dire que, s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale, soit 77 232 euros,

- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 juin 2022, les sociétés BETEM SLH et GSC demandent à la cour de :

- débouter Mme [K] de son appel,

- réformer le jugement,

- prononcer leur mise hors de cause,

- débouter Maître [B], ès qualités, de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à leur égard et, reconventionnellement,

- condamner Maître [B], ès qualités, à verser à la société GSC la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Maître [B], ès qualités, à verser à la société BETEM SLH la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Maître [B], ès qualités, aux dépens d'instance.

L'instruction a été clôturée le 28 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 septembre 2022.

MOTIFS

Sur le contrat de travail

Mme [K] fait valoir qu'elle a cumulé son contrat de travail avec un ou des mandats à partir de 2002, que ce cumul était effectif et parfaitement régulier, que toutes les décisions du conseil d'administration qui lui ont conféré un mandat ou ont renouvelé un mandat en cours mentionnent systématiquement qu'elle conserve ses fonctions de salarié, que les conditions de cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social étaient réunies et qu'elle n'a pas perçu de rémunération au titre de l'exercice de son ou de ses mandats et qu'à la date d'ouverture de la procédure collective, elle cumulait toujours son contrat de travail datant de 1991 et le mandat de présidente du conseil d'administration. Elle ajoute que si le liquidateur et l'AGS contestent qu'elle ait pu conserver la qualité de salariée du fait de ses mandats sociaux, cette contestation est dépourvue de fondement en ce que, d'une part, le juge-commissaire a jugé qu'elle était bien titulaire d'un contrat de travail par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée et, d'autre part, les conditions de licéité du cumul entre contrat de travail et mandat social sont réunies relativement à l'exercice de fonctions techniques, la perception d'une rémunération pour les fonctions techniques distincte de celle éventuellement perçue au titre du mandat social ainsi que l'existence d'un lien de subordination juridique à l'égard de la société. Elle souligne que Pôle emploi a confirmé à trois reprises que l'assurance chômage lui était bien applicable et que la société SLH INGENIERIE n'a jamais revêtu de caractère familial compte tenu de la part infime des actions détenue.

S'agissant de la fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail alléguée par le liquidateur, elle indique que les accusations portées à son encontre sont dépourvues de fondement, qu'elle a refusé les postes de reclassement lui ayant été proposés en province en ce qu'elle vit et travaille depuis toujours en région parisienne, son refus de mutation géographique étant donc légitime, l'intéressée soulignant que l'accusation d'entente avec le groupe BETEM au préjudice de la collectivité, qui sous-entend des démarches effectuées de façon clandestine, est totalement injustifiée en ce que le procès-verbal du conseil d'administration de la société SLA ARCHITECTURE (seule société du groupe SLH restée in bonis et dont elle était également directrice générale) prévoit au paragraphe 3 des dispositions relatives aux mandataires et à l'évolution du partenariat entre les sociétés, des précisions concernant son engagement pour une durée déterminée jusqu'au 31 juillet 2007 figurant au paragraphe 3.2 du procès-verbal, ledit projet d'engagement ayant ainsi été effectué en toute transparence vis-à-vis de toutes les parties à la procédure collective, le procès-verbal précité étant notamment expressément mentionné dans le jugement du 23 novembre 2016 arrêtant le plan de cession de la Société SLH.

Le liquidateur réplique que Mme [K] a été intégrée, en fraude de la procédure collective, à l'effectif du groupe cessionnaire, concomitamment à son licenciement pour motif économique par l'administrateur judiciaire de la société SLH INGENIERIE en vertu du plan de cession, et ce compte tenu de son embauche au sein de la société BETEM SLH dès le 16 janvier 2017 selon contrat de travail à durée déterminée à effet à cette même date, conclu en violation des dispositions légales et de la jurisprudence, correspondant à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise eu égard à sa prorogation jusqu'au 30 juin 2018 et moyennant des conditions d'embauche strictement similaires à celles de SLH INGÉNIERIE. Il ajoute que les sociétés repreneuses appartenant au groupe BETEM, bénéficiaires des 3 plans de cession, entretiennent une opacité volontaire de ce chef et que des préparatifs ont été organisés dès novembre 2016 par Mme [K] afin de pouvoir bénéficier d'une embauche au sein du groupe BETEM. Il soutient que le transfert du contrat de travail de Mme [K] au profit de la société BETEM SLH devra être reconnu en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

À titre subsidiaire, il indique que, si par extraordinaire la présente juridiction ne reconnaissait pas qu'il y a eu transfert du contrat de travail, il conviendra, au regard de la qualité de dirigeante de droit et de mandataire social de l'intéressée, de constater que les règles de cumul n'étaient pas remplies, quel que soit le mandat occupé, que la preuve du lien de subordination n'est aucunement établie, excluant par là même tout cumul avec un contrat de travail pour la période considérée, et qu'à défaut de tout lien de subordination juridique, le contrat de travail liant un mandataire social à la société est suspendu, soit en l'espèce au plus tard à compter du 13 décembre 2002, date à partir de laquelle elle a été nommée de façon ininterrompue au titre de ses divers mandats sociaux.

L'AGS indique pour sa part que les éléments du dossier démontrent que Mme [K] n'était soumise à aucun lien de subordination et qu'elle assumait la gestion quotidienne de la société, et ce compte tenu de sa situation et de celle de sa famille au sein du groupe, de l'absence de tout lien de subordination et de la détention de la signature bancaire par l'intéressée. Elle ajoute qu'elle n'est pas tenue par la position adoptée par Pôle Emploi au titre de l'application de l'assurance chômage.

Les sociétés BETEM SLH et GSC soulignent que l'embauche de Mme [K] par la société BETEM SLH n'est pas intervenue en fraude de l'article L. 1224-1 du code du travail compte tenu de la suppression effective de son poste de chef d'agence, celles-ci précisant qu'alors que l'intéressée était salariée de la société SLH INGENIERIE, le repreneur de cette dernière société est la société BETEM INGENIERIE, devenue BETEM ILE DE FRANCE, Mme [K] ayant pour sa part été embauchée par la société BETEM SLH qui, elle, a repris la société SLH A-MO-D, et qu'il ne peut donc être soutenu que la salariée aurait été réembauchée, postérieurement à son licenciement, par le cessionnaire de la société SLH INGÉNIERIE. Elles ajoutent que le poste de chef d'agence au sein de la société BETEM ILE DE FRANCE, qui a repris la société SLH INGENIERIE, n'existe pas, que Mme [K] a été engagée non pas sur un poste de chef d'agence mais sur un poste de directrice du développement, que les sociétés BETEM ILE DE FRANCE et BETEM SLH n'ont pas la même activité, que le motif de recours au contrat à durée déterminée est valable et régulier, la société BETEM SLH ne disposant pas de compétences particulières en matière de développement, Mme [K] exerçant donc ses fonctions au sein d'une personne morale qui n'est pas le repreneur de son ancien employeur, pour y accomplir des tâches différentes, dans un domaine d'activité distinct et dans une structure différente de celle employant ses anciens collègues de travail. Elles soulignent qu'il ne peut donc être soutenu qu'il existerait une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail et que le licenciement pour motif économique par l'administrateur judiciaire de la société SLH INGENIERIE le 21 décembre 2016 doit produire tous ses effets juridiques à cette date.

Sur le cumul du contrat de travail et des mandats sociaux

Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération, le lien de subordination étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

Il est constant que Mme [K] a exercé un mandat de directeur général de la société du 13 décembre 2002 au 31 janvier 2008, puis un mandat de président du conseil d'administration à compter du 31 janvier 2008, mandat qu'elle a cumulé avec celui de directeur général du 5 juillet 2010 au 14 juin 2012.

A titre liminaire, il sera rappelé que, quelle que soit la forme de la structure, le cumul d'un contrat de travail avec un mandat social suppose que le contrat de travail corresponde à un emploi réel exercé en son sein et que cet emploi réponde aux conditions du salariat, c'est-à-dire qu'il existe un lien de subordination juridique entre l'intéressé et l'entreprise.

La cour relève tout d'abord à la lecture du procès-verbal des délibérations du conseil d'administration de la société SEXER [S], devenue SLH INGENIERIE, du 13 décembre 2002, que « le conseil d'administration décide, jusqu'à nouvel ordre, de ne pas attribuer de rémunération à Mme [K] au titre des fonctions de directeur général, mais continuera d'exercer les fonctions salariées de chef d'agence, dans les mêmes conditions et avec tous les droits et obligations résultant de son contrat de travail », des mentions similaires figurant dans les procès-verbaux des délibérations du conseil d'administration des 31 janvier 2008 lors de sa nomination en qualité de président du conseil d'administration (« le conseil prend acte de ce que Mme [K] est liée à la société par un contrat de travail de chef d'agence et que les conditions de cumul de ce contrat de travail avec un mandat social sont remplies. Il décide donc que ce contrat de travail à temps complet se poursuivra dans les mêmes conditions de fonctions et de rémunération. Par contre, le conseil décide de ne pas attribuer de rémunération à Mme [K] au titre de ses fonctions de présidente du conseil d'administration »), 27 mars 2008 (renouvellement du mandat de président du conseil d'administration), 5 juillet 2010 (nomination en qualité de directeur général) et 18 mai 2015.

Par ailleurs, il résulte de l'ordonnance du 6 avril 2016 rendue par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Créteil dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société SLH INGENIERIE, statuant sur la requête déposée par l'administrateur judiciaire aux fins de voir fixer la rémunération afférente aux fonctions exercées par le chef d'entreprise ou les dirigeants de la personne morale, que le juge-commissaire a dit « qu'il n'y a lieu à fixer la rémunération nette mensuelle de Mme [O] [K], Mme [K] étant titulaire d'un contrat de travail », ladite ordonnance n'ayant pas fait l'objet d'un recours.

De surcroît, si le liquidateur et l'AGS contestent la qualité de salariée de l'appelante, il apparaît que cette dernière produit les éléments justificatifs suivants :

- le contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1991 relatif aux fonctions de chef d'agence,

- les bulletins de paie afférents à la période litigieuse mentionnant l'exercice des fonctions de chef d'agence, moyennant en dernier lieu un salaire de base mensuel de 7 820 euros bruts,

- une attestation établie par M. [S] (président de la société SLH, société holding du groupe), dont aucun élément versé aux débats ne permet de remettre en cause la force probante, détaillant les fonctions techniques exercées depuis le 1er janvier 1991 par Mme [K] en sa qualité de chef d'agence : mise au point de l'offre commerciale et négociation avec les maîtres d'ouvrages, élaboration et suivi des dossiers concours, information du maître d'ouvrage à chaque étape du projet sur les implications techniques, juridiques, économiques et financières des décisions prises (budget de l'opération, caractéristiques de l'ouvrage, choix de passation des marchés, choix des entreprises), veille technique et réglementaire afin de conseiller et d'accompagner le client dans un rôle d'assistance à maîtrise d'ouvrage, établissement des documents techniques et architecturaux nécessaires au lancement des phases de consultation (études de faisabilité, APS (avant-projet sommaire), APD (avant-projet détaillé), et PRO (projet)), constitution des dossiers administratifs et de consultation des entreprises, analyse des offres et mise au point des marchés d'entreprises en phase ACT (assistance aux contrats de travaux) ainsi que suivi et réception des travaux en phase DET (direction de l'exécution des travaux) et AOR (assistance aux opérations de réception) pour les lots architecturaux,

- les attestations rédigées par MM. [N] et [D] (directeur technique et directeur technique adjoint de la société SLH INGENIERIE) explicitant les fonctions techniques de l'appelante en sa qualité de chef d'agence dans le cadre des projets qu'ils sont amenés à lui confier,

- les courriers de Pôle Emploi des 16 septembre 2009, 17 mai 2013 et 8 août 2016 dont il résulte qu'après étude de la situation de Mme [K] et des documents justificatifs communiqués, le régime d'assurance chômage est applicable à l'intéressée, cette dernière ne possédant pas le statut juridique d'un dirigeant de société,

- son courrier de licenciement du 21 décembre 2016 par l'administrateur judiciaire de la société faisant expressément état de l'absence de reprise de son poste de « directeur agence-chef de projets TCE » sur l'établissement de [Localité 11] dans le cadre du jugement de cession ainsi que les différents documents de fin de contrat lui ayant été adressés le 25 janvier 2017 (solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi mentionnant son emploi salarié de chef d'agence),

lesdits éléments permettant de retenir que Mme [K] justifie avoir effectué de manière constante et régulière durant la période litigieuse, différentes tâches et missions techniques pour le compte de la société SLH INGENIERIE relevant des fonctions de chef d'agence, et ce sous la subordination de celle-ci se manifestant par des ordres et directives ainsi que par le contrôle de leur exécution, lesdites fonctions techniques étant distinctes et ne pouvant aucunement se confondre avec celles relatives aux mandats sociaux de directeur général et de président du conseil d'administration de la société, et ce moyennant une rémunération correspondant au salaire normal de l'emploi considéré. Il sera enfin observé que le seul fait que les membres de la famille [K] aient détenu 8 actions sur un total de 11 018 actions de la société SLH INGENIERIE est manifestement inopérant dans le cadre du présent litige, ladite société n'ayant pas de caractère familial, de même que le simple fait que Mme [K] ait bénéficié de la signature bancaire de la société n'est en lui-même pas de nature à remettre en cause les fonctions techniques distinctes précitées.

Dès lors, étant rappelé que c'est à celui qui soutient qu'il n'y avait pas eu cumul du contrat de travail et du mandat social postérieur d'en rapporter la preuve, de même qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve, ce qui n'est aucunement le cas en l'espèce au regard des éléments versés aux débats par les parties, et ce mises à part les seules allégations et affirmations de principe du liquidateur et de l'AGS, la cour retient, par infirmation du jugement, que la qualité de salariée de Mme [K] est établie au titre de l'intégralité de la période litigieuse et déboute le liquidateur et l'AGS de leurs demandes afférentes à l'absence ou à la suspension du contrat de travail de l'intéressée à compter du 13 décembre 2002.

Sur la fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail

Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

En l'espèce, si le liquidateur fait état de l'existence d'une fraude aux dispositions précitées compte tenu de la signature par la salariée d'un contrat de travail à durée déterminée avec la BETEM SLH à compter du 16 janvier 2017, la cour relève tout d'abord que, comme justement souligné par les sociétés BETEM SLH et GSC, alors que Mme [K] était salariée de la société SLH INGENIERIE, dont le repreneur est la société BETEM INGENIERIE, devenue BETEM ILE DE FRANCE, l'intéressée a ultérieurement été embauchée par la société BETEM SLH qui, elle, a repris (après substitution à la société GSC) la société SLH A-MO-D, la société BETEM SLH n'ayant dès lors repris ni les activités ni les salariés de la société SLH INGÉNIERIE et Mme [K] n'ayant ainsi aucunement été réembauchée, postérieurement à son licenciement, par le cessionnaire de la société SLH INGÉNIERIE. Par ailleurs, il résulte des différentes pièces versées aux débats par les sociétés BETEM SLH et GSC que le poste de chef d'agence, précédemment occupé par Mme [K], a bien été supprimé et n'existe pas au sein de la société BETEM ILE DE FRANCE (laquelle a repris la société SLH INGÉNIERIE), que l'intéressée a été engagée par la société BETEM SLH, non pas sur un poste de chef d'agence, mais sur un poste de directrice du développement et que les sociétés BETEM ILE DE FRANCE et BETEM SLH n'ont pas la même activité, tout comme les sociétés SLH INGENIERIE et SLH A-MO-D n'avaient pas la même activité au sein du groupe SLH ainsi que cela résulte des termes des jugements du tribunal de commerce de Créteil en date des 23 novembre 2016 statuant sur les plans de cession des différentes sociétés du groupe.

En outre, au vu du contrat de travail à durée déterminée conclu à compter du 16 janvier 2017 par la société BETEM SLH et Mme [K], il apparaît que celui-ci a été conclu, conformément aux dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail, pour un motif d'accroissement temporaire d'activité « consécutif à la création de l'entité avec notamment les actions à mener pour initier son développement et la mise en place d'une organisation adaptée et pérenne », et ce compte tenu de l'absence de compétences particulières en matière de développement au sein de la société BETEM SLH, le projet d'entreprise consistant à développer prioritairement l'entité Ile de France et à créer une nouvelle offre de services sur certains secteurs ainsi que cela résulte de la proposition de plan de redressement par voie de cession présentée devant le tribunal de commerce, le seul fait que ledit contrat ait fait l'objet d'un avenant régulier de renouvellement ne permettant en lui-même aucunement de retenir, comme le soutient à tort le liquidateur, qu'il correspondait dès lors à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. La cour ne peut de surcroît que relever que les fonctions de Mme [K] en sa qualité de directrice du développement différaient de manière incontestable de ses anciennes fonctions de chef d'agence dans le domaine des bureaux d'études techniques, l'intéressée étant notamment en charge, en sa nouvelle qualité de directrice du développement, de la mise en 'uvre au niveau de la société du plan stratégique arrêté par le président auquel elle participe, de mettre en place et de s'assurer du bon fonctionnement commercial, production, administratif et humain en animant et coordonnant les ressources, de veiller à la rentabilité de l'entité et de procéder à son développement commercial.

La cour retient enfin que, comme justement souligné par Mme [K], les allégations afférentes à l'existence d'une opacité volontairement entretenue par les sociétés repreneuses ainsi que de préparatifs et de démarches engagés de manière frauduleuse pour lui permettre de pouvoir bénéficier d'une embauche au sein du groupe BETEM, sont manifestement contredites par les termes du procès-verbal du conseil d'administration de la société SLA ARCHITECTURE (seule société du groupe SLH restée in bonis) et notamment de son paragraphe 3.2 dont il résulte que « Madame [O] [K] sera embauchée par le Groupe BETEM pour occuper la fonction de directrice (statut salarié) au sein de la filiale AMO pour une durée déterminée dont le terme est fixé au 31/7/2017. L'objectif de cette période probatoire est de s'assurer de la pérennité de cette entité AMO et de créer des liens étroits entre SLA et les filiales du Groupe. A l'issue de cette période un point sera fait pour s'assurer de la pertinence de poursuivre cette collaboration (')», ledit projet d'engagement apparaissant ainsi avoir été effectué en toute transparence, et ce d'autant plus que le procès-verbal précité du conseil d'administration de la société SLA ARCHITECTURE, qui a par ailleurs autorisé le rachat par le groupe BETEM des 175 actions de la société SLA détenues par la société SLH, est expressément mentionné dans le jugement du tribunal de commerce du 23 novembre 2016 ayant arrêté le plan de cession de la Société SLH, ledit jugement faisant également état des avis exprimés par les différentes parties intervenantes à la procédure collective, et notamment ceux du liquidateur et de l'AGS, ce dont il ressort que ces derniers, qui avaient connaissance des termes du procès-verbal précité et ont régulièrement pu donner leur avis sur l'intégralité du projet de cession, n'ont pas formulé de réserves expresses concernant le projet d'engagement de Mme [K].

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, ceux-ci ne permettant aucunement de retenir en l'espèce l'existence d'une fraude ou d'une volonté de détourner les règles légales applicables en matière de transfert des contrats de travail telles qu'elles résultent des dispositions précitées de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour infirme le jugement en ce qu'il a dit que le contrat de Mme [K] se poursuivait au sein de la société BETEM SLH et ordonne la mise hors de cause de cette dernière société ainsi que de la société GSC à l'encontre de laquelle aucune demande n'était en toute hypothèse formulée.

Sur les conséquences financières de la rupture

En application des dispositions des articles L. 1233-1 et suivants du code du travail, compte tenu des développements précédents, le licenciement pour motif économique notifié à Mme [K] par l'administrateur judiciaire de la société SLH INGENIERIE suivant courrier du 21 décembre 2016 devant produire son plein et entier effet, au vu des différents documents de fin de contrat ayant été adressés à la salariée le 25 janvier 2017 et notamment du bulletin de paie du mois de janvier 2017, la cour accorde à l'intéressée, sur la base d'une rémunération mensuelle de référence de 7 820 euros, les sommes de 3 199,09 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 12 janvier 2017, 1 998,63 euros à titre de rappel de prime de vacances, 12 496,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés et 69 522,16 euros à titre d'indemnité de licenciement, et ce par infirmation du jugement.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la date de la rupture du contrat de travail ainsi que de l'ancienneté de la salariée, les créances de cette dernière seront garanties par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Est, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, soit en l'espèce 77 232 euros correspondant au plafond 6 applicable pour l'année 2016 compte tenu d'un licenciement intervenu le 21 décembre 2016, la créance de la salariée ayant pris naissance à la date de son licenciement, et ce par infirmation du jugement.

En application de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts au taux légal cessent de produire effet à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective.

Compte tenu de l'équité et de la situation économique des parties, il n'y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il convient, par infirmation du jugement, de fixer les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société SLH INGENIERIE, et, dans une telle hypothèse, sans droit de recouvrement direct au profit de l'avocat de Mme [K].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Ordonne la mise hors de cause des sociétés BETEM SLH et GSC ;

Fixe la créance de Mme [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société SLH INGENIERIE aux sommes suivantes :

- 3 199,09 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 12 janvier 2017,

- 1 998,63 euros à titre de rappel de prime de vacances,

- 12 496,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 69 522,16 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Dit que les créances de Mme [K] seront garanties par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Est, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, soit 77 232 euros correspondant au plafond 6 applicable pour l'année 2016, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;

Déboute Mme [K] du surplus de ses demandes ;

Déboute Maître [B], en sa qualité de liquidateur de la société SLH INGENIERIE, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Est et les sociétés BETEM SLH et GSC du surplus de leurs demandes respectives ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société SLH INGENIERIE.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/10213
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;19.10213 ?
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