Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05878 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B76OC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/08509
APPELANTE
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197
INTIMEES
Madame [S] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Carla HERDEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1296
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE
SCP BTSG prise en la personne de Me [D] [E] ès qualités de mandataire ad hoc de la société PEGASE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [S] [B], né en 1980, soutient avoir été engagée par la SARL Pégase, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 février 2017, à effet le 6 mars 2017, en qualité de Responsable du service commercial, téléopératrice tarifeur, moyennant un salaire mensuel de 1.900 euros.
La salariée expose qu'à compter du mois de juin 2017, elle n'a plus été rémunérée malgré des relances.
Du fait des graves manquements de l'employeur à ses obligations notamment de l'absence de rémunération, Mme [B], par lettre recommandée datée du 8 septembre 2017, a pris acte de la rupture de son contrat de travail et saisi le 17 octobre suivant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le 17 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a rendu le jugement suivant à l'encontre de la société Pégase statuant comme suit :
- Requalifie la prise d'acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la SARL Pégase à verser à Mme [S] [B] les sommes suivantes :
- 1.900 euros au titre du préavis,
- 190 euros au titre des congés y afférents ;
- 6.333 euros à titre de rappel de salaire du 1er mai 2017 au 11 septembre 2017 ;
- 633 euros à titre de congés payés y afférents ;
Rappelle qu'en vertu de l'article R 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 1900 euros.
- 11.400 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
- 96 euros pour cotisations non souscrite par l'employeur,
-175 euros au titre des frais de transport ;
- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche - 2.500 euros pour préjudice moral ;
- 3.800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement
- 10.800 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2017,
- Ordonne la remise du bulletin de salaire du mois de mai à octobre 2017 conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard
- Ordonne la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, bulletin de salaire, attestation pôle emploi et solde de tout compte) sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- Condamne la SARL Pégase aux dépens.
-Ordonne l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile.
Le 31 janvier 2018, le Tribunal de Commerce de Paris a placé la société Pégase en liquidation judiciaire, sur assignation de divers requérants se réclamant salariés de la société.
Sollicitant l'opposabilité du jugement rendu le 17 janvier 2018 à Me [E], mandataire liquidateur et à l'AGS CGEA Ouest, laquelle a formé tierce opposition, Mme [S] [B] a saisi, le 12 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 4 avril 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit:
- Déclare irrecevable la tierce opposition formée par l'AGS sur le fondement de l'article 582 du CPC,
- Déclare le jugement le 17 janvier 2018 concernant l'affaire enrôlée sous le numéro F17/08517 opposable à l'AGS et Me [E] ès qualité de mandataire liquidateur de la Sarl Pégase,
- Condamne solidairement l'AGS et Me [E] ès qualité de mandataire liquidateur de la Sarl Pégase,
- Condamne solidairement l'AGS et Me [E] ès qualité de mandataire liquidateur de la Sarl Pégase à verser à Mme [S] [B] :
* 2.000 euros au titre de la procédure abusive,
* 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Déboute Mme [S] [B] du surplus de ses demandes,
- Prononce l'exécution provisoire du présent jugement,
- Condamne solidairement l'AGS et Me [E] ès qualité de mandataire liquidateur de la Sarl Pégase aux entiers dépens.
Par déclaration du 6 mai 2019, l'AGS a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 15 avril 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 août 2019, l'association AGS demande à la cour de :
Réformant le jugement entrepris du 4 avril 2019,
- Recevoir l'AGS CGEA IDF OUEST en sa tierce opposition et déclarer inopposable à l'AGS le jugement rendu le 17 janvier 2018 par le Conseil de prud'hommes.
En conséquence,
- Constater le caractère fictif du contrat de travail revendiqué.
Réformer le jugement rendu le 17 janvier 2018 sur les chefs préjudiciables à l'AGS suivants :
*Requalifie la prise d'acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse
*Condamne la Sarl PARLEASE à verser Mme [B] les sommes suivantes :
- 1.900,00 euros à titre de préavis
-190,00 euros à titre de congés incidents
- 6.333,00 euros à titre de rappel de salaire du 1er juin au 11 septembre 2017
- 633,00 euros à titre de congés incidents
- 11.400,00 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
- 96,00 euros pour cotisation non souscrite par l'employeur
- 175,00 euros au titre des frais de transport
- 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche
- 2.500,00 euros à titre de préjudice moral
- 3.800,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 500,00 euros au titre de l'article 700 du CPC
* Intérêts au taux légal
* Remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard des documents de fin de contrat
* dépens
* Ordonné la délivrance des documents sociaux
En conséquence,
- Déclarer inopposable à l'AGS CGEA IDF OUEST le jugement du 17 janvier 2018.
- Débouter Mme [B] [S] de sa requête en opposabilité et des demandes spécifiques
En conséquence, statuant à nouveau,
- La débouter de sa demande en condamnation solidaire de l'AGS CGEA IDF OUEST et de Me [E], mandataire liquidateur de la société Pégase, au paiement d'une somme de 2.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
- La débouter de sa demande en condamnation solidaire de l'AGS CGEA IDF OUEST et de Me [E], mandataire liquidateur de la société Pégase, au paiement d'une somme de 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC. La débouter de sa demande en condamnation solidaire de l'AGS CGEA IDF OUEST et de Me [E], mandataire liquidateur de la société Pégase aux dépens.
Selon l'extrait BODACC produit au dossier par jugement rendu le 19 septembre 2019 la liquidation de la société Pégase a été clôturée pour insuffisance d'actifs, Me [E] de la SCP BTSG étant désigné mandataire ad'hoc.
Par des conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 février 2020, la SCP BTSG, prise en la personne de Me [E], ès qualité de mandataire ad'hoc de la société Pégase, intervenante volontaire, demande à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris du 4 avril 2019,
- Débouter Mme [B] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 août 2022, Mme [S] [B] demande à la cour de :
- La dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes,
- Déclarer l'AGS CGEA IDF OUEST mal fondée en son appel et en ses demandes et la débouter en conséquence, de toutes ses demandes fins et conclusions,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 4 avril 2019
En conséquence,
Fixer au passif de la société Pégase les sommes suivantes :
* 1.900 euros au titre du préavis,
* 190 euros au titre des congés y afférents ;
* 6.333 euros à titre de rappel de salaire du 1er juin 2017 au 11 septembre 2017 ;
* 633 euros à titre de congés payés y afférents ;
* 3.800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 11.400 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
* 96 euros pour cotisations mutuelle non souscrite par l'employeur,
* 175 euros au titre des frais de transport ;
* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche;
* 2.500 euros pour préjudice moral ;
Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement en date du 17 janvier 2018 ;
Au surplus,
- Condamner solidairement La BTSG pris en la personne de Me [E] et l'AGS CGEA IDF OUEST au paiement de :
* La somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
* La somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner solidairement Me [E] et l'AGS IDF OUEST aux entiers dépens d'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 août 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
La cour observe à titre préliminaire que compte-tenu de la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation de la société Pégase, cette dernière est désormais représentée par son mandataire ad'hoc, la SCP BTSG, prise en la personne de Me [E], intervenante volontaire dans la procédure.
Sur la recevabilité de la tierce opposition
Pour infirmation du jugement déféré qui a déclaré sa tierce opposition irrecevable, l'AGS expose qu'elle remplit les conditions légales pour former tierce opposition au jugement rendu par le CPH de Paris le 17 janvier 2018.
La salariée s'est bornée à conclure à la confirmation du jugement déféré.
La tierce opposition aux termes des dispositions de l'article 582 du code de procédure civile tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.
L'article 583 du même code prévoit qu '« est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque » et enfin l'article 585 précise que « tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n'en dispose autrement ».
Il est acquis aux débats que l'AGS n'était ni partie ni représentée au jugement du 17 janvier 2018 qu'elle attaque, puisque ce n'est que postérieurement que la société Pégase a été mise en liquidation judiciaire. L'AGS soutient que le mandataire liquidateur lui a signalé divers éléments laissant présager une collusion frauduleuse entre les présumés salariés et la société Pégase.
Il n'est pas douteux que si le jugement du 17 janvier 2018 était déclaré opposable à l 'AGS elle devrait faire l'avance de sommes auxquelles la société Pégase alors in bonis a été condamnée et qu'elle a intérêt par conséquent en qualité de tiers, à former tierce opposition puisqu'elle entend invoquer le caractère fictif du contrat de travail du salarié concerné.
Par infirmation du jugement déféré, il convient de déclarer la tierce opposition de l'AGS contre le jugement rendu le 17 janvier 2018 recevable en la forme et il revient par conséquent à la cour de statuer sur le fond de la tierce opposition.
Sur le fond
Sur le caractère fictif du contrat de travail
Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres directifs, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
En présence d'un contrat apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
La délivrance par une société d'un contrat de travail et de fiches de paye à un salarié crée l'apparence d'un contrat de travail.
Pour dénier la qualité de salarié à Mme [B], et au soutien de la preuve qui lui incombe l'AGS fait valoir que le contrat de travail dont il se prévaut a été signé par M. [Y], qui n'a jamais été dirigeant de la société Pégase et qui ne pouvait engager la société, qu'en outre, la salariée prétend avoir travaillé sous un lien de subordination de MM [X] et [Y], personnes inconnues au sein de la société Pégase dont la dirigeante était Mme [V], que la salariée ne rapporte pas non plus la preuve d'avoir effectué la moindre prestation pour la société Pégase. Elle relève comme troublant, le fait que 13 salariés aient été engagés entre le 2 février 2017 et le 13 mai 2017, lesquels ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail entre septembre et octobre 2017 puis ont assigné la société en liquidation judiciaire et dont les créances salariales constituent le seul passif de la société. Elle souligne en outre la carence du dirigeant, l'impossibilité d'avoir accès aux documents comptables et financiers afférents à l'activité de l'entreprise et l'absence de preuve d'une quelconque activité.
Mme [B] estime que les pièces versées aux débats, comme son contrat de travail,la déclaration préalable à l'embauche (pièce1), les fiches de paye de mars à mai 2017 (pièce 4) démontrent sa qualité de salarié.
La cour retient que l'AGS se borne à produire aux débats le jugement de liquidation judiciaire de la société Pégase et son extrait Kbis. Il n'en résulte pas la preuve que MM [X] ou [Y] n'étaient pas salariés de la société alors même qu'il ressort du dossier et du contrat de travail signé par le second, que la salariée était soumise aux directives du premier et qu'ils se présentaient comme les dirigeants de la société Pégase (convention de mise à disposition pièce 40, salariée et le relevé de situation d'assurance Allianz au nom de M. [Y] (pièce 42).En l'état, elle ne rapporte la preuve de ni de l'absence de lien de subordination ni de l'absence d'activité de la part de la salariée.
En l'état la seule concomitance des dates d'embauche ne permet pas d'établir la preuve ou même la suspicion de fraude ou de collusion de la part des salariés.
Il en découle que, par confirmation du jugement du 17 janvier 2018, la preuve du caractère fictif du contrat de travail de Mme [B] n'est pas rapportée.
Sur la prise d'acte du contrat de travail et ses conséquences financières
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
Au soutien de sa prise d'acte, Mme [B] fait valoir qu'elle a exercé ses fonctions à compter du 6 mars 2017 et qu'elle a cessé d'être rémunérée à compter du mois de juin 2017 malgré des relances adressées à la société.
Il est constant que le non paiement des salaires dus est un manquement d'une gravité telle qu'il est de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et à justifier la prise d'acte aux torts de l'employeur, laquelle produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au constat qu'il n'est pas rapporté la preuve du paiement des salaires de Mme [B] à compter du mois de juin 2017, c'est à bon droit que les premiers juges, aux termes de la décision rendue le 17 janvier 2018, lui ont alloué une somme de 6.333 euros de rappels de salaire pour la période du 1er juin au 11 septembre 2017 mai 2017 majorée de 633 euros de congés payés (sauf à préciser que cette somme doit être fixée au passif de la société) et ont fait droit à la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle ouvre droit aux indemnités de rupture.
La salariée est ainsi en droit de prétendre, par confirmation du jugement, à l'indemnité compensatrice de préavis conventionnelle d'un mois de salaire (article 13, convention collective des transports routiers et activités auxiliaires des transports) soit la somme de 1.900 euros majorée des congés payés à raison de 190 euros qui sera fixée au passif de la liquidation.
A la date de la rupture, Mme [B] âgée de 37 ans avait moins de deux ans d'ancienneté (7 mois) dans une entreprise occupant habituellement plus de onze salariés. elle a droit à la réparation de son préjudice sur le fondement de l'article L1235-5 applicable au moment de la rupture du contrat de travail qui dispose que le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Il n'est apporté aucune information sur sa situation professionnelle après la rupture. Dès lors et au vu des salaires dus, il convient, par réformation partielle du jugement rendu le 17 janvier 2018 de lui allouer la somme de 1.800 euros d'indemnité en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme étant fixée au passif de la liquidation de la société Pégase.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Pour infirmation de la décision rendue le 17 janvier 2018, l'AGS rappelle que le salarié qui réclame une indemnité pour travail dissimulé doit rapporter la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation.
Mme [B] réplique pour confirmation de la décision, que la dissimulation d'emploi est caractérisée dès lors que l'employeur n'a plus remis de bulletins de paye à partir du mois de juin 2017 et n'a pas déclaré son embauche à la caisse de retraite.
Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, applicable à la cause, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour l'employeur notamment de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent ou aux déclarations relatives aux salaires ou au cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
La société Pégase représentée par son mandataire ad'hoc ne justifie pas avoir remis les fiche de paye sur la période contractuelle évoquée plus avant et il ressort du relevé de carrière de l'intéressé produit par ce dernier que la société n'a pas procédé aux formalités notamment auprès de la caisse de retraite.
Ces carences de la société caractérisent le travail dissimulé et c'est à juste titre que le jugement entrepris a alloué à la salariée une indemnité de 11.400 euros, il sera confirmé sauf à préciser que cette somme sera fixée au passif de la liquidation de la société Pégase.
Sur la demande d'indemnité en raison de l'absence de visite médicale obligatoire
L'AGS pour infirmation du jugement sur ce point expose que la salariée n'a justifié ni de l'existence ni de l'étendue du préjudice invoqué du fait de l'absence de visite médicale.
La salariée pour confirmation, réplique que la société Pégase n'a pas respecté ses obligations en matière de santé.
Au constat que la salariée ne justifie d'aucun préjudice, notamment de santé, résultant de l'absence de visite médicale d'embauche au regard d'une relation de travail au demeurant particulièrement brève, la cour par infirmation du jugement entrepris déboute Mme [B] de sa demande d'indemnité de ce chef.
Sur la demande de participation aux frais de transport pour la période de juin à septembre 2017
L'AGS conclut à la réformation du jugement qui a accordé à Mme [B] la somme de 175 euros à titre de participation contractuelle de l'employeur aux frais de transport pour la période allant de juin à septembre 2017, sans invoquer aucun moyen dans la discussion, tandis quela salariée demande la confirmation en invoquant l'engagement de l'employeur pour cette prise en charge aux termes du contrat de travail.
Au constat toutefois que Mme [B] ne justifie pas des frais professionnels dont elle réclame la prise en charge, elle est déboutée de cette demande et le jugement du 17 janvier 2018 est infirmé sur ce point.
Sur la demande de remboursement des cotisations au titre de la mutuelle non souscrite par l'employeur
L'AGS conclut à la réformation du jugement qui a accordé à Mme [B] la somme de 96 euros de retenue par l'employeur sur ses fiches de paye au titre de la cotisation mutuelle non souscrite, sans invoquer aucun moyen dans la discussion, tandis que la salariée demande la confirmation en faisant valoir que la société Pégase n'a jamais souscrit de mutuelle pour son compte.
Au constat qu'il ressort des fiches de paye produites au dossier que des cotisations « mutuelle » ont bien été prélevées sans qu'il soit justifié d'une souscription à ce titre, le jugement du 17 janvier2018 est confirmé sur ce point, sauf à préciser que cette somme sera fixée au passif de la liquidation de la société Pégase.
Sur la demande d'indemnité pour préjudice moral et résistance abusive de la société Pégase
L'AGS, pour infirmation du jugement entrepris sur ce point, fait valoir que la salariée expose avoir été trompée par MM [Y] et [X] dont les liens avec la société Pégase ne sont pas établis et que surtout elle n'explicite pas son préjudice.
La salariée réplique que la société Pégase a abusé de sa confiance alors qu'elle a fait preuve de professionnalisme malgré l'absence de rémunération. Elle indique que la situation lui a causé des difficultés financières, maintenant avoir découvert postérieurement que MM. [Y] et [X] étaient défavorablement connus de la justice pour avoir été condamnés pour escroquerie.
S'il est constant que la société Pégase a manqué à ses obligations, la cour retient par infirmation du jugement rendu le 17 janvier 2018, que Mme [B] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par le rappel de salaire et par l'indemnité pour travail dissimulé. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande d'indemnité pour résistance abusive de Me [E] pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Pégase et de l'AGS
Pour contester la demande de réparation du salarié, l'AGS réplique qu'il appartenait au mandataire liquidateur et à l'AGS de vérifier les créances salariales et de s'y opposer si besoin est, en laissant les instances judiciaires le soin de trancher.
Pour justifier sa demande, la salariée rappelle que le mandataire liquidateur l'a longtemps laissée sans nouvelles et en plein désarroi alors qu'elle était sans emploi et a tardé à exécuter le jugement rendu.
Au constat, qu'il incombe aux organes de la procédure un rôle de vérification des créances et d'alerte en cas de doute mais aussi au salarié de faire valoir ses droits, la cour retient qu'aucune résistance abusive n'est établie en l'espèce, ni le mandataire judiciaire ni l'AGS n'ayant outre-passé leurs missions en l'espèce, même si la suspicion de fraude n'a finalement pas été retenue.
Le jugement est infirmé sur ce point.
Sur les autres dispositions
Le présent arrêt est déclaré opposable à l'AGS dont la garantie s'exercera dans le cadre des limites légales et réglementaires en l'absence de fonds disponibles.
La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société. de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective le 31 janvier 2018 a arrêtéle cours des intérêts.
Les dépens d'instance et d'appel sont fixés au passif de la liquidation de la SARL Pégase, partie perdante.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement rendu le 4 avril 2019 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
DECLARE la tierce opposition de l'UNEDIC délégation AGS CGEA Ile de France Ouest contre le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 17 janvier 2018 recevable en la forme.
DEBOUTE Mme [S] [B] de sa demande d'indemnité pour procédure abusive contre l'AGS et Me [E] ès qualités de mandataire liquidateur.
Et y ajoutant :
Statuant sur la tierce opposition contre le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 17 janvier 2018 :
CONFIRME ledit jugement en ce qu'il a requalifié la prise d'acte de Mme [S] [B] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à préciser que la SARL Pégase est désormais représentée par son mandataire ad'hoc la SCP BTSG prise en la personne de Me [E] et qu'il convient de fixer au passif de la liquidation de la société Pégase les créances de Mme [S] [B] aux sommes suivantes :
- 6.333 euros de rappels de salaire pour la période du 1er juin au 11 septembre 2017 mai 2017 majorée de 633 euros de congés payés,
- 1.900 euros majorée des congés payés à raison de 190 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
- 11.400 euros d'indemnité pour travail dissimulé,
- 96 euros de retenue par l'employeur sur ses fiches de paye au titre de la cotisation mutuelle non souscrite.
L'INFIRME quant au surplus ;
Et statuant à nouveau des chefs infirmés :
FIXE la créance de Mme [S] [B] au passif de la liquidation de la SARL Pégase à la somme de 1.800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
DEBOUTE Mme [S] [B] de ses demandes d'indemnité pour préjudice moral, pour absence de visite médicale d'embauche et de rappels de frais de transport.
DECLARE le présent arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA Ile de France Ouest dont la garantie s'exercera dans les limites légales et réglementaires en l'absence de fonds disponibles.
RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société. de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective le 31 janvier 2018 a arrêté le cours des intérêts.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE de toutes conclusions plus amples ou contraires.
DIT que les dépens d'instance et d'appel sont fixés au passif de la liquidation de la SARL Pégase.
La greffière, La présidente.