REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 28 NOVEMBRE 2022
(n° 521, 5 pages)
N° du répertoire général : N° RG 22/00524 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVBC
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Novembre 2022 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 22/03815
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 24 Novembre 2022
Décision contradictoire
COMPOSITION
Agnès MARQUANT, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Mélanie THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANTE
Madame [B] [Z] [G] (Personne faisant l'objet des soins)
née le 09/03/1987 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 3]
Actuellement hospitalisée au GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences - Site [6]
comparante en personne, assistée de Me Ghizlen MEKARBECH, avocat commis d'office au barreau de Paris
INTIMÉ
M. LE PREFET DE POLICE
demeurant [Adresse 2]
non comparant, représenté par Me Charlotte PATRIGEON, du cabinet FP AVOCATS, avocat choisi au barreau de Bobigny
LIEU D'HOSPITALISATION
GHU [Localité 5] PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [6]
[Adresse 1]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Anne BOUCHET, avocate générale,
DÉCISION
Par arrêté du préfet de police de [Localité 5] en date du 26 septembre 2022, Mme [B] [Z] [G] a été admise en soins psychiatriques sans consentement. La mesure s'est poursuivie de fait sous forme d'hospitalisation complète à l'hôpital GHU [Localité 5] Psychiatrie et Neurosciences, site de [6] jusqu'au 31 octobre 2022, date à laquelle la patiente a été admise à suivre un programme de soins. Elle a fait l'objet d'une réintégration en hospitalisation complète au sein du même établissement, suivant un certificat médical du 08 novembre 2022 et l'arrêté préfectoral du 09 novembre 2022.
Par requête du 10 novembre 2022, M. le préfet de police de [Localité 5] a saisi le juge des libertés et de la détention de Paris aux fins de poursuite de la mesure.
Par ordonnance du 17 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Paris a rejeté les irrégularités soulevées et ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de la patiente.
Par courrier du 17 novembre 2022 enregistré au greffe de la cour le 19 novembre 2022, Mme [B] [Z] [G] a interjeté appel de la dite ordonnance qui lui a été notifiée sur le siège.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 24 novembre 2022.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Mme [B] [Z] [G] demande la levée de la mesure, faisant valoir qu'elle souhaite reprendre sa formation et retrouver son fils. Elle précise que la réintégration a été effectuée avant la date prévue de son injection le 10 novembre 2022.
Suivant conclusions transmises le 22 novembre 2022 à 23h57 reprises oralement, le conseil de Mme [B] [Z] [G] demande la levée de la mesure, soulevant les moyens suivants:
-l'irrégularité tirée du défaut de motivation de la décision de réadmission de la patiente en hospitalisation complète, faisant valoir que ni le certificat médical de réadmission ni la décision préfectorale ne précisent en quoi cette mesure aurait été motivée par des exigences liées à la sureté des personnes ou à l'ordre public.
-la rétroactivité de l'arrêté préfectoral portant réintégration,
-la tardiveté de la notification de l'arrêté préfectoral portant réintégration,
-sur le fond, la patiente souhaite bénéficier d'un suivi en ambulatoire et consent aux soins.
Par conclusions de son conseil transmises le 22 novembre 2022 à 13h48 reprises oralement, la préfecture de police de [Localité 5] sollicite la confirmation de l'ordonnance.
L'avocate générale a requis oralement le rejet des exceptions d'irrégularité et la confirmation de l'ordonnance, compte-tenu du dernier certificat médical de situation.
Mme [B] [Z] [G] a eu la parole en dernier.
MOTIFS
L'article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Selon l'article L.3211-12-1 du même Code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département ou par le directeur de l'établissement de soins, n'ait statué sur cette mesure, avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission.
En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
Sur le moyen tiré de l'irrégularité tirée du défaut de motivation de la décision de réadmission de la patiente en hospitalisation complète,
Mme [B] [Z] [G] fait plaider que ni le certificat médical de réadmission ni la décision préfectorale ne précisent en quoi cette mesure aurait été motivée par des exigences liées à la sureté des personnes ou à l'ordre public.
L'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique prévoit que lorsque les soins psychiatriques contraints prennent la forme d'un programme de soins établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil, ce programme ne peut être modifié, afin de tenir compte de l'évolution de l'état de santé du patient, que dans les mêmes conditions.
Il résulte des dispositions qui précèdent que si une personne ne peut être admise en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État qu'à la condition que soit constaté l'existence de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant une atteinte grave à l'ordre public, la motivation de la décision relative aux conditions d'admission n'est plus exigée en cas de réadmission en hospitalisation complète consécutive à l'échec d'un programme de soins. La décision de réadmission en hospitalisation complète ne peut être motivée que par la seule évolution de l'état de santé du patient tant que cet état continue à appeler des soins.
Si le juge doit rechercher tant dans la motivation de la décision du directeur que dans les certificats médicaux communiqués, la réunion des conditions légales nécessaires à justifier l'admission en soins psychiatriques sans consentement, il ne lui appartient pas de substituer son avis ou de dénaturer la teneur des éléments médicaux résultant des constatations personnelles des psychiatres ayant établis ces certificats.
L'arrêté préfectoral du 26 septembre 2022 ayant ordonné l'admission en hospitalisation complète se fonde sur les constatations médicales du Docteur [E] du même jour , lequel constate que la patiente s'est présentée au commissariat de police avec son fils et présente un état délirant à thématiques mystique et persécutive, avec un risque hétéro-agressif impliquant son enfant , un déni des troubles, dans un contexte de rupture de soins. Le préfet relève que les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
L'arrêté préfectoral du 09 novembre 2022 de réintégration dans l'établissement se fonde sur les constatations médicales du Docteur [I] [V] du 08 novembre 2022 laquelle constate qu'à cette date, la patiente a été réadressée au SAU de l'HEGP après une intervention de la police suite à des troubles du comportement au domicile. Elle était absente au premier rendez-vous au CMP. Il a été constaté une recrudescence des propos délirants à tonalité mégalomaniaque et mystique ainsi qu'un déni des troubles .
Ainsi, l'arrêté préfectoral ne souffre d'aucun défaut de motivation.
Sur la rétroactivité de l'arrêté préfectoral portant réintégration,
Mme [B] [Z] [G] fait plaider que la décision d'admission du directeur d'établissement est irrégulière en ce qu'elle a été tardivement formalisée et que la rétroactivité de la décision porte nécessairement atteinte à ses droits.
La décision d'admission en soins psychiatriques qui revêt le caractère d'un acte administratif, est dépourvu d'effet rétroactif'sauf pour le temps nécessaire à la réunion des pièces utiles à son élaboration et à sa formalisation qui ne saurait excéder quelques heures.
En l'espèce, Mme [B] [Z] [G] a été prise en charge le 08 novembre 2022 alors que la décision préféctorale n'a été prise que le lendemain ce qui s'explique par le délai de réalisation et de transmission du certificat médical de réintégration du 08 novembre 2022 à la préfecture.
Sur la tardiveté de la notification de l'arrêté préfectoral portant réintégration,
La notification de la décision préféctorale de réadmission du 09 novembre 2022 effectuée dès le lendemain ne présente aucun caractère tardif, la patiente ayant refusé de signer l'acte.
Les exceptions d'irrégularité de la procédure doivent donc être rejetées.
Sur le maintien de la mesure,
Il résulte de l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure concernant Mme [B] [Z] [G] et en particulier du certificat médical de situation du 22 novembre 2022 du Docteur [V] que la patiente a cessé son traitement médicamenteux dès sa sortie d'hospitalisation et que son état clinique s'améliore depuis sa réadmission. Mais la conscience des troubles demeure très fragile avec une rationalisation importante des troubles du comportement ayant justifié sa réadmission. L'adhésion aux soins reste ambivalente. Le médecin préconise la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.
Ainsi, compte-tenu de l'évolution de l'état de santé de Mme [B] [Z] [G] qui n'a pas totalement conscience de ses troubles et de l'échec rapide du programme de soins mis en place le 31 octobre 2022, sa sortie de l'établissement présente un caractère prématuré. Ces éléments justifient la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte.
Il convient de rejeter les moyens et de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS,
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, après débats en audience publique, par décision contradictoire,
REJETONS les moyens d'irrégularité,
CONFIRMONS l'ordonnance querellée.
LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.
Ordonnance rendue le 28 NOVEMBRE 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 28 Novembre 2022 par fax à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
X avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris